C’est l’une des plus grandes places du monde, dominée par un obélisque et habitée par le mausolée de Mao dont l’ombre porte sur l’Histoire le souvenir de morts par dizaines de millions… Tian an men, à Pékin, c’est aussi depuis un quart de siècle un symbole de la liberté mise à mort… En 1989, le mur de Berlin allait tomber et une partie du monde ouvrir des portes… Mais cette année-là au printemps, voici donc vingt-cinq années, le 4 juin a connu un massacre : le vent de la liberté a été balayé par une tempête armée sur Tian an men. Les manifestants de la démocratie ont été écrasés. Et depuis ce funeste printemps raté, le gel permanent des droits de l’Homme est rouge du sang des martyrs. Évoquer cet anniversaire en Chine aujourd’hui, c’est prendre un billet pour la prison ! Les journalistes sont poursuivis pour troubles à l’ordre public. Les confessions publiques et la manipulation mentale nourrissent la propagande d’un régime autoritaire qui dirige les consciences. Depuis un quart de siècle, ni les Jeux olympiques de Pékin, ni les juteuses opérations commerciales de nos multinationales, ni les appels aux droits de l’Homme de nos politiques en villégiature, rien n’y a fait… Les Chinois restent sous la pression d’un appareil policier qui manie la censure avec un art consommé par des tyrans affirmés. Les arrestations de ceux qui prennent la parole, écrivains, artistes ou activistes des réseaux sociaux, en témoignent : la Chine est bâillonnée. Nous avons une pensée pour le militant des droits de l’Homme, l’écrivain Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix emprisonné, et une autre teintée d’amertume pour Mo Yan, prix Nobel de littérature, si décevant par son manque de solidarité et son silence politique. Le premier est un symbole de courage et l’autre montre la force du poids de la peur. Pour échapper à la prison, à la torture comme au désespoir qui en a poussé beaucoup vers le suicide, de nombreux écrivains, poètes, artistes ou dissidents de l’ombre sont, eux, partis en exil. Il faut la notoriété d’Ai Weiwei, architecte polymorphe connu dans le monde entier, pour que de temps à autre nos consciences soient interpellées. Car les quelque riches Chinois qui gonflent nos recettes touristiques masquent à nos yeux la réalité de ceux qui vivent sous le joug. Ayons une pensée aussi pour tous les rebelles inconnus comme cette silhouette dont l’image a fait le tour du monde : l’homme de Tian an men qui défiait les chars… C’était le 5 juin, au lendemain du massacre. Aujourd’hui, face au masque impassible du président Xi Jinping, c’est ce symbole qu’il faut conserver. Le vrai visage de Tian an men c’est le sien, celui de la dignité et du courage. Reporters sans frontières a lancé une pétition sur le net pour montrer aux Chinois qu’ils ne sont pas seuls. Source Ouest France.