Mis en cause sur son projet social, Fillon se relance sur la sécurité
Empêtré dans des polémiques sur la Sécurité sociale et la fonction publique, le candidat de la droite réoriente sa campagne sur les sujets régaliens
Comment relancer sa campagne ? Comment mettre un terme aux attaques sur son projet de " rupture radical ", jugé trop brutal ? François Fillon pense avoir trouvé la parade. Pour ne plus se retrouver sur la défensive sur le terrain économique et social, le candidat de la droite à la présidentielle a décidé de passer à l'offensive sur les sujets régaliens. Il effectuera un déplacement de deux jours dans les Alpes-Maritimes, mercredi 11 et jeudi 12 janvier, axé sur les thèmes de l'immigration, de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme.
La date est symbolique, six mois après l'attentat sur la promenade des Anglais et deux ans, jour pour jour, après la grande marche organisée à Paris suite à l'attaque contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, en 2015. Au menu : une visite prévue à Menton (Alpes-Maritimes), où des réfugiés tentent régulièrement de franchir la frontière franco-italienne, et une réunion publique à l'Acropolis de Nice, où son premier grand discours de l'année portera essentiellement sur l'immigration.
Avec cette initiative, M. Fillon espère reprendre la main face à ses adversaires qui le pilonnent sans cesse sur sa volonté de réformer la Sécurité sociale ou de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires. " Il ne faut pas se laisser enfermer sur un ou deux sujets qui partent en vrille, mais couvrir un champ plus large ", a-t-il déclaré le 3 janvier, lors d'une réunion avec son comité stratégique, qui réunit une dizaine de personnalités, dont Bruno Le Maire, Christian Jacob, François Baroin et Gérard Larcher.
Quotas d'immigration
Ce jour-là, l'ex-premier ministre a approuvé les avis de certains de ses lieutenants – Bruno Retailleau, Eric Ciotti ou Valérie Pécresse – qui lui ont conseillé de se montrer plus présent sur les sujets régaliens. " Il a compris que le seul moyen de sortir des polémiques autour de son projet économique était de changer de terrain ", résume un participant. " Il veut imposer son tempo et ses thèmes de campagne, plutôt que de répondre aux sujets imposés par ses adversaires ", explique sa porte-parole, Florence Portelli, convaincue que cette offensive va permettre à son candidat " de conforter sa stature de chef d'Etat ".
Mercredi, le nouvel homme fort de la droite entend porter un discours de fermeté. Parmi ses propositions phares devrait figurer son idée de faire voter chaque année par le Parlement des quotas d'immigration. " Il va fixer un plafond du nombre d'étrangers que notre pays peut accueillir ", explique un filloniste, qui a participé à la rédaction de son discours. Les soutiens du candidat jugent nécessaire de formuler des mesures musclées pour marquer le contraste avec ses adversaires.
" François Fillon doit incarner la restauration de l'autorité républicaine face à la montée du terrorisme, du communautarisme et face à la crise migratoire. C'est un des enjeux majeurs de la présidentielle car c'est sur ce terrain qu'il peut faire la différence en termes de crédibilité face à la gauche et au Front national ", estime le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, qui a soumis au candidat un texte de loi complet avec 31 articles sur l'asile, les frontières, la nationalité… " Au moins, on ne lui reprochera pas d'aller trop loin sur ces sujets… ", sourit un proche de M. Fillon, en référence aux critiques sur son projet économique.
Son camp tente ainsi d'appuyer sur le thème qui lui avait réussi pendant la primaire. Fin septembre, alors que le député de Paris était très loin dans les sondages, il était parvenu à remonter la pente en grande partie grâce à la sortie de son livre Vaincre le totalitarisme islamique (Albin Michel), dans lequel il avait affiché sa fermeté en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme.
Trois mois plus tard, il a décidé de récidiver. Un choix stratégique, qui vise à déplacer le débat autour de thématiques plus consensuelles à droite. " La radicalité de Fillon sur la sécurité et l'immigration plaît à nos élus et à nos électeurs. Insister sur ces thèmes est donc le meilleur moyen de souder les troupes autour de lui ", explique l'un de ses lieutenants.
Plusieurs membres de son équipe jugeaient urgent de donner une nouvelle impulsion à une campagne en perte de vitesse. Depuis son triomphe à la primaire, fin novembre 2016, l'ex-premier ministre a connu un fort recul dans les sondages. Et les polémiques sur son projet économique se sont multipliées : après le pataquès sur la Sécurité sociale, son plan de suppression de 500 000 postes de fonctionnaires a cristallisé les critiques.
Cacophonie
Vendredi, c'est sa mesure visant à instaurer les 39 heures dans la fonction publique, sans qu'elles soient forcément payées 39, qui a donné lieu à une cacophonie au sein de ses soutiens. Alors que le député Gérald Darmanin a assuré que les fonctionnaires " seront payés 39 heures ", son collègue Eric Wœrth, en charge du projet, l'a contredit quelques heures plus tard…
Changer de sujet devenait donc nécessaire pour M. Fillon. Son équipe espère que cette offensive sur le régalien aura un autre mérite : mettre en lumière – par contraste – la discrétion de son rival, Emmanuel Macron, sur les questions de sécurité, de défense ou de politique étrangère.
Le candidat de la droite estime que l'ex-ministre de l'économie, âgé de 39 ans, n'a pas la carrure suffisante pour présider le pays. " Les Français ne confieront pas leur destin à quelqu'un qui n'a aucune expérience ", a-t-il tranché le 16 novembre, sur RTL. Un point de vue partagé par un de ses soutiens. " Contrairement à Fillon, Macron n'apparaît pas comme le chef de guerre dont la France a besoin pour gagner la paix, estime le député Guillaume Larrivé. Or, cette dimension sera cruciale lors de la présidentielle. "
Alexandre Lemarié