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Jours tranquilles à Paris
liberation
14 mai 2020

Libération du 14 mai 2020

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13 mai 2020

Libération de ce 13 mai 2020

libé 13 mai

12 mai 2020

Inégalités : un déconfinement qui se lève tôt

Par Laurent Joffrin - Libération

Des travailleurs qui se pressent dans les transports aux aurores, au risque de se contaminer, quand les cadres télétravaillent à l’abri : un constat à peine exagéré qui interroge une nouvelle fois les disparités de revenus rapportées à l’utilité sociale.

Première info de ce premier jour de déconfinement : à 7 heures, les rames de RER et de métro étaient bondées en Ile-de-France ; à 8 h 30, elles étaient vides. A 7 heures les prolos, à 8 h 30, les bobos ? Nous sommes tous égaux devant le déconfinement ; mais, de toute évidence, certains le sont plus que d’autres. On croit que la France est divisée par la géographie sanitaire, qui distingue les régions à risque et les régions moins touchées. Erreur : elle est surtout coupée en deux dans le sens horizontal, entre celles et ceux qui doivent impérativement se rendre à leur travail - plutôt en bas - et les autres, qui peuvent continuer à s’adonner aux joies et aux tracas du télétravail - plutôt en haut. On perçoit rétrospectivement la force du slogan inventé naguère par Nicolas Sarkozy : parler à «la France qui se lève tôt». La formule reçoit une nouvelle illustration. Ceux qui se lèvent tôt emplissent les transports en commun, serrés comme des sardines malgré les règles de distanciation sociale : sans avoir le choix, ils doivent courir le risque de la contamination à l’extérieur (ils le font, d’ailleurs, dans certains secteurs comme l’alimentation ou les services publics de l’énergie, depuis le début du confinement). Les autres, dont les fonctions, les tâches, le travail, leur permet de rester chez eux ou de circuler à des heures plus creuses, restent à l’abri du virus. Bien sûr, il faut nuancer. Dominés exposés à la contagion d’un côté, dominants protégés de l’autre ? Non. Beaucoup de petits patrons, ou même de grands, sont sur le pont, à leur poste de travail, enserrés comme les autres par les masques et les gestes barrières. Les chefs de chantier sont à pied d’œuvre, comme les ouvriers ; les propriétaires de salons de coiffure ou de magasins de vêtements accueillent les clients, comme leurs employés. De même que les mandarins des hôpitaux, tels des généraux d’Empire, étaient à la tête de leurs troupes au plus fort du combat contre le virus, courant les mêmes risques que leurs subordonnés. Ils ne disaient pas «En avant !» mais «Suivez-moi !» La rhétorique des «dominants et des dominés», confuse à souhait, oublie que les responsables, souvent, assument leurs responsabilités.

Non, plutôt qu’une vitupération supplémentaire contre «les élites», au parfum poujadiste délétère, cette triviale constatation - les travailleurs manuels vont travailler, les autres se protègent en travaillant à distance - met en cause, plus profondément, la légitimité des hiérarchies de prestige et de revenu qui organisent les sociétés modernes. Il est logique de rémunérer davantage ceux qui ont des compétences plus pointues, qui savent organiser le travail des autres, qui prennent les risques d’entreprise ou développent des innovations utiles. Mais à l’heure du danger, on s’aperçoit qu’ils ne peuvent rien faire sans ceux qu’ils dirigent. On constate que les travailleurs au contact des réalités matérielles sont la base réelle de la société, autant que ceux qui maîtrisent les abstractions, intellectuelles ou managériales.

Au regard de cette réalité, les inégalités de revenu sont-elles aussi légitimes que le sous-entend le discours des «premiers de cordée» ? Dans cette situation de pandémie, ceux qui gagnent le moins sont ceux qui prennent le plus de risques. N’est-il pas temps d’interroger, une nouvelle fois, mais concrètement cette fois, à la lumière de la crise, les écarts de revenu, parfois abyssaux, qui séparent dirigeants et dirigés, manuels et intellectuels, cadres et ouvriers ? Quand on entend les ministres du gouvernement Philippe expliquer qu’on ne saurait imposer plus les plus favorisés au risque de les décourager, on se demande s’ils ont compris le sens de la crise que nous traversons.

N’est-il pas temps, aussi, d’encourager ceux qui n’ont d’autre choix que d’être plus courageux que les autres face au virus, même si leur position sociale est moindre ? Ou, à tout le moins et dans l’immédiat, de leur garantir la gratuité des masques - qui finissent par coûter cher -, la stabilité de leur maigre revenu, une protection contre le chômage qui menace, une prime de risque qui traduirait leur exposition supérieure au virus ? Bref, de corriger par une action sociale - socialiste ? - les inégalités fonctionnelles qui naissent spontanément de la division du travail.

11 mai 2020

Déconfinement : bobos et prolos

Première info de ce premier jour de déconfinement : à 7 heures, les rames de RER et de métro étaient bondées ; à 8h30, elles étaient vides. A 7 heures les prolos, à 8h30 les bobos ? Nous sommes tous égaux devant le déconfinement mais, de toute évidence, certains le sont plus que d’autres. On croit que la France est divisée par la géographie sanitaire, qui distingue les régions à risque et les régions moins touchées. Erreur : elle est surtout coupée en deux dans le sens horizontal, entre celles et ceux qui doivent impérativement se rendre à leur travail – plutôt en bas – et les autres, qui peuvent continuer à s’adonner aux joies et aux tracas du télétravail – plutôt en haut.

On perçoit rétrospectivement la force du slogan inventé naguère par Nicolas Sarkozy : parler à «la France qui se lève tôt». La formule reçoit une nouvelle illustration. Ceux qui se lèvent tôt emplissent les transports en commun, serrés comme des sardines malgré les règles de distanciation sociale : sans en avoir le choix, ils doivent courir le risque de la contamination à l’extérieur (ils le font, d’ailleurs, dans certains secteurs comme l’alimentation ou les services publics de l’énergie, depuis le début du confinement). Les autres, dont les fonctions, les tâches, le travail, leur permettent de rester chez eux ou de circuler à des heures plus creuses, restent à l’abri du virus.

Bien sûr, il faut nuancer. Dominés exposés à la contagion d’un côté, dominants protégés de l’autre ? Non. Beaucoup de petits patrons, ou même de grands, sont sur le pont, à leur poste de travail, enserrés comme les autres, par les masques et les gestes barrières, sur leur lieu de travail. Les chefs de chantier sont à pied d’œuvre, comme les ouvriers, les propriétaires de salons de coiffure ou de magasins de vêtement accueillent les clients, comme leurs employés. De même que les mandarins des hôpitaux, tels des généraux d’Empire, étaient à la tête de leurs troupes au plus fort du combat contre le virus, courant les mêmes risques que leurs subordonnés. Ils ne disaient pas «En avant !» mais «Suivez-moi !» La rhétorique des «dominants et des dominés», confuse à souhait, oublie que les responsables, souvent, assument leurs responsabilités.

Non, plutôt qu’une vitupération supplémentaire contre «les élites», au parfum poujadiste délétère, cette triviale constatation – les manuels vont travailler, les autres se protègent en travaillant à distance – met en cause, plus profondément, la légitimité des hiérarchies de prestige et de revenu qui organisent les sociétés modernes. Il est logique de rétribuer plus ceux qui ont des compétences plus pointues, qui savent organiser le travail des autres, qui prennent les risques d’entreprise ou développent des innovations utiles. Mais à l’heure du danger, on s’aperçoit qu’ils ne peuvent rien faire sans ceux qu’ils dirigent. On constate que les travailleurs au contact des réalités matérielles sont la base réelle de la société, autant que ceux qui maîtrisent les abstractions, intellectuelles ou managériales.

Au regard de cette réalité, les inégalités de revenu sont-elles aussi légitimes que le sous-entend le discours des «premiers de cordée» ? Dans cette situation de pandémie, ceux qui gagnent le moins sont ceux qui prennent le plus de risques. N’est-il pas le temps d’interroger, une nouvelle fois, mais concrètement cette fois, à la lumière de la crise, les écarts de revenu, parfois abyssaux, qui séparent dirigeants et dirigés, manuels et intellectuels, cadres et ouvriers ? Quand on entend les ministres du gouvernement Philippe expliquer qu’on ne saurait imposer davantage les plus favorisés au risque de les décourager, on se demande s’ils ont compris le sens de la crise que nous traversons. N’est-il pas temps, aussi, d’encourager ceux qui n’ont d’autre choix que d’être plus courageux que les autres face au virus, même si leur position sociale est moindre ? Ou, à tout le moins et dans l’immédiat, de leur garantir la gratuité des masques – qui finissent par coûter cher – la stabilité de leur maigre revenu, une protection contre le chômage qui menace, une prime de risque qui traduirait leur exposition supérieure au virus ? Bref, de corriger par une action sociale – socialiste ? – les inégalités fonctionnelles qui naissent spontanément de la division du travail.

LAURENT JOFFRIN

7 mai 2020

Libération de ce 7 mai 2020

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6 mai 2020

Libération de ce 6 mai 2020

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4 mai 2020

Libération de ce lundi 4 mai 2020

libé 4 mai

1 mai 2020

La lettre politiquede Laurent Joffrin - Le monde d'avant, en pire ?

Comme on pouvait le prévoir, les mauvaises nouvelles économiques (et donc sociales), tombent comme à Gravelotte. Récession inédite aux Etats-Unis et en Allemagne, encore plus forte en France, ralentissement mondial inéluctable, plans de licenciement à venir, hausse du chômage déjà forte. Comme on l’a déjà écrit dans cette lettre, le «monde d’après» fera peu de place aux lendemains qui chantent. Il risque même de ressembler furieusement, à court terme en tout cas, au monde d’avant, mais en pire.

D’autant que la crise économique ne succédera pas à la crise sanitaire : les deux iront de pair. Tant qu’un vaccin n’aura pas écarté la menace, l’effort productif restera handicapé par les mesures de précautions multiples qu’il faudra observer pour ne pas provoquer une nouvelle submersion du système hospitalier et pour limiter les pertes humaines.

Ces restrictions de l’offre se doubleront sans doute d’une restriction de la demande : l’argent que les Français n’auront pas dépensé pendant le confinement risque de se changer, non en achats, mais en épargne de précaution. Quand des millions de gens craignent pour leur emploi, ils ne sont pas enclins à la dépense. A cela s’ajoutera la situation désastreuse de secteurs entiers, comme la culture, les transports aériens, le tourisme, les bars et les restaurants – tout ce qui concourt, en fait, aux agréments de la vie – où beaucoup d’entreprises en viennent à se dire qu’elles ne passeront pas, non l’hiver mais l’été.

Dans l’urgence, les institutions réagissent, personne ne peut leur dénier une certaine présence d’esprit. Les gouvernements volent au secours de l’économie en multipliant les subventions ou les crédits, l’Europe, après une hésitation initiale, prend peu à peu la mesure de la situation, elle prévoit un plan de relance massif et un début de solidarité entre nations fortes et moins fortes. Les banques centrales, dont la BCE, têtes de turc habituelles des extrêmes, ont brisé les idoles et actionné sans retenue la planche à billets (ce ne sont pas des billets, mais des lignes de crédit informatiques) pour éviter l’enchaînement fatal des défauts de paiement.

A partir de là, le débat politique reprend ses droits. Deux orientations sont possibles :

- Compenser autant que possible les pertes en maintenant en l’état la structure de l’économie et l’architecture du système social et fiscal ; ce sera le réflexe du centre et de la droite, aiguillonnés par le patronat conservateur. Déjà, en France, on exclut toute contribution supplémentaire des classes favorisées au nom de la motivation des «premiers de cordée» et on réclame assouplissements du droit du travail, allègement des normes environnementales, allongement de la durée du travail.

- Ou bien s’efforcer de conjuguer relance et transition écologique, retour à l’activité et redistribution en faveur des plus menacés par la crise, rétablissement des échanges et reconquête d’une souveraineté industrielle minimale. Là encore, le «monde d’après» ne changera pas tout seul. Comme pour le monde d’avant, son avenir dépendra d’un combat politique, patient et ardu.

LAURENT JOFFRIN

30 avril 2020

Libération du 30 avril 2020

libé30avril

29 avril 2020

La lettre politique de Laurent Joffrin - Trump : la fêlure du président fêlé

Toujours plus loin dans le surréalisme. La sortie de Donald Trump suggérant d’injecter du désinfectant dans le corps humain pour lutter contre le coronavirus a fait le tour du monde. Entre éclat de rire et consternation, les médecins unanimes ont mis en garde les Américains contre tout essai de ce genre, en général réservé à ceux qui tentent de mettre fin à leurs jours. Placerait-on une scène pareille dans une fiction que le public crierait à l’invraisemblance. Alfred Jarry lui-même, écrivant une suite de ses Ubu, n’y aurait sans doute pas pensé.

Cette publicité pour l’élixir du docteur Trump, au vrai, n’est que la dernière d’une longue série de déclarations aussi baroques que péremptoires proférées par le président américain depuis le début de la crise. Le Président a d’abord nié le danger avec force arguments, puis il a proposé de ne rien faire pour lutter contre l’épidémie, de manière à préserver le mode de vie américain, suggérant ainsi le sacrifice délibéré des malades pour sauver l’économie. Il a ensuite annoncé un retour à la normale à Pâques et critiqué les mesures de confinement prises par les gouverneurs, avant de demander soudain l’isolement total de l’Etat de New York. Puis il a prophétisé sans crier gare une hécatombe de 200 000 morts en expliquant qu’au-dessous de ce chiffre effrayant, son administration aura remporté un grand succès. Il s’est surtout félicité du seul résultat important à ses yeux : les audiences records de ses conférences de presse quotidiennes. Bref, tandis que le bilan des morts dues au coronavirus vient de dépasser celui de la guerre du Vietnam, il a fait une nouvelle fois la preuve de son encyclopédique ignorance, de sa forfanterie maladive et de son abyssal mépris pour tout ce qui pourrait ressembler à une pensée rationnelle.

Rien de neuf, dira-t-on, Donald Trump ne parle pas à l’intelligence des Américains mais à leurs tripes. En fermant les frontières et en suspendant la délivrance des «cartes vertes» de l’immigration légale, il a une nouvelle fois désigné son adversaire, qui est celui de son électorat : l’étranger, responsable de tous les maux, personnifié cette fois par le «virus chinois», forme inédite d’immigration clandestine. Voyant l’effet désastreux de sa sortie javellisée, il a déclaré sans rire qu’il renonçait à ses points de presse quotidiens, «qui lui font perdre son temps».

Accablés, beaucoup d’Américains terminent le rappel de ces exploits par cette formule résignée : «Et le pire, c’est qu’il sera réélu.» C’est peut-être là que quelque chose a changé. Comme si la parabole du désinfectant était la goutte d’eau de Javel qui fait déborder le vase. Plus de 90% des Américains ont répondu aux sondeurs qu’ils se garderaient bien de toute tentative d’ingestion de produit de ce genre – ce qui tend à montrer qu’il leur reste un peu de bon sens. Mais surtout, les enquêtes d’opinion enregistrent, pour la première fois depuis longtemps, une baisse de la popularité du Président. Alors qu’en général les crises resserrent les rangs autour de la Maison Blanche, la moyenne des sondages réalisés aux Etats-Unis montre que 52% des Américains ne lui font pas confiance, même s’ils sont toujours 43% à le soutenir. L’opinion dans tous les sondages soutient les mesures de protection prises par les gouverneurs et désavoue l’irénisme erratique du Président. Plus inquiétant pour lui : dans trois des Etats qui lui ont assuré la victoire en 2016, il accuse désormais un retard de plusieurs points sur son adversaire Joe Biden, alors même que l’ancien vice-président reste plutôt discret dans la crise. Les démocrates font bloc derrière leur candidat et se souviennent que Trump, quoique très légalement élu, était minoritaire en voix face à Hillary Clinton.

Rien n’est joué, bien sûr : Trump jouera à fond la carte anti-establishment en dénonçant la coalition des héritiers d’Obama et Clinton, expression d’une Amérique progressiste, voire socialiste, qui rassemblerait les bobos de la côte Est, les babas de côte Ouest et les minorités, contre le vieux pays profond, blanc et populaire, argument qui avait fait mouche en 2016. Mais sa gestion calamiteuse du coronavirus entame son crédit et le surgissement d’une grave crise économique et sociale le prive de son principal atout dans la campagne. Pour la première fois, ce président fêlé voit apparaître une fêlure dans sa popularité. Ce qui peut changer la donne en novembre prochain.

LAURENT JOFFRIN

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