Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
18 juillet 2020

«Libération» : pourquoi je passe la main

Par Laurent Joffrin 

Comme je l’ai annoncé il y a quelques semaines, j’ai décidé de changer de fonction au sein de Libération. Après de longues années passées au poste de directeur de la rédaction, il m’a semblé logique et bénéfique de passer la main sans heurts et sans drame. J’abandonne ainsi mes fonctions de directeur de la publication, de cogérant et de directeur de la rédaction. Il sera procédé à mon remplacement en septembre selon la procédure prévue par nos statuts.

Je suis revenu au poste de directeur en 2007, puis une deuxième fois en 2014. A chaque fois, le journal était en crise grave ; beaucoup ne donnaient pas cher de sa survie. Les deux fois, je m’étais assigné comme but de le faire vivre, de préserver sa créativité journalistique, tout en assurant son indépendance rédactionnelle. Les deux fois, grâce à la mobilisation de toute l’équipe, grâce au soutien de nos actionnaires, nous nous sommes tirés d’affaire et le journal a été remis sur les rails. Il a pu poursuivre sa transformation dans un contexte difficile et, surtout, continuer de défendre, dans l’indépendance, les valeurs morales et journalistiques qui sont les nôtres, celles d’une gauche inventive, ouverte et tolérante, d’une culture tournée vers la novation, d’une sensibilité vigilante aux fractures comme aux inventions de la société, d’une lucidité exigeante face aux réalités du monde. Aujourd’hui, grâce au travail de toute l’équipe, le redressement est en bonne voie, les objectifs de conquête d’abonnements pour 2020 ont été atteints, l’image de Libération s’est rétablie et la crise que nous venons de traverser a conforté son rôle dans le débat national. Le nouveau statut du journal, qui deviendra prochainement la propriété non d’un groupe industriel mais d’un fonds de dotation, garantit à la fois son existence et son indépendance.

La plus grande liberté dont je bénéficierai me permettra d’agir plus directement pour les idées politiques qui sont les miennes, tout en poursuivant mes travaux d’écriture. Je lancerai lundi, à titre personnel, un appel visant au renouveau de la gauche démocratique, évidemment sans engager Libération dans cette initiative, même si les idées qui la sous-tendent sont conformes à celles que je défends dans mes éditoriaux depuis longtemps.

J’ai passé à la direction de cette rédaction les meilleures années de ma vie. Je vous remercie pour votre fidélité, pour vos témoignages de sympathie envers le journal autant que pour vos critiques, qui nous sont toujours utiles et nous obligent à nous améliorer.

Je remercie aussi du fond de l’âme tous ceux qui m’ont accompagné, hier et aujourd’hui, et qui m’ont fait confiance dans cette tâche de redressement. L’avenir me paraissant assuré, je prends un peu de champ. Mais Libération, qui fut une grande partie de ma vie, reste au premier rang dans mon cœur.

Publicité
Commentaires
Publicité