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Jours tranquilles à Paris
30 mars 2019

Une foule énorme manifeste à Alger pour exiger la fin du régime

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Par Ali Ezhar, Alger, correspondance

Pour la sixième semaine d’affilée, les Algériens mobilisés réclament le départ de l’ensemble des dirigeants, et pas seulement celui du chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika.

Elle est arrivée avec un balai et s’est mise à nettoyer la chaussée. « Ils sont en train de partir, ils sont en train de partir », raille cette vieille dame enroulée dans son haïk, un vêtement traditionnel, et un drapeau algérien, en comparant les mégots et la poussière qu’elle éparpille aux hommes politiques algériens. Autour d’elle, des jeunes éclatent de rire face à son spectacle improvisé. Un peu plus loin, on se prend en photo avec un personnage qui a revêtu le costume rayé du bagnard et qui porte autour du cou une carte d’Algérie enchaînée sur laquelle est écrit « libérez-nous ». A côté, une enfant, dans le bras de son père, s’est accrochée au dos un bout de carton d’où l’on peut lire « je veux grandir dans un pays moderne ».

Vendredi 29 mars, sous un soleil cuisant, des centaines de milliers d’Algérois ont englouti le centre-ville de la capitale pour crier, sans s’essouffler, « dégage » au clan Bouteflika, « dégage » au pouvoir en place et « dégage » au FLN. Une foule immense et dense s’est étirée de la grande poste à la rue Didouche-Mourad. Impossible de faire quelques pas au milieu de cette masse verte et rouge sans être percuté ou compressé par les marcheurs.

Au-delà d’Alger, presque toutes les wilayas (préfectures) du pays ont été secouées par ces manifestations exceptionnelles rassemblant au total des millions d’Algériens même s’il n’existe aucun décompte officiel. « Si tu enlèves les grabataires, les nourrissons, les malades, j’en suis sûr que c’est la moitié du pays qui est sortie : 20 millions de personnes, ce n’est pas rien », s’amuse à dire Mahmoud, un quinqua sans emploi.

Comme lui, personne ne voulait manquer ce nouveau vendredi de mobilisation et pour cause, « il faut continuer à mettre la pression sur le système qui est en train de se fissurer », résume Zineb, 26 ans, commerciale. Surtout après les récentes déclarations du général Ahmed Gaïd Salah qui a demandé mardi 26, l’application de l’article 102 de la Constitution, prévoyant l’empêchement du chef de l’Etat pour incapacité à exercer ses fonctions. « C’est une énième combine du pouvoir », s’insurge Malik, 58 ans, venu en famille pour dire « que tout le monde s’en aille ».

« ON NE VA TOUT DE MÊME PAS DEMANDER DES SOLUTIONS À DES PERSONNES QUI SONT LA CAUSE PRINCIPALE DES PROBLÈMES »

ANIS, 23 ANS

La proposition du général n’a ni calmé et ni rassuré la foule, bien au contraire. Cette manœuvre politique est perçue comme une tentative de plus pour sauver le régime en place et pour apaiser – pour ne pas dire briser – la contestation nationale. « Le peuple est encore sorti pour dire que nous comprenons votre ruse mais nous n’allons rien céder, ajoute Zineb. Il n’est pas question d’enlever un pion pour en mettre un autre. Gaïd Salah et Bouteflika ont environ 80 ans comme ma grand-mère qui passe ses journées à regarder la télé ou à s’occuper de ses petits-enfants même si elle a du mal à me reconnaître. Pourquoi ils veulent continuer à gouverner ? »

Face à l’armée, le peuple veut rester « vigilant et concentré ». L’immixtion du général dans le débat politique est perçue comme suspect, beaucoup trop même. « Gaïd Salah fait parti de ce pouvoir, il a longtemps soutenu Boutef. On ne va tout de même pas demander des solutions à des personnes qui sont la cause principale des problèmes, argue Anis, 23 ans, étudiant en musique. Nous ne faisons aucune confiance aux représentants de l’Etat y compris Gaïd Salah. Nous sommes face à un pouvoir assassin qui peut à n’importe quel moment nous tirer dessus. » Personne ne souhaite que l’armée face un putsch et s’accapare du pouvoir. « Ce n’est pas ce que l’on veut, mais c’est un scénario possible », souffle Abderrahmen, un militant des droits de l’homme qui a participé au lancement du collectif « Jeunes engagés pour l’Algérie » le 29 janvier, trois semaines avant la première grande marche pour « la dignité ».

« Il faut que tout le système dégage »

Jusqu’à présent Ahmed Gaïd Salah avait été épargné par le courroux des manifestants ; mais depuis sa sortie, il a réussi, à son insu, à vivifier davantage la mobilisation. « Cette marche, c’est la confirmation de la conscience politique des Algériens », se félicite Djamel, 38 ans. Le général est même devenu le sujet de nouveaux slogans : « Gaïd Salah va profiter du repos éternel. Dégage pour l’amour de Dieu » ; « Gaïd Salah, le peuple veut la démocratie, et non un régime militaire » ; « Gaïd Salah, honte à vous » ; « On ne veut pas un “Al-Sissi” en Algérie, le scénario égyptien ne se reproduira pas chez nous », pouvait-on lire sur les pancartes.

Et l’application de l’article 102 a été largement moquée et détourné par les manifestants avec un sarcasme détonant. « Le numéro 102 que vous avez composé n’est plus valable en 2019. Veuillez consulter son excellence le peuple », s’est amusée à écrire une jeune fille sur sa pancarte. Les marcheurs n’en veulent pas de cet article : ils exigent la démission immédiate du président Abdelaziz Bouteflika et une transition qui puisse permettre l’organisation de nouvelles élections démocratiques. Ils réclament l’élaboration d’une autre constitution et plaident pour une deuxième République qui prône « un état civil et pas un état islamique » comme on a pu l’entendre. « Mais avant cela, il faut que tout le système dégage », martèle Sofiane, venu exprès de Bouira en Kabylie.

Ils sont arrivés au pas de course ou en voitures militaires américaines en criant « l’armée avec le peuple ». Applaudis, enlacés, embrassés à leurs passages, d’anciens soldats, vêtus d’une veste et d’un béret militaires, ont également manifesté : ils ont voulu apporter leur soutien aux marcheurs et dire qu’ils aspirent, eux aussi, à vivre dans un pays libre. « Vous savez, ce n’est pas le terrorisme qui nous a touchés, mais c’est cette administration », assure l’un d’eux qui a quitté l’armée en 2008. A peine sa phrase terminée, sur un immeuble qui fait face à la place Maurice-Audin, un homme déploie un portrait géant du général Liamine Zeroual, l’ancien président de la République (1994-1999). La foule se met à hurler des « non », « enlève », « dégage ». Puis, une voisine arrive d’un autre balcon et arrache le portrait : elle est ovationnée.

Depuis plusieurs jours, le nom de Liamine Zeroual, 77 ans, est cité pour conduire une éventuelle transition. « Il serait utile à la tête du pays, il est honnête », assure l’ancien militaire. Un étudiant l’entend et le reprend : « Non, c’est aussi un homme du pouvoir, c’est lui qui nous a amené Bouteflika. » La discussion s’arrête. Une partie de la jeunesse préfère réclamer à la tête du pays l’avocat Mustapha Bouchachi, ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme.

« Pas de retour en arrière »

Ainsi, pour son sixième vendredi d’affilée, les Algériens ont choisi de répondre à l’armée en investissant massivement les rues du pays. « Pas de retour en arrière », répètent-ils régulièrement. Pas question aussi pour eux de se faire confisquer leur révolution comme on peut le lire sur certaines pancartes. « Tous les discours politiques ne peuvent pas égaler ce que l’on voit dans les marches, souligne l’acteur Kader Affak, 49 ans. Chaque vendredi, il y a un dialogue entre le système et le peuple. Et chaque vendredi, le peuple répond aux propositions du système. Mais tant qu’il n’aura pas reçu l’assurance d’un changement, il continuera à sortir. »

Lors de cette nouvelle marche, les drapeaux amazighs ainsi que le visage de Lounès Matoub, icône de la musique kabyle assassiné en 1998, ont fleuri toute la journée. « Mais nous sommes une Algérie unie contre un système mafieux », veut insister Ahmed, un jeune peintre en bâtiment. Pendant des heures, la foule n’a cessé de chanter son amour pour l’Algérie et pour la liberté. Les plus jeunes ont distribué des bouteilles d’eau, les anciens des tablettes de chocolats. Des anarchistes ont brandi leur fanion rouge et noir. Les vendeurs ambulants de drapeaux se sont multipliés et ont doublé les prix (de 200 à 400 dinars).

Même si la mobilisation s’est déroulée comme toujours dans une joie déroutante, certains manifestants ont durci leurs slogans et ont réclamé justice contre « les voleurs » du régime : « Le seul mandat que vous méritez, c’est un mandat d’arrêt » ; « partir aujourd’hui, c’est mieux que d’être condamné demain » ; « juges, qu’attendez-vous pour commencer à les mettre derrières les barreaux »…

La foule veut faire des rues d’Alger le cimetière du « système ». Elle n’attend qu’une seule chose : la mort du pouvoir. Et ce depuis six semaines maintenant. Elle veut aller au bout de sa révolution pacifique. Mais comme le souligne Smail Mehnana, professeur de philosophie à l’université de Constantine : « Pour que le système dégage, il faut que la révolution soit permanente, qu’elle se maintienne dans le temps pour quelle devienne le nouveau contrat social. »

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30 mars 2019

Black Blocs

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30 mars 2019

REN HANG LOVE, REN HANG - à la MEP

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L’exposition « LOVE, REN HANG » présente pour la première fois en France l’œuvre d’un des artistes chinois les plus influents de sa génération.

Avec une sélection de 150 photographies issues de plusieurs collections d’Europe et de Chine, l’exposition « LOVE, REN HANG »  occupe tous les espaces du deuxième étage de la MEP.

Composée essentiellement de portraits – d’amis, de sa mère ou de jeunes chinois sollicités sur internet –  mais également de paysages et de nus, l’œuvre de Ren Hang est immédiatement reconnaissable. Ses photographies, si elles semblent mettre en scène ses sujets, sont pourtant le fruit d’une démarche instinctive. Leur prise de vue, sur le vif, leur confère légèreté, poésie et humour.

À travers une approche chromatique, l’exposition propose une plongée dans les différentes constellations oniriques de l’artiste : la présence du rouge, les couleurs acidulées, une salle consacrée à sa mère, une autre, plus sombre, dédiée à des prises de vue nocturnes. Enfin, une dernière salle rassemble ses travaux plus « osés », sur le corps, créant un lien, fort et organique, entre l’érotisme et la nature.

Ren Hang questionnait, avec audace, la relation à l’identité et à la sexualité. Artiste homosexuel, particulièrement influent auprès de la jeunesse chinoise, son ton considéré comme subversif ou qualifié de pornographique, représentait vis à vis d’un contexte politique répressif, l’expression d’un désir de liberté de création, de fraîcheur et d’insouciance. Sa vision, unique, faisait référence au « réalisme cynique » (mouvement artistique chinois né des événements de Tian’anmen en 1989).

Présentés en regard de cet important corpus photographique, de nombreux écrits de Ren Hang, qu’il partageait régulièrement sur son site internet, témoignent de son combat contre la dépression. « Si la vie est un abîme sans fond, lorsque je sauterai, la chute sans fin sera aussi une manière de voler ». L’artiste s’est donné la mort en 2017, à l’âge de 29 ans. Il avait été exposé dans de nombreuses galeries à travers le monde, et était régulièrement publié dans des magazines de mode tels que Purple et Numero.

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Reportage photographique : Jacques Snap

30 mars 2019

Salon de l'Erotisme

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Le Salon de l'Érotisme de Paris est de retour les amis, après 3 ans d'absence ! Cette année, c'est rendez-vous les 30 et 31 mars 2019 au Parc des Expositions de Paris-Le Bourget. Striptease féminins et masculins, duos érotiques, show lesbien, show jacuzzi, car wash et show star du X sont parmi les choses qui vous attendent au salon. Horaires Du 30 mars 2019 au 31 mars 2019 Lieu Parc des Expositions Paris-Le Bourget Aéroport de Paris - Le Bourget (LBG) 93350 Bourget (Le) Accès Autoroute : A1 Gare ferroviaire : Gare de l'Est, Gare du Nord RER : B, Le Bourget Bus : 350, 152, Michelet Parc d'Expositions Métro : Ligne 7, La Courneuve 8 mai 1945 Tarifs 20 € Âge recommandé À partir de 18 ans Site officiel www.paris-erotique.fr Plus d'information Horaires : 10h-20h

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30 mars 2019

Milo Moiré : Performance VR au musée de Rijeka

"L'avez-vous déjà vu !? Ma nouvelle vidéo de performance est en ligne dans la zone membre, allez à Performance. Regardez-la maintenant!

Voici quelques impressions de ma performance au musée d'art moderne et contemporain de Rijeka, en Croatie, uniquement pour les yeux.

En parlant de réalité virtuelle (VR), avez-vous déjà essayé le cybersexe? … Puis-je être votre avatar?"

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Photos: © Nel Pavletić / PIXSELL

Milo Moiré on Instagram: “Anzeige No, I’m not Robocop!!! 😅 This is my VR Performance „Ceci n‘est pas une femme nue“ at Museum of Modern & Contemporary Art Rjieka,…”

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29 mars 2019

Les trottinettes...

29 mars 2019

Agnès Varda

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Au revoir Agnès,

Agnès Varda, la "grand-mère de la Nouvelle Vague", n'est plus. Sa silhouette reconnaissable entre mille a traversé 65 années de cinéma. En une cinquantaine de films, documentaires comme fictions, et une série, Agnès Varda aura filmé les glaneurs, les Black Panthers, les femmes et leurs combats, des chats, des patates en forme de cœur... Cinéaste autodidacte, mais également artiste contemporaine, elle a expérimenté des formes d'expression plastiques variées et toujours personnelles. A travers ses films empreints de poésie, elle nous laisse une œuvre sensible, généreuse et intime. Varda par Agnès, son dernier film, est une grande leçon et un magnifique cadeau fait aux cinéphiles. Adieu Agnès, et merci.varda et jr

Agnès Varda, réalisatrice pionnière de la Nouvelle Vague, est morte

Par Clarisse Fabre

Photographe à ses débuts, plasticienne sur le tard, la cinéaste auteure, entre autres, de « Cléo de 5 à 7 » et du « Bonheur », est morte à l’âge de 90 ans.

Une image revient, qui caractérisait si bien Agnès Varda, morte dans la nuit de jeudi à vendredi 29 mars à l’âge de 90 ans. C’était en mai 2012, à Cannes, quelques jours avant ses 84 ans. Dans la voiture qui la conduisait à son hôtel, la cinéaste se repassait le film. L’un de ses chefs-d’œuvre, Cléo de 5 à 7 (1962), venait d’être présenté en version restaurée au Palais des festivals. Le public avait adoré, mais elle n’en démordait pas. La scène du café, avec ses plans sur le visage blanc comme neige de Cléo (interprétée par Corinne Marchand), n’était-elle pas trop longue ? Ferait-elle le même montage aujourd’hui ?

Intarissable, en proie aux doutes, telle était la cinéaste qui démarra sa carrière comme photographe et se découvrit plasticienne à 70 ans. Infatigable, elle sillonnait encore les routes en 2016-2017 en compagnie de l’artiste JR, pour cofabriquer un film sans programme établi, au gré des rencontres et au plus près des gens. Visages Villages (2017) fut son avant-dernier dernier long-métrage. Le dernier, Varda par Agnès, présenté à la Berlinale 2019, n’est pas encore sorti.

Née Arlette Varda le 30 mai 1928 à Ixelles, en Belgique, Agnès Varda fut l’une des pionnières de la Nouvelle Vague, et l’une des rares femmes à figurer sur la carte du jeune cinéma des années 1960 – avec Nelly Kaplan, qui signera plus tard La Fiancée du pirate, en 1969. Agnès Varda fut remarquée dès son premier long-métrage, La Pointe courte (1955). Sept ans plus tard, elle montait les marches du Palais des festivals, à Cannes, pour présenter son deuxième long-métrage, Cléo de 5 à 7.

La photographe

Jusqu’au bout, sa vie fut le cinéma, et vice versa, avec sa société de production et de distribution installée à domicile (Ciné-Tamaris), rue Daguerre, dans le 14e arrondissement de Paris. Avec le cinéaste Jacques Demy, mort en 1990, dont elle a partagé la vie, l’amour et le cinéma s’entremêlèrent aussi, au point de former la trame de quelques œuvres marquantes – en 1991, Agnès Varda signa Jacquot de Nantes, d’après les souvenirs d’enfance de Jacques Demy. Elle eut avec lui un fils, Mathieu Demy, comédien et réalisateur. Auparavant, la cinéaste avait eu une fille, Rosalie Demy, décoratrice de cinéma – qui porte encore la bague de « Cléo », ornée d’une perle et d’un crapaud –, avec Antoine Bourseiller, comédien et metteur en scène, décédé en mai 2013, qu’elle mit en scène dans Cléo de 5 à 7 et dans L’Opéra-Mouffe (1958).

SON PREMIER LONG-MÉTRAGE, « LA POINTE COURTE » (1955), ANNONCE LA NOUVELLE VAGUE CINQ ANS AVANT « A BOUT DE SOUFFLE » (1960) DE JEAN-LUC GODARD

Sa famille avait fui la Belgique en 1940 et s’était installée à Sète, sur les bords de la Méditerranée, où l’adolescente a grandi puis s’est liée d’amitié avec Jean Vilar et son épouse. A Paris, elle étudia la photographie à l’Ecole des beaux-arts, et l’histoire de l’art à l’école du Louvre. En 1947, Jean Vilar fonda le Festival d’Avignon, et l’année suivante Agnès Varda débarquait avec son appareil photo. En 1951, Jean Vilar lui demanda de devenir la photographe du festival : elle immortalisa Gérard Philipe.

Elle fut aussi la photographe attitrée du Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne, dirigé par le même Jean Vilar. De cette expérience auprès du metteur en scène, elle disait avoir gardé ce goût pour un art exigeant et accessible : « Atteindre le plus grand nombre en mettant la barre très haut », résumait-elle.

Mission accomplie avec son premier long-métrage, La Pointe courte (1955), où elle filme, à Sète justement, les déboires conjugaux d’un couple de Parisiens (Philippe Noiret et Silvia Monfort). Le film est tourné avec un budget réduit, au sein d’une coopérative. Quatre ans avant Les 400 Coups (1959), de François Truffaut, ou Hiroshima mon amour (1959), d’Alain Resnais, cinq ans avant A bout de souffle (1960), de Jean-Luc Godard, le film d’Agnès Varda annonce la Nouvelle Vague. Un film « libre et pur », saluait ainsi André Bazin, l’un des fondateurs des Cahiers du cinéma, père spirituel de François Truffaut qui mourut un an avant la sortie des 400 Coups.

« Objectif et subjectif »

« Le jeune cinéma lui doit tout », titrait, en 1960, un article de l’hebdomadaire Arts signé Jean Douchet, cinéaste et critique – il collabora aux Cahiers à partir de 1957. A propos de cette Nouvelle Vague, justement, Agnès Varda expliquait simplement dans un entretien au Monde, en 1962 : « La Pointe Courte représente, dans le temps, la première manifestation d’un phénomène collectif, d’un mouvement, qui aurait existé, de toute façon. » Elle exposait ensuite sa démarche, ou plutôt ses tâtonnements :

« En 1954, j’étais photographe au TNP et je connaissais peu le cinéma. Il me semblait alors que beaucoup de “révolutions littéraires” n’avaient pas leur équivalent à l’écran. Aussi me suis-je inspirée, pour mes recherches, de Faulkner, de Brecht, essayant de briser la construction du récit, de trouver un ton à la fois objectif et subjectif, de laisser au spectateur sa liberté de jugement et de participation. »

Objectif et subjectif : voilà deux mots qui se confondent dans sa filmographie. Cléo de 5 à 7 est un « documentaire subjectif », insistait-elle. Ce film inusable raconte, en temps réel, quatre-vingt-six minutes de la vie d’une jeune femme, une chanteuse un peu frivole qui attend les résultats d’une analyse médicale. Elle a peur, est-ce le cancer ? Le film ne quitte pas Cléo dans ce compte à rebours qui la voit se révéler en profondeur. Il y a des chapitres qui indiquent l’heure, il y a aussi une date, le 21 juin 1961, qui a « la forme d’un bulletin d’information que diffuse la radio », commentait Agnès Varda.

Avec son côté artisanal, fait main, la patte Varda était née. La cinéaste connut des échecs – le plus retentissant étant son film célébrant les 100 ans du cinéma, Les Cent et une nuits de Simon Cinéma (1995), avec Michel Piccoli – mais elle repartait sur le terrain, guidée par une intuition, ou plutôt une vocation, telle une Jeanne d’Arc à la caméra. Elle avait la coiffure adéquate, une coupe au bol de moine ou de chevalière qui ne l’a jamais quittée.

Engagée

Féministe, engagée, elle signa en 1971 le « Manifeste des 343 », un appel à la légalisation de l’avortement. En 1976, sa comédie musicale, L’une chante, l’autre pas, racontait l’émancipation des femmes au tournant des années 1960-1970. Comme d’autres, Agnès Varda a fait tomber les cloisons (documentaire, fiction), passant du long au court-métrage sans avoir le sentiment de rétrograder, tel un peintre qui expérimente selon les périodes la grande toile ou le dessin sur carnet – il y eut ainsi des courts contestataires, tel Black Panthers (1968).

En 1964, Le Bonheur lui valut le prix Louis-Delluc. C’est le bonheur vu par un homme, marié, qui vit un amour parallèle avec sa maîtresse. Ce film à l’image impressionniste interroge les différentes facettes d’interprétation. Dans ses documentaires, Agnès Varda refuse le rôle de sociologue. Quand bien même le sujet est sérieux, elle y incruste des réflexions sur l’art, y injecte de l’humour. Et détourne les mots, comme dans Daguerréotypes (1975), scènes de la vie quotidienne des petits commerçants de la rue Daguerre, son quartier général. Dans Documenteur, tourné en 1981, une fiction inspirée de sa propre vie, une femme séparée de son amoureux traîne sa tristesse dans un Los Angeles sans soleil. Ce film est un contrepoint sombre au coloré Mur murs (1981), documentaire sur les peintures murales de L.A. Ces deux films dessinent en creux un portrait de la ville tentaculaire de la Côte ouest.

Plus tard, il y eut un autre diptyque, fruit de la rencontre avec Jane Birkin : le portrait-collage Jane B. par Agnès V. et la fiction Kung-fu Master, sortis tous deux en 1988. Les deux films sont traversés par une certaine folie douce, tout à l’opposé de Sans toit ni loi (1985), qui valut à Agnès Vadra la consécration : le Lion d’or à Venise.

Visionnaire

Sans toit ni loi dissèque le destin d’une jeune fille en rupture, Mona, interprétée par Sandrine Bonnaire. Ce film social, visionnaire sur la France des sans-abri, a la froideur des statistiques. En le revoyant, on se surprend à lui découvrir une autre veine, écologiste celle-là. Macha Méril y joue en effet le rôle d’une platanologue, attentive à la santé précaire de ces arbres du Midi. Son personnage prédit la catastrophe si rien n’est fait dans les trente ans qui viennent. Ce n’était pas une réplique en l’air : aujourd’hui, des platanes malades ont été abattus le long du canal du Midi… Le gâchis révoltait la cinéaste, qui fera de la frugalité et de l’art de la récup’ un autre film culte, Les Glaneurs et la glaneuse, diffusé sur Canal+ le 6 juillet 2000, la veille de sa sortie en salle.

Ce documentaire est le portrait d’une époque lasse (ou incapable) de participer au grand banquet de la consommation. Pour approcher ces personnes qui trouvent à manger dans les poubelles ou dans les cagettes à la fin des marchés, Agnès Varda entamait souvent la conversation sur le thème : « Vous avez raison, il y a trop de gaspillage. » Puis elle filmait les visages au plus près, avec sa petite caméra, mais aussi la « récolte », ces fameuses pommes de terre qui germaient, ou celles en forme de cœur. Les Glaneurs… rencontra un immense succès, critique et public, et fut récompensé dans de nombreux festivals. Au point qu’Agnès Varda réalisa le second volet, Deux ans après, pour suivre le destin des personnages. Dans les Glaneurs, la réalisatrice montrait aussi son propre vieillissement, filmant sa main ridée comme une pomme quand l’autre tenait la caméra. L’art et le cours de la vie, l’objectif et le subjectif étaient encore mêlés.

Ces dernières années, sa coiffure bicolore mettait en scène le temps qui passe : la coupe au bol était blanche aux racines, brune en dessous. Telle une religieuse au chocolat auréolée de chantilly, sortie d’une pâtisserie de la rue Daguerre… Pour fêter ses 80 ans, ses amis et proches débarquèrent avec une armée de 80 balais. La glaneuse avait l’obsession du tri, de l’inventaire de soi. Et du renouvellement.

La mer et les plages

Les années 2000 la conduisirent en effet vers de nouvelles destinations : les installations artistiques, avec cabanes et grands écrans, déployèrent tout l’univers d’« Agnès ». Désormais le prénom suffit, comme si le personnage était devenu familier. En 2003, la « jeune » plasticienne présente à la Biennale de Venise Patatutopia, inspirée des Glaneurs. En 2004, la galerie parisienne Martine Aboucaya accueille Les Veuves de Noirmoutier – quatorze écrans et autant de témoignages de femmes, « Agnès » compris. En 2006, la Fondation Cartier, à Paris, se jette à l’eau avec L’Ile et elle, etc. Les Plages d’Agnès, autoportrait animé d’une jolie folie douce, obtient le César du meilleur documentaire en 2007. La mer et les plages auront été un cadre fondateur, et enchanteur, dans la vie et l’œuvre d’Agnès Varda, de Sète à Noirmoutier en passant par Venice, à L.A…

A son tour, un autre temple de l’art contemporain invita cette artiste multiforme : à Paris, le Centre Pompidou organisa un « événement Varda » – de novembre 2015 à février 2016 –, soit une exposition de photos inédites que la photographe avait prises longtemps auparavant à Cuba, lors d’un séjour à la Havane en 1962 – en même temps que les photographes Henri Cartier-Bresson et René Burri. C’était trois ans après l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro, à une période de tension extrême avec les Etats-Unis. Les photos d’Agnès Varda saisissent ce moment politique, soutenu par un mouvement populaire. Les philosophes Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, le comédien Gérard Philipe ou le cinéaste Chris Marker avaient déjà fait le voyage.

A l’époque, de retour à Paris, Agnès Varda avait filmé ses photos au banc-titre et en avait fait un film de trente minutes – Michel Piccoli en voix off – intitulé Salut les Cubains, un clin d’œil au magazine yé-yé Salut les copains. Les clichés sont désormais entrés dans la collection du Musée national d’art moderne. Un hommage au premier métier de l’artiste, tel un sablier que l’on retourne.

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