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Jours tranquilles à Paris
29 novembre 2019

« Mort cérébrale de l’OTAN » : Macron assume, Stoltenberg recherche l’unité

Par Nathalie Guibert

Le secrétaire général de l’Alliance atlantique explique au « Monde » que le dialogue avec la Russie doit se faire « d’une seule voix » parmi les alliés.

Ils ont passé plus d’une heure ensemble à l’Elysée, et la conversation fut nourrie. A-t-elle permis de mieux se comprendre ? Sûrement, mais pas sur tous les sujets. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, était à Paris jeudi 28 novembre pour rencontrer Emmanuel Macron, en vue du mini-sommet de Londres des 3 et 4 décembre. Une première explication depuis les propos présidentiels sur la « mort cérébrale » de l’Alliance, qui ont surpris et provoqué de vives réactions dans les capitales européennes.

Le président français assume tous ses mots, comme il l’a dit à l’issue de la rencontre. L’alerte a été donnée, juge-t-il, « et je me félicite que chacun, maintenant, considère que la priorité est plutôt de réfléchir à nos objectifs stratégiques ». Reste à trouver une méthode, peut-être le groupe de travail de haut niveau suggéré par l’Allemagne sous la houlette du secrétariat général. « On agit dans l’OTAN sur la base d’analyses politiques, on fait ça tous les jours », a tempéré le secrétaire général dans un entretien accordé au Monde. « Nous y avons réussi, puisque depuis l’annexion illégale de la Crimée en 2014, nous sommes arrivés au plus important renforcement de l’OTAN depuis des décennies. »

Ce qui a été jugé comme une provocation inutile a quand même eu un effet positif, admet-on officieusement au secrétariat général. « Le président français a ouvert une conversation stratégique, et elle va commencer à Londres ». Depuis 2014, les dossiers sécuritaires ont été traités, mais les uns après les autres – commandement militaire, cyber, menaces hybrides, défense de l’espace, etc. « Les alliés sont d’accord pour continuer de moderniser l’Alliance atlantique. Comment le faire, nous allons poursuivre la discussion », affirme M.  Stoltenberg.

« Attachement à la sécurité collective »

Les alliés de l’OTAN « peuvent compter sur la France », a rassuré Emmanuel Macron. Mais que faire avec la Turquie ? Quel est l’ennemi commun ? Selon lui, la priorité de l’OTAN est « le terrorisme ». Et là, dit-il, « proclamer son attachement à la sécurité collective ne suffit pas. Une véritable alliance, ce sont des actes, pas des mots ». L’hôte de l’Elysée réclame, à Londres, une discussion sur l’engagement au Sahel et au Levant. Ce à quoi les alliés, notamment des Allemands très fâchés contre Paris, répondent en substance : « La France dit être seule tout en considérant le Sahel comme sa chasse gardée et elle n’a jamais fait de proposition pour une implication de l’OTAN ».

Le secrétaire général confirme être venu pour composer avec ces nuances. « Mon rôle est d’être sûr qu’on trouve des compromis et qu’on soit unis. Il y a toujours eu des différences, ce fut le cas en 1956 avec Suez » et les tensions ne viennent pas toujours de la France, a-t-il assuré au Monde. « Je ne donne pas de conseils, je discute et je consulte les décideurs pour agir. »

Mais sur la Russie, qui n’est pas l’ennemi selon Paris, le « dialogue lucide, robuste et exigeant » présenté jeudi par Emmanuel Macron continue de susciter des incompréhensions. Le secrétaire général et le président français se sont adressé des « Nous ne sommes pas naïfs » réciproques.

« Mon message principal a été de dire que nous devons nous en tenir à la double approche stratégique, que tous les alliés ont approuvée, vis-à-vis de la Russie : une dissuasion forte et un dialogue, nous précise Jens Stoltenberg. C’est seulement en parlant d’une seule voix que nous pourrons convaincre la Russie d’engager dans un contrôle crédible et sérieux des armements. »

« Les missiles russes sont là et peuvent atteindre Paris »

Certains craignent que Paris fasse des concessions à Moscou. Notamment celle d’engager des discussions sur la « nouvelle génération d’accord pour remplacer le traité sur les forces nucléaires intermédiaires » (FNI), terrain sur lequel Emmanuel Macron cherche des avancées « avec les Européens ».

Le FNI, traité bilatéral russo-américain de la guerre froide sur l’élimination des missiles intermédiaires terrestres en Europe, est devenu caduc en août quand les Etats-Unis s’en sont retirés, avec l’accord de leurs vingt-huit alliés convaincus que les SSC-8 russes le violaient. Moscou propose à présent un « moratoire » sur ces armes. « Nous n’avons pas accepté l’offre de moratoire, a précisé le président français en conférence de presse. Mais nous avons considéré que, comme base de discussion, il ne fallait pas la chasser d’un revers de main. Constater la fin d’un traité sans rien d’autre ? Soyons sérieux ! »

Au Monde, M. Stoltenberg a précisé : « Les missiles de la Russie sont là, en violation du FNI, et peuvent atteindre Paris. Il ne peut y avoir de moratoire. » L’organisation atlantique estime que le dialogue doit avoir lieu dans le cadre du conseil OTAN-Russie.

« L’OTAN est la seule plate-forme dans laquelle on a pu discuter de ces sujets stratégiques avec les Etats-Unis, ajoute le secrétaire général. Nous travaillons ensemble à la façon de répondre à la fin du FNI. Nous avons déjà décidé de ne pas réagir en miroir de la Russie, en ne déployant pas de nouveaux missiles nucléaires terrestres en Europe. Cela montre que l’OTAN a aussi des résultats en termes de consultations politiques. »

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