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Jours tranquilles à Paris
21 février 2020

La lettre politique de Laurent Joffrin - Danse avec les coups

La chorégraphie un peu ridicule organisée par un groupe de militantes et de députées de LFI ou des Verts devant l’Assemblée nationale ne méritait certes pas les insultes proférées sur Twitter par Meyer Habib, parlementaire français au verbe musclé proche de la droite israélienne. Dans une tenue qui évoque une affiche patriotique américaine de 1943 incitant les ouvrières à retrousser leurs manches pour contribuer à l’effort de guerre et devenue un emblème féministe, ces militantes ont détourné le tube d’un duo féminin belge, A cause des garçons, écrit par Alain Chamfort, et rebaptisé pour les besoins de la cause A cause de Macron. La danse est devenue un must des manifestations contre la réforme des retraites. Jusque-là rien à dire contre cette parodie un peu potache, même si elle est en l’occurrence exécutée le plus souvent à contretemps.

Plus gênant : le numéro se termine par l’apparition d’un Macron en effigie, boxé par la petite foule, tombant à terre aux pieds des manifestantes qui l’entourent et font mine de continuer à le frapper. Maladresse ? Geste volontaire ? On pense immanquablement à un simulacre de lynchage. De l’humour, dit-on. Oui et non. Le fait de frapper symboliquement un homme à terre a peu de choses à voir avec l’humour. Il renvoie plutôt, même involontairement, à la violence émeutière dirigée contre un individu piétiné par la foule. Funeste symbole, agité par des parlementaires, pour l’une en écharpe tricolore.

Déjà pendant les manifestations de gilets jaunes, on avait guillotiné en effigie le même Macron. La colère des manifestants pouvait expliquer le dérapage. Elle ne change pas la nature de la parodie, qui met en scène une violence symbolique aux connotations peu civilisées. Et on quitte le symbole quand des manifestants s’attaquent physiquement aux permanences des élus et parfois à leur personne, ce qui renvoie au lointain souvenir des «journées révolutionnaires» organisées par les sections parisiennes contre les élus Girondins, qui ont conduit à des votes sous la menace du canon et à une nouvelle fournée de guillotinés.

Décapitation symbolique d’un côté, lynchage simulé de l’autre, cette fois par des parlementaires de la République. Tout le contraire d’un débat rationnel et régulier. La méthode des coups mimés sur un homme à terre eût-elle été employée par des militants de droite ou d’extrême droite, que la gauche se serait levée comme un seul homme, ou une seule femme, pour stigmatiser le dérapage antirépublicain. On n’ira pas jusqu’à ces trémolos indignés. Mais à coup sûr, ces simulacres ne traduisent guère un progrès dans la qualité du débat démocratique.

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