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Jours tranquilles à Paris
6 septembre 2020

La réponse incertaine de la Turquie et de la Grèce à une offre de médiation de l’OTAN

Par Jean-Pierre Stroobants, Bruxelles, bureau européen

Athènes se dit prêt à évoquer la délimitation des zones maritimes en mer Egée « sur la base du droit international ».

La Grèce et la Turquie vont démarrer des « discussions au niveau technique et militaire » au sein de l’OTAN pour tenter de réduire les tensions en Méditerranée orientale et éteindre le risque de confrontation. « Je suis en étroite relation avec tous les alliés concernés pour rechercher une solution, dans l’esprit de solidarité de l’OTAN », a expliqué, vendredi 4 septembre, Jens Stoltenberg, soucieux d’éviter une guerre ouverte, alors que l’armée grecque est en état d’alerte et que les deux pays ont déjà frôlé la confrontation, sur la mer et dans les airs.

L’appel à la « déconfliction » lancé par le secrétaire général de l’alliance atlantique et ses propos apaisants contrastaient encore, vendredi, avec ceux qui étaient tenus à Ankara et à Athènes. Le gouvernement grec estimait que la désescalade ne serait possible que lorsque les navires turcs auraient quitté la région, où ils étendent leurs recherches gazières dans des eaux revendiquées par la Grèce, autour de ses îles situées près des côtes turques.

Du côté turc, en revanche, on affirmait être prêt à une discussion « sans aucune précondition », mais on accusait en même temps les responsables grecs de « mentir » et de « se dérober ».

Possible implication de l’ONU

L’appel officiel du dirigeant de l’OTAN et les pressions exercées par plusieurs capitales seront-ils suivis d’effet ? Le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a indiqué, vendredi après-midi, que son pays était ouvert à un dialogue, mais seulement quand les « provocations » et « les menaces » turques auront cessé, a-t-il précisé. De quoi laisser dubitatifs les responsables de l’OTAN. Athènes se dit, en tout cas, prêt à évoquer la délimitation des zones maritimes en mer Egée « sur la base du droit international ».

Vendredi toujours, le ministre grec des affaires étrangères, Nikos Dendias, se rendait à New York pour évoquer la question avec le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et parler d’une éventuelle implication de l’ONU dans les discussions.

Du côté de l’Union européenne, le président du Conseil, Charles Michel, a lancé dans la journée l’idée d’une « conférence multilatérale sur la Méditerranée orientale », avec la participation de la Turquie. Le projet, « testé » auprès de plusieurs dirigeants, dont M. Stoltenberg, viserait à inclure « tous les pays impliqués dans les différentes discussions sur les frontières maritimes » en Méditerranée. La conférence évoquerait aussi les questions énergétique, sécuritaire et migratoire, « à condition que les tensions entre la Turquie et plusieurs pays européens soient apaisées », souligne toutefois une source diplomatique.

Menaces européennes de sanctions

Or, vendredi, le ministre turc des affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu, jugeait « hystérique » la position du président Emmanuel Macron sur la Méditerranée orientale – et sur la Libye –, tandis que Nicos Anastasiades, président de Chypre, évoquait dans un entretien avec l’Agence France-Presse son inquiétude face à « l’intention [turque] de prendre le contrôle de l’ensemble de la zone ».

L’Union européenne a, quant à elle, menacé Ankara de nouvelles sanctions si elle ne progresse par dans son dialogue avec Athènes. Selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, des mesures restrictives pourraient être décidées lors du prochain conseil européen, les 24 et 25 septembre.

Au sein de l’OTAN aussi, la prudence est de mise, même si les représentants d’Ankara y affichent modération et volonté de dialogue. Outre le risque de conflit entre deux pays membres en Méditerranée, c’est la question du déploiement de missiles S-400, achetés à la Russie et qui représentent une menace sécuritaire pour l’Alliance, qui continue d’inquiéter – alors même que le gouvernement turc présente toujours comme un impératif l’acquisition d’une deuxième volée de ces équipements. C’est, en tout cas, ce qu’a confirmé, jeudi, M. Çavusoglu dans une interview.

Le sujet brûlant de la relation avec la Russie

« Nous avons besoin de deux batteries supplémentaires. Deux, trois, cinq, jusqu’à ce que nous les produisions nous-mêmes », a indiqué le ministre, en évoquant une possible menace syrienne. Les Etats-Unis, qui pourraient livrer leurs missiles Patriot, refusent les exigences turques en matière de transfert de technologie, et ils ont écarté la Turquie du programme de développement de l’avion de combat F-35 en 2019, à la suite de l’acquisition des S-400.

Selon une source turque, le président Recep Tayyip Erdogan pourrait cependant différer la date du déploiement jusqu’à l’issue de l’élection présidentielle américaine, en espérant trouver un compromis à ce moment.

Un autre sujet brûlant était en discussion vendredi entre les ambassadeurs auprès de l’OTAN : le sort de la relation avec Moscou après l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny. « Nous appelons la Russie à communiquer totalement sur son programme Novitchok auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC] », a déclaré M. Stoltenberg, évoquant « une violation flagrante du droit international ».

Une délégation russe est présente à l’OTAN. Après l’affaire de la tentative d’empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille, au Royaume-Uni en 2018, elle avait été ramenée de trente à vingt diplomates.

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