Par Cécile Prudhomme
Chaque année, entre 8 millions et 10 millions d’exemplaires sont distribués en France par les postiers. Un marché que se disputent quatre éditeurs.
Ringard, le calendrier du facteur ? Chaque année, entre 8 millions et 10 millions d’exemplaires − tous fabriqués en France − sont encore distribués par les postiers au moment de la « tournée des étrennes ». Ils perpétuent une tradition française remontant à Louis XIV que l’Alsacien François-Charles Oberthür a standardisée, en 1853, sous la forme d’une couverture cartonnée avec pages intérieures informatives et déclinée dans tous les départements de France.
Les particuliers donnant en moyenne entre 8 et 10 euros en retour, ce marché peut être estimé à près de 100 millions d’euros. Un gâteau que se disputent quatre éditeurs français : Oberthur – plus connu pour ses articles de rentrée scolaire et numéro un avec près de 40 % du marché –, Oller, Lavigne et Cartier-Bresson.
« Un marché d’épicier »
« C’est une vraie bagarre, presque un jeu d’échecs. Il faut se placer dans la bonne case pour prendre des parts de marché », sourit Isabelle Dragonne, directrice marketing et commerciale d’Oberthur. Car, sur ce créneau, il n’est pas question d’appel d’offres, conclu pour plusieurs années avec La Poste. « C’est un marché d’épicier, déclare Christophe Rault, PDG d’Oberthur. Nous n’avons aucun accord avec La Poste, hormis celui nous permettant d’apposer leur logo pour prouver qu’il s’agit du calendrier officiel du facteur. »
« C’EST UNE VRAIE BAGARRE, PRESQUE UN JEU D’ÉCHECS. IL FAUT SE PLACER DANS LA BONNE CASE POUR PRENDRE DES PARTS DE MARCHÉ »
Chaque année, pour compenser l’absence d’un treizième mois de leur employeur, les facteurs prennent individuellement l’initiative de cette activité de fin d’année. « Avec l’augmentation de la fréquence de leurs tournées, certains posent même une semaine de vacances pour faire cela », rapporte M. Rault.
Dès mars, les facteurs commandent leurs modèles et leur quantité directement à ces quatre éditeurs à partir de leur catalogue ou d’une boutique en ligne. « Quelque 40 % des commandes nous arrivent désormais par Internet, précise M. Rault. On lance en production en trois fois, en juin, juillet et septembre. Dans l’immense majorité, les facteurs n’avancent pas l’argent. Ils paient en janvier après avoir reçu les étrennes », et certains règlent parfois en dix fois. La fidélité des 30 000 facteurs qui commandent chez Oberthur est même récompensée avec « des petits cadeaux », confie Mme Dragonne.
Cette année, le facteur qui a sonné à notre porte nous confie « commander aux quatre éditeurs, car les modèles sont différents ». « Mais c’est du boulot en plus pour pas grand-chose. Il faut aller chercher le stock et, dans Paris, les gens ne donnent pas beaucoup, c’est plutôt autour de 5 euros pour un calendrier que je paie entre 1,81 et 1,82 euro. »
« 10 000 références à gérer »
A fabriquer, le processus est loin d’être standardisé. Entre 250 et 300 photos sélectionnées parmi des dizaines de milliers à partir de photothèques du monde. Une sélection d’autant plus cruciale que, parmi 90 couvertures différentes, « les facteurs choisissent leurs modèles en une fraction de seconde », poursuit-elle. Dans le Top 10, toujours des chatons, des chiots, des paysages…
Pour les éditeurs, il faut également rassembler diverses informations. « Des astuces, des recettes, des anecdotes amusantes, les saints, les lunes, les marées pour les départements côtiers et des plans de villes dans les départements », ajoute Mme Dragonne. Des dates de vacances scolaires aussi, fournies par le ministère de l’éducation pour trois ans, qui arrivent parfois trop tard, juste après le lancement en production. « C’est 10 000 références à gérer, en comptant les différentes qualités d’almanach, et plein de petites quantités à livrer à chaque facteur dans les 100 départements », ajoute M. Rault.