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Jours tranquilles à Paris
8 mars 2017

La Lettre de campagne de Laurent Joffrin

Janus Macronus

Macron, l’aiglon à deux têtes… Obsessionnellement centré sur le centre du centre, le leader d’En marche, telle l’araignée au milieu de la toile, capte les insectes qui viennent de la droite ou de la gauche. Il use pour ce faire de l’antique langue de guimauve des centristes, auquel le regretté Edgar Faure, apôtre de «l’indépendance dans l’interdépendance», a donné ses lettres de noblesse et qu’on nomme, à Sciences-Po ou à l’ENA, le «balancement circonspect». C’est une dialectique molle qui consiste à toujours équilibrer une première proposition par une deuxième qui vient l’atténuer. L’entretien fleuve qu’il a donné mardi à l’AFP, soigneusement tenu au milieu du courant, entre rive droite et rive gauche, en est l’illustration parfaite.

Giscard, qui était un Macron chauve, en a donné la clé avec sa célèbre formule du «oui, mais». Oui, Macron veut ouvrir mieux la naturalisation aux étrangers (gauche) mais il leur refuse le droit de vote (droite). Oui, il veut garder l’ISF (gauche), mais il veut le supprimer pour les détenteurs d’actions (droite). Oui, il veut garder les frontières ouvertes (gauche), mais il veut renvoyer sans faiblesse les sans-papiers (droite). Oui, il veut une société plurielle (gauche), mais aussi combattre «l’insécurité culturelle» (droite). Oui, il veut aider les entreprises (droite), mais aussi rendre du pouvoir d’achat aux salariés modestes (gauche). Oui, il comprend les riches (droite), mais il aime les pauvres (gauche). C’est un Janus bifrons, un sectateur du ying et du yang, un adepte de Mani, ce prophète persan fondateur de la religion manichéenne qui divisait l’univers en deux parties égales. Ses adversaires confirment d’ailleurs cette position centrale en lui adressant des critiques parfaitement symétriques : pour la droite, Macron est un socialiste déguisé, continuateur de Hollande ; pour la gauche, c’est un émule de Fillon. Ces procureurs comprendront peut-être un jour que ces tirs croisés tendent à s’annuler…

Le fusil à tirer dans les deux coins de Macron semble efficace. A son tableau de chasse, il a accroché une horde de centristes sans attache et de gaullistes abandonnés ; mais aussi un troupeau d’éléphants socialistes rebutés par Hamon le jeune loup, Bartolone, Delanoë, peut-être Le Drian et Ayrault. Dans les enquêtes d’opinion – encore transitoires –, il talonne Marine Le Pen et laisse à distance François Fillon. Et comme Fillon et Hamon se sont imprudemment écartés sur la droite et sur la gauche, ce chemin de crête devient une autoroute. Mène-t-elle à l’Elysée ? Pour l’instant, c’est lui qui en est le plus proche. Mais la vraie campagne commence.

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