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Jours tranquilles à Paris
3 mai 2020

Covid-19 : la course au vaccin s’accélère, non sans risques

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COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Fierté professionnelle, profits faramineux, philanthropie… les motivations sont nombreuses dans la course au vaccin contre le Covid-19. Mais outre le défi scientifique lui-même, nombreux seront les problèmes à résoudre avant de pouvoir vacciner la planète.

Avec plus de 115 projets de vaccins actuellement en développement dans le monde, “la science va tellement vite et prend tellement de libertés avec les règles de fonctionnement habituelles que même les développeurs de vaccins les plus aguerris ne savent pas à quoi s’attendre”, observe le Washington Post.

Toutes les grandes puissances scientifiques du monde participent à la course, qui reste “dominée par des biotechs. Les grands groupes pharmaceutiques ne sont pas tous au rendez-vous”, remarque Le Soir. Le numéro un mondial des vaccins, GSK, basé en Belgique, ne travaille pas activement sur le Covid-19, à l’instar d’autres géants du médicament, frileux face aux incertitudes liées au virus, “allergiques aux risques et avant tout focalisés sur le retour sur investissement”, note le journal.

Il faut reconnaître que la liste des défis à relever est herculéenne. Les étapes scientifiques du développement d’un vaccin, “qui se déroulent normalement sur plusieurs années – expérimentation animale, études toxicologiques, expériences en laboratoire, essais sur l’homme, organisation de la production – sont aujourd’hui accélérées et réalisées en parallèle”, explique le Washington Post. Une “précipitation” qui n’est pas sans risques.

Les experts en vaccins insistent sur le fait que beaucoup d’effets secondaires rares ne peuvent être repérés que dans des études à très grande échelle, ou par l’observation de la population après le déploiement du vaccin. Ils craignent par-dessus tout que les vaccins ne puissent aggraver la maladie chez certains patients.

Et quand bien même les scientifiques finiraient par découvrir le Graal, les experts soulignent que “le vaccin qui aura le plus de succès ne sera pas le plus efficace, mais celui qui pourra être produit à grande échelle”, souligne El País.

Car il faudra plusieurs milliards de doses pour vacciner la planète – plus encore si le vaccin nécessite une double injection – et plusieurs experts mettent en garde, par exemple, contre la pénurie probable de verre pharmaceutique pour produire le nombre de flacons nécessaires à sa distribution.

Un vaccin en octobre ?

Plusieurs organisations internationales s’inquiètent aussi de la focalisation exclusive sur le Covid-19, qui a déjà entraîné des retards dans “35 campagnes de vaccination, avec des résultats désastreux”, relève El País. Selon l’Unicef, 37 millions d’enfants pourraient contracter des maladies évitables, comme la rougeole.

Les travaux sur le vaccin souffrent également d’un contexte géopolitique tendu, souligne le New York Times. “À une époque de nationalisme intense, la géopolitique de la course au vaccin s’avère aussi complexe que la médecine”, écrit le quotidien. “Des mois d’insultes mutuelles entre les États-Unis et la Chine sur les origines du virus ont empoisonné la plupart des efforts de coopération entre les deux pays”. Et le gouvernement de Donald Trump “a déjà averti que les découvertes américaines devraient être protégées du vol – principalement de la Chine”.

C’est dans ce contexte que l’Union européenne (UE) a annoncé le lancement d’un “programme médical international pour piloter la lutte globale contre le coronavirus, avec l’engagement initial de lever 8 milliards de dollars pour trouver un vaccin et un traitement contre la pandémie”, rapporte The Independent.

Les détails seront communiqués lundi, lors d’une conférence virtuelle, à l’initiative de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Norvège, et des institutions européennes. “Si nous pouvons développer un vaccin produit mondialement, pour le monde entier, ce sera un bien commun, unique et global, du XXIe siècle. Ensemble, avec nos partenaires, nous nous engageons à le rendre accessible à tous, à un prix raisonnable”, écrivent les participants dans une lettre au quotidien britannique.

La Fondation de Melinda et Bill Gates est partenaire de l’opération, qu’elle contribuera à financer. Dans une interview à Politico, Mme Gates explique son choix par le fait que “ce sont les leaders européens, honnêtement, qui comprennent que nous avons besoin d’une coopération internationale. Je crois qu’ils font du mieux qu’ils peuvent dans cette situation”.

Malgré tous les obstacles, Le Temps veut croire “qu’il n’est pas irréaliste de viser le mois d’octobre pour avoir un vaccin prêt à être diffusé”.

“L’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne l’incroyable réactivité de la communauté scientifique et rappelle que le premier essai de vaccin a démarré soixante jours à peine après que la séquence génétique du virus a été partagée par le Chine”, ajoute le quotidien suisse. “Mais malgré des procédures accélérées, relève l’institution, le développement d’un vaccin contre le Covid-19 prendra du temps”.

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3 mai 2020

Corée du Nord versus Corée du Sud

Échanges de tirs à la frontière intercoréenne. Des tirs en provenance de Corée du Nord ont atteint dimanche un poste de garde sud-coréen à l’intérieur de la Zone démilitarisée (DMZ), affirme l’agence de presse sud-coréenne Yonhap. L’armée sud-coréenne a riposté, a précisé le Comité des chefs d’état-major interarmées (JCS). Aucun dégât humain ou matériel du côté sud-coréen n’est à déplorer, selon le JCS. L’incident intervient deux jours après la première apparition publique du leader coréen Kim Jong-un, qui avait disparu pendant trois semaines, alimentant les spéculations sur son état de santé. Samedi, Donald Trump, qui a opéré un rapprochement historique avec la Corée du Nord, s’est déclaré “content de voir qu’il est de retour et en bonne forme !”.

2 mai 2020

Corée du Nord - Kim Jong-un réapparaît publiquement après trois semaines d’absence

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COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Le leader nord-coréen Kim Jong-un, dont l’absence prolongée avait alimenté les spéculations sur son état de santé, est réapparu publiquement vendredi pour inaugurer une usine d’engrais, près de Pyongyang.

“On disait que le leader nord-coréen était ‘en grave danger’, ou ‘dans un état végétatif’; qu’il avait subi une opération ‘bâclée’ du cœur ; qu’il avait été blessé dans une explosion provoquée par un test de missile ; etc., etc.”, ironise le Washington Post.

C’était oublier un peu vite que “chaque tyran de la famille Kim a disparu de multiples fois, pour de longues périodes, pour finalement réapparaître bien vivant et toujours aux commandes”, observe le quotidien.

Fidèle à la tradition familiale, Kim Jong-un, 35 ans, serait donc réapparu vendredi, tout sourire, pour inaugurer une usine d’engrais à Sunchon, près de Pyongyang, selon l’agence de presse officielle nord-coréenne KCNA. Vendredi soir, l’annonce n’avait pas été confirmée de source indépendante, mais KCNA a publié des photos du leader visitant l’usine et coupant le ruban rouge.

“Tous les participants ont lancé des ‘hourras’ tonitruants” à l’adresse du “leader suprême”, saluant “l’avancée révolutionnaire” que représente cette nouvelle usine pour “renforcer l’autosuffisance de l’économie nord-coréenne”, assure l’agence officielle.

Sa sœur Kim Yo-jong, dont l’influence et le poids politique ne cessent de croître à Pyongyang, et que plusieurs experts estiment taillée pour le pouvoir, était présente à la cérémonie, en l’absence remarquée du numéro 2 du régime, Choe Ryong-hae.

Margaret Croy, spécialiste de la prolifération nucléaire en Asie, estime dans les colonnes de Newsweek que le choix de Kim Jong-un de réapparaître dans une usine d’engrais n’est sans doute pas un hasard, car “l’usine pourrait être liée aux ambitions nucléaires” de la Corée du Nord.

Selon la chercheuse, “une récente étude suggère que les usines d’engrais du pays pourraient aider à produire de la matière nucléaire en récupérant de l’uranium à partir d’acides phosphoriques”.

“Leçon salutaire”

Quelle que soit sa motivation, la sortie publique du “leader suprême” vendredi était “sa première depuis le 11 avril, lorsqu’il avait présidé une réunion du Politburo sur le coronavirus”, rappelle le South China Morning Post.

Les inquiétudes sur son état de santé avaient commencé à circuler quelques jours plus tard, en raison de son absence des célébrations du 15 avril, date anniversaire de la naissance de son grand-père et fondateur de la dynastie, Kim Il-sung.

Mais alors que les spéculations allaient bon train en Occident, “les autorités sud-coréennes ont démenti les rumeurs à plusieurs reprises, soulignant qu’aucun mouvement inhabituel n’avait été remarqué en Corée du Nord, concernant la santé de Kim”, prend soin de rappeler l’agence de presse sud-coréenne Yonhap.

Chris Green, maître de conférences à l’Université de Leiden (Pays-Bas), estime sur le site d’information NK News, que les événements des dernières semaines devraient servir de “leçon salutaire” aux médias.

“C’est l’occasion d’apprendre qui détient la véritable expertise” sur la Corée du Nord, dit-il : “les organisations disposant de réseaux à l’intérieur du pays, la poignée de transfuges du régime très bien informés, et le renseignement sud-coréen”.

Donald Trump, qui a opéré un rapprochement historique avec la Corée du Nord et souhaitait récemment “bonne chance” à Kim Jong-un dans son hypothétique combat contre la maladie, s’est montré prudent vendredi, se refusant à toute réaction.

“Je préférerais ne pas commenter pour l’instant”, a déclaré le président américain à la presse, selon USA Today. “Nous aurons quelque chose à dire sur le sujet, le moment venu”.

2 mai 2020

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2 mai 2020

BRESIL - 5 000 morts du Covid-19 au Brésil : « Et alors ? », répond Bolsonaro

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Le « Et alors ? », lâché, mardi, par le président Jair Bolsonaro à un journaliste qui l’interrogeait sur le fait que plus de 5 000 Brésiliens étaient morts du Covid-19, a provoqué des cascades de réactions de gouverneurs, responsables politiques, professionnels de santé ou éditorialistes, outrés par l’absence d’empathie présidentielle. « Je suis désolé. Vous voulez que je fasse quoi ? Je suis Messias (Messie, son deuxième prénom, NDLR) mais je ne fais pas de miracle », avait répondu le président.

« Mettez-vous au travail », a lancé à Jaïr Bolsonaro Wilson Witzel, le gouverneur de l’État de Rio de Janeiro, au bord de l’implosion sanitaire. « Sortez de votre bulle de Brasilia », a, de son côté, déclaré Joao Doria, gouverneur de l’État de São Paulo. Avec officiellement 85 380 cas de contamination, mais 15 ou 20 fois plus d’après des scientifiques, et 5 901 morts, le Brésil voit se profiler un scénario à l’américaine ou à l’italienne.

Não é “E daí”?, não, presidente. Seja responsável. A sua “gripezinha” chegou e, em vez de continuar atacando os governadores, faça o seu trabalho. Sua atuação na maior crise de saúde do mundo é desastrosa. Pare de fazer política e trabalhe.— Wilson Witzel (@wilsonwitzel) April 29, 2020

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2 mai 2020

Corée du Nord

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1 mai 2020

Géopolitique - La Chine sortira-t-elle gagnante de cette crise  ?

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THE ECONOMIST (LONDRES)

En quelques semaines, le pays à l’origine de l’épidémie de Covid-19 se propose désormais comme modèle de gestion de cette crise qui ravage le monde. Sommes-nous au seuil d’un basculement géopolitique au détriment des États-Unis ?

L’année a très mal commencé pour la Chine. Lorsqu’un virus affectant les voies respiratoires s’est répandu à Wuhan, l’instinct des responsables du Parti communiste a été de le passer sous silence. Certains prédisaient que le coronavirus allait être le “Tchernobyl” de la Chine – en référence à la façon dont les mensonges du Kremlin sur cet accident nucléaire avaient accéléré l’effondrement de l’Union soviétique. Ils avaient tort. Après son cafouillage initial, le parti au pouvoir en Chine a rapidement imposé une quarantaine d’une ampleur et d’une sévérité impressionnante. Et ce confinement a apparemment bien fonctionné. Le nombre de nouveau cas de Covid-19 a ralenti au point de se réduire à peau de chagrin. Les usines sont en train de rouvrir leurs portes. Les chercheurs se précipitent pour faire tester leurs vaccins sur les bonnes volontés. Entre-temps, le nombre de morts en Grande-Bretagne, en France, en Espagne, en Italie et aux États-Unis a largement dépassé le bilan officiel en Chine.

La Chine ne cache pas sa fierté. Une vaste campagne de propagande explique que la Chine a réussi à maîtriser l’épidémie grâce à un régime fort de parti unique. Le pays montrerait maintenant sa bienveillance en fournissant au monde entier des kits médicaux, dont près de 4 milliards de masques entre le 1er mars et le 4 avril. D’après le discours officiel, les sacrifices consentis par la Chine ont permis au reste du monde de gagner du temps pour se préparer à la crise. Et si certaines démocraties occidentales n’ont pas fait bon usage de ce temps, cela montre à quel point leur système de gouvernance est inférieur à celui de la Chine.

Certains, notamment les observateurs pessimistes de la politique étrangère en Occident, ont conclu que la Chine serait le grand vainqueur de la catastrophe du Covid-19. Ils avertissent que la pandémie restera dans les mémoires non seulement comme une catastrophe humaine, mais aussi comme un tournant géopolitique où les États-Unis ont été mis à l’écart.

Ce point de vue s’est en partie imposé par défaut. Le président Donald Trump n’a apparemment aucune envie de prendre la tête de la riposte mondiale face au virus. Les précédents présidents américains ont mené des campagnes contre le VIH/sida et Ebola. Trump s’est contenté de promettre de suspendre son soutien financier à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à cause de son prétendu parti pris en faveur de la Chine. Avec l’homme qui, à la Maison-Blanche, revendique un “pouvoir absolu” tout en refusant d’assumer ses responsabilités, la Chine a une chance de renforcer son influence.

Une machine de propagande grossière et mesquine

Mais pourtant la Chine pourrait très bien échouer dans cette entreprise. D’une part, il est difficile de dire si le bilan chinois en matière de gestion du Covid-19 est aussi impressionnant que le pays veut le faire croire – et qu’il est aussi bon que celui des démocraties qui ont fait leurs preuves comme la Corée du Sud et Taïwan. Personne en dehors de la Chine ne peut vérifier si les autorités chinoises, connues pour leur goût du secret, ont dit toute la vérité sur le nombre de décès et de personnes infectées par le coronavirus. Un régime autoritaire a les moyens d’imposer aux usines de repartir, mais il ne peut pas forcer les consommateurs à acheter leurs marchandises. Tant que la pandémie fera rage, il est encore trop tôt pour dire si les gens vont applaudir la Chine pour avoir mis fin au virus ou lui reprocher d’avoir fait disparaître les médecins de Wuhan qui avaient été les premiers à sonner l’alarme.

Autre obstacle : la propagande de la Chine est souvent grossière et mesquine. Les porte-parole du pays ne se contentent pas chanter les louanges de leurs dirigeants ; certains jubilent également publiquement des dysfonctionnements des États-Unis ou promeuvent des théories du complot délirantes affirmant que le virus serait une arme biologique américaine. Pendant plusieurs jours, les Africains de Guangzhou ont été expulsés en masse de chez eux, se sont vu interdire l’accès aux hôtels et ont ensuite été harcelés parce qu’ils dormaient dans les rues, les autorités locales craignant qu’ils ne soient contaminés. Leur détresse a fait la une des journaux et a suscité des remous sur le plan diplomatique dans toute l’Afrique.

La Chine ne cherchera à reproduire les points forts des États-Unis

Par ailleurs, les pays riches se méfient des motivations de la Chine. Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, exhorte les gouvernements à prendre des participations dans des entreprises stratégiques afin d’empêcher la Chine de profiter des turbulences du marché pour les racheter à bas prix. Plus généralement, la pandémie a donné des arguments à ceux qui pensent que les pays ne devraient pas dépendre autant de la Chine pour des biens et des services essentiels, des respirateurs aux réseaux 5G. L’Organisation mondiale du commerce s’attend à ce que le commerce mondial de marchandises diminue de 13 à 32 % à court terme. Si cette situation conduit à une régression à long terme de la mondialisation – ce qui était déjà un sujet d’inquiétude avant le Covid-19 –, cela nuira autant à la Chine qu’au reste du monde

La question n’est pas tant de savoir si les autres pays sont prêts à voir la Chine supplanter les États-Unis, mais plutôt si la Chine a l’intention de le faire. Une chose est sûre, la Chine ne va pas chercher à reproduire les points forts des États-Unis : un vaste réseau d’alliances et des légions d’acteurs privés dotés d’un soft power inégalable, de Google à Netflix, en passant par Harvard et la Fondation Gates. Elle ne montre aucun signe de vouloir assumer le genre de pouvoir qui lui vaudrait d’être prise à partie dans toutes sortes de crises partout sur la planète, comme c’est le cas pour les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale.

Redéfinir les nouvelles règles mondiales

Le meilleur révélateur des ambitions de la Chine sera son comportement dans la course au vaccin. Si elle y parvient la première, ce succès pourrait être mis en avant comme un triomphe national et le début d’une coopération mondiale. Autre révélateur : l’allégement de la dette des pays pauvres. Le 15 avril, le G20, y compris la Chine, a décidé d’accorder aux pays endettés le report du paiement de leurs dettes à ses membres pendant huit mois. Par le passé, la Chine négociait la dette à huis clos en exploitant sa position de force pour obtenir des concessions politiques. Si la décision du G20 signifie que le gouvernement de Pékin est maintenant prêt à coordonner ses actions avec celles des autres créanciers et à se montrer plus généreux, ce serait le signe que la Chine est prête à dépenser de l’argent pour acquérir un nouveau rôle.

Mais peut-être que la Chine cherche moins à diriger le monde qu’à s’assurer que d’autres puissances ne viennent en travers de son chemin. Elle cherche à éroder le statut du dollar en tant que monnaie de réserve. Et elle s’efforce de placer ses diplomates à des postes influents dans les organismes internationaux, afin qu’ils puissent définir les nouvelles règles mondiales, par exemple en matière de droits de l’homme ou de contrôle d’Internet. L’une des raisons pour laquelle la position de Trump vis-à-vis de l’OMS est si mauvaise pour les États-Unis, c’est que cela donne plus de légitimité à la Chine à ce genre de poste.

Les dirigeants chinois allient de grandes ambitions à une certaine prudence induite par l’énorme tâche qui consiste à gouverner un pays de 1,4 milliard d’habitants. Ils n’ont pas besoin de créer de toutes pièces un nouvel ordre mondial avec de nouvelles règles. Ils préféreront peut-être continuer à faire vaciller les piliers bancals de l’ordre construit par l’Amérique après la Seconde Guerre mondiale, le tout pour ne pas entraver la montée en puissance de la Chine.

Ce n’est pas une perspective réjouissante. La meilleure façon d’affronter la pandémie et ses conséquences économiques est de le faire au niveau mondial. Il en va de même pour des problèmes tels que le crime organisé et le changement climatique. Les années 1920 nous ont montré ce qui arrivait lorsque de grandes puissances se préoccupaient de leur seul intérêt et cherchaient à profiter des malheurs des autres. L’épidémie de Covid-19 a jusqu’à présent suscité autant d’appétits égoïstes que d’altruisme. Trump est en grande partie responsable de cette situation. Si la Chine devait remettre au goût du jour ce comportement mesquin des grandes puissances, ce ne serait pas une victoire mais une tragédie.

1 mai 2020

Corée du Nord...

corée du nord

30 avril 2020

Enquête - Les liaisons dangereuses entre l’OMS et la Chine ont marqué la crise du coronavirus

Par Paul Benkimoun, Marie Bourreau, Genève, correspondance, Frédéric Lemaître, Pékin, correspondant

Covid-19, la déflagration géopolitique 1/3. Dans une série d’enquêtes, « Le Monde » revient sur les failles provoquées au sein des structures multilatérales par la crise sanitaire. Aujourd’hui, l’Organisation mondiale de la santé, accusée d’avoir fait le jeu de Pékin.

En ce 31 décembre 2019, le bureau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Pékin, situé dans le quartier diplomatique, tourne au ralenti, comme les autres organisations internationales. Le directeur général du bureau, Gauden Galea, un médecin maltais spécialiste des maladies non transmissibles, est rentré en Europe.

La veille au soir, pourtant, le docteur Gao Fu, directeur du centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, a découvert, en surfant sur Internet, qu’à Wuhan quelques médecins hospitaliers s’inquiètent de l’apparition d’un virus ressemblant diablement au SARS (syndrome respiratoire aigu sévère), celui qui, en 2003, avait traumatisé l’Asie.

Le docteur Gao Fu est également tombé sur une note de la commission de la santé de cette ville de la province du Hubei confirmant le phénomène. Dès le 31 au matin, il a envoyé sur place une équipe d’experts. Dans la journée, la Chine informera l’OMS de l’apparition à Wuhan d’un « cluster » – un groupe de cas – de pneumonie atypique.

L’OMS ne le sait pas encore, mais elle s’apprête à affronter la plus grave crise depuis sa fondation, en 1948. Une crise à la fois sanitaire, économique et géopolitique, dont les enjeux dépassent le cadre de cette institution des Nations unies, qui fédère 194 Etats membres.

Ostracisme

Pour autant, est-ce vraiment la Chine qui, la première, a alerté l’OMS ? En réalité, rien n’est moins sûr. Car, le 30 décembre, dans la soirée, un autre médecin s’est alarmé de la situation à Wuhan : le docteur Luo Yijun, vice-directeur du centre de contrôle des maladies de Taïwan. Le 31, ce lève-tôt prévient ses services à 5 heures du matin. Dès la mi-journée, Taïwan demande des explications à la Chine et informe l’OMS.

L’organisation internationale aurait-elle été avertie de la crise par Taïwan ? Son refus obstiné d’indiquer les heures auxquelles les deux mails – le chinois, le taïwanais – ont été reçus le laisse supposer. C’est que la question est sensible du point de vue politique. Sous la pression de la Chine, qui considère Taïwan comme une de ses provinces et non comme un Etat, cette île de 23 millions d’habitants n’est plus autorisée, depuis 2016, à assister aux assemblées générales de l’OMS, même en tant qu’observateur. Les autorités locales ne cessent de dénoncer cet ostracisme. Selon elles, les Taïwanais sont ainsi privés d’informations sanitaires importantes.

DÈS LE 31 DÉCEMBRE, LES AUTORITÉS TAÏWANAISES DÉCIDENT DE PRENDRE LA TEMPÉRATURE DES PASSAGERS EN PROVENANCE DE WUHAN

Mais ce 31 décembre, ce sont eux qui se sont tournés vers l’OMS dans un mail formulé en termes clairs : « Des informations indiquent qu’au moins sept cas de pneumonie atypique ont été signalés à Wuhan, Chine. Les autorités de la santé ont répondu aux médias que ces cas n’étaient pas supposés relever du SRAS. Toutefois, les échantillons sont encore en cours d’examen et les cas ont été isolés pour traitement. J’apprécierais beaucoup si vous aviez des informations pertinentes à nous communiquer. Je vous remercie par avance de l’attention que vous porterez à ce sujet. »

D’après l’OMS, critiquée pour sa proximité excessive avec Pékin, ce mail ne prouve rien. Pour le ministre de la santé et du bien-être de Taïwan, Chen Shih-chung, le passage sur l’isolement des malades est au contraire explicite : il montre bien que, dès le 31 décembre, Taïwan suggère que le virus se transmet entre humains. « N’importe quel expert en santé publique ou médecin professionnel saurait quelles circonstances peuvent conduire à isoler des patients pour traitement », expliquera par la suite Chen Shih-chung.

De fait, ce même 31 décembre, les autorités taïwanaises décident de prendre la température des passagers en provenance de Wuhan. Grâce à ce système très précoce de repérage des malades et à leur strict isolement, Taïwan, malgré sa proximité géographique avec la Chine, connaîtra un nombre de décès remarquablement faible : six. Un succès que l’OMS occultera durant toute la crise.

Beaucoup de temps de perdu

En cette veille de Jour de l’an, on n’en est pas encore là. Les autorités chinoises se veulent rassurantes. Tout est sous contrôle. Se fiant à leurs déclarations, l’OMS semble, elle aussi, sereine. Le 14 janvier, elle approuve les conclusions de l’enquête préliminaire des Chinois, selon laquelle il n’y a pas de preuves évidentes de transmissions interhumaines.

D’après cette enquête, il peut certes y en avoir mais elles sont « limitées » et « principalement entre les membres d’une même famille ». Personne n’est troublé par le fait que, dès le 1er janvier, un des lanceurs d’alerte, Ai Fen, la directrice du département des urgences de l’hôpital central de Wuhan, a imposé à ses équipes – contre l’avis de sa hiérarchie – de porter des masques et des gants.

Du reste, il faut attendre le 20 janvier pour que des experts de l’OMS effectuent « une brève visite » sur place, selon les termes mêmes de l’organisation.

Nous sommes alors quarante-huit heures après un gigantesque banquet (40 000 convives !) organisé dans cette ville de 11 millions d’habitants à la gloire du Parti communiste chinois (PCC) et vingt-quatre heures après la visite effectuée par Zhong Nanshan, un expert chinois de réputation planétaire. C’est lui qui, ce même 20 janvier, informe la Chine et le reste du monde que le virus se transmet bien entre humains. Depuis le 31 décembre, au moins trois semaines décisives ont donc été perdues.

Le comité d’urgence de l’OMS pris de court

Deux jours plus tard, l’OMS organise enfin une conférence de presse consacrée à l’épidémie. Une cinquantaine de journalistes patientent dans la salle de presse située au septième étage du siège genevois de l’organisation, sans compter ceux présents en ligne. Mais le temps passe et nul ne se présente devant eux.

Le comité d’urgence chargé de conseiller le directeur général de l’OMS, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, un microbiologiste éthiopien plus communément appelé « docteur Tedros », peine à se mettre d’accord sur l’opportunité de déclarer une urgence sanitaire de portée internationale.

Dans la salle, l’ambiance est bon enfant. Personne n’a idée du drame qui se joue en coulisses. La Chine ne compte encore que 17 morts et 509 cas recensés. La menace semble circonscrite. Les journalistes se voient livrer des pizzas. Tout à coup, alors que le comité d’urgence, fort de quinze membres et de six conseillers, est enfermé dans la « situation room » de l’OMS, les portables des correspondants abonnés à l’application du New York Times vibrent : la Chine vient d’annoncer, en pleine nuit, le confinement de Wuhan.

Il est près de 21 heures lorsque le comité sort de réunion. Pris de court par cette annonce, il se donne vingt-quatre heures pour décider. Las, le lendemain, l’OMS retarde à nouveau sa décision. Croit-elle que l’épidémie pourra encore être contenue ? Il est « trop tôt » pour déclarer une urgence sanitaire de portée internationale, note le « docteur Tedros », lequel ajoute toutefois : « Ne vous y trompez pas, c’est une urgence en Chine. Mais ce n’est pas encore une urgence sanitaire mondiale. Cela pourrait le devenir. »

Le tempo est donné par Pékin

Des sources diplomatiques ont confirmé au Monde que le « docteur Tedros » avait invité, comme il en a le droit, les ambassadeurs des quatre pays les plus concernés par l’épidémie à ce moment-là – Chine, Thaïlande, Corée du Sud, Japon – à se joindre comme observateurs au comité d’urgence, les 22 et 23 janvier. D’après les mêmes sources, le représentant chinois avait d’emblée exercé une pression sur le groupe, affirmant qu’« il était hors de question de déclarer une urgence de santé publique de portée mondiale ». Rien d’étonnant, dans ces conditions, que les débats suivants aient été houleux…

Quelques jours plus tard, le « docteur Tedros » s’envole pour Pékin. Cet homme de 55 ans, qui fut ministre de la santé de l’Ethiopie (2005-2012) puis ministre des affaires étrangères (2012-2016), s’est déjà rendu à plusieurs reprises dans la capitale chinoise. C’est à ce pays – qui a soutenu activement sa candidature à la tête de l’OMS – qu’il avait réservé l’un de ses premiers déplacements à l’étranger, juste après sa prise de fonction, le 1er juillet 2017.

Dès la mi-août 2017, il est en effet le principal orateur d’une réunion de haut niveau consacrée à la coopération sanitaire « Une ceinture, une route : vers une route de la soie sanitaire ». Un projet du président Xi Jinping que le « docteur Tedros » approuve et qualifie d’« indubitablement visionnaire ». L’année suivante, toujours à Pékin, il qualifie de « modèle » le système de santé chinois.

QUAND LES COMPAGNIES AÉRIENNES OCCIDENTALES ANNULENT LEURS LIAISONS AVEC LA CHINE ET QUE DIVERS PAYS FERMENT LEURS FRONTIÈRES TERRESTRES OU AÉRIENNES, L’OMS CRITIQUE CES DÉCISIONS

Le 28 janvier, alors que l’épidémie touche Wuhan, le voici au Palais du peuple, reçu par Xi Jinping avec les honneurs dus à un chef d’Etat. Une photo – ravageuse pour lui – le montre faisant une légère génuflexion avant d’échanger une franche poignée de main avec le maître des lieux. Le « docteur Tedros » félicite la Chine d’avoir mis en place un « nouveau standard dans le contrôle de l’épidémie ». « La vitesse de la Chine, l’échelle de la Chine, l’efficacité de la Chine… Ce sont les avantages du système chinois », déclare-t-il, poussant l’obséquiosité jusqu’à louer Pékin pour « sa transparence » dans le partage d’informations.

Pourtant, au moment même où il se trouve dans la capitale, les autorités chinoises reconnaissent que début janvier, elles avaient, à tort, dénoncé et interpellé des médecins lanceurs d’alerte qui avaient mis en garde contre la propagation du virus entre humains.

A son retour à Genève, le « docteur Tedros » convoque le comité d’urgence. Le 30 janvier, sur avis de celui-ci, il déclare l’urgence sanitaire de portée internationale, mais en précisant qu’il ne s’agit en aucun cas d’un « acte de défiance vis-à-vis de la Chine ». « Au contraire, indique-t-il, l’OMS continue d’avoir confiance dans les capacités de la Chine à contrôler l’épidémie. »

A l’évidence, l’OMS s’aligne sur le tempo donné par Pékin. Ainsi, fin janvier, quand les compagnies aériennes occidentales annulent les unes après les autres leurs liaisons avec la Chine et que divers pays, notamment l’Italie, les Etats-Unis et la Russie, ferment leurs frontières terrestres ou aériennes avec elle, l’OMS critique ces décisions.

L’organisation approuve sans réserve le confinement du Hubei par Pékin, qui a, selon elle, « fait gagner du temps au monde », mais juge inutile de limiter les échanges d’hommes et de biens avec ce pays. Exactement ce que veulent entendre les dirigeants chinois, qui n’y voient aucune contradiction. Grâce à leur efficacité, la situation n’est-elle pas « sous contrôle » ?

Habituée aux critiques sur son action

Pourtant, les nouvelles en provenance de Pékin et de Wuhan ne sont guère rassurantes. Certes, des hôpitaux sont construits en un temps record et plus de 40 000 soignants viennent en renfort à Wuhan mais, depuis le début, la propagande laisse peu de place à la transparence. La vive émotion provoquée dans le pays par le décès – officiellement le 7 février – d’un des lanceurs d’alerte, le docteur Li Wenliang, montre que la population n’est pas dupe. Mais l’OMS ne s’y attarde guère, pas plus qu’elle ne se préoccupe de la « disparition » de deux « citoyens-journalistes » connus pour avoir révélé l’état réel des hôpitaux de Wuhan, ou qu’elle ne s’inquiète du silence imposé par la Chine aux pays soucieux de rapatrier leurs ressortissants. L’OMS n’enquête pas, elle relaie, c’est tout.

Comme l’écrit François Godement, spécialiste de l’Asie dans son blog de l’Institut Montaigne : « Ceci amène une question : lorsque des épidémies majeures, comme c’est le cas pour le SRAS, la grippe aviaire et le coronavirus, ont la Chine pour berceau, quelle est la fiabilité réelle de l’OMS ? Dans le cas présent, l’OMS se comporte en organisation intergouvernementale stricto sensu, ne questionne pas les sources officielles sur lesquelles elle s’appuie. Elle échoue alors dans sa mission d’information. Pire, un certain nombre de gouvernements et d’organisations soit croient à ces affirmations et à leur bien-fondé, soit choisissent de s’appuyer sur cette réticence pour repousser l’adoption de mesures difficiles. »

L’OMS BAPTISE LA MALADIE DE « COVID-19 », UN TERME « QUI NE FAIT RÉFÉRENCE NI À UN LIEU GÉOGRAPHIQUE, NI À UN ANIMAL, NI À UN GROUPE PARTICULIER DE POPULATION »

Au siège de cette organisation habituée aux critiques sur sa gestion des épidémies – jugée selon les cas soit trop laxiste soit trop alarmiste –, on jure au contraire que la réponse a été très rapide. Pourtant, la vitesse à laquelle se propage l’épidémie durant les premiers jours de février place l’OMS sur la sellette.

Soucieuse de redorer son image mise à mal, en particulier, lors de l’épidémie d’Ebola en 2014-2015, celle-ci propose des conférences de presse quotidiennes. Les louanges renouvelées du partenaire chinois provoquent à chaque fois la stupéfaction des journalistes. « Nous avons le sentiment profond que les Chinois font du bon travail », assure un communicant, la main sur le cœur.

Il est vrai qu’en matière de « com », les Chinois sont de vrais pros. Ainsi, le 11 février, l’OMS baptise officiellement la maladie de « Covid-19 », un terme « qui ne fait référence ni à un lieu géographique, ni à un animal, ni à un groupe particulier de population », selon le « docteur Tedros » . Celui-ci agit-il par conviction ? Par stratégie ? Nul ne le sait.

En tout cas, l’OMS rechigne à utiliser le nom « SARS-CoV-2 » donné au nouveau coronavirus par le Comité international de taxinomie des virus, l’organisme international chargé de leur appellation. Cette dénomination déplaît à la Chine car elle rappelle trop le souvenir du SRAS (« SARS » en anglais). « Si l’organisation s’était aliénée la Chine dès les premières semaines de la crise, que ne lui aurait-on alors reproché ? », s’interroge un diplomate en poste à Genève.

Une mission fantoche

Mi-février, l’OMS parvient enfin à remplir un de ses objectifs : l’envoi en Chine d’une mission internationale d’experts spécialistes des maladies infectieuses. Une opération pour le moins limitée : il n’est évidemment pas question d’aller inspecter un puissant membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU… C’est donc une mission conjointe (treize experts occidentaux, douze experts chinois) qui se rend sur place du 17 au 24 février.

L’OMS DOIT AVALER UNE AUTRE COULEUVRE : IL N’EST PAS PRÉVU QUE LA MISSION SE RENDE DANS LE HUBEI !

Comme il ne saurait être question de filmer leur arrivée en Chine, celle-ci ne sera annoncée qu’a posteriori. Au passage, l’OMS doit avaler une autre couleuvre : il n’est pas prévu que la mission se rende dans le Hubei ! « La province est à un stade crucial du combat contre l’épidémie et ne peut pas consacrer du temps et [mobiliser] des hommes pour recevoir des experts », explique la presse chinoise. Ce n’est qu’à la dernière minute que la Chine accepte que trois experts occidentaux passent finalement quelques heures à Wuhan, du moins en périphérie de la ville et sans pouvoir faire la moindre enquête.

Cela n’empêche pas le chef de la mission, le médecin canadien Bruce Aylward, de juger à son retour à Genève que « le monde [avait] besoin des leçons de la Chine ». Il confie même – sans ciller – que, s’il devait tomber malade, il aimerait se faire « soigner là-bas ».

L’épidémiologiste fait à nouveau sensation fin mars, lorsque, interrogé par une chaîne de télévision de Hongkong sur la réponse de Taïwan au Covid-19, il fait mine de ne pas entendre la question avant de refuser d’y répondre et de couper la communication. Quelques jours plus tard, le « docteur Tedros » en personne accusera Taïwan de se livrer à des attaques racistes contre lui. L’ancien ministre éthiopien n’apportera pas la moindre preuve à ses allégations. Après enquête des autorités taïwanaises, il apparaît que ces attaques émanent en fait de trolls chinois qui se sont fait passer pour des citoyens taïwanais. Autant d’éléments qui ne font qu’alimenter la théorie d’une OMS sous l’influence de Pékin. Le vice-premier ministre japonais Taro Aso, dépité par le report des Jeux olympiques d’été, n’a-t-il pas suggéré de la rebaptiser « Organisation chinoise de la santé » ?

L’OMS au cœur des jeux d’influence

Il faut attendre le 11 mars pour que l’OMS décrète enfin l’état de pandémie. La veille, Xi Jinping s’est rendu, triomphant, à Wuhan, signifier que son pays avait remporté la « guerre du peuple » contre le coronavirus, un succès dû, d’après la propagande, à son « système politique ». Désormais, la Chine est prête à sauver le monde.

Autant sa gestion de la crise du SRAS en 2003 et le coupable silence dont elle avait fait preuve durant trois mois l’avaient décrédibilisée, autant le Covid-19 la place au centre du jeu diplomatique. « Après la crise du SRAS, la sévérité des dénonciations de l’OMS avait fortement inquiété le régime chinois, qui a depuis tenté, comme à la Commission des droits de l’homme, de limiter la portée des critiques en renforçant sa capacité d’influence », analyse la chercheuse française Valérie Niquet, dans une récente note de la Fondation pour la recherche stratégique pour expliquer l’importance que revêt l’OMS aux yeux de Pékin.

« L’OMS EST LE SEUL CADRE MULTILATÉRAL LÉGITIME POUR COORDONNER UNE POLITIQUE DE SANTÉ MONDIALE »

Les jeux d’influence politique au sein de l’organisation n’ont pas débuté avec l’épidémie actuelle. « La Chine a retardé la déclaration d’une urgence de santé publique de portée internationale en février, mais ce n’est pas pire que ce qui se passe depuis quinze ans à l’OMS, estime ainsi German Velasquez, ancien cadre de l’institution, aujourd’hui conseiller spécial sur la politique de santé au South Centre, une organisation intergouvernementale des pays en développement. Je me souviens de l’interventionnisme des Etats-Unis, qui ont toujours eu une forte influence à l’OMS. Ils n’avaient pas hésité à faire pilonner des brochures sur l’accès aux médicaments juste avant leur diffusion, à empêcher toute prise de position de l’OMS sur la gestion de l’ouragan Katrina et à obtenir l’annulation in extremis d’un discours, dont le texte leur déplaisait, que devait prononcer le docteur Lee Jong-Wook », directeur général de l’OMS de 2003 à 2006.

« Si l’on peut critiquer la politique suivie par le « docteur Tedros », il faut sauver le soldat OMS, plaide un diplomate. Elle a produit des dizaines de recommandations pour lutter contre le Covid-19 et a adopté une communication dynamique. Surtout, c’est le seul cadre multilatéral légitime pour coordonner une politique de santé mondiale. Encore faut-il lui donner des moyens juridiques pour ce faire. Les Etats membres y sont-ils prêts ? »

La récente décision de Donald Trump de suspendre les contributions américaines à l’OMS a soulevé de nombreuses réactions internationales. Associations médicales américaines, éditoriaux dans les revues scientifiques, tweet de Bill et Melinda Gates, ont convergé en faveur de l’organisation. Le 20 avril, une résolution du G20 virtuel des ministres de la santé s’engageant à renforcer le mandat de l’OMS pour coordonner la réponse à la pandémie de Covid-19 a été torpillée par les Etats-Unis.

Si la crise du coronavirus est un révélateur des dysfonctionnements de cette structure et de l’influence chinoise en son sein, il ne faudrait pas qu’elle en devienne un accélérateur. « Le retrait américain est une erreur qui va affaiblir l’ensemble du système », prévient Suerie Moon, codirectrice du Centre de santé globale à l’Institut de hautes études internationales et du développement. L’Assemblée mondiale de la santé, qui détermine les orientations que le DG doit suivre, prévue – par visioconférence – du 17 au 21 mai, et où chaque Etat membre dispose du même poids, permettra de prendre le pouls de cette organisation décriée par tous mais jugée irremplaçable.

28 avril 2020

L’Arabie Saoudite abolit la peine de mort… pour les mineurs

Par Hala Kodmani — Libération

Après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi il y a un an, le prince héritier «MBS» veut redorer son image de «grand réformateur» du royaume.

Ali al-Nimr ne sera pas décapité. L’Arabie Saoudite vient en effet d’abolir «la peine de mort pour les individus reconnus coupables de crimes commis alors qu’ils étaient mineurs». Or le manifestant saoudien n’avait que 17 ans en 2012 quand il a été arrêté pour avoir participé à une révolte à Qatif, une région à majorité chiite dans l’est du royaume. Condamné à mort en même temps que des dizaines d’autres contestataires pour «sédition» ou «terrorisme», il devait être exécuté en 2015. A l’époque, il échappe une première fois à sa peine grâce à une campagne internationale et à une intervention de François Hollande auprès des autorités saoudiennes.

Dans la même affaire, 47 des condamnés à mort, dont le dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr, figure de l’opposition au régime de Riyad et oncle d’Ali, sont exécutés début 2016. Plus de quatre ans plus tard, la vie du jeune homme, âgé aujourd’hui de 25 ans, est à nouveau sauvée. Cette fois par un décret royal annoncé dimanche dans son pays.

«Une très bonne nouvelle ! Surtout pour les six jeunes chiites, dont Ali al-Nimr, qui attendaient dans le couloir de la mort en Arabie Saoudite», se réjouit Anne Denis, d’Amnesty. «Accusés de terrorisme, ils avaient entre 16 et 17 ans» au moment des faits, précise-t-elle.

Anniversaire

La décision survient une semaine après la publication par l’ONG d’un rapport sur la peine capitale dans le monde en 2019, indiquant que «les autorités saoudiennes ont mis à mort 184 personnes l’année dernière, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré par Amnesty en une seule année dans le pays». Un bilan record «malgré une baisse générale des exécutions dans le monde», précise le rapport qui confirme la troisième place de l’Arabie Saoudite, après la Chine et l’Iran, pour l’application de la peine capitale. «La 800e exécution depuis l’arrivée sur le trône du roi Salmane il y a cinq ans vient d’être effectuée», notait début avril l’ONG britannique Reprieve. Il y a un an, trente-sept chiites, dont trois mineurs, avaient été décapités.

«C’est un jour important pour l’Arabie Saoudite, a déclaré Awwad ben Saleh al-Awwad, le président de la Commission des droits de l’homme (HRC), un organisme gouvernemental saoudien. Ce décret nous aide à mettre en place un code pénal moderne et montre l’engagement du royaume à poursuivre des réformes essentielles dans les différents secteurs.»

Nommé en septembre 2019 avec rang de ministre à la tête de cette commission, celui qui fut ambassadeur d’Arabie Saoudite en Allemagne a la lourde charge d’intégrer les droits de l’homme dans le programme de réformes global et ambitieux, dit «Vision 2030», de Mohammed ben Salmane (MBS).

Ministre de la Culture et de l’Information avant de prendre la tête du HRC, Al-Awwad a été appelé à ce poste délicat peu avant le premier anniversaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul, en octobre 2018. Le modernisateur doit tenter de faire oublier le crime horrifique commis par des proches de MBS (très probablement sous ses ordres selon les enquêtes en cours). Ses effets sur l’image de «grand réformateur» du prince héritier ont été dévastateurs.

Lapidation

Vendredi, c’est le châtiment de flagellation publique qui a été aboli. Ces progrès notables attirent l’attention sur l’abomination d’autres lois encore en vigueur dans le royaume. On attend désormais la fin de la lapidation à mort, pratiquée notamment contre les femmes accusées d’adultère. Même s’«il n’y a plus eu d’application de la lapidation depuis de nombreuses années», note avec soulagement Anne Denis.

Elle se réjouit par ailleurs pour Raif Badawi, blogueur emprisonné depuis huit ans et pour qui de nombreuses ONG ont fait campagne. Condamné à mille coups de fouet, «il en avait subi cinquante au lendemain de son arrestation avec l’humiliation de cette flagellation publique», désormais abolie.

En réaction à ces mesures, la responsable d’Amnesty rappelle que Riyad doit accueillir en novembre le sommet des vingt pays les plus riches du monde. Et ainsi jouer dans la cour des plus grands. «Pour présider le G20, il faut faire bonne figure», souligne-t-elle.

La rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard, suit avec acharnement l’enquête sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi et poursuit également de son opprobre les autorités iraniennes. Elle a donc profité de l’occasion pour interpeller Téhéran sur Twitter : «Cher Iran, l’Arabie Saoudite vient d’abolir la peine de mort pour les mineurs. Vous devriez vous en inspirer. Il y a environ 90 Iraniens dans le couloir de la mort qui étaient mineurs au moment de leurs prétendus crimes.»

Après la pendaison la semaine dernière de Shayan Saeedpour, un jeune Kurde, Agnès Callamard a mis en garde contre d’autres mises à mort imminentes dans la République islamique.

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