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Jours tranquilles à Paris
poutine
17 août 2019

RELATIONS FRANCO-RUSSES - Entre Macron et Poutine, l’amorce d’un réchauffement

Le président français reçoit son homologue russe lundi 19 août à Brégançon, à cinq jours du sommet du G7, pour souligner l’importance d’un « dialogue franc » avec Moscou

Résidence estivale des chefs de l’Etat de la Ve République, le fort de Brégançon, dans le Var, est un cadre moins solennel que le palais de l’Elysée. Le choix de ce lieu pour une visite de travail de Vladimir Poutine, lundi 19 août en fin d’après-midi, vise une nouvelle fois à donner un caractère plus personnel à cette rencontre, la troisième après celle de Versailles en mai 2017 puis la visite d’Emmanuel Macron à Saint-Pétersbourg un an plus tard – sans compter les entretiens en marge de sommets du G20 à Osaka fin juin ou à Buenos Aires en décembre 2018.

La date choisie fait sens à cinq jours de l’ouverture à Biarritz, sous présidence française, du sommet du G7 réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement des principales puissances économiques démocratiques (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Canada, Japon). Le président français veut ainsi souligner l’importance de consultations sur les grands dossiers internationaux avec la Russie, sans pour autant la réintégrer dans cette instance dont elle avait été exclue en 2014 après l’annexion de la Crimée et son soutien aux rebelles de l’est de l’Ukraine.

Rien n’a jamais été simple dans les relations entre les deux présidents. Le contexte politique intérieur russe, avec le durcissement du régime face aux protestations de l’opposition contre l’exclusion de ses candidats pour l’élection à la mairie de Moscou, ne facilite pas les choses.

Pourtant, jamais autant qu’aujourd’hui leurs relations n’ont été aussi « indispensables », selon les mots de l’Elysée, sur fond de tensions croissantes entre Washington et Téhéran sur le programme nucléaire iranien et de reprise de l’offensive en Syrie par les forces de Bachar Al-Assad, appuyées par Moscou, contre Idlib, la dernière enclave de l’opposition. La désescalade en Ukraine sera un autre sujet majeur des discussions, alors que le nouveau président, Volodymyr Zelensky, appelle à reprendre les négociations avec Moscou sous le parrainage de Paris et Berlin afin de mettre fin au conflit dans le Donbass.

« Ce n’est pas un entretien, quel qu’il soit et quelle qu’en soit l’intensité, qui permet de régler des questions aussi compliquées que l’Iran, la Syrie ou l’Ukraine », reconnaît la présidence française, tout en insistant sur l’importance « d’un dialogue exigeant, franc, qui permette de mieux nous comprendre, de trouver des terrains d’entente et de converger sur l’essentiel ». Ce sont les euphémismes du langage diplomatique. La rencontre des deux chefs d’Etat risque d’être aussi vive que les précédentes. Elle devrait néanmoins poser de nouveaux jalons dans le processus de réchauffement Paris-Moscou amorcé depuis quelques mois.

« Double approche »

« Emmanuel Macron a l’espoir d’être celui qui fait bouger Poutine, même si ses tentatives précédentes n’ont pas forcément été concluantes, analyse Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales. A court terme, il a besoin de lui sur l’Iran. A long terme, il veut empêcher que la Russie ne dérive vers la Chine. C’est une double approche : diplomatique, qui passe nécessairement par Poutine ; géopolitique, qui inscrit la relation à la Russie dans la durée. Elle se fait en prenant le risque d’être à contretemps d’un régime qui a érigé son pragmatisme international en idéologie anti-occidentale. »

M. Gomart rappelle néanmoins que « la vraie difficulté va au-delà de la relation personnelle Macron-Poutine, car la Russie raisonne en termes de générations et que nous pensons en termes de quinquennat ». C’est un pari. Avec toutes ses inconnues, rappelées par ceux qui s’inquiètent de la caution donnée ainsi à l’homme fort du Kremlin. « Quel intérêt y a-t-il à introniser à nouveau un pays dont le but avoué est la destruction de l’ordre international et le ralliement de toute l’Europe à son régime militaro-policier ? », s’indignaient l’écrivaine Galia Ackerman et l’historienne Françoise Thom dans une tribune publiée dans Le Monde le 2 août.

Les tensions entre les Occidentaux et le Kremlin ont été récurrentes depuis l’annexion de la Crimée, avec notamment les menaces toujours plus explicites d’une Russie redevenue une actrice majeure sur la scène internationale, notamment au Moyen-Orient, après son intervention militaire en Syrie à l’automne 2015. Le PIB russe est équivalent à celui de l’Italie, mais l’homme fort du Kremlin sait intelligemment utiliser la force et surtout profiter des faiblesses des Occidentaux. Et ce d’autant plus qu’il se sait toujours plus incontournable.

« Il est absurde d’un point de vue stratégique d’avoir avec la Russie des rapports beaucoup plus stériles et conflictuels que ceux que nous avions avec l’URSS dans la dernière décennie de la guerre froide, relève l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine. L’URSS était pourtant beaucoup plus menaçante que la Russie d’aujourd’hui et s’ingérait encore plus, même si de façon plus fruste, dans la vie politique de pays occidentaux. » Et de souligner « qu’il faut tenter cette carte de relations plus réalistes avec Moscou avant que Donald Trump ne le fasse à sa façon ».

« Sortir de l’alignement »

L’ancien patron du Quai d’Orsay rappelle que « les torts sont partagés ». « Nous avons mal joué pendant le premier mandat de Poutine, qui affichait alors une certaine disponibilité vis-à-vis des Européens. L’élargissement de l’OTAN a été en outre très mal géré, car s’il était justifié pour les pays baltes, les gesticulations sur l’Ukraine ont rendu presque inévitable une réaction russe et l’annexion de la Crimée afin de conserver la grande base de Sébastopol », explique M. Védrine.

Le débat entre les tenants d’une diplomatie des valeurs et les adeptes du réalisme est récurrent notamment à propos de la Russie. « Nous voulons sortir de l’effet d’alignement et marquer un décalage. C’est la vocation de la diplomatie française », résume une source élyséenne, n’hésitant pas à parler « d’un certain retour gaullien », même si le contexte est très différent.

Depuis son élection, Emmanuel Macron s’est lancé dans un délicat exercice, montrant sa volonté de dialogue avec Moscou tout en rappelant les fondamentaux et en dénonçant les ingérences russes. Alors que la chancelière allemande, Angela Merkel, est politiquement affaiblie et que le Royaume-Uni se concentre sur le Brexit, le président français est – même si en partie par défaut – l’interlocuteur naturel au nom des Européens. Un rôle d’autant plus crucial que le président américain est toujours plus imprévisible. Emmanuel Macron « est le représentant d’un Occident collectif », résume un haut diplomate russe.

La première rencontre d’Emmanuel Macron, moins d’un mois après son élection, avec Vladimir Poutine s’est tenue à Versailles, fin mai 2017, à l’occasion d’une exposition célébrant les trois cents ans de la visite de Pierre Le Grand. « Ce tsar est le symbole de cette Russie qui veut s’ouvrir à l’Europe et en tirer tout ce qu’elle a de grand et de fort », déclara alors le président français, qui n’hésita pas lors de la conférence de presse commune à marteler aussi les choses qui fâchent sur la Syrie, les droits humains ou la manipulation des médias.

Mais M. Macron disait aussi ce que souhaitait entendre son hôte, en affirmant « accepter le rôle renforcé que se donne la Russie dans sa région ainsi qu’(…) au Moyen-Orient » et en évoquant « les incompréhensions, parfois les erreurs de ces vingt-cinq dernières années ». Poutine, lui, s’était abstenu de battre sa coulpe.

La différence d’attitude était encore plus frappante un an plus tard, lors du forum économique de Saint-Pétersbourg. Emmanuel Macron jouait la séduction, tutoyant le président russe et l’appelant « cher Vladimir ». Il citait Dostoïevski, Tolstoï et Soljenitsyne, insistant sur son souhait d’ancrer la Russie dans l’Europe. Face à lui, l’homme fort du Kremlin, courtois mais impassible, le vouvoyait. « Nous évoquons un dialogue dans la fermeté, mais celui-ci est resté sans effet côté russe, analyse Thomas Gomart. Vladimir Poutine est très goguenard vis-à-vis des dirigeants européens, y compris Emmanuel Macron, estimant avoir désormais le rapport de force en sa faveur. »

Quelque chose bouge néanmoins dans les relations entre Paris et Moscou. « Dans le dialogue entre les démocraties libérales et celles qui peuvent revendiquer de l’être moins, on peut construire beaucoup », lançait ainsi le président français à Osaka à son interlocuteur russe qui, dans une longue interview au Financial Times, avait clamé son rejet des valeurs de la démocratie libérale. Les signes d’un réchauffement sont nombreux. Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, s’est rendu au Havre le 24 juin, où il a rencontré son homologue Edouard Philippe. La France a, en outre, soutenu la réintégration de la Russie au Conseil de l’Europe, saluée par la presse du régime comme une « victoire » de Moscou.

« Des efforts à faire »

La vision macronienne se veut ambitieuse. « L’Europe dans cet ordre multilatéral que je défends a besoin de rebâtir une nouvelle grammaire de confiance et de sécurité avec la Russie et ne doit pas passer exclusivement par l’OTAN », expliquait le chef de l’Etat le 11 juin dans une interview à la Radio-Télévision suisse, déclarant vouloir « réenclencher une dynamique » avec la Russie et reprendre « un dialogue stratégique ».

M. Macron reconnaissait toutefois que la Russie avait encore « des efforts à faire ». En premier lieu sur l’Ukraine et la mise en œuvre des accords de Minsk, parrainés par Paris et Berlin en février 2015, instaurant un fragile cessez-le-feu entre Kiev et les rebelles. « Sans cela, pas de reformation du G8 », avec réintégration au G7 de la Russie, insiste l’Elysée.

La priorité à Brégançon reste le dossier iranien. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie est l’une des signataires de l’accord de juillet 2015 sur le programme nucléaire iranien. Elle est aussi son alliée. Emmanuel Macron voudrait que Vladimir Poutine presse à ses côtés le régime iranien pour qu’il renonce à enfreindre ses obligations, ce qui ouvrirait un espace pour une désescalade, voire une médiation entre Téhéran et Washington.

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Le fort de Brégançon, un théâtre diplomatique peu utilisé par les présidents

Olivier Faye

Deux hélicoptères se posent à proximité du fort de Brégançon (Var), avec à leur bord François Mitterrand et Helmut Kohl. Des badauds en slip de bain scrutent la scène avec des jumelles. Le 24 août 1985, le président de la République et le chancelier d’Allemagne de l’Ouest se retrouvent pour parler de sécurité. La guerre froide n’est pas finie. « La sécurité de l’un intéresse la sécurité de l’autre », lâche le Français d’un ton morne devant les caméras. Le cœur n’y est pas. Il est davantage préoccupé par l’affaire du Rainbow-Warrior, ce navire de l’ONG Greenpeace coulé par les services secrets français en juillet 1985. Son invité, lui aussi, a la tête ailleurs – il est inquiet de l’espionnage de son pays par l’Allemagne de l’Est. On a connu plus grandiose pour une première.

Avant 1985, la résidence présidentielle, lieu de vacances officiel des chefs de l’Etat depuis 1968, n’avait encore jamais accueilli de rendez-vous diplomatique. Il n’y en aura pas beaucoup d’autres. Cela rend d’autant plus particulière l’invitation en ces lieux lancée à Vladimir Poutine par Emmanuel Macron, lundi 19 août. Exigu, le fort n’est pas vraiment adapté aux grands raouts. Mais il abrite un hectare de jardin de superbe réputation qui, conjugué au soleil de la Méditerranée, offre des conditions idéales à une rencontre bilatérale au caractère informel.

Patrimoine national

Le 16 août 2004, Jacques Chirac avait utilisé cet environnement pour renouer les liens entre la France et l’Algérie. Les propos du président Abdelaziz Bouteflika, quelques semaines plus tôt, qualifiant les harkis de « collabos », avaient en effet jeté un froid.

D’abord invité à participer à la cérémonie du 60e anniversaire du débarquement allié en Provence, le chef de l’Etat algérien avait ensuite eu les honneurs d’un déjeuner long de quatre heures avec son homologue français à Brégançon. Le « climat », rapportait alors l’Elysée, y était « excellent » et l’ambiance « chaleureuse ». Ce qui n’a pas empêché les caméras d’être tenues à l’écart.

Quatre ans plus tard, en août 2008, le style se voulait bien différent : caméras partout, intimité nulle part. Nicolas Sarkozy recevait alors la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, pour évoquer le conflit géorgien. Le président français s’efforçait d’éviter la partition du pays et une invasion russe. Une fois les discussions achevées, il embarquait son invitée dans un bain de foule en toute décontraction, sans cravate.

Emmanuel Macron, qui a certes tombé la veste au moment de recevoir Theresa May à l’été 2018, ne s’était pas risqué au même exercice. La scène aurait pu être interprétée durement outre-Manche. Le chef de l’Etat était alors dépeint comme le dirigeant européen le plus hostile au nouveau plan sur le Brexit de la première ministre britannique…

Dans l’esprit du président français, le patrimoine national doit jouer un rôle diplomatique à part entière. Après la pompe du château de Versailles, en 2017, le chef de l’Etat donne aujourd’hui à voir à Vladimir Poutine l’intimité de ce lieu républicain. « C’est une visite de travail sur le lieu de travail du président de la République », relativise-t-on à l’Elysée, comme si la proximité des touristes qui bullent sur la Côte d’Azur pouvait laisser penser que l’heure est à la détente. Recevoir le maître du Kremlin en ces lieux représente néanmoins, à quelques jours du G7 de Biarritz – dont M. Poutine est exclu –, un moyen d’essayer de réchauffer les relations avec ce « grand voisin ».

« Brégançon est un symbole de la puissance de la France, a expliqué une proche du chef de l’Etat au journaliste Guillaume Daret, dans le livre Le Fort de Brégançon. Histoire, secrets et coulisses des vacances présidentielles (L’Observatoire, 2018). Or, Emmanuel Macron est très sensible à la dimension quasi psychologique des relations qu’il entretient avec ses homologues étrangers. » Il faut bien ça pour accueillir un ancien officier du KGB.

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11 août 2019

Des dizaines de milliers de personnes rassemblées à Moscou pour réclamer des élections libres

Par Benoît Vitkine, Moscou, correspondant

Ce rassemblement, le plus important depuis des années en Russie, avait été autorisé par les autorités.

Ni la pluie, ni les nombreux départs en vacances du mois d’août, ni surtout la répression des autorités n’ont eu raison de la contestation contre le pouvoir qui secoue Moscou depuis près d’un mois. Samedi 10 août, une nouvelle manifestation « pour des élections libres » a réuni le chiffre record de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le centre de la capitale russe.

Selon le comptage de l’ONG spécialisée « Compteur blanc », réputée pour son sérieux, ce sont même 49 900 personnes qui étaient présentes sur l’avenue Sakharov. Ce comptage était d’autant plus aisé que la manifestation avait été autorisée et que les protestataires devaient passer en rang par des portiques. La police assure de son côté avoir recensé 20 000 manifestants, soit le même chiffre que lors du rassemblement du 20 juillet, alors que l’avenue Sakharov était alors bien moins remplie.

Le centre de Moscou avait à nouveau été transformé en camp retranché, avec des cordons de forces antiémeutes positionnés dans chaque rue pour éviter que des participants au rassemblement ne se dispersent dans la ville.

In fine, de petits groupes ont de fait commencé à défiler en scandant des slogans hostiles au pouvoir, donnant lieu aux scènes désormais rituelles d’arrestations musclées. Dans la soirée, l’ONG OVD-Info recensait ainsi 146 interpellations.

Contre toute attente, ce rassemblement constitue donc le plus important depuis le début du mouvement, il y a un mois. La mobilisation dépasse également de loin ce qui avait été observé il y a un an lors des rassemblements contre la réforme des retraites, et elle est désormais comparable avec le mouvement de 2011-2012 contre les fraudes aux législatives et le retour de Vladimir Poutine au Kremlin. D’autres rassemblements se déroulaient également en province, où plusieurs dizaines d’arrestations ont eu lieu.

Rejet des candidats d’opposition

Ce mouvement de contestation a démarré après le rejet, pour des prétextes douteux, d’une soixantaine de candidats indépendants aux élections locales du 8 septembre. Ces candidats, issus du camp libéral ou alliés de l’opposant Alexeï Navalny, paraissaient en mesure de mettre en difficulté les représentants du pouvoir. A travers toute la Russie, ce sont des centaines de candidats d’opposition qui ont été bloqués de la même façon, accusés de falsifications ou refusés pour des vices de forme.

Malgré le caractère très local de ces scrutins de septembre, cette interdiction a choqué de nombreux Russes, qui y voient un déni de démocratie et un raidissement du pouvoir face à la moindre tentative de contester son monopole.

De nombreuses personnalités qui étaient restées jusqu’à présent silencieuses, notamment dans le monde de la musique, ont appelé ces derniers jours à se joindre au mouvement, contribuant à sa popularité.

A l’inverse, la mairie de Moscou organisait ce samedi, au pied levé, un festival de musique gratuit, espérant comme la semaine passée attirer la frange la plus jeune des éventuels manifestants. Près de la moitié des artistes annoncés se sont toutefois désistés, soit en appelant explicitement à manifester, soit en faisant part de problèmes « éthiques ».

Répression du mouvement et intimidation

Après avoir tergiversé face à cette crise, les autorités ont choisi il y a environ deux semaines la manière forte. Outre les violences policières constatées chaque samedi et les arrestations massives de manifestants pacifiques, pour la plupart rapidement relâchés, c’est dans l’arrière-salle des tribunaux que se jouent la répression du mouvement, et l’intimidation de ceux qui seraient tentés de le rejoindre.

Tous les candidats interdits, transformés en meneurs de facto de la contestation, sont ainsi emprisonnés, condamnés à des peines administratives allant jusqu’à trente jours de détention pour participation ou appel à des manifestations interdites. La dernière des candidates en liberté, Lioubov Sobol, qui a entamé une grève de la faim le 13 juillet, a été interpellée dans la matinée de samedi.

Quant à Alexeï Navalny, le dirigeant de l’opposition qui est aussi en prison pour trente jours, son « Fonds de lutte contre la corruption », dont les vidéos dévoilant les manigances des élites russes cumulent des dizaines de millions de vues sur YouTube, est dans le viseur de la justice, qui a déjà gelé les comptes de l’organisation.

Cette enquête pour « blanchiment d’argent » est intervenue au lendemain d’une nouvelle investigation du Fonds sur la numéro deux de la mairie de Moscou, accusée d’avoir mis la main sur des biens immobiliers publics d’une valeur de 94 millions d’euros.

Enquête pénale pour « troubles massifs à l’ordre public »

Surtout, l’ouverture d’une enquête pénale pour « troubles massifs à l’ordre public » a permis des arrestations de simples manifestants ces derniers jours et des dizaines de perquisitions.

Treize personnes, qui semblent pour l’essentiel avoir été choisies de façon aléatoire, sont pour l’instant détenues pour ce motif et risquent jusqu’à quinze ans de prison. Parmi elles, un homme qui avait été filmé le 3 août en train de faire mine de relever la visière d’un policier antiémeute. Pour le reste, les juges ne présentent aucune preuve de la participation des personnes arrêtées à de quelconques actions violentes. Cette semaine, le parquet a aussi demandé le retrait de ses droits parentaux à un couple ayant manifesté avec son enfant.

« Les autorités savent se montrer flexibles tant que les demandes de la société civile ne concernent pas des sujets politiques », écrivait cette semaine Alexandre Baounov, du Centre Carnegie à Moscou :

« Mais pour Vladimir Poutine, les élections sont quasiment devenues des questions de sécurité nationale. (…) C’est le gouvernement lui-même qui a choisi l’escalade. Il a choisi de répondre par la violence à des manifestations pacifiques, comme si une révolution menaçait. Son message est : “Vous voulez la révolution ? Nous sommes prêts, battons-nous !” »

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Cette stratégie montre toutefois ses limites. En témoigne la mobilisation massive de ce 10 août. De très localisé, l’enjeu est devenu national, et les manifestants de l’avenue Sakharov n’exigent désormais plus seulement le droit de voter pour le candidat de leur choix, mais aussi la libération des « prisonniers politiques » et le départ de Vladimir Poutine, au pouvoir depuis vingt ans.

29 juillet 2019

Macron recevra Poutine à Brégançon en août, signe d’un nouveau rapprochement franco-russe

Par Marc Semo

Le président français a annoncé samedi qu’il recevrait le président russe au fort de Brégançon, le 19 août, soit quelques jours avant le sommet du G7, fin août à Biarritz.

Le lieu fait sens autant que la date. Emmanuel Macron recevra le président russe, Vladimir Poutine, au fort de Brégançon, le 19 août, cinq jours avant l’ouverture à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) du sommet du G7, réunissant les chefs d’Etat ou de gouvernement des principales puissances économiques démocratiques.

« Le fort de Brégançon permet de pouvoir s’isoler pour travailler, d’avoir les équipements pour recevoir tous les appels internationaux, de recevoir des dirigeants étrangers, ce que je ferai avec Vladimir Poutine dans quelques semaines », a déclaré le président de la République, samedi 27 juillet, en marge d’un déplacement à Bormes-les-Mimosas (Var).

Recevoir son homologue russe à Brégançon, c’est insister sur le caractère personnel qu’il veut donner à la relation avec l’homme fort du Kremlin. Le voir juste avant la réunion du G7 (Etats-Unis, France, Royaume-uni, Allemagne, Japon, Italie, Canada), dont la Russie a été exclue en 2014 après l’annexion de la Crimée, c’est souligner la volonté de Paris, qui préside cette instance, de remettre la Russie dans le jeu, sans pour autant encore la réintégrer.

Evoquant déjà lors du G20 d’Osaka (Japon) fin juin, après un long entretien avec Vladimir Poutine, son désir d’une telle rencontre bilatérale, le président français assurait vouloir « explorer toutes les formes de coopération sur les grands sujets de déstabilisation ou de conflit, sans naïveté, mais sans que la porte ne soit fermée ».

Alors que la diplomatie française se pose en médiatrice dans la crise sur le nucléaire iranien, pour tenter de sauver l’accord de juillet 2015 après le retrait américain, et faire baisser les tensions dans le Golfe, la relation avec Moscou est essentielle. Paris voudrait lancer un signal fort en marge du sommet du G7.

Mais les ambitions du président dans la relation avec la Russie vont au-delà. « Nous voulons sortir de l’effet d’alignement et marquer un décalage. C’est la vocation de la diplomatie française, d’où les initiatives que nous prenons comme dans la crise iranienne », explique une source élyséenne, n’hésitant pas à parler « d’un certain retour gaullien », même si le contexte est très différent.

« Réenclencher une dynamique »

Les signes d’un réchauffement des relations franco-russes ont été nombreux ces deux derniers mois. Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, s’était rendu au Havre le 24 juin, où il a rencontré Edouard Philippe. Il s’agissait de la première visite d’un haut responsable russe depuis la venue à Versailles de Vladimir Poutine en mai 2017.

La France a, en outre, soutenu la réintégration de la Russie au Conseil de l’Europe, saluée par la presse du régime comme une « victoire » de Moscou. Dans une interview à la RTS (Radio-Télévision suisse), le 11 juin, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir « réenclencher une dynamique » avec la Russie et reprendre « un dialogue stratégique ». Il reconnaissait toutefois que la Russie avait encore « des efforts à faire ». En premier lieu sur l’Ukraine, et la mise en œuvre des accords de Minsk, parrainés par Paris et Berlin en février 2015, instaurant un fragile cessez-le-feu entre Kiev et les rebelles. « Sans cela, pas de reformation du G8 », insiste l’Elysée.

Emmanuel Macron n’en a pas moins de bonnes cartes en main. Ses relations avec Vladimir Poutine ont été pour le moins fluctuantes. Lors de leur première rencontre à Versailles, le président français, nouvellement élu, critiqua ouvertement les atteintes aux droits de l’homme et les tentatives de déstabilisation menées par les médias proches du Kremlin en France.

En juin, à Osaka, Emmanuel Macron affirma haut et fort son soutien aux « valeurs libérales » remises en cause par son homologue russe. Le président français incarne toutefois aujourd’hui le visage de l’Europe face à une Angela Merkel affaiblie et en fin de mandat. « A Paris, comme à Moscou, il y a une prise de conscience que l’on ne peut rester comme ça, et qu’il faut faire quelque chose », note un diplomate tout en rappelant « les risques d’instrumentalisation par le Kremlin » d’un rapprochement avec Paris. Ce d’autant plus que Moscou ne connaît que le rapport de force.

30 juin 2019

Jacques Chirac est le leader qui a "le plus impressionné" Vladimir Poutine

L'homme qui tient la Russie d'une main de fer a avoué au "Financial Times" son admiration pour Jacques Chirac, qu'il qualifie de "véritable intellectuel".

Vladimir Poutine ne paraît pas être un personnage dont on suscite facilement l'admiration. Pourtant c'est ce qu'à réussi à faire l'un de ses homologues au début des années 2000, alors que le maître de la Russie venait juste de se faire élire pour la première fois (26 mars 2000). En effet, lors d'une longue interview accordée au Financial Times relayée par Le Parisien, Vladimir Poutine a évoqué sa relation avec Jacques Chirac.

Après avoir assuré que le leader mondial qu'il admirait le plus était l'ancien empereur russe (entre 1682 et 1725) Pierre le Grand, il a cité l'ancien chef de l'État français parmi les leaders contemporains. Jacques Chirac est celui qui l'a "le plus impressionné", a assuré Vladimir Poutine.

"Il est un véritable intellectuel, un homme très pondéré et très intéressant", rappelle le président russe. "Quand il était président, il avait sa propre opinion sur chaque question, il savait comment la défendre et il respectait toujours les avis de ses partenaires", explique-t-il.

Tous deux en poste entre 2000 et 2007, ils avaient partagé une opposition à l'intervention américaine en Irak en 2003, et ont toujours mis en avant une relation solide, et même personnelle. Ainsi, Le Monde avait révélé que Jacques Chirac s'était rendu deux fois en Russie après ses mandats de président, à l'invitation de Vladimir Poutine.

28 avril 2019

Analyse En froid avec Trump, la Corée du Nord se tourne vers la Russie, l’ancien « pays frère »

Par Nicolas Ruisseau, Moscou, correspondance, Philippe Pons, Tokyo, correspondant

A Vladivostok, dans l’Extrême-Orient russe, Kim Jong-un devait retrouver, jeudi, Vladimir Poutine pour leur première rencontre officielle.

La première rencontre entre le président Vladimir Poutine et Kim Jong-un, qui devait avoir lieu à Vladivostok (Russie), jeudi 25 avril, a une signification particulière alors que les négociations entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC) sont dans l’impasse à la suite de l’échec du sommet d’Hanoï, en février, entre le dirigeant nord-coréen et Donald Trump.

Quels que soient ses résultats, cette rencontre pourrait donner à Kim Jong-un une nouvelle marge de manœuvre : « Il envoie le signal à Washington qu’il a d’autres interlocuteurs puissants et qu’il peut compter sur la Russie », estime Artiom Loukine, professeur de relations internationales à l’université d’Extrême-Orient de Vladivostok.

La Russie, de son côté, « entend montrer qu’elle a les moyens économiques et politiques pour peser sur les équilibres régionaux », analyse, pour sa part, Andreï Lankov, spécialiste de la RPDC à l’université Kookmin à Séoul.

Le sommet fait suite à plusieurs invitations du président Poutine, adressées au dirigeant nord-coréen. Sa tenue fut différée par les pourparlers entre Pyongyang et Washington. Le dernier sommet entre Moscou et Pyongyang remonte à 2011, lorsque Kim Jong-il, père du dirigeant actuel, a rencontré le président Dmitri Medvedev. En revanche, depuis 2018, Kim Jong-un a rencontré quatre fois le président chinois, Xi Jinping.

Travailleurs corvéables à merci

Les entretiens porteront sur une priorité pour la RPDC : la coopération économique. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU), la Russie a voté, en 2017, comme la Chine, les sanctions internationales qui frappent Pyongyang. Depuis la suspension des essais nucléaires et balistiques nord-coréens, en 2018, Moscou demande que ces sanctions soient atténuées. Et, comme dans le cas de la Chine, leur application par la Russie est sujette à caution : le pétrole russe, transbordé d’un tanker à un autre en pleine mer, transite aussi apparemment par voie ferrée à travers la Chine du Nord-Est jusqu’aux provinces septentrionales nord-coréennes.

Un autre dossier épineux porte sur les travailleurs nord-coréens en Sibérie, également frappés par les sanctions onusiennes. Les Etats membres ont jusqu’à décembre pour s’y conformer. En Russie, ces Nord-Coréens sont au nombre de 10 000, travaillant dans des conditions « contraires aux normes internationales », selon l’ONG Human Rights Watch, dans les mines, les forêts et la construction. Corvéables à merci, ils représentent une source importante de devises pour Pyongyang, qui a expressément demandé à Moscou de continuer à les accueillir.

Les échanges entre les deux pays sont faibles, comparés à ceux que la RPDC entretient avec la Chine : les exportations nord-coréennes vers la Russie se chiffrent à moins de 2 millions de dollars (1,8 million d’euros) et les importations russes à 32 millions de dollars. Ce à quoi il faut ajouter les trafics divers qui passent par la courte frontière qui les sépare (une vingtaine de kilomètres) ou qui transitent en mer pour arriver au grand port nord-coréen de Chongjin.

Les grands projets de coopération passant par la Corée du Nord – un oléoduc reliant la Sibérie à la Corée du Sud, ou le rétablissement d’une voie ferrée le long de la côte orientale de la péninsule, afin de la connecter au Transsibérien – doivent attendre des jours meilleurs.

« Méfiance réciproque »

Autrefois « pays frères », la RPDC et la Russie soviétique ont eu des relations parfois orageuses, sous une cordialité de façade. Les troupes soviétiques ont libéré la partie nord de la péninsule coréenne en 1945, et ils ont mis au pouvoir un jeune Kim Il-sung, qui s’est vite révélé moins malléable que ne le pensait Moscou.

Jusqu’à l’effondrement de l’URSS, Pyongyang sut habilement se tailler une marge d’indépendance en jouant de la rivalité sino-soviétique. La chute du régime soviétique l’a non seulement privé de cette carte, mais elle s’est surtout traduite par une aide réduite et une flambée des prix des exportations russes fixées en fonction du marché et non plus selon des tarifs privilégiés : pris à la gorge, le pays, déjà mal en point, victime de catastrophes naturelles, devait connaître une période de famine lors de la seconde partie des années 1990. « Un passé qui a nourri une méfiance réciproque tenace des deux côtés », estime Andreï Lankov.

Il fallut attendre l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine pour que les relations commencent à se réchauffer. Entre-temps, Pékin avait profité du refroidissement et du désengagement russes pour accroître son influence sur Pyongyang et apparaître comme son principal allié.

Aujourd’hui, Kim Jong-un pourrait chercher à rééquilibrer les liens avec Pékin en se rapprochant de Moscou, et Vladimir Poutine à revenir en force dans le jeu géopolitique de l’Asie du Nord-Est. « L’impasse des négociations entre les Etats-Unis et la RPDC constitue une chance pour Poutine de passer du rôle d’observateur à celui d’acteur dans la crise coréenne et montrer que l’on peut aborder le dossier nord-coréen en dehors de la feuille de route américaine », explique Andreï Kortounov, directeur du groupe de réflexion Russian International Affairs Council, à Moscou.

Plutôt qu’à se livrer au jeu de bascule entre Moscou et Pékin comme ses aïeux, Pyongyang veut surtout montrer à Washington qu’il ne dépend pas du seul allié chinois.

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22 décembre 2018

Trump marionnette ?

trump

1 décembre 2018

G20

macron et

Le G20 fait bon accueil à « MBS » malgré l’affaire Khashoggi

Par Gilles Paris, Buenos Aires, envoyé spécial, Marie de Vergès, Buenos Aires, envoyée spéciale

Le sommet, qui se tient en Argentine, marque le grand retour international du prince saoudien de 33 ans après l’assassinat du dissident Jamal Khashoggi en Turquie.

Mohammed Ben Salman a affiché bonne humeur et décontraction chaque fois qu’il en a eu l’occasion à l’ouverture du sommet du G20, à Buenos Aires, vendredi 30 novembre. Le prince héritier saoudien représente son pays dans ce cénacle pour la seconde fois depuis son arrivée aux affaires, en 2015.

Fragilisé par les lourdes présomptions qui le présentent comme l’instigateur de la disparition d’un dissident saoudien, le chroniqueur du Washington Post Jamal Khashoggi, il compte faire du sommet une étape sur la voie d’une délicate normalisation compte tenu des circonstances qui entourent cet assassinat. Le journaliste a été tué et manifestement démembré au consulat du royaume à Istanbul (Turquie), en octobre.

Lors de la première séance du sommet, le prince héritier, également désigné par l’acronyme formé par ses initiales, « MBS », a pu compter sur la bienveillance du Russe Vladimir Poutine, président d’un Etat sanctionné en août par les Etats-Unis pour la tentative d’assassinat visant, en mars, un ancien agent exilé au Royaume-Uni, Sergeï Skripal. Les deux hommes ont échangé une très joviale poignée de mains avant de prendre place côte à côte autour de la vaste table circulaire prévue pour les chefs d’Etat et de gouvernement.

« Plaisanteries » échangées

Paradoxalement, Mohammed Ben Salman a reçu un accueil plus mesuré de la part de celui dont le soutien a été décisif au cours des dernières semaines : le président des Etats-Unis Donald Trump. Convaincu officiellement par les démentis du prince, au nom des intérêts de Washington, ce dernier résiste pour l’instant à un Congrès désireux de voir ce dernier rendre des comptes. Pas seulement pour l’assassinat de Jamal Khashoggi, mais également pour son rôle dans l’escalade militaire au Yémen qui a provoqué l’une des plus graves crises humanitaires de la région.

Si Donald Trump a bien échangé des « plaisanteries » avec MBS au cours de cette session, la Maison Blanche a pris soin d’assurer que le président des Etats-Unis en avait fait de même « avec à peu près tous les responsables présents ».

Interrogé en préambule d’un entretien avec le premier ministre japonais Shinzo Abe, le républicain a assuré ne pas avoir eu pour l’instant de « discussion » avec le prince héritier au cours de ce sommet, sans exclure pour autant cette éventualité avant la fin du G20.

« Discussion franche et ferme »

A l’inverse, le président de la République française, Emmanuel Macron, s’est entretenu quelques minutes avec le prince héritier avant même l’ouverture du sommet. Le croisant dans l’espace réservé aux chefs d’Etats, comme l’a montré un enregistrement vidéo, « il a souhaité aller au devant pour avoir une discussion très franche et ferme sur deux points », a expliqué un conseiller élyséen, les mêmes qui préoccupent le Congrès des Etats-Unis.

A propos de l’affaire Khashoggi, M. Macron a exprimé la volonté des Européens d’associer des experts internationaux à l’enquête en cours. Puis il a évoqué la guerre au Yémen pour faire valoir la nécessité d’une solution politique.

Deux messages sur lesquels les dirigeants de l’Union européenne présents à Buenos Aires s’étaient coordonnés au préalable, lors d’une réunion en format restreint, vendredi matin.

« Vous ne m’écoutez jamais »

Sur la forme, la plus grande réserve a été de mise. Il s’agissait d’un « aparté très bref » et surtout pas d’une « rencontre bilatérale », a précisé le conseiller de l’Elysée. Ce dernier a insisté, sur la base de l’enregistrement vidéo immédiatement partagé sur les réseaux sociaux, sur le « contraste » entre le visage de « MBS » « souriant » et celui du président présenté comme, « plutôt fermé ».

Des bribes de cet échange, tenu en anglais, peuvent être saisies. « Ne vous inquiétez pas », assure le prince, très décontracté. « Mais je le suis, je suis inquiet », lui répond le dirigeant français. Ce dernier ajoute presque aussitôt : « Vous ne m’écoutez jamais. » La formule provoque la brève hilarité de son interlocuteur, qui l’assure du contraire. « Je suis un homme de parole », ajoute Emmanuel Macron.

Il y a un an, le président français s’était démené pour tirer « MBS » de l’impasse dans laquelle ce dernier s’était lui-même précipité. Le prince s’était en effet emparé du premier ministre du Liban, également de nationalité saoudienne, Saad Hariri, jugé trop complaisant avec l’Iran et son allié libanais, le Hezbollah, pour tenter en vain d’obtenir sa démission. M. Macron avait joué les médiateurs pour obtenir le retour du premier ministre dans son pays.

« MBS » face à Erdogan

Le hasard a voulu que le G20 rassemble à Buenos Aires le prince mis en cause et le principal artisan de ses difficultés. Avec un art consommé du suspens, le président turc, Recep Tayyip Erdogan a en effet organisé au cours des semaines précédentes les « fuites » qui ont graduellement concentré les soupçons sur l’homme fort du royaume saoudien.

Les organisateurs argentins du sommet avaient pris soin de placer les deux dirigeants à bonne distance sur la traditionnelle photo de famille prise au début de la session de vendredi. Ils n’ont pas échangé un regard lorsque le président de Turquie est passé devant le prince héritier pour prendre sa place à l’autre bout du podium. L’espace d’un instant, « MBS » a même renoncé au sourire débonnaire affiché avec méthode.

29 novembre 2018

Ukraine : Trump menace d’annuler sa rencontre avec Poutine

L’entrevue que le président américain devait avoir avec son homologue russe en Argentine en marge du sommet du G20 est compromise du fait des incidents survenus entre les marines russe et ukrainienne.

Le président ukrainien Petro Porochenko a évoqué, mardi 27 novembre, la « menace d’une guerre totale » avec la Russie qui a selon lui « augmenté drastiquement » sa présence militaire à la frontière, dramatisant encore une situation déjà tendue depuis la capture de navires ukrainiens en mer Noire dimanche, un incident inédit.

L’Europe demande des sanctions

Des capitales européennes demandent une désescalade et tentent d’affirmer une position commune de fermeté face à Moscou. Toutes exigent la libération des marins ukrainiens capturés et plusieurs dirigeants du Vieux Continent évoquent de nouvelles sanctions économiques contre Moscou.

« La France en appelle aux parties pour qu’elles favorisent un apaisement de la situation et que chacun fasse preuve de retenue. Nous souhaitons en particulier qu’une initiative russe puisse permettre d’apaiser cette tension », a affirmé, mardi, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors d’un point de presse conjoint avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, marquant sa préoccupation face à « la remilitarisation » des territoires concernés.

Les autorités allemandes, elles, restent fermes. « Cette affaire montre que l’annexion de la Crimée reste un problème de sécurité pour tout le monde en Europe », a souligné le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, demandant « que la Russie respecte de nouveau le droit international et qu’elle ne viole pas la souveraineté territoriale de ses voisins ».

Trump menace la Russie

Haussant le ton face à Vladimir Poutine, Donald Trump a menacé d’annuler sa rencontre prévue en fin de semaine avec son homologue russe au sommet du G20 en Argentine.

Le président américain a précisé attendre un compte rendu de ses conseillers en sécurité nationale, dont les conclusions seront « déterminantes ». « Peut-être que cette entrevue n’aura pas lieu (…) Je n’aime pas cette agression. Je ne veux pas de ce genre d’agression », a-t-il confié dans un entretien au Washington Post. M. Trump est souvent accusé d’être trop conciliant avec Moscou.

Les marins en détention

Accusés d’avoir franchi illégalement la frontière russe, douze marins ukrainiens, sur les vingt-quatre faits prisonniers dimanche, ont été placés, mardi, en détention provisoire jusqu’au 25 janvier, conformément à la décision d’un tribunal de Simféropol, chef-lieu de la Crimée, a constaté un journaliste de l’AFP. Les autres matelots doivent comparaître mercredi.

Loi martiale en Ukraine

En réponse à l’incident, le Parlement ukrainien a voté, lundi, l’introduction de la loi martiale dans les régions frontalières du pays, le président Porochenko justifiant cette initiative, sans précédent depuis l’indépendance de cette ancienne république soviétique en 1991, par « la menace extrêmement élevée » d’une offensive terrestre russe.

Le président russe Vladimir Poutine a pour sa part mis en garde, mardi, l’Ukraine contre tout acte « irréfléchi » et a fait part de sa « sérieuse préoccupation » à la chancelière allemande Angela Merkel, lui demandant de faire pression sur Kiev.

La loi martiale, qui entre en vigueur mercredi dans une dizaine de régions de l’Ukraine, va permettre pendant un mois aux autorités de mobiliser les citoyens, de réguler l’activité des médias et de limiter les rassemblements publics.

Aux yeux de Vladimir Poutine, « il est évident que tout cela a été fait en lien avec la campagne électorale en Ukraine » pour l’élection présidentielle du printemps.

29 novembre 2018

Vladimir Poutine qualifie les incidents en mer Noire de « provocation »

Par Isabelle Mandraud, Moscou, correspondante

Le chef du Kremlin, qui s’exprimait pour la première fois sur les incidents avec Kiev, a accusé son homologue ukrainien de mener un « jeu sale » pour des raisons de politique intérieure.

Jusqu’ici plutôt en retrait, Vladimir Poutine a, pour la première fois, commenté en public, mercredi 28 novembre, les incidents survenus quatre jours plus tôt en mer Noire entre la marine ukrainienne et les forces de sécurité russes. Interrogé sur le sujet en marge d’un forum d’investissement organisé par la banque VTB à Moscou, le chef du Kremlin a répondu : « C’est une provocation, bien sûr ! »

Sans jamais prononcer le nom de Petro Porochenko, le chef du Kremlin a ouvertement accusé son homologue ukrainien de calculs politiques. « C’est une provocation organisée par les autorités actuelles, je pense même par son président actuel, à l’approche de l’élection présidentielle en Ukraine au mois de mars de l’année prochaine », a souligné M. Poutine. Qui ajoute : « Les sondages, si je ne me trompe pas, placent le président au cinquième rang, il y a même des chances qu’il ne passe pas au second tour, donc, il fallait faire quelque chose pour exacerber la situation et créer des obstacles infranchissables pour ses concurrents. (…) Je suis sûr de cela. »

A aucun moment, le président russe n’a évoqué les trois navires ukrainiens saisis par les forces de sécurité russes – sauf pour déclarer qu’elles avaient accompli « leur mission » et respecté « les ordres » – ni même le sort des 24 marins capturés à leur bord. Ces derniers comparaissent depuis mardi devant un tribunal russe pour être placés, les uns après les autres, en détention provisoire pour deux mois.

« Un incident frontalier »

« C’est un incident frontalier, pas plus », a-t-il minimisé, en évoquant des éléments récents « d’une autre envergure » tels que « le rattachement de la Crimée à la Russie » en 2014, ou « la guerre civile » dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine qui opposent les séparatistes prorusses soutenus par Moscou et les forces armées de Kiev. « Une guerre de facto, a poursuivi M. Poutine, et pourtant, aucune loi martiale n’avait été instaurée. Et là, un petit incident et on instaure la loi martiale ! C’est évident que c’est organisé à l’approche de l’élection présidentielle. »

La loi martiale, instaurée en Ukraine pour une période limitée dans dix régions frontalières de Russie, est entrée en vigueur parallèlement, mercredi. Adoptée par le Parlement ukrainien, elle avait été décrétée par M. Porochenko envers lequel M. Poutine n’a pas caché son plus profond mépris. Il ne l’avait d’ailleurs pas pris au téléphone quand son homologue ukrainien, selon ce dernier, a tenté de le joindre.

« C’est un jeu pour aggraver la situation, un jeu sale à l’intérieur du pays dans le but de vaincre ses adversaires politiques », a encore ajouté le chef du Kremlin. Avant de conclure : « Quoi qu’il se passe à Kiev, les peuples russe et ukrainien sont et resteront toujours des peuples frères. Cette mousse politique partira, et le peuple ukrainien, un de ces jours, va évaluer le pouvoir actuel comme le peuple géorgien l’a fait avec Saakachvili. » Le chef du Kremlin faisait ainsi allusion à l’ancien président de Géorgie qu’il hait. Au pouvoir dans cette ex-République soviétique de 2004 à 2013, Mikheïl Saakachvili est aujourd’hui résident aux Pays-Bas, après avoir échoué à s’implanter en Ukraine.

19 juillet 2018

La couverture du TIME

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