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Jours tranquilles à Paris
droits de la femme
26 mai 2018

L’Irlande rompt catégoriquement avec des siècles de prohibition de l’avortement

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Par Philippe Bernard, Londres, correspondant - Le Monde

Les Irlandais ont dit « oui » à plus de 68 %, vendredi, à la légalisation de l’IVG lors d’un référendum, selon les premiers sondages réalisés à la sortie des urnes.

Rurale ou urbaine, masculine ou féminine, jeune ou âgée : l’Irlande tout entière a plébiscité le droit à l’avortement, vendredi 25 mai, lors d’un référendum historique qui rompt avec des siècles de prohibition et confirme spectaculairement la perte d’influence de l’Eglise catholique.

Plus des deux tiers des 3,3 millions d’électeurs – soit 68 %, selon un sondage effectué pour le Irish Times à la sortie des urnes et même 69,4 % pour la radio-télévision publique RTE – ont voté en faveur de l’abrogation du 8e amendement de la Constitution, qui prohibe de fait tout avortement en protégeant « l’enfant à naître » (« unborn child ») au nom de son droit à la vie « égal à celui de la mère ».

Un résultat sans appel

« Il semble que nous écrivions une page historique », a tweeté le premier ministre de centre-droit Leo Varadkar. « Je m’endors ce soir avec l’espoir de me réveiller dans un pays plus généreux, plus attentionné et plus respectueux », a déclaré pour sa part le ministre de la santé Simon Harris, voix marquante de la campagne du « Yes ». Le résultat définitif du référendum devrait être proclamé officiellement samedi après-midi.

L’avortement, puni de la prison à vie depuis 1861 et de quatorze ans de détention depuis 2013, va ainsi être légalisé en Irlande. L’ample victoire du « oui » propulse l’Irlande, dont la législation est l’une des plus restrictives et répressives d’Europe en matière d’avortement, dans le droit commun de l’Union européenne (UE). Les quelque 5 000 Irlandaises qui, chaque année, sont contraintes pour avorter de se rendre au Royaume-Uni à leurs frais ou de commander sur Internet des pilules abortives à leurs risques et périls, pourront bénéficier d’un accueil médical dans leur pays dès que la loi, promise par le gouvernement Varadkar, aura été approuvée.

Le projet de loi publié avant le référendum prévoit que l’IVG pourra être pratiquée sans justification pendant les douze premières semaines de grossesse ; jusqu’à vingt-quatre semaines en cas de risque grave pour la santé de la mère ; et ensuite seulement en cas d’anomalie fœtale.

La levée d’un vieux tabou

Les campagnes (60 %) ont approuvé la libéralisation de l’IVG presque autant que les villes (71 %), les hommes (65 %) presque autant que les femmes (70 %), les jeunes (87 % des moins de 25 ans) nettement plus que leurs aînés (63 % des 50-64 ans).

« Presque derrière chaque porte à laquelle nous frappions, il y avait une histoire d’avortement, parfois très ancienne, qui n’avait pas pu être racontée jusqu’à présent », témoignait vendredi soir une militante du « oui ».

Comme lors du référendum de 2015 sur le mariage homosexuel, qui avait donné lieu à de multiples « coming out » publics et à des manifestations de solidarité, la campagne pour le droit à l’IVG a été marquée par de nombreuses confessions et par la levée d’un vieux tabou.

Avant le vote, prédit comme serré, l’éventualité d’une victoire du « non » mettait la larme à l’œil de bien des femmes militant pour leur liberté. Trop de drames vécus dans la honte et la solitude, trop de situations aberrantes comme ces grossesses pathologiques ou résultant d’un viol poursuivies coûte que coûte, ces femmes empêchées de « voyager » en Angleterre.

L’Eglise s’est montrée discrète durant la campagne

En 1995, les Irlandais n’avaient approuvé la légalisation du divorce que par 50,3 % des voix ; en 2015, ils ont dit oui au mariage homosexuel par 62,07 % et ils viennent donc de légaliser l’avortement par 68 %. Une progression qui reflète la disparition de l’ascendant moral de l’Eglise catholique, qui a longtemps servi d’armature à l’Etat, après les guerres civiles des années 1920, qui ont libéré l’Irlande de la tutelle britannique.

En 1983, le clergé, encore tout puissant et craignant une jurisprudence libérale de la Cour suprême, avait réussi à faire voter à 66,9 % le 8e amendement à la Constitution qui interdisait l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste, même si le bébé souffrait de malformation. Cadenassée dans la loi suprême, la prohibition devenait impossible à annuler par la loi.

Mais depuis, lors, les scandales n’ont cessé d’éclabousser l’Eglise : pédophilie de prêtres, révélation sur la vente des bébés de filles-mères exploitées dans des blanchisseries (« Magdalen Laundries ») par des religieuses dans les années 1950, découverte d’un charnier d’enfants au couvent de Tuam en 2014. Difficile de considérer le clergé catholique comme défenseur des femmes et des enfants.

Certes, 87 % des Irlandais se disent encore catholiques et la radio publique sonne l’angélus, mais les messes sont moins fréquentées et les couvents ne recrutent plus. L’Eglise avait d’ailleurs préféré se montrer discrète pendant la campagne du référendum. Vendredi, des électeurs ont protesté contre la présence d’une Bible dans certains bureaux de vote. La loi électorale le prévoit en effet pour permettre aux gens de jurer de leur état civil s’ils ne sont pas en mesure de produire un document d’identité.

Un triomphe pour le premier ministre

La victoire impressionnante du « oui » résulte d’une subtile campagne de la société civile lancée après le scandale provoqué en 2012 par la mort en couches, à l’hôpital de Galway, de Savita Halappanavar, 31 ans, d’une septicémie fulgurante après s’être vu refuser une IVG en dépit d’une rupture précoce de la membrane.

Intense lobbying des responsables politiques, sensibilisation de l’opinion à travers des témoignages publics, « ce référendum n’est pas tombé du ciel. Il a été patiemment et stratégiquement préparé depuis des années », confiait avant le vote Ailbhe Smyth, figure de proue de la campagne du « oui ».

Une première victoire inattendue est survenue en avril 2017, lorsqu’une « Assemblée citoyenne » présidée par une juge de la Cour suprême a recommandé la réforme libérale sans restriction jusqu’à douze semaines. Des milliers de témoignages, notamment de ceux relatant la popularisation de la pilule abortive, ont montré que le statu quo était impossible. Le principe d’un référendum était acquis, même si, en septembre 2017, Leo Varadkar dit douter que le pays souhaite aller « aussi loin » que l’Assemblée citoyenne. Il faudra le feu vert d’une commission parlementaire et des sondages favorables pour que le premier ministre annonce en janvier 2018 qu’il fera campagne pour le « oui ».

Le résultat du vote de vendredi apparaît comme un triomphe pour M. Varadkar. Il pourrait l’inciter à pousser son avantage dans deux directions : en provoquant des élections législatives anticipées et, avec le soutien des Vingt-Sept, en montant le ton à l’égard du Royaume-Uni pour éviter que le Brexit, catastrophe potentielle pour l’Irlande, ne se traduise par le retour de la frontière avec l’Irlande du Nord.

Les 25 et 26 août, le premier ministre irlandais accueillera le pape François, qui vient à Dublin pour clôturer la « Rencontre mondiale des familles ».

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26 mai 2018

L’ancien producteur Harvey Weinstein inculpé d’un viol et d’une agression sexuelle

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Il s’agit de sa première inculpation depuis les premières accusations contre lui, il y a sept mois, qui ont fait éclater le mouvement planétaire #metoo.

L’ancien producteur de films Harvey Weinstein, accusé par des dizaines de femmes d’agressions sexuelles, a été inculpé, vendredi 25 mai à New York, pour un viol en 2013 et une agression sexuelle en 2004, a fait savoir la police de New York. Il s’agit de sa première inculpation depuis les premières accusations contre lui, il y a sept mois, qui ont par ailleurs fait éclater le mouvement planétaire #metoo.

Le bureau de Cyrus Vance, le procureur de Manhattan, a précisé que l’accusation pour viol portait sur des faits remontant au 18 mars 2013, à une adresse du quartier de Midtown, qui abrite aujourd’hui un hôtel. L’identité de la victime n’a pas été précisée. Il pourrait s’agir d’une agression dont personne n’avait parlé publiquement jusqu’ici. L’accusation d’agression sexuelle semble correspondre à l’accusation de Lucia Evans, dont les allégations avaient déjà été publiées, même si le procureur ne l’a pas confirmé.

Après que les charges retenues lui ont été signifiées, il est ressorti du commissariat, les mains menottées dans le dos. La police de New York a publié un communiqué dans lequel elle « remercie ces courageuses survivantes pour avoir eu le courage de se présenter et de demander justice ».

Une caution d’un million de dollars

Weinstein, qui est représenté par le célèbre avocat new-yorkais Ben Brafman, le même qui avait obtenu en 2011 l’abandon des poursuites contre Dominique Strauss-Kahn dans l’affaire du Sofitel, a toujours démenti avoir eu des rapports sexuels « non consentis ».

« L’accusé a profité de sa position, de son argent et de son pouvoir pour attirer de jeunes femmes dans des situations où il était capable de commettre des violences sexuelles contre elles », a dit la procureure Joan Illuzzi, lors de la lecture de l’acte d’accusation à la cour criminelle de Manhattan.

Après son inculpation par le procureur, le juge Kevin McGrath a fixé le montant de la caution d’Harvey Weinstein, qui a été remis en liberté moyennant le versement d’un million de dollars, le port d’un bracelet électronique, l’interdiction de quitter les Etats de New York et du Connecticut, et la remise de son passeport.

Le producteur déchu n’a fait aucune déclaration. Mas son avocat, Ben Brafman, a déclaré que Harvey Weinstein va plaider « non coupable » aux chefs d’accusation de viol et d’agression sexuelle portés contre lui. « Nous avons l’intention d’agir très vite pour que les poursuites soient abandonnées », a ajouté l’avocat. « Nous pensons que [les accusations] ne sont pas étayées par des preuves » et que Mr. Weinstein « sera exonéré », a-t-il ajouté.

La prochaine audience est fixée au 30 juillet.

Plusieurs autres enquêtes

M. Weinstein, 66 ans, avait disparu dès les premières révélations le concernant et était censé suivre un traitement contre les addictions sexuelles dans l’Arizona.

Depuis les premières révélations du New York Times début octobre 2017, plus d’une centaine de femmes, dont des célébrités comme Ashley Judd, Gwyneth Paltrow ou Salma Hayek, ont accusé Harvey Weinstein de les avoir harcelées, agressées ou violées, souvent il y a des années, voire des décennies.

Plusieurs victimes présumées l’ont assigné en justice. Le producteur est aussi sous le coup d’enquêtes menées par les polices de New York, Los Angeles et Londres, même s’il n’a fait l’objet d’aucune poursuite jusqu’ici. La police new-yorkaise avait affirmé en novembre 2017 tenir au moins « un vrai dossier » contre Harvey Weinstein.

Au fil des révélations du New York Times et du New Yorker, récompensés par le prix Pulitzer pour leurs enquêtes, il est apparu que M. Weinstein – longtemps vénéré pour avoir promu un cinéma original incarné par des réalisateurs comme Quentin Tarantino – avait usé de son pouvoir, pendant près de quarante ans, pour obliger de jeunes actrices ou aspirantes actrices à céder à ses fantasmes sexuels, se faisant parfois aider par ses employés et achetant le silence de certaines victimes via des accords de confidentialité. Il s’est aussi avéré que beaucoup de gens étaient au courant de son comportement, mais avaient préféré se taire, souvent par peur de voir leur carrière ruinée par le producteur multi-oscarisé.

Les révélations ont eu l’effet d’une bombe. Des centaines de femmes, sous le hashtag #metoo, se sont mises à témoigner sur des agressions sexuelles subies souvent des années plus tôt. Le mouvement a fait chuter des dizaines d’hommes de pouvoir dans des secteurs aussi divers que le cinéma, les médias, la mode, la gastronomie ou la musique.

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19 avril 2018

Ramadan : les malheurs de Tartuffe

Tariq Ramadan a chaud aux plumes. Jusqu’ici, lui et ses conseils criaient à la calomnie, à la cabale, au complot ou à la mythomanie. Il apparaît dans l’enquête de Libération et de quelques autres que les relations dont excipaient les plaignantes qui l’accusent de violences sexuelles avaient une réalité tangible, sous la forme d’une robe tachée, de SMS innombrables, d’enregistrements et de vidéos. Cela ne signifie pas que le prédicateur soit coupable de viol, mais que ses dénégations globales sont largement mises à mal. Il va lui falloir trouver un autre système de défense. Ramadan n’est pas un violeur aux yeux de la justice (elle n’en a pas encore décidé), mais il est clair aux yeux de tous que c’est un tartuffe. Rappelons que le prédicateur a prononcé d’innombrables discours rigoris tes sur la prohibition nécessaire des relations hors mariage et sur la pudeur des jeunes filles. Drôle de pudeur, quand on lit les SMS révélés hier.

Panique dans les comités de soutien et chez les pétitionnaires. L’idole des prudes était un dragueur, peut-être plus. L’islamo-gauchisme est en deuil. On fera un sort particulier à une pétition publiée par Mediapart signée par une pléiade d’intellectuels. Dans ce texte d’apparence prudente, les auteurs suggéraient avec insistance que Ramadan était la victime d’une «instrumentalisation» de la lutte des femmes et que la justice dans cette affaire était partiale, dans la mesure où elle traitait plus durement un musulman qu’un autre justiciable. Prolongement pratique des thèses en vogue dans l’extrême gauche selon lesquelles nous serions confrontés à un «racisme systémique» ou, encore pire, à un «racisme d’Etat».

Or il apparaît que si la justice met en cause Ramadan, c’est sur la base d’éléments sérieux et que s’il est maintenu en détention, c’est notamment pour éviter qu’il puisse faire pression sur les plaignantes, comme le laissent à penser certains de ses SMS. Ramadan est présumé innocent. Mais il y a contre lui des indices concordants qui demandent éclaircissement. Nul racisme dans ce cas, mais une procédure classique. Suggérer le contraire, comme l’ont fait ces militants et ces universitaires, c’est remplacer les jugements rationnels par un communautarisme pavlovien. C’est-à-dire tout le contraire des valeurs élémentaires de la gauche.

LAURENT JOFFRIN

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Le prédicateur musulman (photo ci-dessus)  «s'expliquera sur la nature de cette relation lorsqu'il sera devant les juges», a précisé son avocat qui réfute tout changement de stratégie dans la défense de son client, mis en examen pour «viol» et «viol sur personne vulnérable». En outre, des expertises ont été ordonnées mercredi pour analyser une robe comportant une tache de sperme.

Tariq Ramadan est-il en train de changer de ligne de défense? Jusqu'ici l'intellectuel musulman, accusé de viols et agressions sexuels par cinq femmes (dont deux à l'étranger), avait nié tout viol et même tout acte sexuel avec deux des plaignantes. Tout juste avait-il reconnu un simple un flirt avec celle qu'on appelle Christelle lors d'une confrontation début février. Face à la troisième plaignante, baptisée Marie par les médias, le prédicateur pourrait avoir une attitude différente. «Tariq Ramadan admettrait avoir eu des relations sexuelles avec la troisième femme qui a porté plainte contre lui», glisse ce jeudi dans les colonnes de Libération une source proche de Musulmans de France (ex-UOIF). Comme les deux premières plaignantes avant elle, Marie avait dénoncé des rapports sexuels d'une extrême violence et pratiqués sous la contrainte dans un hôtel à Bruxelles.

8 mars 2018

Simone de Beauvoir

8 mars 2018

IDF : une campagne pour lutter contre le harcèlement dans les transports

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Île-de-France Mobilités, la RATP et la SNCF ont lancé, lundi 5 mars, une campagne de sensibilisation contre le harcèlement sexiste et sexuel dans les transports en commun.

Une initative nécessaire, alors que neuf voyageuses sur dix déclarent avoir été victimes de harcèlement ou d'agression sexuelle dans les transports en commun, selon la SNCF. Un fléau que les organisateurs de cette campagne comptent bien prévenir en sensibilisant tous les usagers à signaler toutes les situations qui présentent un risque pour les voyageurs.

Jusqu'au 27 mars, les Franciliens pourront lire «Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel. Victimes ou témoins, donnez l’alerte !» sur des affiches des couloirs du métro parisien ou sur les bus. Les affiches ont été pensées sur le même concept. Une femme tient une barre de métro dans un paysage naturel, et derrière elle, un animal sauvage, représentant le harceleur, est prêt à l’attaquer.

Un concept qui a suscité quelques critiques, soulignant que de mettre un animal sauvage à la place des hommes sur les affiches n'était pas la meilleure manière de faire en sorte que ces messieurs se sentent concernés.

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23 février 2018

Minorité rohingya : La vie brisée d’une jeune Rohingya

Par Harold Thibault, camp de Kutupalong, Bangladesh, envoyé spécial - Le Monde

Plus de 688 000 membres de cette minorité musulmane ont fui depuis cinq mois le nettoyage ethnique orchestré par l’armée birmane et s’entassent dans des camps au Bangladesh. Leur rapatriement en Birmanie est prévu sous deux ans.

La famille d’Hassina n’a jamais su lui expliquer pourquoi un tel sort était réservé aux Rohingya. Son grand-père, un modeste propriétaire terrien, se contentait de lui dire qu’il fallait stocker le moins de riz possible chez eux, par crainte des vols. « Nous nous attendions à une vie de malheur, confie cette femme de 22 ans, mais pas à cela. » « Cela », c’est l’histoire qui la hante depuis des mois et qu’elle évoque d’une voix sombre, le visage éteint, en partie caché par son voile. Assise à ses côtés, sous la tente où elles essaient de survivre, sa belle-sœur Asma la soutient du regard. Dehors s’étend Kutupalong, le plus vaste camp de réfugiés au monde : plus de 688 000 personnes arrivées ici, au Bangladesh, ces cinq derniers mois. A l’horizon se dressent les collines verdoyantes de leur pays, la Birmanie, et plus loin encore, à vingt kilomètres à vol d’oiseau, leur village natal, Tula Toli. Une bourgade de quelques milliers d’habitants où la rivière, un jour de fin d’été, est devenue rouge sang…

L’unique crime d’Hassina Begum, frêle silhouette drapée de beige rosé, est d’être née Rohingya, ces musulmans que les autres Birmans, en majorité bouddhistes, nomment « Bengalis » pour bien montrer qu’ils n’ont pas le statut de citoyen. Le journal officiel Global New Light of Myanmar ne les a-t-il pas comparés à des « puces qu’[ils] abhorr [ent] pour leur puanteur et parce qu’elles [leur] sucent le sang » ? Hassina peut témoigner de cette haine, elle qui n’a jamais connu que la ségrégation.

Dès son enfance, elle est confrontée à cette stricte séparation entre les deux communautés. Bien sûr, il lui arrive de jouer avec des petits bouddhistes, mais ces amitiés se heurtent vite aux frontières religieuses et ethniques. Sa maison et celles des autres musulmans sont distantes de 500 mètres de celles de la minorité bouddhiste locale, les Arakanais. Il n’y a guère qu’au marché que les uns et les autres se côtoient. Pour le reste, les Arakanais sont les maîtres du jeu social : le chef de village est l’un d’eux, tout comme les enseignants ; les Rohingya n’ont pas accès aux emplois de la fonction publique. Il leur est même interdit de se rendre dans les grandes villes du pays comme Mandalay ou Rangoun, la capitale, jusqu’en 2005.

Dès l’adolescence, elle découvre les peurs d’adulte

A Tula Toli, les Arakanais envoient leurs enfants à l’école dès l’âge de 5 ans, tandis que les musulmans préfèrent attendre qu’ils aient 6 ou 7 ans, craignant que les plus fragiles ne soient malmenés en chemin ou dans la cour. En classe, les élèves des deux ethnies s’asseyent séparément, mais l’enseignement est dispensé en langue arakanaise, un handicap de plus pour les Rohingya. « Les parents rêvent de réussite pour leurs enfants mais ceux-ci se retrouvent très vite aux champs », précise Hassina.

Dès l’adolescence, elle découvre les peurs d’adulte. Quand des soldats de l’armée nationale font étape dans les parages, elle sait qu’il est plus prudent, pour les femmes rohingya, de rester à l’abri. Hassina suit tout de même son parcours et se destine au métier de couturière. Quand vient l’âge de se marier, ses parents lui trouvent un époux du même rang social : Shahidul, dont le père exploite six hectares de terres. Le mariage a beau être arrangé, leurs sentiments sont authentiques. Une petite Sohaifa naîtra bientôt de leur union.

Arrive le mois de novembre 2015, marqué par des changements majeurs en Birmanie. Le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie, emporte la majorité parlementaire. L’icône, Prix Nobel de la paix en 1991, devient ministre des affaires étrangères, et de facto chef du gouvernement. C’est à elle qu’il revient de réduire les fractures internes du pays. « Sa victoire nous a emplis de joie », se souvient Hassina. Les Rohingya veulent alors croire que la démocratisation annonce la fin de la ségrégation. « Nous avons rapidement déchanté », confie-t-elle.

Au quotidien, tout devient prétexte à sanctions

De fait, la situation empire. En octobre 2016, une guérilla affirmant défendre la cause des Rohingya s’en prend à des postes de police, dans le nord-ouest de l’Etat de Rakhine. Dans les régions où vivent de telles communautés, le contexte sécuritaire se durcit. Ainsi, à Tula Toli, Hassina a désormais besoin d’un laissez-passer payant pour franchir les points de contrôle de l’accès aux communes voisines. Pour se rendre dans le village de la famille de sa mère, Shabe Bazar, à 9 km de là, il lui en coûte 3 000 kyats (2 euros), l’équivalent d’une journée de son salaire de couturière. Si elle n’est pas de retour avant la nuit, son père risque d’être conduit au poste de police et frappé.

Alors que l’armée a perdu du terrain sur la scène politique nationale, la traque de l’« ennemi intérieur » lui permet de s’inventer un nouveau rôle. Et de renforcer le contrôle des Rohingya : interdiction d’entourer leur maison d’une palissade, afin de les empêcher de dissimuler quoi que ce soit ; interdiction de passer la moindre nuit hors du domicile… Dans le même temps, les vols de bétail se multiplient sur l’exploitation du beau-père d’Hassina, sans qu’il puisse s’en plaindre. « Auprès de qui aurions-nous pu le faire ? », demande la jeune femme.

Au quotidien, tout devient prétexte à sanctions. Ainsi, début 2017, son beau-frère tarde à déclarer la naissance de son fils à l’état civil. Pour cette faute, le grand-père du bébé est contraint de payer une amende de 50 000 kyats (30 euros). L’été venu, c’est une étrange affaire d’agression qui inquiète Hassina : Younous, un employé de son beau-père, ne se présente plus sur son lieu de travail. Il faudra attendre plusieurs jours pour qu’il donne signe de vie et raconte comment des miliciens arakanais l’ont enlevé, ligoté à un arbre, battu puis abandonné en pleine forêt. Un mois plus tard, il sera tué, de même qu’une grande partie des siens.

L’armée birmane lance des « opérations de nettoyage »

Le 25 août, Hassina apprend que la guérilla, désormais baptisée Armée du salut des Rohingya de l’Arakan, s’en serait pris à une trentaine de postes de gardes-frontières et de commissariats, tuant douze policiers. L’armée birmane riposte en lançant ce qu’elle appelle des « opérations de nettoyage ». Des coups de feu claquent dans les bourgs alentour. Ici et là, des maisons sont incendiées. A Tula Toli, l’armée et la milice arakanaise convoquent les musulmans au centre du village pour un recensement. Certains manquant à l’appel, les soldats se font menaçants : si un seul d’entre eux est absent au prochain appel, toute la communauté se mettra en danger. Puis, aidés des miliciens, ils entreprennent d’inspecter chaque logement. Ils disent chercher les couteaux, et en saisissent trois dans la cuisine d’Hassina. Au passage, ils raflent des effets personnels et quelques bijoux :

« Ils ont vidé mon tiroir, mis tous mes vêtements par terre et sont partis avec le panneau solaire qui fournit de l’électricité à la maison. Nous ne pouvions rien dire. »

Quarante-huit heures passent. De nouveaux tirs retentissent, de l’autre côté de la rivière. De l’endroit où elle se trouve, Hassina aperçoit des habitants du village voisin, Dual Toli, tenter de fuir l’avancée de l’armée. A l’aube du jour suivant, les rafales se font de plus en plus proches, comme si les soldats étaient désormais à deux pas. Tout en s’occupant du petit-déjeuner familial, la jeune maman sent bien que sa fille, âgée de 1 an et 4 mois, et les trois autres enfants de la maisonnée, sont terrorisés. Il y a ces détonations, toujours plus fortes, et maintenant ces nuages de fumée noire au-dessus des foyers d’incendie. Par crainte d’être piégés par les flammes, les neuf occupants de la maison décident de sortir. Comme leurs voisins, ils se réfugient sur la rive. Une voie sans issue où les attendent les soldats.

Commence alors un massacre méthodique des Rohingya. Les hommes, d’abord. Les femmes, elles, doivent s’asseoir au bord de la rivière, de l’eau jusqu’aux hanches, comme si les soldats voulaient les garder pour plus tard et leur infliger le spectacle des tueries. Tout au long de la journée, Hassina, sa belle-sœur et bien d’autres les voient abattre tous ceux qui sont conduits sur la plage, des centaines de personnes, selon l’organisation Human Rights Watch (HRW). Des heures et des heures d’une exécution massive, orchestrée, planifiée. « Ils donnaient des coups de machette partout, sur la nuque, dans le dos, dans le ventre, témoigne Hassina. Lorsqu’une personne bougeait encore, ils lui tiraient dans la tête. »

Les soldats les mitraillent sans répit

Les miliciens se chargent de creuser trois fosses où les corps sont entassés puis brûlés à l’aide de feuillages et de gasoil. Certains tentent bien de fuir par la rivière mais rares sont ceux qui savent nager. Les soldats les mitraillent sans répit, en les visant jusqu’au moment où ils sont hors de vue. « Par endroits, l’eau est devenue rougeâtre, poursuit Hassina, spectatrice impuissante de ces heures de tuerie. J’étais comme déjà morte. »

Elle s’interrompt, puis reprend son récit entre deux sanglots. Les images suivantes sont à jamais gravées en elle. Un soldat s’approche et remarque sa petite Sohaifa au creux de ses bras. Il la frappe pour s’emparer de l’enfant qu’elle refuse de lâcher. « Où l’emmenez-vous ? », lui crie-t-elle. Il s’éloigne, en tenant la fillette, pour la jeter dans le brasier quelques mètres plus loin. Combien d’enfants de Tula Toli ont-ils été assassinés de la sorte ? Le témoignage d’Hassina n’est pas isolé : d’autres parents ont survécu qui relatent des scènes effroyables d’enfants brûlés, fracassés au sol ou jetés à la rivière.

Le martyre d’Hassina n’est pas terminé pour autant. Dans l’après-midi, les soldats répartissent les survivantes en petits groupes. Sept d’entre eux choisissent sept femmes, dont la jeune couturière et sa belle-sœur Asma, et les entraînent vers une maison vide, à la toiture de feuilles et de tiges de bambou. Les soldats les rouent de coups et commencent à les violer. Hassina résiste tant à son agresseur qu’il s’énerve et lui donne un coup de barre de fer. Le choc est si violent – elle en garde les cicatrices, à la mâchoire et sur le crâne – qu’elle perd connaissance. Les tortionnaires quittent les lieux après avoir mis le feu à la maison. La chute de morceaux de toiture enflammés finit par la réveiller. Selon des images satellitaires visualisées par HRW, les 746 bâtiments de la partie musulmane de Tula Toli et de Dual Toli ont été réduits en cendres ces jours-là, tandis que les habitations des Arakanais n’ont pas été touchées.

Des sept femmes enfermées dans cette maison, seules Hassina et Asma ont survécu. Elles ont réussi à se cacher pour la nuit dans un verger puis à parvenir, quatre jours après, au Bangladesh, vivantes mais brisées, condamnées à la misère d’un camp dont elles ne peuvent pas sortir et craignant d’être renvoyées de force dans l’enfer birman. Un accord conclu en janvier entre les deux gouvernements prévoit le rapatriement, dans les deux ans à venir, de tous les réfugiés.

3 février 2018

Tariq Ramadan mis en examen pour viol et viol sur personne vulnérable

Par Raphaëlle Bacqué - Le Monde

Le théologien suisse a été incarcéré vendredi soir en attendant un débat différé sur son placement en détention.

L’affaire est si complexe – et si sensible – que trois juges d’instruction ont été désignés pour instruire désormais l’affaire, après la mise en examen, vendredi 2 février, de Tariq Ramadan pour « viol » et « viol sur personne vulnérable ».

L’islamologue, qui sortait de 48 heures de garde à vue pendant lesquelles il a été confronté à l’une des femmes qui l’accuse, avait demandé qu’un éventuel placement en détention provisoire, requis par le parquet, fasse l’objet d’un débat entre le juge des libertés et de la détention (JLD) et sa défense. En attendant ce débat, qui devrait avoir lieu dans les quatre jours, le prédicateur qui vivait ces derniers mois entre la Suisse et la France, a été incarcéré.

« Après une enquête minutieuse de trois mois, une garde à vue de quarante-huit heures, une confrontation avec ma cliente qui a permis de confondre Tariq Ramadan sur certains points, on a franchi une étape importante avec cette double mise en examen », a commenté Me Eric Morain, l’avocat de l’une des deux plaignantes. « S’il y a d’autres victimes en France ou ailleurs, elles savent maintenant que la justice peut prendre en compte ce qu’elles ont vécu », a également réagi Me Jonas Haddad, avocat d’Henda Ayari, la première femme à avoir porté plainte contre M. Ramadan.

« Même modus operandi »

Les enquêteurs du deuxième district de police judiciaire ont enquêté pendant trois mois, méthodiquement et sans laisser échapper la moindre information, avant de se décider à entendre, à partir du 31 janvier, le théologien suisse de 55 ans, qui a longtemps eu une très large audience auprès de centaines de milliers de musulmans européens.

Après avoir reçu deux plaintes pour viol, l’une déposée le 20 octobre 2017 par Henda Ayari, une ancienne salafiste devenue militante de la laïcité, l’autre le 27 octobre par une femme qui a préféré rester anonyme, et dont Le Monde avait publié le témoignage accablant, les policiers ont recueilli d’autres récits de femmes. Elles ont décrit la même forme d’emprise, la même violence et, selon un proche de l’enquête, « le même modus operandi » que celui dénoncé par les plaignantes, sans pour autant déposer plainte à leur tour.

Jeudi, il a été décidé que la confrontation avec Henda Ayari, qui subit depuis trois mois de nombreuses attaques sur les réseaux sociaux, serait renvoyée à l’instruction. Mais l’autre plaignante, que certains journaux ont affublée d’un prénom d’emprunt qu’elle n’a pas choisi, « Christelle », a accepté l’épreuve.

La confrontation a duré trois heures et demie, en présence de Me Yacine Bouzrou et de Me Julie Granier, les avocats de M. Ramadan, et de Me Eric Morain, conseil de sa victime présumée. Juste avant, deux perquisitions avaient eu lieu, à Saint-Denis, dans un appartement où le théologien dispose d’un bureau et d’un pied-à-terre, l’autre en Haute-Savoie, à la frontière franco-suisse, où il a sa résidence principale.

Une petite cicatrice

« Tariq Ramadan m’a donné rendez-vous au bar de l’hôtel Hilton de Lyon, où il était descendu pour une conférence, en octobre 2009 », a redit cette femme de 45 ans devant le petit-fils du fondateur des Frères musulmans. A l’époque, cette Française convertie à l’islam entretient, depuis le 31 décembre 2008, une correspondance avec M. Ramadan, auprès duquel elle cherche conseil, comme nombre de musulmans qui se déplacent pour l’écouter.

Leur relation s’est peu à peu transformée, et ce dernier, qui vit séparé de son épouse, lui a promis un mariage religieux et, en attendant, un mariage temporaire sur Skype. C’est leur première rencontre, toutefois, à Lyon, où Ramadan doit tenir une conférence sur le thème « Le vivre ensemble, l’islamophobie et la Palestine ».

« Au bout de dix minutes, il m’a dit : “Nous ne pouvons pas rester là, tout le monde nous regarde. Je suis une personne connue, et le Maghrébin à l’accueil m’a reconnu et n’arrête pas de nous regarder” », avait-elle expliqué dans sa plainte. Tariq Ramadan gagne alors sa chambre par l’escalier pendant qu’elle, qui marche avec une béquille depuis un accident de voiture, prend l’ascenseur.

Selon la plaignante, l’agression aurait eu lieu très vite après son entrée dans la chambre : des gifles au visage, aux bras, aux seins et des coups de poing dans le ventre, une fellation et une sodomie imposées de force, de nouveaux coups, un nouveau viol. « Il m’a traînée par les cheveux dans toute la chambre pour m’amener dans la baignoire de la salle de bain pour m’uriner dessus », avait-elle déclaré dans sa plainte, affirmant n’être finalement parvenue à s’enfuir qu’au petit matin.

« Faux », proteste Tariq Ramadan, qui assure que la rencontre n’a duré qu’une demi-heure. Lors de la confrontation, le prédicateur a nié farouchement tout viol et même tout acte sexuel, reconnaissant un simple flirt. Sa victime présumée a cependant donné de multiples détails, décrivant notamment une petite cicatrice à l’aine, dont M. Ramadan a reconnu être doté. A l’issue de cet échange tendu, l’islamologue a refusé de signer le procès-verbal.

Image écornée

L’affaire qui met en cause cette figure centrale de l’islam européen s’annonce donc difficile. Certes, de multiples témoignages publiés sur Internet ou rapportés par la presse ont peu à peu dressé le portrait d’un homme multipliant les relations féminines, à mille lieues de celui qui mettait sans cesse en garde les musulmans contre les rapports sexuels hors mariage en leur rappelant que c’est « devant Dieu qu’il nous est donné la possibilité de vivre une relation avec une femme ». Mais le petit-fils du fondateur des Frères musulmans a toujours dénoncé une « campagne de calomnie ». D’abord soutenu par bon nombre de ses fidèles, la multiplication des témoignages a pourtant fini par fissurer son aura.

En Suisse, les journaux ont ainsi rapporté les récits d’anciennes élèves des deux collèges suisses où Tariq Ramadan avait enseigné. Ces jeunes femmes affirmaient qu’alors qu’elles étaient âgées de 16 à 18 ans, et donc mineures, ils les avaient séduites et convaincues d’avoir des relations sexuelles avec lui.

Même si la plupart de ces affaires sont prescrites ou si aucune autre femme n’a porté plainte, hormis Henda Ayari et « Christelle », ces témoignages ont d’abord pétrifié les autorités musulmanes. Et peu à peu brisé sa réputation.

Le 7 novembre 2017, l’université d’Oxford a décidé « d’un commun accord » avec Tariq Ramadan la mise en congé immédiate de ce dernier du poste de professeur d’études islamiques contemporaines qu’il occupe dans un de ses collèges. Ces derniers jours, c’est le Qatar, qui finance la chaire de théologie – elle porte le nom de Sa Majesté Hamad Ben Khalifa Al-Thani, émir du Qatar de 1995 à 2013 – occupée jusque-là par M. Ramadan, qui a laissé entendre que celui-ci n’était plus le bienvenu dans l’émirat.

1 février 2018

En Iran, des femmes retirent leur voile en public pour protester contre le pouvoir

Par Ghazal Golshiri, Téhéran, correspondance Le Monde

Le mouvement, parti de Téhéran, a même atteint la ville conservatrice de Machhad. Une femme arrêtée pour s’être dévoilée en public risque une peine de prison de dix jours à deux mois.

Un grand coffre de métal abritant des installations électriques, situé dans le centre de Téhéran, au croisement des avenues Enghelab et Vesal, est devenu ces derniers jours le symbole improbable d’un mouvement politique. Le 29 janvier à 11 heures du matin, après d’épaisses chutes de neige, une jeune femme y est montée, elle a ôté son voile blanc et l’a noué à un bâton, qu’elle a agité doucement, laissant sa chevelure flotter librement au vent.

Elle entendait ainsi protester contre le port obligatoire du voile en République islamique. Au poignet, elle portait un ruban vert, couleur du mouvement qui avait contesté, en 2009, la réélection de l’ex-président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. La jeune femme a été arrêtée, et son nom publié quelques heures plus tard : Narges Hosseini.

Une photographie de Mlle Hosseini, dressée sur ce placard électrique, a circulé sur les réseaux sociaux et très vite, ailleurs dans la capitale, d’autres femmes l’ont imitée avec des foulards blanc et rouge. Le lendemain, un jeune homme est monté à son tour sur le même bloc que Mlle Hosseini, brandissant un foulard blanc.

Le 31 janvier, les internautes iraniens ont été plus surpris encore en voyant la photographie d’une jeune femme, montée elle aussi sur un bloc électrique, non pas à Téhéran mais dans la ville très religieuse de Machhad (Nord-Est). Elle portait le tchador noir revêtu par les femmes les plus traditionnelles en Iran. L’image a marqué : même parmi le public religieux, certaines femmes sympathisent avec celles qui luttent contre le voile obligatoire.

« Police des mœurs »

Depuis l’instauration de la République islamique d’Iran, en 1979, les femmes sont tenues de se couvrir tout le corps, sauf le visage et les mains. Une brigade spécifique, connue sous le nom de « police des mœurs », arrête régulièrement dans les rues les « mal voilées », les emmenant au poste où elles sont photographiées comme des criminelles, et parfois condamnées à payer une amende.

Les Iraniennes qui se dévoilent publiquement depuis le 29 janvier n’ont pas choisi de monter par hasard sur des blocs électriques : elles ne font qu’imiter la jeune Vida Movahed, qui avait mené une telle action le 27 décembre 2017. Téhéranaise et mère d’un bébé de dix-neuf mois, Mme Movahed a été arrêtée sur le champ, puis relâchée deux semaines plus tard. On ignore si elle est poursuivie en justice.

Au lendemain de son action, une vague de manifestations contre la crise économique et politique du pays avait déferlé dans le pays, touchant au moins 80 villes iraniennes, et faisant vingt-cinq morts en une semaine. Une photographie de Vida Movahed, diffusée les jours suivants, s’est imposée comme un symbole de ce mouvement, bien que sa revendication n’avait pas grand-chose à voir avec celles des manifestants.

Selon Nasrin Sotoudeh, célèbre avocate et militante des droits humains, Narges Hosseini est toujours incarcérée. Une caution de 90 000 euros a été requise pour sa libération. « Sa famille a été incapable de payer cette somme. Pour le moment, elle reste en prison à Shahr-e Rey [une banlieue sud de Téhéran] », a expliqué Mme Sotoudeh. L’avocate rappelle qu’une femme arrêtée pour s’être dévoilée en public risque une peine de prison de dix jours à deux mois, ou une amende pouvant s’élever à 10 euros.

Guerre de communication entre Téhéran et Riyad

Depuis son élection, en 2013, le président modéré, Hassan Rohani, s’exprime régulièrement en faveur des droits des femmes et tente de favoriser leur accès au marché du travail. Dans un geste d’ouverture envers l’électorat libéral, en décembre 2017, la police de Téhéran avait annoncé la fin prochaine des arrestations de femmes « mal voilées » par la brigade des mœurs. Si cette directive est appliquée, les contrevenantes seront contraintes de suivre des cours sur les bienfaits du port correct du voile.

Cette ouverture s’inscrivait dans une guerre de communication entre l’Iran chiite et son grand rival régional, l’Arabie saoudite. Le royaume sunnite a récemment autorisé les Saoudiennes à assister aux matchs d’équipes masculines de football dans les stades, et à conduire en ville. Les Iraniennes, elles, conduisent de longue date – et elles élisent leur président, rappelle M. Rohani. Mais les stades leur restent fermés, malgré des années d’activisme de fans du ballon rond, qui se griment en hommes pour assister aux matchs.

« Les Iraniennes ont l’impression qu’en une nuit, les Saoudiennes les ont devancées, explique Pegah, une Téhéranaise de 34 ans. Aujourd’hui, il est encore plus insupportable que nos dirigeants rejettent nos revendications les plus simples. » Depuis le 31 janvier, une voiture de police stationne en permanence à côté du coffret électrique de l’avenue Enghelab, à Téhéran.

voile

https://twitter.com/MsJulieLenarz?ref_src=twsrc%5Etfw&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.20minutes.fr%2Fmonde%2F2212351-20180131-iran-femme-interpellee-avoir-enleve-voile

1 septembre 2017

La violence de l’accouchement en question

Par Gaëlle Dupont

Depuis les propos de la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes Marlène Schiappa sur l’épisiotomie, la parole des femmes se libère sur les pratiques des maternités. La polémique ébranle sages-femmes et médecins.

Six ans ont passé depuis que Magali a donné naissance à son premier enfant. « Je n’ai rien oublié, c’est un tel traumatisme », relate la jeune femme, qui a requis l’anonymat. Dès son arrivée à la maternité ce jour-là, on la prévient : il y a beaucoup d’accouchements en même temps. Seule dans une chambre, elle souffre au point de perdre connaissance deux fois. « On m’a dit : “Taisez-vous madame vous ne pouvez pas avoir aussi mal”. Je n’ai eu aucune prise en charge, aucune surveillance. »

Quand elle sort dans le couloir pour réclamer d’aller en salle de prétravail, l’accouchement est en fait imminent. Elle est auscultée : il est trop tard pour une anesthésie péridurale. Elle enfantera dans la douleur, avec forceps et épisiotomie (incision du périnée censée prévenir une déchirure plus grave). « Un des pires jours de ma vie », souffle-t-elle.

Le plus dur à supporter, ce n’était pas la souffrance physique, mais les mots des soignants : « On m’a dit que je poussais mal, que je ne faisais pas assez d’effort ; ma douleur était niée, j’étais complètement culpabilisée. » A 40 ans, elle essaie d’avoir un deuxième enfant, dans l’angoisse, car elle « ne veu [t] plus accoucher ».

Les récits comparables se multiplient depuis que la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a dit vouloir lutter contre les « violences obstétricales », le 20 juillet au Sénat. L’expression a déclenché une tempête. En outre, il n’y a pas en France 75 % d’épisiotomie en moyenne comme Mme Schiappa l’a alors indiqué mais moins de 30 % (44 % pour le premier enfant et 14 % ensuite). L’Ordre des médecins ne s’était pas privé de dénoncer des propos « mal documentés ».

L’impression de « n’être plus qu’un utérus »

« Les bourdes ont du bon », se réjouit cependant Chantal Ducroux-Schouwey, présidente du Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane). Car la parole des femmes qui ont mal vécu leur accouchement, présente jusqu’à présent sur des blogs et des forums Internet, fait irruption dans le débat public. « On est au début d’une révolution », abonde la juriste Marie-Hélène Lahaye, dont le blog « Marie accouche là », lancé en 2013, a contribué à populariser l’expression « violences obstétricales ».

Signe que les lignes bougent, l’Ordre des sages-femmes soutient Mme Schiappa, qui a commandé un rapport au Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, une instance indépendante placée auprès du premier ministre. « Ce sujet essentiel doit impérativement être étudié », affirmait l’ordre dans un communiqué fin juillet.

De quoi parle-t-on au juste ? « De tout geste ou attitude qui ne considère plus la femme comme actrice de l’accouchement », répond Mme Ducroux-Schouwey. Cela va de l’« expression abdominale », une pratique très douloureuse et déconseillée par les autorités de santé qui consiste à appuyer sur le ventre pour accélérer la naissance, à la réalisation d’une épisiotomie non justifiée, en passant par des paroles déplacées, ou encore l’obligation de rester allongée sur le dos pour accoucher alors que certaines femmes préféreraient une autre position…

Plus généralement, l’absence d’explications et de recueil du consentement des patientes, par exemple pour l’utilisation des forceps ou la pratique d’une épisiotomie sont mis en cause, car ils rendent ces gestes incompréhensibles. Il s’agit pourtant d’une obligation légale depuis 2002 pour tous les actes médicaux. « On a l’impression de n’être plus qu’un utérus », résume Magali.

« La situation peut très vite se compliquer »

Combien de femmes sont concernées, à quel degré ? Impossible de le savoir, car aucune étude officielle n’a jamais été réalisée sur le sujet. Médecins et sages-femmes célèbres ou anonymes sont en tout cas sonnés par la remise en cause. « Parler de violences à propos de gens qui consacrent leur vie à soigner les autres, c’est un peu fort !, conteste Bertrand de Rochambeau, président du syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France. C’est mal vécu par la profession qui l’interprète comme un “doc bashing”. »

Le risque est de mettre tout le monde dans le même sac, d’oublier les accouchements sans accroc et les personnels dévoués. « Ce qui se dit fait beaucoup de mal aux équipes qui s’engagent dans la bientraitance », relève Cécile Thiébaut, sage-femme cadre dans une clinique de Compiègne. Sans compter l’effet produit sur les futures mères. L’accouchement, espéré autant que redouté, est un événement en lui-même anxiogène. La polémique peut le rendre carrément effrayant.

« Le terme de violences laisse entendre que ce serait délibéré », s’insurge le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens, Israël Nisand, indigné par la « punition collective » infligée à une profession « extrêmement difficile », qui peine déjà à recruter.

Pour s’expliquer, les professionnels rappellent les risques et énumèrent leurs contraintes. « J’ai vu des patientes mourir, affirme M. de Rochambeau. Lors d’un accouchement, le stress est très intense. » « La situation peut très vite se compliquer, sans préavis, et il n’y a pas d’urgence plus importante », renchérit M. Nisand. La mortalité maternelle a été divisée par 10 depuis la médicalisation de l’accouchement. Les soignants soulignent également que l’incision du périnée a longtemps été enseignée, avant d’être remise en cause. La pratique est d’ailleurs en baisse (le taux atteignait 71 % pour le premier enfant en 1998).

« Cesser d’infantiliser les femmes »

Tout cela dans un contexte de compression de personnels. « Les confrères n’ont pas la tête à savoir si le consentement a été recueilli, explique M. de Rochambeau. L’important c’est de faire naître le bébé, que ça se passe bien pour lui et la maman, et de passer au suivant. Nous sommes arrivés au bout de notre modèle. »

Quasiment toujours médicalisé, l’accouchement est aujourd’hui standardisé. Pendant sa grossesse, la future mère peut être suivie par une demi-douzaine de personnes différentes. Le jour J en salle d’accouchement, c’est la loterie. On ne sait pas sur qui on tombe, mais il s’agit en général d’inconnus. La péridurale et la position allongée sont devenues routinières. Celles qui veulent sortir de ce cadre ne sont pas forcément bien accueillies, car l’accouchement sans anesthésie demande un accompagnement différent.

« La posture empathique et l’accompagnement global des femmes – tout au long de la grossesse et de l’accouchement – ne sont pas valorisés dans le modèle de financement de nos hôpitaux, analyse Isabelle Derrendinger, directrice d’une école de sage-femme et élue au conseil de l’ordre. Mais nous contenter de ce constat serait une erreur. Le comportement soignant doit évoluer au regard des attentes, du vécu des femmes. »

Cécile Thiébaut raconte ainsi comment, dans son service, le taux de césarienne est passé en quelques années de 24 % à 14 %, et le taux de d’épisiotomie de 28 % à 3 %. « Rien qu’en se mettant autour d’une table et en discutant », résume-t-elle. Tous les jeudis matins, les soignants doivent justifier des actes effectués devant l’équipe. Ils recueillent toujours le consentement des patientes. « Il faut cesser d’infantiliser les femmes, poursuit-elle. L’épisiotomie est-elle en soi une violence ? Je ne crois pas. Ne pas le dire, ne pas l’expliquer, c’en est une. »

La polémique de l’été débouchera-t-elle sur un mouvement plus profond ? Une meilleure connaissance du phénomène est en tout cas un premier pas unanimement attendu. « Personne ne s’est jamais préoccupé de la qualité des maternités, affirme M. Nisand. Il faut dire où ça se passe bien, et où ça se passe mal. »

21 juillet 2012

RUSSIE : Droits de l'Homme (et de la Femme)

Cette vidéo montre les arrestations et les violences qui ont lieu chaque année en Russie pour la Gay Pride de Moscou...
Depuis 2006 la communauté lgbt de Russie essaye d'imposer la gay pride dans Moscou et certaines grandes villes du pays, et tous les ans le pouvoir empêche cela en s'appuyant sur des nationalistes d'extrême droite violent qui viennent pour "casser du pédé" et qu'on laisse agir avant d'arrêter les activistes et les participants sans ménagement pour troubles à l'ordre public ! Cette année 2012 les choses se dégradent d'avantage, puisque les responsables politiques de Saint-Pétersbourg, avec le soutien de Poutine, font voter une loi interdisant toute propagande à caractère LGBT sous peine d'une très forte amende. Sans parler de l'emprisonnement pour trouble à l'ordre public et autres prétextes bidons... Pendant que les droits fondamentaux des Hommes et des Femmes sont bafoués dans la Russie de Poutine celui-ci s'en met plein les poches avec sa clique de macho corrompus et se fait réélire frauduleusement de façon éhonté sur le dos du peuple !

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Les trois jeunes femmes arrétées (Pussy Riot)

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