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Jours tranquilles à Paris
affaire benalla
1 février 2019

Affaire Benalla : en juillet, l’ex-chargé de mission se prévalait du soutien de Macron

Par Simon Piel - Le Monde

Selon « Mediapart », qui révèle plusieurs enregistrements, il a violé son contrôle judiciaire en rencontrant Vincent Crase, également mis en examen.

Plus les révélations médiatiques se succèdent, plus les raisons qui ont poussé Emmanuel Macron à protéger son ancien collaborateur Alexandre Benalla après son licenciement de l’Elysée intriguent.

Le président ignorait-il que l’ancien chargé de mission, fort de ses anciennes fonctions, mais toujours titulaires de passeports diplomatiques, fréquentait de nombreux intermédiaires actifs en Afrique pour développer ses propres affaires ? M. Macron savait-il que son ancien garde du corps se revendiquait ici et là du soutien de la présidence de la République pour avancer sur des sujets relativement éloignés de l’intérêt général ?

Plus grave encore, avait-il été informé qu’Alexandre Benalla et son ami Vincent Crase avaient noué des relations d’affaires – notamment avec un oligarque russe, soupçonné d’entretenir des liens avec le crime organisé – alors même qu’ils étaient encore en poste, comme l’a révélé, jeudi 31 janvier, le site Mediapart ?

Plus les révélations médiatiques se succèdent, plus il est permis de penser que le chef de l’Etat et une partie de l’équipe qui l’entoure actuellement a l’Elysée ont contribué à entretenir un lien avec M. Benalla après que celui-ci a été licencié et qu’il s’employait à profiter de son passage à la présidence pour développer ses activités privées.

Des affairistes à l’Elysée ?

Le site Mediapart a publié jeudi plusieurs enregistrements audio révélant notamment qu’Alexandre Benalla s’est intéressé de très près à un contrat noué par son ami Vincent Crase avec l’homme d’affaires russe Iskander Makhmudov, soupçonné d’être lié à la criminalité organisée. Le contrat prévoyait notamment la protection des biens immobiliers en France de l’oligarque, et de sa famille à Monaco.

Les révélations du Monde sur l’agissement du duo à l’occasion des manifestations du 1er-Mai – les deux hommes avaient alors procédé à des interpellations brutales de manifestants alors qu’ils étaient là sous le statut d’observateurs – ont mis en péril leurs affaires. La société Velours, qui avaient sous-traité le contrat à l’entreprise de Vincent Crase, baptisée Mars, dénonce le contrat.

« Là, il faut couper la branche, dit Alexandre Benalla à l’occasion d’une rencontre avec Vincent Crase le 26 juillet en violation de son contrôle judiciaire, selon les enregistrements de l’échange. Faut changer de portage, faut faire ce qu’on avait prévu de faire et transférer… (…) Faut que tu disparaisses de la boîte. (…) Donc faut qu’on trouve un mec… (…) Enfin j’ai une idée en tête, mais faut qu’on mette la boîte au nom d’un autre mec… Parce que sinon (…) ils vont faire des saisies conservatoires et ils vont mettre un stop à la boîte. » Y avait-il des affairistes à l’Elysée ?

Selon le site d’informations, Alexandre Benalla serait par ailleurs « personnellement impliqué dans ce contrat, y compris dans ses montages financiers ». Ce qui, si c’était confirmé, viendrait contredire les déclarations de l’intéressé devant la commission d’enquête sénatoriale. Il avait assuré que « jamais » il n’avait « contribué » à la « négociation » ou à la « conclusion » de ce contrat russe. S’il était établi qu’Alexandre Benalla avait menti devant la Haute Assemblée, il pourrait être poursuivi pour faux témoignage, une infraction passible de cinq années d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. « C’est une affaire très grave », a réagit le sénateur (PS) du Loiret Jean-Pierre Sueur après les révélations du Monde et de Mediapart.

Arrogance

Le sentiment d’impunité avec lequel M. Benalla a conduit ses affaires après son licenciement, tout comme l’arrogance avec laquelle il a répondu aux juges d’instruction chargés de l’enquête sur les brutalités qu’il a commises le 1er-Mai contre des manifestants à l’occasion des protestations contre la loi travail trouvent-ils leur explication dans la proximité qu’il a conservée avec le chef de l’Etat et ses plus proches collaborateurs ?

« Truc de dingue, le “patron”, hier soir il m’envoie un message, il me dit : “Tu vas les bouffer. T’es plus fort qu’eux, c’est pour ça que je t’avais auprès de moi” », expliquait M. Benalla à Vincent Crase le 26 juillet selon les enregistrements publiés par Mediapart.

L’Elysée a eu beau démentir le texto présidentiel, il est désormais établi, comme Le Monde l’a révélé, que plusieurs des collaborateurs d’Emmanuel Macron ont continué à voir Alexandre Benalla après son départ de l’Elysée. C’est le cas notamment d’Ismael Emelien, conseiller spécial, de Ludovic Chaker, rattaché à l’état-major particulier du président de la République, chargé des dossiers de renseignement et de lutte antiterroriste et de Paul Soler, officier des forces spéciales devenu lui aussi chargé de mission à l’état-major particulier.

Pour quelles raisons ? C’est l’une des nombreuses questions à laquelle l’Elysée se refuse encore aujourd’hui à répondre. Contactés, ni M. Benalla, ni son avocate Jacqueline Laffont n’ont donné suite aux sollicitations du Monde.

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22 janvier 2019

Devant les sénateurs, Alexandre Benalla élude les questions sur ses passeports

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Par Nicolas Chapuis - Le

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Monde

L’ancien chargé de mission de l’Elysée s’est réfugié derrière l’information judiciaire en cours, au nom de la séparation des pouvoirs.

Au cours d’échanges feutrés, à peine un haussement de voix du président Philippe Bas a signalé aux spectateurs que l’audition d’Alexandre Benalla devant la commission d’enquête du Sénat, lundi 21 janvier, venait d’atteindre un point de blocage. Sans retour. Devant les élus, l’ancien chargé de mission de l’Elysée a tenu sa ligne de défense, en refusant de s’exprimer sur l’attribution de ses passeports diplomatiques, lorsqu’il était encore en service, et sur l’usage qu’il en a fait.

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Pendant les quelque deux heures de son échange soutenu avec les élus, Alexandre Benalla a joué au chat et à la souris. Il a répondu quand il l’a souhaité. Et il s’est abrité à d’autres moments derrière sa mise en examen et l’information judiciaire en cours. Ainsi, malgré ses rappels des sanctions encourues, la commission a semblé bien désarmée pour faire appliquer à M. Benalla sa promesse initiale de dire « toute la vérité, rien que la vérité ». Restant sur une ligne de crête, ce dernier a argué de la séparation des pouvoirs pour opposer une fin de non-recevoir aux interrogations les plus gênantes, au grand dam de Philippe Bas, qui a pointé à plusieurs reprises la lecture sélective des règles institutionnelles de la part du jeune homme.

« Une connerie de ma part »

Ainsi M. Benalla a-t-il accepté de parler de ses passeports… mais simplement pour affirmer qu’ils n’étaient pas en sa possession lors de la précédente audition devant le Sénat en septembre 2018, conformément à ce qu’il avait affirmé à l’époque, bien qu’il ait voyagé avec au mois d’août. Un détail qui n’en est pas un : la seule chose qui pouvait lui être reprochée dans le cadre de cette commission était un éventuel parjure lors de sa précédente audition.

Pour expliquer cette incongruité, Alexandre Benalla a affirmé qu’il avait gardé ses passeports diplomatiques après son licenciement en juillet, qu’il aurait voyagé avec, avant de les restituer en août à une personne de l’Elysée. Selon lui, un membre de la présidence lui aurait ensuite rapporté ces passeports début octobre, en même temps que le reste de ses affaires personnelles. L’ancien conseiller a refusé de donner davantage de détails, sur l’identité de la personne qui lui a restitué ces documents, sur les conditions dans lesquelles il les avait obtenus en premier lieu – alors qu’il était suspendu de ses fonctions après ses agissements du 1er-Mai – ou sur leur utilisation.

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L’emploi de ces passeports diplomatiques, un document officiel qui permet de voyager plus facilement, est au centre des interrogations depuis la révélation par Mediapart du fait qu’Alexandre Benalla a utilisé le sien pour se rendre au Tchad en décembre, alors même qu’il a été licencié de l’Elysée en juillet.

« Ils m’ont été rendus début octobre, sans courrier les accompagnant ou mention expliquant qu’ils ne pouvaient plus être utilisés », a-t-il expliqué pour justifier les vingt-trois voyages qu’il aurait effectués avec depuis. « C’est une connerie de ma part de les avoir utilisés », a-t-il concédé, précisant au passage qu’il avait tenu informés certains membres de l’Elysée de ses déplacements. Jean-Yves Le Drian, le ministre des affaires étrangères, avait affirmé la semaine dernière ne pas avoir été mis au courant de son déplacement au Tchad, peu de temps avant Emmanuel Macron, mettant en cause l’ambassadeur français sur place qui n’aurait pas jugé utile de transmettre l’information.

Ambiguïté des termes

Interrogé sur les dysfonctionnements au sein de l’Elysée et sur les erreurs commises dans l’ensemble de l’appareil d’Etat, Alexandre Benalla a battu en brèche l’idée qu’il pourrait avoir des moyens de pression sur la présidence. « Je ne détiens aucun secret, je ne fais aucun chantage », a-t-il expliqué, alors que la nature de ses contacts avec Emmanuel Macron et ses proches demeure à ce jour encore floue. Jouant de l’ambiguïté des termes, l’ancien chargé de mission a d’ailleurs laissé entendre qu’il avait gardé des liens avec la présidence, à défaut de se rendre au « château », depuis juillet 2018. Un fonds de commerce pour celui qui tente de se construire une carrière de consultant à l’international, dans laquelle son influence réelle ou supposée joue un rôle majeur.

Si la passe d’armes sur la question des passeports a occupé la quasi-totalité de l’audition, les sénateurs ont commencé en questionnant M. Benalla sur d’éventuelles missions professionnelles dans le domaine de la sécurité ou de la défense, alors qu’il était encore en poste à l’Elysée. Si celui-ci a nié toute activité de ce type, il n’a pas caché qu’il avait continué à entretenir ses réseaux dans ce domaine depuis l’élection de M. Macron. Interrogé sur la nature de ses nouvelles activités et sur d’éventuels conflits d’intérêts, Alexandre Benalla a reconnu une « erreur » dans le fait de ne pas avoir saisi la commission de déontologie de la fonction publique. « Ce serait intéressant de savoir combien de personnes l’ont fait à leur départ de l’Elysée depuis plusieurs mandats », a-t-il noté, refusant de s’étendre sur ses activités, dans une de ces non-réponses qui auront marqué cette audition parcellaire.

Nicolas Chapuis

Vincent Crase s’explique sur ses liens avec un oligarque russe. Depuis le 1er mai 2018, leurs sorts sont intimement liés quand bien même ils n’ont plus aucun contact. Vincent Crase était auditionné à la suite d’Alexandre Benalla, lundi 21 janvier, par la commission d’enquête du Sénat. Les questions des élus portaient sur les liens de l’ex-réserviste de la gendarmerie avec l’oligarque russe Iskander Makhmudov, pour lequel il a effectué des missions de sécurité privée entre juin et août 2018. Les sénateurs voulaient savoir si des contacts avaient été noués lors de sa période d’emploi à la présidence et si M. Benalla, son ami, avait participé aux négociations. M. Crase a affirmé que les contacts remontaient à une période pré-élyséenne et qu’ils avaient ensuite été mis en suspens, avant d’être réactivés à son éviction de l’Elysée, le 4 mai, sans que M. Benalla soit impliqué. Une chronologie qui le dédouane vis-à-vis de la commission d’enquête. L’audition a vite tourné court, tant l’homme semble avoir joué, aux yeux des sénateurs, un rôle mineur par rapport à M. Benalla. Manifestement moins à l’aise que son comparse, M. Crase, qui a aussi été licencié de son poste à la sécurité du mouvement La République en marche, a affirmé son souhait de tourner la page et sa volonté de se mettre à l’écriture.

21 janvier 2019

Après l’affaire Benalla, les hommes de l’ombre de l’Elysée en pleine lumière

conseillers

Autour d’Emmanuel Macron gravitent des personnages aux parcours atypiques. Bien qu’absents de l’organigramme officiel, leurs rôles ont été mis en évidence par les révélations sur Alexandre Benalla.

En cette chaude soirée du 18 juillet 2018, les téléphones personnel et professionnel d’Alexandre Benalla vibrent et sonnent sans répit. Le Monde vient de révéler que cet adjoint au chef de cabinet du président de la République a molesté un couple de manifestants, le 1er mai à Paris. « Mon affaire va sortir », répète-t-il depuis le début de l’après-midi à ses collègues de l’Elysée. Etrangement, alors que le scandale éclate, il affiche une forme de flegme et ne change rien, du moins en apparence, à ses habitudes. Il passe la soirée avec un vieux copain, Vincent Crase, celui-là même qui l’accompagnait cet après-midi du mois de mai dans le Quartier latin pour « observer » les techniques de maintien de l’ordre.

Crase a rencontré Benalla dans la gendarmerie – ils étaient tous les deux réservistes dans l’Eure –, puis travaillé avec lui dans la sécurité privée avant de le suivre au service d’ordre de la campagne d’Emmanuel Macron. Cet été 2018, il est employé à la sécurité du siège de La République en marche et effectue parfois des missions à l’Elysée au sein de la Garde républicaine. En fin de soirée, le duo quitte l’hôtel du Collectionneur, un palace de la rue de Courcelles, dans le 8e arrondissement de Paris, et gagne le Damas Café, un bar à chicha de la rue du Colisée, à trois pâtés de maison du palais présidentiel. Benalla se rend presque chaque soir dans ce bar. Il a sa place, à gauche près de l’entrée.

C’est dans la tempête, paraît-il, qu’on reconnaît ses amis. Le jeune homme peut être rassuré. Dans la longue liste de ses interlocuteurs téléphoniques établie par les enquêteurs, on trouve, ce soir-là, des célébrités comme Christian Prouteau, le fondateur du GIGN et l’ex-patron des fameux « gendarmes de l’Elysée » du temps de François Mitterrand ; ou encore Thierry Légier, le garde du corps de Jean-Marie Le Pen puis de sa fille Marine. Mais ce sont d’autres échanges qui retiennent aujourd’hui l’attention : les appels - émis ou reçus- avec ses collègues de l’Elysée.

Ismaël Emelien, le « M. Crises »

Discret conseiller spécial du président, Ismaël Emelien, l’homme qui a théorisé le macronisme et imaginé la stratégie victorieuse de la présidentielle, est un des principaux interlocuteurs de Benalla durant cette nuit interminable. Au palais, M. Emelien se charge notamment de la veille des médias et de la riposte aux polémiques susceptibles de menacer le chef de l’Etat – ce qu’on appelle la « com de crise ». Or, ce 18 juillet, à en juger la salve de coups de téléphone échangés et le vent de panique qui s’installe, crise il y a.

L’examen de leurs « fadettes » (relevés téléphoniques) révèle aux enquêteurs qu’Ismaël Emelien envoie des textos à Benalla jusqu’à 2 h 28, puis à nouveau aux aurores, peu après 5 heures. Le « garde du corps » s’accorde ensuite quelques heures de repos, mais lorsqu’il rallume ses portables, le premier contact, à 8 h 28, est avec ce même Emelien. Dans la soirée, Alexandre Benalla a aussi beaucoup échangé avec un collègue dont le nom n’apparaît pas dans l’organigramme public du Palais, Ludovic Chaker. L’un de ces hommes de l’ombre que « l’affaire Benalla » plonge aujourd’hui bien malgré eux dans la lumière.

« Le boulot de Chaker au début, ça consistait surtout à trouver des tables et des chaises pour les réunions »

C’est Ismaël Emelien qui a entraîné Ludovic Chaker dans l’aventure macronienne. Le premier, 31 ans, est sorti de Sciences Po en 2010 quand le second, 39 ans, s’apprêtait à prendre la responsabilité des échanges et partenariats avec l’Asie, le Pacifique, l’Afrique et le Moyen-Orient de cette même école. Selon des relations communes, c’est au Caire, en Egypte, début 2007, que les deux hommes auraient appris à se connaître : profitant de l’année à l’étranger prévue dans le cursus de Sciences Po, le jeune Emelien a choisi d’apprendre l’arabe dans ce pays. Par la suite, « Isma » et « Ludo » ne se seraient plus perdus de vue.

Ludovic Chaker intègre lui aussi l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron. Début 2016, seuls de doux rêveurs l’imaginent président et le futur parti n’est encore qu’un embryon de formation politique. Emelien en devient le « directeur de la stratégie », Chaker le « directeur des opérations » et le premier salarié du parti. Les deux amis s’amusent de ces titres ronflants. « Le boulot de Chaker, au début, consistait surtout à trouver des tables et des chaises pour les réunions », nous résume en souriant un pionnier de l’aventure.

Lorsque les choses deviennent plus sérieuses, « Ludo » pense à « Alex », une connaissance rencontrée dans les milieux de la sécurité privée. En décembre 2016, Alexandre Benalla est officiellement embauché comme « directeur de la sécurité », patron du service d’ordre chargé de protéger le candidat et d’assurer la sécurité de ses meetings et déplacements. La nouvelle recrue fait à son tour venir des copains comme Vincent Crase, son supérieur dans l’Eure lorsqu’il effectue ses missions de réserviste pour la gendarmerie. L’aventure, la fatigue des meetings et l’ivresse de la campagne scellent leur camaraderie. Une fois Emmanuel Macron élu, Crase rejoint le siège du parti, les autres suivent « le chef » à l’Elysée.

Ismaël Emelien choisit le bureau qu’Emmanuel Macron occupait lorsqu’il était secrétaire général adjoint de l’Elysée sous François Hollande. Le voilà conseiller spécial (c’est-à-dire politique) du nouveau chef de l’Etat. C’est le plus proche du président parmi les « Mormons », comme se surnomme elle-même l’équipe de trentenaires et de quadras immortalisée par les caméras à son arrivée sur le perron de l’Elysée, le 14 mai 2017, pour la cérémonie d’investiture : Alexis Kohler, Sylvain Fort, Julien Denormandie, Richard Ferrand, Sibeth N’Diaye… Un vrai conte de fées.

Ce jour-là, le jeune Alexandre Benalla, 25 ans, n’est pas sur la photo. Le « M. Sécurité » de la campagne ignore encore l’intitulé exact de son nouveau poste. Il est nommé quelques jours plus tard « adjoint au chef du cabinet du président », un job d’intendance sur le papier, dont seul le scandale révélera finalement l’étendue. Dès les premiers soirs, selon des témoins, il teste déjà son pouvoir en corrigeant la liste des invités de la soirée organisée pour remercier les « petites mains » de la campagne. « Lui, pas elle… » : à la porte de l’Elysée, listing en main, il donne des consignes aux gendarmes un peu étonnés qu’il tente de refouler certains convives aux grilles du palais.

Un « ninja » agent secret

Ludovic Chaker n’apparaît pas non plus sur le tapis rouge et les images du perron. Pendant la campagne, il répondait volontiers aux questions des journalistes sur l’organisation des meetings et tweetait tout aussi volontiers les photos des visiteurs de renom qui défilaient devant son bureau du QG de campagne. Il semble disparaître après l’élection. En réalité, il a trouvé lui aussi un bureau au palais. Fin juillet, Le Monde révèle qu’il est chargé de mission auprès du chef d’état-major particulier du président de la République, structure aux contours un peu flous traditionnellement dirigée par un militaire. C’est une surprise de plus dans son CV, déjà difficile à reconstituer.

Ses racines aveyronnaises ne l’ont pas empêché de gagner le surnom de « ninja ». Il enseigne le yoga à ses heures perdues, a appris le chinois à Paris aux Langues O’et les arts martiaux auprès de Maître Liang, un Chinois installé en France. Il débute son parcours professionnel à l’âge de 28 ans, en 2007, avec un contrat au consulat général de France à Shanghaï, chargé de la coopération universitaire. « Il connaissait bien la Chine et occupait un de ces postes qui servent parfois de couverture », se souvient Franck Renaud, auteur du livre Les Diplomates, derrière la façade des ambassades de France (Nouveau monde, 2011), alors chargé de mission pour l’école de journalisme de Lille (ESJ) en Asie.

De retour en France, Chaker travaille pour Sciences-Po avant de devenir consultant à son compte. Il travaille aussi brièvement pour une société de marketing sportif créée par son oncle, Claude Atcher, un pilier des instances du rugby français, aujourd’hui chargé de l’organisation de la Coupe du monde de 2023 en France. Quand il rejoint En marche !, Ludovic Chaker habite un petit village de Haute-Savoie. Il franchit chaque jour la frontière suisse pour gagner à Genève les bureaux d’une petite école de commerce, qui l’a recruté pour qu’il déniche des partenariats et des étudiants en Asie.

Dans une équipe de campagne présidentielle, des expériences comme celles de « Ludo », dans le renseignement, ou d’« Alex », dans la sécurité privée, sont précieuses.

Le jeune homme n’a pas attendu En marche ! pour s’intéresser à la politique. En 2009, répondant à une annonce, il dirige pendant quelques années le cabinet du maire d’une ville moyenne d’Indre-et-Loire, Joué-lès-Tours. « Un homme brillant, impénétrable », se souvient un collègue, « qui baroudait au loin pendant les congés, ajoute un autre, en mission, disait-il ». Il prend sa carte au Parti socialiste, avant de tenter sa chance en indépendant aux législatives de 2012. Il se présente alors dans la plus grande circonscription des Français de l’étranger, celle couvrant l’ex-URSS, l’Asie et l’Océanie. Sa suppléante, Michèle Jullian, que le candidat avait contactée parce qu’elle tenait un blog en Thaïlande, en rit encore : « Un soir, à Paris, il m’a fait rencontrer des jeunes gens très Sciences Po qu’il présentait comme son équipe de campagne, et je ne l’ai plus jamais revu. » Chaker finit avec 1,99 % des voix et un an d’inéligibilité infligé par le Conseil constitutionnel pour des comptes de campagne non vérifiés par un expert-comptable agréé.

En fait, « Ludo » serait surtout agent secret, si secret qu’il ne s’en cache guère devant ses interlocuteurs. Selon le Journal Officiel, il a été promu en 2017 au grade de « commandant de réserve dans l’armée de terre ». Selon les « MacronLeaks », cette masse de courriels et de documents internes de la campagne mis en ligne par des hackers entre les deux tours de l’élection de 2017, c’est en qualité d’« ancien militaire, 44e régiment d’infanterie », qu’il participe d’ailleurs au groupe de réflexion chargé de conseiller le candidat sur les questions de défense. Les connaisseurs savent que ce régiment accueille les militaires travaillant pour la DGSE, le service de renseignement extérieur. Interrogé par le Monde, Chaker fait savoir par l’intermédiaire de son avocat qu’il ne souhaite ni confirmer ni démentir son rattachement à ce régiment. Dans une équipe de campagne dominée par les « technos » et les économistes, son expérience, comme celle d’« Alex », dans la sécurité privée, semblent de toute façon précieuses.

Les armes de Benalla

Les « Macron boys » raffolaient de The West Wing, une série sur les coulisses de la Maison Blanche. Grâce à ces recrues, les voici plongés en plein Bureau des légendes. Au siège de la campagne, rue de l’Abbé-Groult, dans le 15e arrondissement de Paris, « Alex » a décidé devant ses troupes qu’il avait seul le droit de faire la navette entre le quatrième étage, celui du service d’ordre, et le sixième, celui du « chef », là où « Isma » et « Ludo » ont installé leurs bureaux. Chaker soutient Benalla lorsqu’en début 2017, celui-ci réclame l’achat d’un Flash-Ball et d’équipements de maintien de l’ordre. « Assez hallucinant », s’agace le trésorier de la campagne, Cédric O., dans un des courriels révélés par les « MacronLeaks ». La demande est d’ailleurs refusée.

Des armes, des vraies, il y en déjà pas mal au quatrième étage : trois pistolets Glock stockés dans un coffre-fort. Quelques membres du service d’ordre disposent des autorisations nécessaires, mais uniquement pour assurer la sécurité à l’intérieur des locaux. Début 2017, Benalla demande à la Préfecture de police (PP) de Paris des autorisations de port d’arme valables aussi à l’extérieur, pour les déplacements d’Emmanuel Macron. Selon les documents consultés par Le Monde, Benalla réclamait ces permis pour lui-même et cinq membres de son service d’ordre, dont son ami Vincent Crase. Mais aussi, plus surprenant, pour un septième bénéficiaire, un autre ami : Ludovic Chaker. Au Monde, ce dernier affirme ne pas avoir été tenu au courant de cette demande, elle aussi rejetée au motif que le candidat disposait déjà d’une protection policière.

Qu’importe : une fois à l’Elysée, Alexandre Benalla obtient du ministère de l’intérieur l’autorisation de rester armé en toutes circonstances, en raison de sa proximité physique avec le président. C’est un de ces attributs du pouvoir dont il raffole, comme sa voiture de fonction, une Renault Talisman équipée d’un gyrophare bleu et d’un pare-soleil « police ». Fin juillet, lorsqu’il tente – sans ordre de mission – de récupérer la berline à la fourrière, les enquêteurs en profitent pour la fouiller. Rien de très intéressant pour eux. A l’arrière du véhicule traînent tout de même une enveloppe appartenant à Vincent Crase et, dans le vide-poches, trois cartes tricolores d’accès au palais d’Elysée, qui laissent penser que des conseillers font parfois voiture commune. L’une de ces cartes appartient à Benalla, l’autre à Ismaël Emelien, la troisième à un voisin de bureau de Ludovic Chaker : Paul Soler, lui aussi chargé de mission à l’état-major particulier du président de la République, un autre conseiller de l’ombre oublié de l’organigramme.

Paul Soler, « spécialiste » de la Libye

Ce militaire de carrière, qui compte une vingtaine d’années de service derrière lui, gravitait « dès 2016 » autour d’En marche !, raconte un pilier de la campagne présidentielle (sollicité par Le Monde M. Soler n’a pas voulu confirmer). Il se murmure qu’il a travaillé au COS, le Commandement des opérations spéciales (les forces spéciales françaises), et appartiendrait au 13e régiment de dragons parachutistes, « ceux qui s’infiltrent à l’arrière des lignes et sont capables de rester dix jours dans un trou en mangeant des rations de combat et en chiant dans des boîtes de conserve », s’émerveille un proche d’Emmanuel Macron. Soler n’est ni diplomate ni arabophone mais aurait passé quelques mois à Benghazi dans un bunker, en 2011, pour assister les rebelles affrontant les troupes de Kadhafi. En 2016, il s’est vu décerner la Légion d’honneur « avec citation ». En mai dernier, un décret du président de la République l’a promu « à titre exceptionnel » au grade de commandant.

Censé conseiller le président sur les questions liées au terrorisme djihadiste, Paul Soler s’est imposé à l’Elysée sur les dossiers diplomatiques les plus sensibles

La Macronie encourage ces parcours atypiques de « mecs out of the box », comme elle dit, loin des carrières tracées par les grands lycées. Jeudi 6 décembre, lors d’une réunion du cabinet élargi d’Emmanuel Macron, quelques jours avant l’intervention télévisée du président sur les « gilets jaunes », Chaker a d’ailleurs pris la parole. Au fil des mois, ces conseillers de l’ombre ont élargi leur domaine. Paul Soler a ainsi pris une place importante dans la maison Elysée. Censé conseiller le président sur les questions liées au terrorisme djihadiste – l’Irak, l’Afghanistan, le Yémen –, il s’est imposé sur les dossiers diplomatiques les plus sensibles. « Il a pesé dans les efforts déployés par l’Elysée pour obtenir de l’administration américaine que Trump retarde le départ des troupes en Syrie », assure un initié.

La Libye est devenue son domaine réservé. « Monsieur Paul », comme on l’appelle sur le terrain, a aidé à l’organisation en juillet 2017 de la conférence de La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), où la France avait réuni deux rivaux, le chef de gouvernement, Faïez Sarraj, et le maréchal Khalifa Haftar. Certains assurent même qu’il est responsable de la mutation prématurée à Malte de l’ambassadrice de France, Brigitte Curmi, jugée récalcitrante. Pour les uns, l’influence de Paul Soler tient au contexte : en période d’attentats et d’opérations extérieures, les militaires prennent souvent davantage de place dans la politique étrangère. Les « diplos » du « Quai », eux, s’agacent de la place croissante prise par cette atypique et mystérieuse figure de l’Elysée.

Qui est derrière le mystère du CD-ROM ?

Ces conseillers de l’ombre ont souvent du culot. Le 2 mai, Patrick Strzoda, directeur du cabinet d’Emmanuel Macron, annonce à Benalla sa suspension pour quinze jours à la suite de sa participation, brassard de police au bras, à des arrestations place de la Contrescarpe, à Paris. Par SMS, le directeur de cabinet lui envoie une ébauche de la lettre de mise à pied qu’il prévoit de lui adresser. Mais le chargé de mission intime au grand commis de l’Etat de revoir sa copie. « Je ne peux pas signer ce courrier. J’ai commis une faute et je veux protéger le président, mais je signe la réalité », écrit-il par texto. « Quelle formulation vous proposez ? », demande alors M. Strzoda, avant d’amender le courrier. Au fond, les « bad boys » de l’Elysée ne respectent que le président. Ils ont affublé Alexis Kohler, le secrétaire général du palais, du surnom peu flatteur d’« Excel », comme le logiciel de comptabilité.

Alexandre Benalla est encore attablé dans le bar à chicha de la rue du Colisée quand Jean-Yves Hunault, officier de liaison entre la Préfecture de police de Paris et l’Elysée, vient le trouver

Comprennent-ils, ces hommes de l’ombre, qu’avec le scandale provoqué par Benalla, plus rien ne sera comme avant ? Imaginent-ils, en ce début d’été, que des juges d’instruction viendront perquisitionner son bureau et ses tiroirs, que les pare-soleil de la Renault Talisman seront fouillés par les policiers, que leurs supérieurs devront s’expliquer, des semaines durant, devant des députés et sénateurs réunis en commissions d’enquête et des millions de Français ? Les « clés de bras » et autres « balayettes » d’Alexandre Benalla et de Vincent Crase place de la Contrescarpe les condamnent désormais à la lumière.

Cette nuit du 18 au 19 juillet, impossible encore d’imaginer l’ampleur que prendra l’« affaire ». Des fonctionnaires de la PP un peu trop zélés repèrent dans la vidéosurveillance du 1er mai des images susceptibles d’aider Benalla : on y voit le couple de jeunes manifestants, peu avant leur interpellation musclée, lancer des projectiles sur les forces de l’ordre. De quoi rééquilibrer le récit des faits et contrebalancer la vidéo à l’origine du scandale. Les images sont extraites des serveurs et gravées sur un CD-ROM. « Une grosse connerie », se lamente dès le lendemain un des policiers impliqués. C’était en effet parfaitement illégal.

Vers minuit, Benalla est encore attablé dans le bar à chicha de la rue du Colisée quand Jean-Yves Hunault, officier de liaison entre la PP et l’Elysée, vient lui apporter le CD-ROM. Tout au long de la soirée, le policier est aussi pendu au téléphone avec Ludovic Chaker. Un des épisodes les plus rocambolesques de l’affaire s’ouvre alors. Benalla assure ne pas avoir regardé le disque, être rentré chez lui à Issy-les-Moulineaux, et l’avoir remis le lendemain matin à 8 h 30 à Ismaël Emelien, à l’Elysée. Or, au beau milieu de la nuit, un compte Twitter anonyme soutenant En marche !, @FrenchPolitic, diffuse la vidéo figurant sur le CD. Soit Benalla est l’auteur de ce Tweet nocturne, soit il a confié le disque à quelqu’un avant d’aller se coucher. Le bar à chicha se trouve à 500 mètres de l’Elysée. Grâce au « bornage » des téléphones, les enquêteurs se contentent de noter qu’à ce moment de la nuit, un seul correspondant d’Alexandre Benalla se trouve dans les parages : Ismaël Emelien, le conseiller spécial du chef de l’Etat. C’est un mystère parmi d’autres.

Jusqu’à Noël, Alexandre Benalla n’avait pas coupé les ponts avec ses anciens camarades de l’Elysée : au Monde, Ludovic Chaker convient l’avoir revu ou lui avoir téléphoné. Une nouvelle énigme, plus récente, a mis de la distance entre Benalla et ses anciens collègues. L’ex-adjoint au chef de cabinet d’Emmanuel Macron a affirmé à Mediapart qu’il aurait récupéré en octobre « dans un sac en plastique » des affaires oubliées dans son bureau : « un chéquier, des clés », et même deux passeports. S’il ne ment pas, est-ce un de ses anciens camarades de bureau qui lui a remis ce sac ?

Ariane Chemin

François Krug

19 janvier 2019

Alexandre Benalla mis en examen pour usage abusif de ses passeports diplomatiques

Par Simon Piel

Pour les accusations de faux documents administratifs, il a été placé sous le statut de témoin assisté.

A l’issue de 24 heures de garde à vue, Alexandre Benalla a été mis en examen pour usage « sans droit » de ses passeports diplomatiques après son limogeage de l’Elysée cet été, a annoncé son avocate vendredi 18 janvier au soir, à la sortie de l’ex-collaborateur d’Emmanuel Macron du bureau parisien du juge d’instruction.

Selon Me Jacqueline Laffont, son client a été mis en examen pour « usage public et sans droit d’un document justificatif d’une qualité professionnelle ». Au sujet des accusations, plus lourdes, de faux formulées mercredi par le directeur de cabinet de l’Elysée devant la commission d’enquête du Sénat, M. Benalla a été placé sous le statut de témoin assisté, intermédiaire, entre le simple témoin et la mise en examen. Il a également été placé sous contrôle judiciaire avec obligation de pointer mensuellement.

Une enquête préliminaire avait été ouverte le 29 décembre après la transmission par le ministère des affaires étrangères d’un article 40 relatif aux soupçons sur l’utilisation indue qu’il avait faite de deux passeports diplomatiques après son licenciement de l’Elysée. L’article 40 du code de procédure pénale oblige les autorités à saisir la justice en cas de crime ou délit dont elles ont pu avoir connaissance.

« Dossier déjà très lourd »

Mercredi 16 janvier, devant la commission d’enquête sénatoriale, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait indiqué qu’il avait appris le déplacement de M. Benalla au Tchad les 5 et 6 décembre par un article paru dans Le Monde le 24 décembre. « J’ai considéré que l’article, extrêmement précis, extrêmement documenté, m’obligeait à agir », a-t-il dit pour justifier sa saisine du procureur de la République de Paris.

Alors que les autorités s’interrogeaient sur les nouvelles activités privées de M. Benalla, l’Elysée assurant qu’il n’était en aucun cas un émissaire de la présidence, Mediapart révélait fin décembre que celui-ci continuait à voyager avec ses passeports diplomatiques qu’il aurait dû restituer après son licenciement le 1er août. M. Benalla s’était notamment rendu au Cameroun, au Congo ou encore en Israël au côté de l'homme d’affaires Philippe Solomon.

Mercredi, devant les sénateurs, le directeur de cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, a précisé que, selon ses informations, M. Benalla avait utilisé « presque une vingtaine de fois ces passeports entre le 1er août et le 31 décembre. La première fois, du 1er au 7 août et les autres en octobre, novembre et décembre ».

Le 16 janvier, après la transmission d’un nouvel article 40, par Patrick Strzoda, portant cette fois sur des soupçons de faux réalisés par M. Benalla pour obtenir un passeport de service, l’enquête préliminaire a été élargie. D’après M. Strzoda, M. Benalla qui était encore en fonction à l’Elysée, aurait envoyé au ministère des affaires étrangères un courrier à en-tête du chef de cabinet de l’Elysée pour obtenir ce document. « Le chef de cabinet n’est pas l’auteur de cette note », a précisé M. Strzoda, lors de son audition devant la commission d’enquête sénatoriale, ajoutant : « C’est un document supplémentaire qui vient nourrir un dossier qui, à mon avis, est déjà très lourd. »

Selon le code pénal, le faux en écriture publique lorsqu’il est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission est un crime passible de quinze ans de réclusion criminelle et 225 000 euros d’amende.

Nouvelle audition de la commission d’enquête

Dans le cadre de l’enquête ouverte sur ses agissements lors des manifestations du 1er-Mai, il a été mis en examen pour de multiples chefs comme « violences en réunion », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique » ou « recel de violation du secret professionnel ».

La commission d’enquête sénatoriale, qui a repris ses travaux à la suite de différentes révélations de la presse, a invité M. Benalla à répondre de nouveau à ses questions lundi 21 janvier. Il devrait notamment être interrogé sur les déclarations qu’il avait faites lors de sa précédente audition le 19 septembre 2018 durant laquelle il avait assuré que ses passeports étaient restés dans son bureau à l’Elysée et qu’il ne les avait récupérés qu’ensuite par l’entremise d’une personne de la présidence qu’il n’avait pas nommée. Une affirmation démentie sans ambiguïté par M. Strzoda.

Un autre protagoniste du dossier, le gendarme réserviste Vincent Crase, ancien salarié de La République en marche, mis en examen dans le cadre de l’enquête sur les violences commises le 1er-Mai, est également convoqué par la commission. Cette fois, c’est sur un virement reçu dans le cadre d’une mission privée effectuée pour le compte d’un oligarque russe controversé, cela alors qu’il était toujours salarié de l’Elysée, que les sénateurs souhaitent obtenir des explications.

18 janvier 2019

Alexandre Benalla en garde à vue dans l’enquête sur ses passeports diplomatiques

L’enquête a par ailleurs été étendue aux infractions de « faux » et « usage de faux » après un signalement de la présidence de la République.

Alexandre Benalla a été placé en garde à vue, jeudi 17 janvier au matin, dans l’enquête sur l’utilisation de ses passeports diplomatiques après son licenciement de l’Elysée cet été, a fait savoir le parquet de Paris, confirmant une information du Parisien.

Cette enquête, ouverte le 29 décembre, notamment pour « abus de confiance », « usage sans droit d’un document justificatif d’une qualité professionnelle » et « exercice d’une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique », a par ailleurs été étendue mercredi 16 janvier aux infractions de « faux », « usage de faux » et « obtention indue d’un document administratif » après un signalement de la présidence de la République, a précisé le parquet.

L’ancien collaborateur du président Emmanuel Macron a déjà été à l’origine d’une tempête politique cet été, après avoir été identifié sur des vidéos en train d’interpeller violemment des manifestants à Paris le 1er mai 2018, alors qu’il était présent aux côtés des forces de l’ordre en qualité d’« observateur ». Pour ces faits, il a été mis en examen à deux reprises.

Soupçons de falsification

L’affaire Benalla avait rebondi en décembre, après les révélations de Mediapart et du Monde selon lesquelles l’ancien collaborateur de l’Elysée disposait toujours de passeports diplomatiques malgré son licenciement et qu’il effectuait des voyages d’affaires auprès de dirigeants africains. Ces informations ont conduit à l’ouverture d’une nouvelle enquête préliminaire fin décembre, et à la reprise des travaux de la commission du Sénat enquêtant sur cette affaire depuis juillet.

Mercredi, devant cette commission, le directeur du cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, a affirmé qu’après son licenciement de l’Elysée M. Benalla avait utilisé une vingtaine de fois des passeports diplomatiques, entre le 1er août et le 31 décembre 2018.

M. Strzoda a également fait savoir que M. Benalla avait été en possession de deux passeports de service, le premier délivré en 2016, « bien avant » son arrivée à l’Elysée, le deuxième le 28 juin 2018. Tous deux ont été invalidés le 31 juillet 2018.

Le directeur du cabinet de M. Macron a ajouté que la demande du second passeport de service avait été faite par Alexandre Benalla au ministère de l’intérieur par une lettre à en-tête du chef de cabinet de l’Elysée, mais « dactylographiée » et non signée. En clair, « nous soupçonnons une falsification faite par M. Benalla », a affirmé M. Strzoda, avant de préciser que la justice avait été saisie.

Ces déclarations contredisent l’affirmation, faite par Alexandre Benalla lors de sa propre audition sous serment le 19 septembre, selon laquelle il avait laissé dans son bureau de l’Elysée les passeports diplomatiques après son limogeage. L’ancien chargé de mission doit être entendu à nouveau par la commission d’enquête du Sénat lundi 21 janvier.

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16 janvier 2019

Affaire Benalla

Le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron soupçonne Alexandre Benalla d'avoir falsifié un document pour obtenir un passeport de service

CE QU'IL FAUT SAVOIR

L'affaire Benalla est de retour au Sénat. Mercredi 16 janvier, la commission d'enquête sénatoriale entend de nouveau Patrick Strzoda, directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, et Christophe Castaner, ainsi que pour la première fois Jean-Yves Le Drian, après de nouvelles révélations sur l'utilisation par Alexandre Benalla de passeports diplomatiques.

 Des passeports diplomatiques utilisés "une vingtaine de fois". Alexandre Benalla a utilisé "presque une vingtaine de fois" ses passeports diplomatiques  entre le 1er août 2018 et le 31 décembre 2018, a indiqué Patrick Strzoda, directeur de cabinet de la présidence de la République, devant la commission sénatoriale.

benalla

 Benalla aurait obtenu un passeport de service "grâce à un faux". Toujours selon Patrick Strzoda, l'ancien chargé de mission de l'Élysée a obtenu un passeport de service qu'il avait sollicité par "une note dactylographiée à en-tête du chef de cabinet" de l'Elysée non signée. Le directeur de cabinet du président de la République a affirmé qu'il "soupçonnait une falsification" et que la justice avait été saisie.

 Première audition pour Jean-Yves Le Drian. Patrick Strzoda, directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, et Christophe Castaner, alors délégué général du parti présidentiel LREM, ont déjà été auditionnés ar la commission en juillet. Ce dernier  sera cette fois entendu en sa qualité de ministre de l'Intérieur. Pour le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, il s'agit en revanche de sa première audition.

 L'affaire des passeports au centre des interrogations. Alors qu'on pensait le point d'orgue atteint avec l'audition polémique d'Alexandre Benalla le 19 septembre, l'affaire a rebondi fin décembre avec la révélation de l'utilisation par l'ex-chargé de mission de l'Elysée de deux passeports diplomatiques, après son licenciement en juillet. Pour le président de la commission sénatoriale Philippe Bas (LR) et ses rapporteurs Jean-Pierre Sueur (PS) et Muriel Jourda (LR), il s'agit d'aller jusqu'au bout du travail, avec l'objectif de déterminer s'il y a eu des dysfonctionnements dans les rouages de l'Etat.

 D'autres auditions prévues lundi. Sont également programmées pour lundi de nouvelles auditions d'Alexandre Benalla, l'ex-chargé de mission de l'Elysée, et de son acolyte Vincent Crase, ex-employé de LREM et chef d'escadron dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie.

 L'affaire se poursuit sur le terrain judiciaire. Outre l'enquête ouverte cet été sur les violences du 1er mai, le parquet a ouvert le 29 décembre une seconde enquête, cette fois sur les passeports diplomatiques, pour "abus de confiance", et "usage sans droit d'un document justificatif d'une qualité professionnelle". Patrick Strzoda a été interrogé la semaine dernière par la police judiciaire dans le cadre de cette nouvelle enquête.

manu benalla

7 janvier 2019

Info «Libé» : les amitiés louches de Benalla

Djouhri, Miclet, Hababou Solomon… Depuis l’été, l’ancien collaborateur du Président multiplie les relations avec des intermédiaires controversés. «Libération» révèle ses liens avec Mohamad Izzat Khatab, un homme d’affaires syrien impliqué dans des escroqueries.

C’est la soirée où tout bascule pour Alexandre Benalla. Ce 18 juillet, le journal le Monde vient de révéler l’implication de celui qui est encore l’un des proches collaborateurs d’Emmanuel Macron dans des violences contre des manifestants le 1er mai. Aussitôt publié, l’article provoque une déflagration. Et le téléphone d’Alexandre Benalla commence à crépiter. Installé dans l’enceinte du luxueux hôtel du Collectionneur, puis dans un bar à chicha du VIIIe arrondissement, le jeune homme de 26 ans tente d’anticiper la tempête qui s’apprête à déferler.

La fadette de son téléphone listant les personnes contactées lors de cette folle nuit, versée à la procédure judiciaire, laisse deviner un réseau déjà bien étoffé, hérité notamment de ses années dans la sécurité privée. On y retrouve par exemple Christian Prouteau, fondateur du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), puis de la cellule antiterroriste de l’Elysée sous François Mitterrand. Ou encore le garde du corps historique de Johnny Hallyday, Jimmy Reffas. Un réseau de commissaires de police va en outre s’activer du côté de la préfecture de Paris pour fournir à Alexandre Benalla des images qui lui permettraient de se défendre. Enfin, plusieurs numéros de téléphone de la présidence de la République sont contactés, certains chiffrés, d’autres non.

Une fois exfiltré de l’Elysée, Alexandre Benalla n’aura pas perdu beaucoup de temps pour élargir et faire fructifier un réseau aussi tentaculaire que sulfureux. Chaque semaine qui passe le jette dans les bras d’intermédiaires, notamment connus de la Françafrique et du Moyen-Orient, plus douteux les uns que les autres. En reconstituant le parcours d’Alexandre Benalla depuis l’été, Libération révèle, notamment, l’existence d’un nouveau personnage trouble : le Syrien Mohamad Izzat Khatab, sur qui Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, a ouvert une enquête en 2018.

Août 2018 : l’escapade marocaine chez Vincent Miclet

En pleine folie médiatique, Benalla commence par s’accorder quelques jours de répit chez Vincent Miclet, comme l’a raconté le Monde. Très en cour sous la présidence de Jacques Chirac, via les «messieurs Afrique» de l’Elysée (Michel de Bonnecorse) et du Quai d’Orsay (Bruno Joubert), cet homme d’affaires ayant fait fortune dans l’agro-alimentaire en Angola a vu son étoile pâlir sous Hollande, puis sous Macron. «Oui, Miclet avait besoin d’un petit téléphoniste comme Benalla pour ouvrir des portes à l’Elysée», glisse un proche de l’homme d’affaires. Alexandre Benalla admet lui avoir organisé «deux ou trois rendez-vous», du temps où il officiait auprès de Macron - mais «sans la moindre contrepartie financière», tient-il à préciser à Libération. Dès lors, quand Vincent Miclet s’empresse de l’héberger dans son splendide palais de Marrakech en août dernier, il faudrait n’y voir qu’un amical renvoi d’ascenseur. «Accueillir Benalla si vite au Maroc, c’est signifier aux dirigeants africains "j’ai mes entrées à l’Elysée !" grince toutefois un ancien proche de Miclet. C’est toujours bon pour un mec comme ça de se faire miroiter.» Surtout que ce dernier a des démélés avec la justice angolaise, qui le suspecte d’avoir détourné plusieurs centaines de millions d’euros. En bon intermédiaire, Alexandre Benalla met en contact pour affaires son ami Miclet avec un autre personnage aussi trouble que fortuné, le Syrien Mohamad Izzat Khatab.

Septembre : le séjour chez Mohamad Izzat Khatab

Après ses quelques jours de repos sous le soleil marocain, Benalla reprend ses quartiers à Paris, au coeur du «triangle d’or». Selon nos informations, il a notamment passé plusieurs semaines chez un sulfureux homme d’affaires syrien, Mohamad Izzat Khatab, avec qui il est apparu très proche ces derniers mois. Une information démentie par l’entourage de Benalla, qui assure qu’il n’y a passé qu’une seule nuit avec sa femme et son fils. Libération dispose d’un selfie qui immortalise la complicité entre les deux hommes. Un cliché pris en septembre dernier dans l’appartement principal d’Izzat Khatab, situé Place de l’Alma (XVIe arrondissement), juste en face de la Seine. Tout sourire, Alexandre Benalla, polo rose sur les épaules et lunettes rondes sur le nez, sort tout juste de son audition devant la commission d’enquête du Sénat.

L’histoire qui lie les deux hommes commence en 2012. A l’époque, Alexandre Benalla est au service d’ordre du Parti socialiste. Souvent, lors des rassemblements publics, il remarque cet élégant mais insistant homme d’affaires au crâne luisant qui tente par tous les moyens d’être sur la photo. L’obsession d’Izzat Khatab est alors claire : tisser un relationnel qui lui permettra de se valoriser en prétendant faire partie de l’entourage de François Hollande, grand favori des sondages.

Six ans plus tard, lorsque Benalla se fait éjecter de l’Elysée, Izzat Khatab s’empresse de revenir à la charge. Introduit par un ami photographe, il donne rencard à Benalla au Fouquet’s. Selon nos informations, le Syrien fait alors miroiter au jeune chômeur un emploi à 25 000 euros mensuels. Surtout, il l’invite à occuper l’un des nombreux biens dont il dispose, niché sur la prestigieuse avenue Montaigne. Désormais au chaud, l’ancien garde du corps va s’atteler à bâtir sa nouvelle carrière, lui qui dit désormais travailler dans le «consulting international».

Septembre : la rencontre avec Alexandre Djouhri

Quand Libé avait révélé leur rencontre du 5 septembre dans un hôtel londonien, Alexandre Benalla avait démenti vigoureusement en nous traitant par texto de «pire de ce qu’a produit l’humanité». Trois mois plus tard, les deux hommes assument finalement plusieurs rencontres. Interrogé par Libération, Alexandre Djouhri admet avoir vu son cadet. Mais pas pour lui ouvrir les portes du business en Afrique ou au Moyen-Orient, étant peu soucieux de partager son carnet d’adresse : «Il a 26 ans, j’en ai 60. Le garçon est sympa, poli. Mais ouvrir des portes à un gamin que je ne connais pas, jamais de la vie ! Soyons sérieux», précise-t-il à Libération. Célèbre intermédiaire de la sarkozie aujourd’hui assigné à résidence à Londres, Djouhri fait l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par la justice française à son homologue britannique dans le cadre de l’enquête sur le financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.

Benalla et Djouhri assurent finalement s’être rencontrés, une première fois à Londres, dans un restaurant japonais, le Zuma. Une rencontre fortuite, à les entendre. «Au bar», selon Djouhri. Les services de renseignement britannique ont depuis confirmé à leurs homologues français au moins une autre rencontre dans un pub. Les deux hommes ont alors découvert qu’ils avaient une bonne connaissance commune : l’ancien journaliste Charles Villeneuve. L’automne dernier, il s’est lui aussi mis en tête de prendre Alexandre Benalla en main, et surtout de le faire savoir au microcosme politico-financier. C’est ainsi que Charles Villeneuve l’a ostensiblement trimballé chez Laurent, le restaurant du CAC 40, le Stresa, lieu de passage des stars ou à l’Avenue, cantine de l’ancien patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini. Largement de quoi alimenter le spectre d’un complot antimacroniste diligenté par ce qui reste de la sarkozie.

Novembre : un contrat pour une entreprise de sécurité privée

Benalla a gardé un pied dans son domaine de prédilection. Comme l’a révélé le Canard enchaîné, son compte bancaire a été crédité en novembre de 12 000 euros, correspondant à un virement d’une toute jeune société dénommée France Close Protection. Selon nos informations, cette structure montée très récemment est domiciliée à la même adresse que Mars, la boîte de Vincent Crase, son ami et compagnon d’infortune du 1er mai. L’entreprise est dirigée par une connaissance de Benalla, Yoann P., ancien militaire de 44 ans. Passé notamment par le Tchad et la Centrafrique, ce dernier affiche sur son CV une vingtaine d’années d’état de service comme commando parachutiste. Lancée avec un capital social de 100 euros, France Close Protection révèle par ailleurs une autre étrangeté : son unique actionnaire est un homme de 18 ans, majeur depuis seulement quelques mois. Pour préciser la nature de cette prestation, l’entourage d’Alexandre Benalla fait valoir «une mission de conseil à l’international».

Self-made-man, Benalla avait déjà tissé des liens dans le milieu de la sécurité privée bien avant de se mettre au service de Macron. Entre 2013 et 2015, il participe, au lancement d’une éphémère filiale marocaine de la société de sécurité Velours. C’est aussi à cette période que le jeune homme intègre l’équipe chargée de la sécurisation des visites parisiennes du futur prince d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane. Dès l’âge de 24 ans, il est par ailleurs initié à la franc-maçonnerie via une branche marocaine de la Grande Loge nationale française, bien plus implantée dans la Françafrique que son homologue et concurrent du Grand Orient. L’international lui sourit encore, quand quelques mois plus tard, Benalla poursuit sa carrière en Allemagne, à Munich, comme garde du corps et conseiller du président de l’Office européen des brevets. «J’ai voyagé, rencontré des gens», éludera-t-il devant la commission d’enquête du Sénat.

Décembre : la virée tchadienne avec Philippe Hababou Solomon

Ce controversé intermédiaire d’origine israélienne, condamné en France mais très en cours dans certains pays arabo-musulmans, a pris en charge l’ancien conseiller de Macron. Il l’a notamment fait voyager au Tchad comme l’a révélé le Monde. Leur rencontre s’est effectuée via un ami commun, autre autodidacte devenu courtier renommé sur la place financière. Face à la polémique sur leurs pérégrinations communes au Tchad, au Cameroun ou au Congo-Brazzaville, Philippe Hababou Solomon s’en est expliqué à Libé : «J’ai rencontré ce jeune homme brillant à Paris. J’ai compris pourquoi Macron l’avait recruté… Je ne l’emploie pas, je ne le rémunère pas, mais j’ai seulement détecté un potentiel en lui.»

Mais pourquoi diable le trimbaler partout en Afrique alors qu’il le connaît si peu, si ce n’est pour son influence réelle ou supposée ou pour se faire mousser ? «Je n’ai pas besoin de lui pour ouvrir des portes. Il ne m’est pas utile, alors que je lui suis utile.» Un rôle de simple mécène, à l’entendre, qui lui permet toutefois de dresser la psychologie de son jeune poulain : «Il a un dévouement, une adoration excessive vis à vis du président. Il voit des complots partout, la technocratie contre le peuple. C’est un animal blessé, du coup je ne comprends pas l’attitude de l’Elysée : ils connaissent les qualités et les défauts de ce garçon impulsif. Dès lors, pourquoi le menacer, l’acculer, ils poussent Benalla à la faute alors qu’ils savent qu’il peut être dangereux.» Source : Libération

5 janvier 2019

Affaire Benalla: La compagne d’Alexandre Benalla travaillait pour LREM et a tenté de le cacher aux enquêteurs

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INFO «20 MINUTES» Myriam. B., la compagne d’Alexandre Benalla, a tenté de cacher aux enquêteurs qu’elle était salariée d’En marche quand la polémique a éclaté…

Selon nos informations, Myriam. B. a été salariée de La République en marche. Elle a tenté de le dissimuler aux enquêteurs lors de son audition le 28 septembre. Le parti refuse, ce vendredi, d’indiquer s’il emploie toujours la jeune femme.

Une affaire de famille dans l’affaire d’État ? Selon nos informations, Myriam. B., la compagne d’Alexandre Benalla était salariée de La République en marche quand la polémique au sujet des manifestations du 1er mai a éclaté dans la presse. Ce vendredi, le mouvement fondé par Emmanuel Macron a confirmé l’information obtenue par 20 Minutes auprès de sources concordantes. « Elle était salariée, a ainsi indiqué une source bien informée au sein du parti. Ce que je ne sais pas, c’est si elle l’est toujours [aujourd’hui]. »

Après deux mois d’intenses recherches, les enquêteurs de la Brigade de répression de la délinquance contre les personnes (BRDP) avaient fini par retrouver la trace de cette jeune femme dans l’Eure où elle se réfugiait chez une proche. Selon nos informations, c’est donc dans une caserne de gendarmerie de ce département qu’elle a répondu à leurs questions le 28 septembre, en début d’après-midi.

Alexandre Benalla dépose l’arrêt maladie de sa femme au parti

Ce jour-là, son audition en qualité de témoin débute par le traditionnel exposé sur son identité et son activité. La jeune femme née en 1985 se présente alors comme un « agent administratif actuellement en congé maladie » mais refuse de dire le nom de « l'association » qui l'emploie.

Les policiers ne la relancent pas sur le sujet. Mais peut-être font-ils alors déjà le rapprochement avec l’audition de Reynald. C., un agent de sécurité d’En marche, qu’ils ont réalisée deux semaines plus tôt. Le 13 septembre, cet homme a en effet expliqué qu’Alexandre Benalla ne venait que « très rarement » au siège du parti depuis qu’il travaillait à l’Elysée. Selon ses déclarations, il ne serait venu qu'une fois au quartier général d'En marche : le jour où il est venu déposer « l’arrêt de travail de sa compagne », indiquant malgré lui le nom de l’employeur de Myriam. B.

« Quelqu’un de droit, de bon, de calme... »

Maman d’un bébé né quelques semaines avant le début de toute cette affaire, Myriam. B. était en congé maternité jusqu’au 20 septembre 2018. Ensuite, elle a disposé d’un arrêt maladie de son médecin, selon ses propres déclarations. Impossible de savoir quelles étaient exactement ses fonctions au sein du mouvement politique. S’il a confirmé son statut de salariée, le parti a refusé de révéler plus d’informations relevant « des ressources humaines », n’excluant donc pas qu’elle soit toujours rémunérée par ses soins aujourd’hui.

Toutefois,ce n’est pas dans les couloirs du parti macronien qu’elle aurait rencontré Alexandre Benalla. Invitée par les enquêteurs à parler de son compagnon, Myriam. B. a ainsi expliqué être avec lui depuis quatre ans sans révéler lequel des deux avait rejoint le mouvement politique en premier avant que l’autre ne soit également embauché.

Face aux enquêteurs, elle a décrit son compagnon comme « quelqu’un de bien, quelqu’un de droit, de bon, de calme, de caractère gentil. »

Alexandre Benalla ne parlait jamais de son travail

Sur le fond de l’affaire, la jeune femme n’aura, en revanche, été d’aucune utilité aux enquêteurs. Indiquant tour à tour qu’elle était « traumatisée », « désorientée » et « fatiguée » par toute la polémique, elle a ainsi expliqué que son compagnon ne lui parlait jamais de son travail. Impossible donc pour elle de dévoiler ce qu’il est advenu du coffre-fort que les policiers n'ont pas retrouvé lors de la perquisition réalisée le 20 juillet. « Ce dont je suis certaine, c’est que lorsque j’ai quitté l’appartement [le 19 juillet], le coffre y était toujours. J’ignore ce qui s’est passé ensuite. » Interrogé à ce propos, Alexandre Benalla avait indiqué avoir envoyé « un ami » récupérer tous les objets de valeur de son domicile. Sans jamais accepter de révéler son identité.

31 décembre 2018

Affaire Benalla - saison 2 : L’ex-conseiller a eu des échanges réguliers avec Macron

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Dans un entretien publié sur Mediapart dans la nuit de dimanche à lundi, Alexandre Benalla assure avoir échangé régulièrement des messages avec Emmanuel Macron, notamment sur les gilets jaunes.

Alexandre Benalla a affirmé dimanche à Mediapart avoir continué à échanger régulièrement avec Emmanuel Macron, via la messagerie Telegram, depuis son licenciement de l’Élysée, précisant avoir conservé la preuve de ces échanges sur son téléphone portable. La présidence avait assuré ne plus entretenir aucun contact avec l’ancien chargé de mission depuis son licenciement cet été après sa mise en cause pour des violences le 1er mai.

« Ça va être très dur de le démentir parce que tous ces échanges sont sur mon téléphone portable », déclare M. Benalla dans cet entretien mis en ligne dans la nuit de dimanche à lundi. « Nous échangeons sur des thématiques diverses. C’est souvent sur le mode "comment tu vois les choses ?". Cela peut aussi bien concerner les gilets jaunes, des considérations sur untel ou sur untel ou sur des questions de sécurité », des échanges du type qu’il avait déjà avec le chef de l’État quand il était son homme de confiance à l’Élysée. Il ajoute échanger aussi de manière régulière avec d’autres membres de la présidence, comme il l’avait déjà affirmé ces derniers jours dans un courrier adressé à l’Élysée.

« Lien coupé » depuis l’affaire des passeports diplomatiques

Ces échanges ont eu lieu jusqu’aux récentes révélations de Mediapart sur son utilisation d’un passeport diplomatique pour des voyages d’affaires en Afrique. « Là, le lien est coupé », selon lui. Après ces révélations, le ministère des Affaires étrangères a saisi le procureur de la République qui a ouvert une enquête pour « usage sans droit » de passeports diplomatiques. Alexandre Benalla, qui a récemment effectué plusieurs voyages en Afrique et rencontré des dirigeants, affirme aussi avoir toujours rendu compte au président ou à son entourage de ses faits et gestes.

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Passeports diplomatiques. La nouvelle affaire Benalla

« J’explique que j’ai vu telle personne, je détaille les propos qui m’ont été rapportés et de quelle nature ils sont. Après, ils en font ce qu’ils veulent. Y compris le président de la République, qui est informé en direct », dit-il. L’Élysée avait insisté mardi sur le fait que M. Benalla n’était « pas un émissaire officiel ou officieux » de la présidence. « Je suis un élément extérieur qui veut du bien au mec (Emmanuel Macron) qui lui a fait confiance ».

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« On continue à me solliciter, alors je continue à répondre »

« J’aurais pu claquer la porte et passer à autre chose. Mais on continue à me solliciter, alors je continue à répondre ». « Cela dérange un certain nombre de personnes, qui sont puissantes et qui font comme si le président était sous curatelle. Ils lui font faire des conneries phénoménales », accuse l’ex-chargé de mission.

Passeports de Benalla. Le parquet de Paris ouvre une enquête

Il raconte enfin que début octobre, une personne de l’Élysée lui a rendu des effets personnels et ses passeports diplomatiques dans une rue près du Palais avec pour seule consigne : « Tu ne fais pas de bêtises avec ». « Si on ne veut pas que j’utilise ces passeports, il n’y a qu’à les désactiver et les inscrire à des fichiers », plaide-t-il, précisant les avoir utilisés pour entrer dans « une dizaine de pays » depuis l’automne. « Quand vous voyagez à l’étranger avec un passeport diplomatique, l’ambassade de France est au courant que vous arrivez », assure-t-il. L’Élysée et le Quai d’Orsay ont affirmé n’avoir pas été informés de l’utilisation de ces passeports et avoir réclamé à Alexandre Benalla leur restitution. Le Télégramme

29 décembre 2018

Qu’est-ce que le passeport diplomatique, utilisé par Benalla après son départ de l’Elysée ?

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Par Simon Auffret - Le Monde

L’ex-chargé de mission a continué à utiliser, après son départ de l’Elysée, un document délivré au titre de missions diplomatiques de première importance.

Depuis son départ du cabinet de la présidence de la République, au mois de mai, Alexandre Benalla a continué à utiliser un passeport diplomatique pour se déplacer à l’étranger, selon des informations publiées par Mediapart et Le Monde, jeudi 27 décembre. L’ex-chargé de mission de l’Elysée, notamment mis en examen pour « violences volontaires » après les manifestations du 1er-Mai, possédait deux passeports diplomatiques pendant sa mission auprès du président – dont l’un, renouvelé le 24 mai, lui aurait notamment servi à se rendre au Tchad, au Cameroun et au Congo-Brazzaville, en novembre et en décembre.

Vendredi 28 décembre, le ministère des affaires étrangères a décidé de saisir la justice sur cet usage d’un passeport hors du cadre d’une mission pour l’Etat. « Toute utilisation de ces passeports [diplomatiques] postérieure à la fin des fonctions qui avaient justifié l’attribution de ces documents serait contraire au droit », a expliqué le Quai d’Orsay dans un communiqué. L’attribution et l’usage d’un passeport diplomatique – document réservé aux cadres de la diplomatie française pour faciliter leur déplacement à l’étranger – sont, en effet, strictement encadrés par la loi.

A quoi sert un passeport diplomatique ?

Théoriquement, tout porteur d’un passeport diplomatique bénéficie de la protection de la convention de Vienne de 1961, qui garantit aux diplomates d’éviter toute arrestation ou perquisition à l’étranger. Dans les faits, avoir un passeport diplomatique ne suffit pas à disposer de l’immunité ni de l’inviolabilité, protections réservées aux ambassadeurs et cadres diplomates de métier – qui sont identifiés autrement que par leur passeport.

Plus concrètement, il s’agit surtout d’un coupe-file, accélérant les procédures dans les aéroports et aux frontières. De couleur bleue, il peut notamment permettre d’éviter le contrôle des douanes, sans le garantir systématiquement. L’inscription suivante, symbolique, figure sur l’une des pages du passeport :

« Nous, ministre des affaires étrangères, requérons les autorités civiles et militaires de la République française et prions les autorités des pays amis et alliés de laisser passer librement le titulaire du présent passeport et de lui donner aide et protection. »

Comme tous les voyageurs, les porteurs d’un passeport diplomatique doivent demander un visa pour se rendre dans les pays qui en exigent un. Un guichet spécifique existe, cependant, en France pour faciliter les demandes avant un départ – et certains pays mettent en place des procédures spécifiques pour les passeports diplomatiques. De son côté, le Quai d’Orsay n’a pas la possibilité de suspendre l’utilisation d’un passeport : si l’Etat peut être tenu au courant de l’utilisation d’un titre d’identité sur son territoire (à l’aéroport par exemple), un titre d’identité français reste valable à l’étranger si sa date de validité n’est pas dépassée.

Qui peut en bénéficier ?

L’arrêté ministériel encadrant les passeports diplomatiques établit une liste précise des ayants droit :

les cadres de la diplomatie : les ambassadeurs, les conseillers et secrétaires des affaires étrangères, les responsables des systèmes d’information et de communication à l’étranger ;

le président de la République, le premier ministre, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale et les membres du gouvernement, pour la durée de leur fonction ;

les conseillers spécialisés occupant un poste de chef de service auprès d’une mission diplomatique française à l’étranger, uniquement pour la durée de leur mission ;

à titre exceptionnel, les titulaires d’une mission gouvernementale diplomatique « lorsque l’importance de cette mission est jugée suffisante par le ministre des affaires étrangères » ;

à titre de courtoisie, les anciens présidents de la République, premiers ministres et ministres des affaires étrangères, ainsi que les anciens agents ayant obtenu la « dignité d’ambassadeur de France ».

les conjoints et enfants mineurs des titulaires d’un passeport diplomatique peuvent également en faire la demande.

En complément, il existe aussi un « passeport de service » destiné aux fonctionnaires qui ne peuvent pas demander le passeport diplomatique. Il sert notamment aux militaires ou logisticiens qui doivent se rendre à l’étranger pour une mission précise au service de l’Etat et a une durée de validité de cinq ans.

Comment l’utilisation d’un tel passeport est-elle encadrée ?

Le titulaire d’un passeport diplomatique ne doit pas, selon les règles du ministère des affaires étrangères, l’utiliser lors de voyages privés, mais uniquement dans le cadre de ses déplacements pour l’Etat. « Il est restitué au ministère des affaires étrangères à l’expiration de sa validité », explique, par ailleurs, l’arrêté dédié aux passeports.

La durée maximale de validité est de dix ans mais peut être moindre : un des passeports diplomatiques d’Alexandre Benalla, renouvelé le 24 mai 2018, expire le 19 septembre 2022 – une date potentiellement choisie pour assurer sa validité jusqu’à la fin du mandat d’Emmanuel Macron. Les passeports délivrés « à titre exceptionnel » ont, eux, une validité maximale d’un an.

La loi précise qu’en cas d’arrêt de la mission avant la date de fin de validité d’un passeport, celui-ci doit être restitué « dès lors que son utilisation n’est plus justifiée ». C’est sur cette base que le Quai d’Orsay a envoyé à l’ex-chargé de mission, après son départ de l’Elysée, une lettre recommandée à la fin du mois de juillet pour demander la restitution des passeports – lettre à laquelle Alexandre Benalla n’a, jusqu’à maintenant, pas apporté de réponse. C’est aussi sur cette base que le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a décidé de saisir le procureur de la République.

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