La France était dans la rue, hier, et tous ces derniers jours. La France attaquée s’est retrouvée unie, rassemblée autour de la défense des libertés: liberté d’expression, liberté de conscience, droit de vivre dans la paix en assumant nos différences, notre diversité. Tout cela a été ressenti jusqu’au fin fond du pays. Ce sentiment d’union au plan national est réconfortant. Les Français ont fait preuve de sagesse, de lucidité, de convivialité : les manifestations n’ont donné lieu à aucun incident. Mais, en dehors des défilés, il y a eu des gestes inadmissibles : les tags visant à faire partir les étrangers, ou bien la destruction matérielle dans certaines mosquées ou églises orthodoxes. La manifestation de dimanche montre au monde que la France ce n’est pas cela. L’onde de choc, produite par les attentats de la semaine dernière, s’est propagée bien au-delà de notre pays. Hier, la protestation à Paris et dans de très nombreuses villes était celle de toute l’Union européenne. Elle manifeste ainsi qu’elle veut garder vivantes ces valeurs de liberté et de fraternité et les faire rayonner sur le monde. Mais, au-delà de l’Europe, de nombreux pays se sont sentis concernés, bien sûr grâce à leur amitié pour la France, mais aussi pour d’autres raisons qui ne sont ni sentimentales ni politiques, mais d’ordre éthique. Comment, en effet, expliquer la présence simultanée de vieux ennemis politiques qui ont marché ensemble sur le boulevard Voltaire, comme par exemple le Palestinien Mahmoud Abbas et l’Israélien Netanyahou, ainsi que d’autres tout aussi opposés entre eux. Ce sont des raisons éthiques qui les ont réunis : volonté de faire vivre ensemble leurs nations, sans guerre ni terrorisme, volonté de promouvoir les libertés dans le monde. L’expression politique de ces volontés diffère, mais l’attachement à les sauvegarder transcende et unit. Jamais, on n’avait vu autant de chefs d’État se donner la main et se serrer les coudes.
La convivialité
Maintenant, il nous faudrait aller un peu plus loin, réfléchir à nos diversités nationales ou internationales pour les mettre davantage en convergence, pour aller au-delà de nos pratiques habituelles, pour imaginer ce que pourrait être une nouvelle organisation, pour poser des jalons vers une autre civilisation que celle de la priorité donnée à la performance technico-économique.« Il est urgent d’organiser la grande transition sociétale vers une civilisation de convivialité (1). » (1) Vers une civilisation de convivialité , Marc Humbert, édition Goater.