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Jours tranquilles à Paris
27 avril 2020

LIBERATION - Kim Jong-un disparu des radars ou disparu tout court ?

Par Louis Palligiano, correspondant à Séoul 

Covid-19, opération du cœur ratée… Plusieurs médias étrangers se sont fait l’écho du décès du leader nord-coréen, dont la dernière apparition publique remonte au 11 avril, sans confirmer l’information.

Le mystère s’épaissit chaque jour autour du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, invisible depuis le 11 avril, tandis que le régime, traditionnellement peu enclin à réagir aux spéculations sur la santé du «cher leader», reste de marbre. Lors de sa dernière apparition relayée par l’agence centrale de presse nord-coréenne (KCNA), Kim présidait une réunion du politburo du Parti des travailleurs, le parti unique au pouvoir, appelant à des mesures renforcées contre le coronavirus qui, selon Pyongyang, épargne toujours miraculeusement le Nord. Depuis, les médias d’Etat se sont bornés à rapporter l’envoi par Kim de lettres diplomatiques (au président syrien Bachar al-Assad notamment), de cadeaux à des citoyens d’honneur ou encore, dimanche, d’un message de remerciement à des travailleurs nord-coréens. Mais sans publier d’articles ou de photos montrant des activités publiques.

C’est l’absence exceptionnelle de Kim Jong-un lors d’un événement majeur célébrant l’anniversaire de son défunt grand-père et fondateur de la nation, Kim Il-sung, au Palais du Soleil de Kumsusan le 15 avril, qui a déclenché des rumeurs sur son état de santé. Et pour cause, il n’avait jamais manqué cette cérémonie annuelle depuis son accession au pouvoir fin 2011.

Tabagisme

Après que le site d’informations sud-coréen Daily NK a annoncé que Kim avait subi une chirurgie cardiaque le 12 avril, en se basant sur les dires d’une seule source anonyme à Pyongyang, les spéculations ont circulé à plein régime. Le site américain TMZ a rapporté sa mort due à une opération du cœur ratée, sans confirmer l’information, en citant des médias chinois et japonais. De son côté, la chaîne américaine CNN a affirmé que Kim Jong-un «pourrait courir un grave danger après une intervention chirurgicale» en s’appuyant sur les confidences d’un haut fonctionnaire américain qui a préféré garder son identité secrète. Des assertions qui se basent donc, pour les plus sensationnalistes, sur quelques rares sources anonymes.

Plus concrètement, des images satellites relayées dimanche par 38 North, site web américain spécialisé dans les affaires nord-coréennes, montrent un train qui serait vraisemblablement celui de Kim Jong-un stationné dans la ville côtière nord-coréenne de Wonsan, un lieu de villégiature connu des Kim. La présence de ce train à proximité de cette résidence, équipée d’installations médicales, ajoute de la crédibilité aux rapports selon lesquels le leader du Nord reçoit des soins ou se trouve en convalescence à Wonsan, sans pour autant donner d’indication sur son état de santé. Il pourrait également s’être confiné, un cas de Covid-19 ayant été détecté parmi les membres de sa garde rapprochée, d’après le quotidien sud-coréen Joong-ang Ilbo. L’envoi d’une cinquantaine de médecins chinois en Corée du Nord, rapporté par plusieurs médias internationaux, pourrait justement être lié à la pandémie. Citant un responsable du Parti communiste chinois, le quotidien japonais Asahi Shimbun écrit que l’envoi d’une équipe de cette ampleur semble disproportionné dans le seul but d’offrir un soutien médical à Kim et pourrait être le fruit d’un partenariat Pékin-Pyongyang afin de lutter contre le Covid-19.

Les rumeurs d’une opération cardiaque qui aurait mal tourné s’appuient sur différents indices tangibles quant à la santé fragile de Kim Jong-un. Son tabagisme et son goût excessif pour l’alcool, son importante prise de poids ces dernières années ainsi que des antécédents familiaux de maladies cardiovasculaires - son père Kim Jong-il a été terrassé par une crise cardiaque - sont autant de facteurs pouvant mener cet homme de 36 ans vers une mort précoce. L’ancien passionné de basket qui voulait «gagner tous les matchs», selon l’un de ses camarades de l’école Liebefeld-Steinhölzli de Köniz, en Suisse, où il a passé une partie de son adolescence, se déplaçait avec difficulté lors de ses dernières apparitions publiques. Et son embonpoint, destiné à lui conférer la stature d’un chef d’Etat pour pallier son jeune âge, semble désormais mettre son règne en péril.

Le leader n’avait que 27 ans lorsqu’il a succédé à son père en 2011, devenant le plus jeune dirigeant du monde, mais ses neuf ans passés au pouvoir, marqués par des échanges diplomatiques sans précédent avec les Etats-Unis et par la politique dite du Byongjin - un exercice périlleux qui consiste à mener de front le développement économique et les programmes nucléaires et balistiques du régime - semblent l’avoir profondément usé.

Béquille

Néanmoins, cette absence de deux semaines n’est pas inédite pour le troisième dirigeant de la dynastie des Kim. Plus tôt dans l’année, il s’était déjà tenu éloigné de la vie publique pendant vingt-et-un jours. Et en 2014, Kim Jong-un n’était pas apparu pendant plus d’un mois avant que la télévision d’Etat nord-coréenne ne le montre marchant avec une béquille, après une opération de la cheville. A l’époque déjà, les rumeurs d’un grave problème de santé ou d’une crise politique interne s’étaient multipliées.

En Corée du Nord, la vie paraît suivre son cours : malgré cette absence prolongée, aucun événement inhabituel n’a été rapporté. Dans l’édition de dimanche de Rodong Sinmun, le quotidien officiel du régime, aucune mention n’est faite du chef suprême. Même chose sur la télévision d’Etat, KCTV. En Corée du Sud, les officiels réfutent les récents rapports des médias à propos de la mort de Kim, en soulignant qu’il n’y a aucun signe émanant de Pyongyang qui pourrait l’indiquer. Séoul maintient que tout semble se dérouler normalement au Nord et que Kim Jong-un se trouve simplement «en province», et non à Pyongyang.

Néanmoins, lorsque Kim Jong-il est mort, les médias officiels du régime nord-coréen ne l’avaient révélé que deux jours plus tard, et aucune agence de renseignement au monde n’était au courant de son décès.

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27 avril 2020

Dopé au coronavirus, le média chinois « Caixin » défie la censure

Par Brice Pedroletti

Depuis les premiers jours de la pandémie, ce site d’information parvient à multiplier les révélations malgré le verrouillage du pouvoir.

La crise due au coronavirus à Wuhan et le confinement strict de la ville depuis le 23 janvier jusqu’au 8 avril ont ouvert un nouveau front pour Caixin, un des médias chinois les plus audacieux : à lui seul, ce célèbre site d’information bilingue (mandarin et anglais), dédié en principe aux affaires économiques, mais connu pour son positionnement politique libéral, a multiplié les révélations lors de ces deux mois cruciaux. Deux journalistes et un photoreporter, sous la direction d’un rédacteur en chef adjoint, ont passé les soixante-dix-sept jours de confinement à Wuhan, se déplaçant quand ils le pouvaient avec des combinaisons de protection.

Le 31 janvier, le site publie une interview du docteur Li Wenliang, qui avait été interpellé par la police pour avoir informé d’autres médecins que le mystérieux virus était de type SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère). Le 6 février au soir, les deux enquêteurs se rendent à l’hôpital, pénètrent par le garage et se retrouvent ensuite à minuit devant la porte de l’unité de réanimation où le docteur Li se bat entre la vie et la mort. Après l’annonce de son décès, Caixin publiera un appel à créer une législation afin de protéger les lanceurs d’alerte – une proposition osée en Chine – et une galerie de photos montrant des personnes venues déposer des fleurs devant l’hôpital central de Wuhan.

Les journalistes donneront plus tard la parole aux médecins de l’établissement, qui fustigent l’incompétence de leur direction à la suite des nombreux décès parmi leurs collègues. Ultime tabou, le secrétaire du parti de l’hôpital est pointé du doigt : « Il ne comprenait pas suffisamment ce qu’était une maladie infectieuse et a empêché les praticiens de partager des informations critiques sur la santé. »

Qu’un petit échantillon de la vérité

Le 29 février, le site révèle que plusieurs laboratoires chinois ont reçu dès le mois de décembre des échantillons prélevés sur des patients atteints de pneumonie atypique, provenant des hôpitaux de Wuhan. Et qu’ils ont prévenu de la dangerosité de ce coronavirus inconnu, pour se voir ordonner, le 1er janvier, de détruire ces prélèvements. Les premiers signes de l’émergence d’un virus de type SRAS ont bien « été identifiés, partagés puis étouffés », dénoncent-ils.

Fin mars, le photographe de Caixin, qui assiste à la réouverture d’un des salons funéraires de la ville, apprend d’un chauffeur de camion qu’il a livré 5 000 urnes en deux jours – suscitant dans le monde entier de sérieux doutes sur le nombre réel de morts à Wuhan. Les autorités locales répondront que ces urnes étaient aussi destinées aux milliers de personnes décédées durant ces deux mois d’autres pathologies que le Covid-19.

Comme pour les laboratoires, le site d’information ne pourra pousser plus loin son enquête – signe que la censure est intervenue. « Nous avons sans doute trouvé 75 % à 80 % de la vérité », déclarait le rédacteur en chef adjoint, Gao Yu, dans un podcast de Caixin concernant leur travail à Wuhan. Mais il ajoute cette phrase, qui n’est pas traduite dans la transcription en anglais du podcast : « Seulement 30 % à 40 % [de ce qui a été découvert] ont pu être publiés ». Dès lors, quand on demande à rencontrer Gao Yu ou un membre de l’équipe de Wuhan, la réponse est immédiate : « Désolé, ce n’est pas le bon moment. Il y a trop de risques. »

La presse chinoise dite libérale, c’est-à-dire dont les journalistes sont favorables à plus de liberté d’expression et généralement à plus de démocratie, est souvent plus difficile à approcher que les médias sous le contrôle du parti. « Si vous donnez des informations à des Occidentaux sur des événements ou sur le fonctionnement interne des médias, ça peut être tout de suite retenu contre votre journal, on dira que vous avez pactisé avec des forces hostiles », explique un ancien reporter d’un quotidien pékinois.

Une patronne très habile

Dans ce jeu du chat et de la souris, Caixin, détenu par le magnat du show-business de Shanghaï, Li Ruigang, patron du groupe China Media Capital, a toujours su allier la prudence, l’expérience et le tact en jouant habilement des connexions politiques, réelles ou fantasmées, de sa fondatrice, Hu Shuli, 67 ans. Fille d’une cadre dirigeante du Quotidien des travailleurs et d’un père cadre dans la fédération syndicale officielle, Hu Shuli est à ce jour l’incarnation la plus élaborée de l’audace journalistique, de la longévité et du professionnalisme tels qu’ils peuvent être tolérés dans son pays.

« Elle a toujours su cultiver les liens avec le pouvoir central, tout en réussissant à se faire reconnaître en Occident », explique une ancienne personnalité des médias de Shanghaï. Hu Shuli a un avantage rare : elle a découvert très tôt le journalisme à l’occidentale. Après avoir passé six mois, en 1987, au World Press Institute, dans le Minnesota, elle publie à son retour un livre sur les « coulisses de la presse américaine », qui explique le Watergate. En 2010, elle fonde Caixin après avoir quitté, avec la quasi-totalité de la rédaction, le magazine qui l’avait rendue célèbre, Caijing, dont les dirigeants subissaient la pression du parti après une série d’enquêtes ayant déplu en haut lieu.

« Les connexions politiques et la capacité à manœuvrer de Hu Shuli sont essentielles pour expliquer l’excellente couverture de la crise due au coronavirus par Caixin. Mais il faut ajouter à cela la tradition bien réelle de ce média de parler haut et fort, et d’adhérer le plus possible à l’excellence journalistique. Sans compter que des crises comme celles-ci créent inévitablement un certain niveau de confusion, ce qui offre des occasions aux médias considérés comme les plus indépendants d’esprit », explique David Bandurski, codirecteur de China Media Project, le programme de recherche sur les médias chinois de l’université de Hongkong.

Profil bas

Avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, en 2013, et la répression qui a suivi, Caixin a eu tendance à faire profil bas, concentrant ses enquêtes sur les cibles de la lutte anticorruption menée alors par Wang Qishan, un réformateur issu du monde de la finance dont Hu Shuli est réputée proche. Le 7 mars 2016, le site commet toutefois l’impensable, en révélant la censure d’un de ses articles, accompagné de la photo d’une bouche scotchée sur laquelle est dessiné un sens interdit rouge. Un acte de défiance de nouveau censuré.

En 2018, Hu Shuli cède le poste de rédactrice en chef à son adjoint depuis vingt-cinq ans, Wang Shuo, tout en expliquant à l’agence Associated Press qu’elle resterait, en tant que directrice de la publication, très impliquée dans les décisions éditoriales du site. « Je ne me retire pas ni ne descends d’une marche. Au contraire, vous pourriez dire que je monte d’un cran », avait-elle déclaré pour faire taire les spéculations sur sa mise à l’écart au moment où Xi Jinping venait d’être reconduit, en octobre 2017, pour un second mandat à la tête du Parti communiste chinois.

Lors de la crise causée par l’épidémie de Covid-19, c’est Hu Shuli elle-même qui, le 20 janvier 2020, dès que fut officiellement révélée la contagiosité du virus entre humains, demanda au journaliste Gao Yu de partir à Wuhan et d’y constituer une équipe. La « femme la plus dangereuse de Chine », comme elle est surnommée, n’a pas oublié l’expérience du SRAS : en 2002, Caijing, son ex-publication, avait été l’une des plus combative dans sa couverture des dissimulations du gouvernement chinois.

27 avril 2020

Arabie Saoudite

Riyad abolit la peine de mort pour les mineurs. Une peine de prison ne dépassant pas dix ans dans un centre de détention pour mineurs remplacera la peine capitale, a indiqué dimanche un responsable saoudien, citant un décret royal. Cette décision a lieu deux jours après l’annonce par le royaume de la suppression de la flagellation. L’abolition de la peine de mort pour les mineurs devrait épargner au moins six hommes de la communauté musulmane chiite, minoritaire dans le royaume sunnite, qui allaient être exécutés pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales alors qu’ils étaient âgés de moins de 18 ans. Le royaume ultraconservateur détient le triste record du monde des exécutions, rappelle The Guardian. Dans son rapport annuel sur la peine de mort dans le monde, publié mardi 21 avril, Amnesty International a affirmé que “l’Arabie Saoudite [avait] exécuté un nombre record de personnes en 2019, malgré une baisse générale des exécutions dans le monde”.

26 avril 2020

Corée du Nord : l’absence prolongée de Kim Jong-un alimente les spéculations sur son état de santé

coree nord

Certains spécialistes avancent que le dictateur nord-coréen est « pratiquement mort », tandis que les autorités de Corée du Sud restent prudentes, estimant même que « le leader pourrait être en tournée régionale ».

Par Philippe Mesmer 

Le silence qui entoure l’état de santé du dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, alimente les rumeurs les plus diverses et des théories plus ou moins sérieuses. Dernière information en date, celle de 38 North. Samedi 25 avril, le très sérieux centre d’analyses américain a annoncé la présence à Wonsan du train spécial du dirigeant. « Il n’était pas là le 15 avril mais l’était les 21 et 23 avril », écrit le centre sur son site en s’appuyant sur des photos satellite. Connue pour ses activités touristiques, cette ville portuaire de l’est de la Corée du Nord abrite un complexe résidentiel pouvant accueillir Kim Jong-un.

« La présence du train ne prouve pas où se trouve le dirigeant nord-coréen et n’indique rien sur sa santé, mais elle donne du poids aux affirmations selon lesquelles il séjourne dans une zone réservée à l’élite sur la côte est du pays. »

Le même jour, l’agence Reuters indiquait, citant trois sources, qu’une équipe médicale chinoise était partie jeudi 23 avril pour Pyongyang, la capitale. La délégation serait menée par un représentant du département de liaison internationale du Parti communiste chinois (PCC), principal organe de liaison avec la Corée du Nord.

Dernière intervention publique le 11 avril

Ces éléments s’ajoutent à ceux qui s’accumulent depuis la « disparition » de Kim Jong-un : sa dernière intervention publique remonte au 11 avril. Il n’a pas participé au traditionnel hommage rendu pour l’anniversaire, le 15 avril, de son grand-père Kim Il-sung (1912-1994), ni aux cérémonies du 25 avril célébrant la création de l’armée du peuple.

Le quotidien nord-coréen Rodong Sinmun a annoncé, dans son édition du 26 avril, qu’il avait adressé un message de félicitations aux travailleurs de Samjiyong (dans le nord-est, où a été inaugurée, en 2019, une ville nouvelle). L’agence officielle nord-coréenne KCNA relate des activités, notamment l’envoi, le 22 avril, d’un message au président syrien, Bachar Al-Assad. Mais aucune photo n’a été publiée, d’où les spéculations sur ses absences, attribuées à sa santé, réputée fragile en raison de son surpoids et de son tabagisme.

Le 20 avril, la chaîne américaine CNN affirmait que Washington « étudiait des informations » selon lesquelles M. Kim « pourrait être en danger grave après une intervention chirurgicale ». Des affirmations par la suite jugées « incorrectes » par le président américain, Donald Trump. Auparavant, le site spécialisé Daily NK, basé à Séoul, expliquait, en citant une source en Corée du Nord, que le dirigeant de 36 ans avait subi, le 12 avril, une intervention au cœur dans un hôpital du comté de Hyangsan, au nord de Pyongyang.

Les autorités sud-coréennes prudentes

En Corée du Sud, les autorités restent prudentes et estiment même que « le leader pourrait être en tournée régionale ». Selon une source locale citée par l’agence Reuters, Kim Jong-un est vivant et effectuera bientôt une apparition publique. Mais l’homme politique et analyste Chang Seong-min a indiqué, le 23 avril, au quotidien conservateur Chosun Ilbo que, selon l’une de ses sources au sein du Parti communiste chinois (PCC), Kim Jong-un était « pratiquement mort ». Membre en 1998 et 1999 de l’administration du président progressiste Kim Dae-jung (1998-2003), M. Chang est également connu pour avoir déjà véhiculé de fausses informations.

A Hongkong, la télévision par satellite HKS a annoncé la mort du dirigeant, après avoir indiqué que la Chine avait envoyé des médecins en Corée du Nord, sans préciser ses sources. Sa directrice adjointe, Qin Feng, rappelle que Pyongyang avait mis deux jours (51 heures exactement) avant d’annoncer officiellement la mort de son père, Kim Jong-il, en 2011.

Au Japon, dans l’hebdomadaire Shukan Gendai, le journaliste Daisuke Kondo affirme qu’un des membres de l’équipe chinoise envoyée en Corée du Nord lui a tout dit de l’intervention du cœur subie par Kim Jong-un. Le médecin chargé de lui poser un stent aurait pris trop de temps pour terminer l’opération. Un retard qui aurait plongé Kim Jong-un dans un état végétatif.

Tout cela reste invérifiable, tant les informations de Corée du Nord restent parcellaires. Et des rumeurs similaires ont circulé en janvier, rappelle le site spécialisé NK News. Des allégations non vérifiées du 11 février et des vidéos du 14 février indiquaient que Kim Jong-un avait subi une opération du cœur en Chine début janvier. Ratée, l’intervention l’aurait empêché de se rendre à Wonsan pour fêter son anniversaire, le 8 janvier.

Par la suite, deux « cardiologues de renommée mondiale » auraient été sollicités en France. Les deux médecins auraient voyagé en jet privé et atterri à Pyongyang, le 10 février. Ils auraient soigné Kim Jong-un à la clinique Ponghwa du quartier de Pothonggang. A l’époque, NK News n’avait pas été en mesure de corroborer les informations. Le site n’avait trouvé aucune preuve de l’arrivée, le 10 février, d’un jet privé à l’aéroport Sunan de Pyongyang.

Philippe Mesmer(Tokyo, correspondance)

26 avril 2020

7 choses à savoir sur Kim Yo-jong, qui pourrait succéder à Kim Jong-un en cas de décès

Alors que les rumeurs sur la mort de Kim Jong-un ou sur un état végétatif se multiplient, c’est sa sœur qui aurait été désignée pour lui succéder le cas échéant.

Par L'Obs

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Kim Yo Jong, sister of North Korea's leader Kim Jong Un, attends wreath laying ceremony at Ho Chi Minh Mausoleum in Hanoi, March 2, 2019. (Photo by JORGE SILVA / POOL / AFP) (JORGE SILVA / AFP)

Kim Jong-un, qui règne sur la Corée du Nord d’une main de fer, est-il mort ?

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Impossible à dire compte tenu du manque d’informations en provenance de la dictature. Mais les rumeurs vont bon train. La vice-présidente de HKSTV (Hong Kong Satellite Television) a annoncé sa mort sur le réseau social chinois Weibo avant de supprimer son post. Une annonce qui a été reprise par des médias chinois. Côté médias japonais, pas de mort annoncée mais un magazine, « le Shukan Gendai », annonce un état végétatif après la chirurgie de cœur subie par Kim Jong-un et qui aurait mal tourné, avec aucune chance de survie à terme.

Selon Reuters, au contraire, le train du leader nord-coréen a été repéré durant la semaine à Wonsan. C’est dans cette station balnéaire de l’est de la Corée du Nord que la famille Kim se rend en vacances. Mais sans pouvoir certifier que Kim Jong-un se trouvait à bord…

Ce qui est en revanche à peu près certain, c’est que son opération du cœur ne s’est pas déroulée comme prévu. Plusieurs médias américains, dont CNN, avaient qualifié de « grave » son état de santé et plusieurs sources ont confirmé que des médecins chinois s’étaient rendus à son chevet.

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Spéculations sur l’état de santé de Kim Jong-un, qui aurait été opéré

Impossible de démêler le vrai du faux, donc. Mais en cas de décès, qui lui succéderait ? A priori, la dynastie des Kim débutée avec Kim Il-sung, le grand-père de Kim Jong-un, se perpétuerait avec sa sœur cadette, Kim Yo-jong, qui serait en bonne place pour devenir la première « dictatrice » au monde. Car si elle venait à s’asseoir sur le trône nord-coréen, il ne faudrait pas s’attendre à un assouplissement de la part de celle parfois qualifiée de « plus sanguinaire que Kim Jong-un ».

Portrait.

1. Veep

Selon plusieurs rapports et spécialistes, Kim Yo-jong aurait été promue à un poste important en décembre 2019, un poste d’équivalent de vice-président. Et le fait qu’elle succéderait à Kim Jong-un à sa mort aurait été à ce moment-là officialisé. « Kim Yo-jong a été officiellement nommé héritière en décembre 2019 par le Comité central du parti des travailleurs » a annoncé il y a quelques jours le quotidien japonais Yomiuri.

Les deux enfants de Kim Jong-un sont par ailleurs beaucoup trop jeunes pour régner et son frère, Kim Jong-chol ne serait pas intéressé.

2. « Baron noir »

Dans l’ombre, c’est elle qui orchestrerait les plans de communication de son frère depuis plusieurs années. En 2011, elle est nommée par Kim Jong-un au département de la communication étatique. La jeune femme, qui incarne une nouvelle génération de cadres du régime, s’attache alors à bâtir l’image de Kim Jong-un – dans l’ombre, puisque les médias d’Etat ne la citeront pour la première fois qu’en 2014, en marge d’un scrutin pour renouveler le Parlement. Fin 2014, signe d’une confiance absolue, Kim Jong-un la nomme vice-directrice de la propagande du régime. Dans le culte de la personnalité qu’elle forge autour de son aîné, elle s’attache à montrer un chef d’Etat bienveillant, accessible, à l’image de leur grand-père Kim Il-sung, fondateur du pays. Selon « The Guardian », elle encourage alors Kim Jong-un à visiter les foyers des humbles et à s’entourer de personnalités improbables telles que le basketteur américain Dennis Rodman.

3. Femme invisible

A l’inverse de son frère, elle ne souhaite pas prendre la lumière. L’une des premières images de Kim Yo-jong date du début de l’année 2012. Les Nord-Coréens la découvrent à la télévision d’Etat, en pleurs lors des funérailles de son père. Elle a alors autour de 23 ans, sa date de naissance exacte étant inconnue. Depuis, elle apparaît plus fréquemment lors des cérémonies. Elle avait par exemple accompagné son frère lors de la rencontre entre les deux Corées au moment des Jeux olympiques de 2018.

4. Working girl

La carrière de Kim Yo-jong est fulgurante. Le fait d’être le frère du « supreme leader » de la Corée du Nord facilite sans doute les choses. Il n’empêche : à chaque étape de sa carrière, elle a donné satisfaction à Kim Jong-un, que l’on sait pourtant versatile et qui aurait déjà fait assassiner des membres de sa famille. Après des études en Suisse, cette diplômée en informatique qui parle plusieurs langues a grimpé les échelons jusqu’à sa nomination, en octobre 2017, au Bureau politique du Parti des travailleurs de Corée, une instance de décision présidée par… son frère.

5. Affaire de famille

Les informations sur sa vie privée sont largement invérifiables. Selon le « Guardian », elle aurait épousé début 2015 le fils du vice-président du Parti des travailleurs, Chloe Ryong-hae, lui-même récemment promu à la puissante commission militaire du Parti, et serait mère d’une petite fille. Selon les sources, elle serait née entre 1987 et 1989. Elle est issue comme Kim Jong-un de l’union entre le précédent dictateur Kim Jong-il et sa troisième épouse, une danseuse nommée Ko Yong-hui qui a également fait l’objet d’un culte de la personnalité.

6. Rôle international

Outre sa présence lors de la rencontre historique entre les deux Corées au moment des Jeux olympiques, elle aurait joué - selon les spécialistes de la Corée du Nord - un rôle prépondérant dans le rapprochement entre Donald Trump et Kim Jong-un après l’escalade diplomatique au sujet de l’arme nucléaire. Et en mars dernier, elle avait félicité publiquement Donald Trump d’avoir envoyé à Kim Jong-un une lettre dans laquelle il espérait garder de bonnes relations bilatérales et proposait de l’aide pour faire face à la pandémie de coronavirus.

Elle ne manie pas que la carotte, elle sait aussi jouer du bâton. Il y a un mois, pour l’une des premières fois, elle avait pris publiquement la parole à propos d’un exercice militaire à tir réel, qui avait ému les Sud-coréens. Elle les avait alors traités de « chien effrayé qui aboie ». De « roquet » en quelque sorte, pour reprendre les mots de Laurent Fabius.

L’envergure qu’elle est en train de prendre sur la scène internationale n’est certainement pas innocente.

7. Suisse

Comme son frère, qui est passé par plusieurs établissements avec un nom d’emprunt, Kim Yo-jong a étudié en toute discrétion et sous haute protection dans une école privée de Berne, en Suisse, avant de revenir en Corée du Nord à la fin des années 2000. Elle parlerait couramment anglais et français.

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26 avril 2020

Arabie Saoudite : en bonne voie mais peut faire mieux encore.... Quid des droits de l'Homme ?

arabie

25 avril 2020

La menace d’une tragédie sanitaire continue de planer au Venezuela

Marie Delcas

Les hôpitaux manquent de tout. Le président Maduro affirme que le pays compte peu de cas de Covid-19, ce que conteste l’opposition

BOGOTA - correspondante régionale

Sur la carte mondiale du coronavirus (élaborée par l’université américaine Johns-Hopkins), le Venezuela est marqué d’un tout petit point rouge. Contre toute attente, le pays semble résister mieux que ses voisins à la pandémie. La République bolivarienne enregistrait, mardi 21 avril, 288 cas de Covid-19 et 10 décès. Masque sur le visage, le président Nicolas Maduro a annoncé lui-même ce nouveau bilan à la télévision, où il multiplie les apparitions, plus souvent entouré de ses généraux que de son ministre de la santé.

« En temps normal, je déteste Maduro, mais là je dois admettre qu’il fait bien les choses », dit Frankin, infirmier dans la ville de San Cristobal, à la frontière avec la Colombie. Médecins et scientifiques ont, eux, reconnu que le gouvernement a pris à temps les dispositions qui s’imposaient. Quelques opposants aussi. « Avec un Jair Bolsonaro aux manettes du Brésil et Donald Trump à Washington, Nicolas Maduro fait figure de véritable d’homme d’Etat », soupire un député d’opposition.

Alors que les hôpitaux publics vénézuéliens manquent de tout pour faire face à la pandémie et que les caisses de l’Etat sont vides, la menace d’une tragédie sanitaire et humanitaire continue de planer. « Le gouvernement ne dispose pas des ressources nécessaires pour aider les individus et les entreprises à survivre au confinement », s’inquiète l’économiste Luis Vicente Leon.

Le Programme alimentaire mondial de l’ONU avertissait en février – avant la crise du Covid-19 – que plus de 9 millions de Venezueliens étaient en situation d’insécurité alimentaire. Le service d’information de la revue The Economist (Economist Intelligence Unit), qui a élaboré un indice de vulnérabilité des pays face à la pandémie, place le Venezuela à la 176e place sur 195.

Dès le 15 mars, alors que le Venezuela avait recensé deux cas de Covid-19, Nicolas Maduro annonçait la fermeture des frontières aériennes et terrestres du pays. Quatre jours plus tard, le président décrétait une stricte quarantaine sur l’ensemble du territoire. « Elle a été bien accueillie parce que les Vénézueliens sont conscients que leur santé dépend d’eux-mêmes », affirme Pedro Peñaloza, un avocat convaincu des vertus du socialisme. Mais ici comme dans les pays voisins, le confinement est très inégalement respecté. Les caisses d’aliments distribuées par le gouvernement bolivarien ne suffisent pas à la subsistance des plus démunis, qui doivent sortir travailler pour survivre. Ils le font d’autant plus facilement que le risque de contagion est perçu comme très faible.

Manque d’essence

Paradoxalement, le manque d’essence est venu prêter main-forte à la quarantaine. Détenteur des plus grandes réserves mondiales de brut, le Venezuela est confronté depuis plusieurs semaines à une pénurie de combustible sans précédent. « Dans les conditions actuelles, celle-ci est un bienfait pour le pays », n’hésite pas à affirmer Pedro Peñaloza. Mais le manque de carburant paralyse ce qui reste d’activité économique, complique la distribution d’aliments, immobilise les ambulances, quand il n’empêche pas le personnel soignant de se rendre au travail.

L’opposition conteste les données officielles sur le Covid-19. Son leader, Juan Guaido, proclamé président par intérim en 2019 par l’Assemblée nationale dominée par les anti-chavistes, accuse le président Maduro de mentir et de cacher au pays la gravité de la situation. Dans un pays qui ne publie plus de bulletins épidémiologiques depuis 2016, il est permis de douter des données fournies par le pouvoir politique. La transparence n’est pas le premier mérite du gouvernement vénézuélien, qui contrôle étroitement l’espace médiatique et envoie à l’occasion ses détracteurs en prison. « A l’heure des réseaux sociaux, le gouvernement ne pourrait pas cacher une catastrophe sanitaire de grande ampleur, comme celle qui a frappé la ville de Guayaquil [l’épidémie de coronavirus a submergé la ville équatorienne] », affirme un diplomate en poste à Caracas.

Comment expliquer alors la faible expansion du coronavirus ? « Le pays était de fait confiné, bien avant l’arrivée de la pandémie », répond l’opposant Carlos Vecchio, ambassadeur de Juan Guaido à Washington. Résultat de la baisse des prix du pétrole et d’une gestion erratique, la descente aux enfers de l’économie vénézuélienne a poussé la plupart des compagnies internationales à suspendre leurs vols vers le Venezuela. Début 2020, seules neuf d’entre elles – dont Air France – desservaient encore le pays. Selon l’Association des lignes aériennes du Venezuela (ALAV), l’aéroport de Maiquetia, près de Caracas, n’accueillait plus qu’une quarantaine de vols internationaux par semaine, contre 350 quelques années plus tôt. Le tourisme a depuis longtemps pratiquement disparu.

En cinq ans, le produit intérieur brut (PIB) du Venezuela a chuté de 60 %. « La crise économique nous avait tous un peu confinés », confirme Yadir, employée dans un hôtel de Caracas. Comment sortir le soir si l’insécurité fait peur ? Comment inviter la famille à déjeuner s’il n’y a rien à acheter dans les magasins ? Si les pannes d’électricité et les coupures d’eau sont quasi quotidiennes ? Si la moitié des cousins ont migré ?

« Aujourd’hui, le risque de contagion à grande échelle vient des migrants qui rentrent », affirme Franklin. L’ONU estime a près de 5 millions le nombre de Vénézueliens qui ont quitté leur pays depuis 2013, pour tenter leur chance en Colombie, au Brésil, au Pérou ou en Equateur. Un peu plus de 9 000 ont fait le choix du retour depuis le début de la pandémie. « Au Venezuela, il n’y a rien à manger, mais j’ai un toit pour passer la quarantaine, expliquait Yeison en quittant Bogota. Je préfère crever chez moi que tout seul dans la rue. » La Colombie a ouvert un couloir humanitaire pour permettre aux Vénézueliens de passer la frontière, officiellement fermée. Une fois dans leur pays, ces migrants du retour sont confinés pendant quatorze jours dans des établissements scolaires. Ceux qui passent par les chemins clandestins échappent à tout contrôle.

24 avril 2020

Coronavirus : au Brésil, « nous sommes à la limite de la barbarie »

Par Bruno Meyerfeld, Rio de Janeiro, correspondant

L’épidémie de Covid-19, qualifiée de « petite grippe » par le président Bolsonaro, s’intensifie désormais, frappant un pays où le système de santé n’est pas en capacité de répondre à un tel défi sanitaire.

Au Brésil, partout ou presque, on creuse. Des trous, des fosses, par milliers. A la pelle et à la pioche quand on dispose d’un peu de temps. A la tractopelle et à l’engin de chantier, quand on en manque. Pas pour planter du café ou trouver du pétrole, comme avant. Au Brésil, aujourd’hui, on creuse des trous pour enterrer des corps.

Le coronavirus est arrivé « et c’est chaque jour de pire en pire », constate Paulo Henrique, jeune croque-mort métis de 26 ans au cimetière de Vila Formosa à Sao Paulo. Ce mardi 21 avril, un petit embouteillage de corbillards s’est formé entre les tombes. « C’est le septième que je transporte aujourd’hui, le double de d’habitude. C’est épuisant », poursuit-il, patientant au volant de son véhicule funéraire. La cérémonie ne dure pas plus de cinq minutes, le temps de dire au revoir et d’une pelletée de terre. « Tout le monde est terrifié », constate Paulo Henrique.

Au 23 avril, l’épidémie a fait 3 313 victimes au Brésil (un bond record de 407 décès par rapport à la veille) pour 49 492 cas confirmés. Mais qui croit encore aux chiffres officiels ? Débordées, les autorités ne parviennent à tester ni les vivants ni les morts et certains décès dus au Covid-19 sont enregistrés avec vingt jours de retard. Selon des estimations, divulguées par la presse, le nombre de personnes réellement infectées serait de douze à quinze fois supérieur au chiffre annoncé par les autorités. Le nombre de morts pourrait quant à lui avoir déjà dépassé les 15 000 victimes dans le pire des scénarios. Et le pic n’est prévu que pour mai…

D’ores et déjà, toute la fédération est frappée : les grandes métropoles du sud du pays, comme Sao Paulo et Rio, où se concentrent la moitié des décès, mais aussi l’Etat nordestin du Pernambouc ou celui d’Amazonas, loin dans les terres, en pleine forêt tropicale. Dans ces régions, les hôpitaux publics sont déjà saturés ou presque, avec des taux d’occupation des services en soins intensifs dépassant souvent les 70 % ou les 80 %. On espérait le nouveau coronavirus saisonnier ? Sensible à la chaleur ? Force est de constater qu’il s’adapte très bien à la torpeur tropicale.

Fosses communes creusées à l’engin de chantier

Tout ça fait peur. Tout ça fait pleurer aussi, de rage et de désespoir. « Nous sommes à la limite de la barbarie », s’est effondré en larmes cette semaine le maire de Manaus, Arthur Virgílio Neto, désespéré, lors d’une interview. Dans la plus grande cité d’Amazonie, le nombre d’enterrement a triplé, on creuse des fosses communes à l’engin de chantier. Dans les hôpitaux surchargés, les cadavres sont alignés dans les couloirs, des patients trop âgés ont déjà été renvoyés pour mourir chez eux.

Partout, c’est la chasse au lit, la course aux ventilateurs. « Une guerre quotidienne », témoigne un chirurgien de l’hôpital général de Fortaleza, dans le Ceará nordestin, requérant l’anonymat. « On est plein, 100 % des lits en soins intensifs sont occupés et tous les respirateurs sont maintenant utilisés. On avait pourtant dédié un étage entier et cinq unités de soins exclusivement pour le Covid-19. Mais même avec ça, l’autre jour, 48 personnes attendaient un lit ! A ce rythme on ne tiendra pas quinze jours », s’inquiète-t-il.

A Fortaleza, on a de la chance : pour l’instant, il y a suffisamment de gants et de masques. C’est loin d’être le cas partout. A Sao Paulo « à l’hôpital, une bonne partie du personnel n’est pas équipée et a dû utiliser des capes de pluie et des sacs-poubelles, achetés au marché, pour se protéger ! », enrage Sergio Antiqueira président du syndicat des employés de la ville (Sindesp). A certains, on a confié un seul et unique masque de protection jetable pour un mois entier. « Ces gens sont en danger », s’indigne-t-il.

Le Brésil est à nu. « Nous ne sommes pas du tout prêts pour faire face à cette pandémie », regrette Ligia Bahia, experte du secteur de la santé à l’Université fédérale de Rio (UFRJ). Le pays dispose pourtant de dizaines de milliers de lits en soins intensifs. Mais « la moitié sont dans le privé : inaccessibles pour l’écrasante majorité de la population », soupire-t-elle. Résultat : en moyenne, selon l’Institut de statistique national (IBGE), un Brésilien doit parcourir aujourd’hui 155 kilomètres pour trouver un hôpital capable d’offrir des soins complexes, tels ceux exigés par le Covid-19. Dans le grand nord amazonien, la distance peut aller jusqu’à 400 ou 500 kilomètres.

Un virus ? Quel virus ?

La pandémie appuie là où ça fait mal. « Le coronavirus montre l’échec de notre système démocratique, s’attriste Ligia Bahia. Depuis la fin de la dictature, en trente ans, on n’a jamais vraiment investi pour créer un système de santé public effectif, qui offre des soins au plus pauvres, les Noirs, les plus exclus, qui vont être les premières victimes du. [Il] fonctionne d’abord pour les riches. Et [notre] démocratie ne garantit pas les droits sociaux. »

Un virus ? Quel virus ? Malgré le drame en cours, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, pour qui le coronavirus n’est qu’une « petite grippe », défend toujours le « retour à la normale ». Chaque fin de semaine, il s’adonne à des bains de foule, au mépris des règles sanitaires élémentaires. « J’ai le droit constitutionnel d’aller et de venir », a expliqué le chef de l’Etat, prenant les passants dans ses bras, serrant la main d’une femme âgée après s’être essuyé le nez dans son bras ou toussant carrément sur ses supporters lors d’un discours… Il y a gagné un surnom : « Capitaine Corona ».

Le nouveau ministre de la santé, Nelson Teich, ne rassure pas davantage. Ce dernier s’exprime peu et a mis fin aux conférences de presse quotidiennes, prisées par son prédécesseur Luiz Henrique Mandetta, brutalement démis de ses fonctions par Jair Bolsonaro la semaine dernière. Jugé terne et soumis au président, M. Teich ne convainc personne, pas même au sein du gouvernement. « Tout est sous contrôle… Mais de qui, on ne sait pas ! », s’est ainsi amusé en public le vice-président Hamilton Mourão, juste avant la prise de fonction du ministre.

Faut-il s’attendre à une tragédie ? Selon les prédictions de l’Imperial College de Londres, en cas d’inaction, l’épidémie pourrait faire plus de 1 million de victimes au Brésil.

Rues à peine moins pleines qu’à la normale

Heureusement, depuis la mi-mars, une majorité d’Etats, se substituant au gouvernement fédéral, ont mis en place des politiques de confinement, plus ou moins rigides. Mais avec quelle efficacité ? A peine un Brésilien sur deux serait aujourd’hui isolé chez lui. Dans les quartiers populaires, le contrôle des autorités est quasi inexistant et les rues à peine moins pleines qu’à la normale.

Pire : alors que la vague s’approche, sous la pression combinée de l’exécutif et des milieux économiques, dix Etats sur vingt-sept ont déjà adopté des mesures pour flexibiliser à court ou moyen terme le très fragile et très partiel confinement.

Prévoyant le pire, la ville de Sao Paulo ordonné en urgence le creusement de 13 000 nouvelles tombes, l’achat de 38 000 urnes funéraires supplémentaires et la construction d’un nouveau cimetière. Pour éviter les embouteillages, la mise en terre se fera désormais sans public et de nuit, si besoin.

Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

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Coronavirus : près de 50 000 morts aux Etats-Unis, après l’une des pires journées. La pandémie de Covid-19, qui a tué au moins 186 500 personnes dans le monde, dont près des deux tiers en Europe, continue de perturber la vie d’une grande partie de la planète. Plus de 2 675 000 cas ont été diagnostiqués dans 193 pays et territoires. En Europe, les pays les plus durement touchés sont l’Italie (25 549 morts), l’Espagne (22 157), la France (21 856) et le Royaume-Uni (18 738). Les Etats-Unis ont pour leur part connu l’une de leurs pires journées depuis le début de l’épidémie, avec 3 176 morts enregistrés sur vingt-quatre heures. Le pays, de loin le plus touché s’apprête, donc à passer le cap 50 000 morts. le Congrès y a approuvé jeudi un nouveau plan d’aide de 483 milliards de dollars (448 milliards d’euros) pour soutenir l’économie et les hôpitaux, tout en renforçant les capacités de dépistage. Face à l’explosion du chômage et à la paralysie de l’économie américaine, le Sénat, la Chambre des représentants et la Maison Blanche ont négocié ces mesures qui comprennent notamment 320 milliards de dollars de prêts destinés aux petites et moyennes entreprises.

23 avril 2020

Coronavirus - Pérou

amerique sud

Covid-19 : le Pérou va amnistier 3 000 prisonniers. Le Pérou va amnistier environ 3 000 détenus “vulnérables au coronavirus” dans les 68 prisons du pays, selon la radio RPP. Parmi les détenus qui bénéficieront de l’amnistie figurent notamment les femmes enceintes, les détenues ayant des enfants de moins de 3 ans, les détenus condamnés à des peines d’une durée inférieure à quatre ans, les personnes âgées de plus de 70 ans, pour peu qu’ils n’aient pas commis de délits graves. Seront également concernés les détenus auxquels il ne reste que six mois à purger et ceux qui présentent des pathologies à risque. Mercredi soir, le Pérou comptait 19 250 cas de contamination et 530 décès.

23 avril 2020

Reportage : À Guayaquil, les fantômes du coronavirus planent sur la ville

equateur cercueils

CONNECTAS (AMÉRIQUE LATINE )

Dans la deuxième ville d’Équateur, fin mars, 450 corps attendaient d’être pris en charge par les services de la police. Une “crise des cadavres” qui témoigne d’un système de santé dépassé et d’une organisation aussi hasardeuse que parfois corrompue. Sur la plateforme latino-américaine Connectas, une journaliste vivant à Guayaquil raconte.

Lorsque le président [équatorien], Lenín Moreno, a annoncé l’état d’urgence, le 16 mars dernier, nous avons cru naïvement que nous allions pouvoir arrêter à temps ce virus dont nous observions les ravages de loin. À ce moment-là, 58 cas de coronavirus avaient été confirmés [en Équateur] et les deux premiers décès enregistrés. Des chiffres loin de ceux de l’Espagne, qui deux jours plus tôt avait déclaré l’état d’alerte avec 6 391 cas de Covid-19 et 186 décès.

La première victime en Équateur a été une femme de 71 ans, de retour d’Espagne, testée positive au Covid-19 le 29 février, qui s’est ensuite battue contre le virus pendant deux semaines dans l’unité de réanimation de l’hôpital Guasmo, à Guayaquil, avant de mourir. Nous pensions que nous serions en sécurité. Mais ce fut sans doute une erreur de nous comparer à l’Espagne.

Fosse commune

En ce moment, Guayaquil, où j’habite depuis quatorze ans, fait la une de l’actualité internationale à cause de “la crise des cadavres” et de la gestion catastrophique des corps des personnes qui, par dizaines, ont commencé à mourir chez elles.

C’est un symptôme supplémentaire de l’incompétence des autorités et de l’effondrement de notre système de santé. Fin mars, 450 corps attendaient d’être pris en charge par le service de médecine légale de la police. Certes, toutes ces personnes n’étaient pas mortes du Covid-19, mais en raison des symptômes présentés, on peut présumer qu’un grand nombre d’entre elles avaient été contaminées.

Pour parer au plus pressé, le gouvernement et les élus municipaux ont envisagé la possibilité d’ouvrir une fosse commune, une idée qui a suscité un certain malaise et qui a ensuite été écartée par le président. Ce dernier a plaidé en faveur d’enterrements dignes et individuels, tout en laissant cette question en suspens : mais quand ?

Cette fosse commune qui n’a jamais vu le jour répondait à une réalité tragique : de nombreuses personnes ont été abandonnées à elles-mêmes et sont mortes chez elles.

L’Équateur, épicentre régional du virus

Leurs proches ne peuvent pas les pleurer, car ils doivent les enterrer au plus vite afin d’éviter l’odeur des corps en décomposition. C’est d’ailleurs cette raison qui a conduit beaucoup d’entre eux à sortir les morts sur les trottoirs, au risque de contracter le virus mortel.

Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, certains ne peuvent même pas faire leurs adieux, parce que les corps ont disparu. C’est le cas de la famille du chirurgien pédiatrique Rodolfo Vanegas, qui a attrapé le coronavirus à l’hôpital Teófilo Dávila, dans la ville de Machala, et est décédé le 28 mars. Ses enfants ne peuvent faire leur deuil, car personne ne sait où se trouve son corps. Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé, selon la plateforme latino-américaine Connectas.

La majorité des personnes qui sont mortes ces derniers jours ne savaient pas si elles étaient infectées par le coronavirus. Avant leur mort, beaucoup  avaient essayé sans succès de contacter la ligne téléphonique d’urgence mise en place le 29 février pour pouvoir faire un test.

Car oui, ce système a également montré ses limites. Bien que l’Équateur soit l’épicentre du virus au niveau régional, [début avril,] seuls 9 019 tests [32 000 au 21 avril] avaient été effectués contre 16 518 au Pérou et 40 735 au Chili.

Guayaquil, une ville chaleureuse

Comment ne pas s’inquiéter quand vous voyez des files d’attente interminables devant les rares laboratoires privés autorisés à effectuer des tests au Covid-19 ? (Il vous en coûtera 80 dollars si l’ordonnance provient d’un médecin public et 120 dollars s’il s’agit d’un médecin privé.) Comment ne pas être saisi par l’angoisse quand vos amis proches vous racontent leur périple à travers les hôpitaux pour être soignés ?

Les journalistes ne sont pas immunisés, et bien qu’il n’y ait pas de décompte officiel du nombre de contaminés, nous savons qu’il y a eu au moins quatre décès [parmi eux]. À cela s’ajoute la frustration de participer à des “conférences de presse virtuelles” où les autorités ne font rien ou presque pour répondre à nos questions.

Guayaquil est la deuxième ville d’Équateur, le principal port du pays et son poumon économique. C’est une ville chaleureuse, où l’on mange bien et où les contrastes sociaux sont énormes. Le coronavirus a certes surtout frappé les pauvres, mais il n’a pas épargné les riches.

Samborondón, qui compte 102 000 habitants et qui est séparée de Guayaquil par un pont, est la ville la plus contaminée par rapport au nombre d’habitants. C’est dans ce Miami miniature que vivent les plus riches, qui ont décidé de traverser le fleuve pour se confiner dans leurs maisons bordées de palmiers.

Passe-droits et corruption

Les vacances d’été, qui avaient commencé fin janvier, avec les voyages à l’étranger, ont été fatales puisqu’elles ont sans doute provoqué un grand nombre de contaminations, même si on ne pourra jamais le prouver.

En pleine urgence sanitaire, toutes sortes de choses inimaginables ont eu lieu. Notamment le blocage de la piste de l’aéroport de Guayaquil, ordonné par la maire, Cynthia Viteri, pour empêcher l’atterrissage d’un vol humanitaire envoyé vide de Madrid pour rapatrier les Européens bloqués par l’arrêt du trafic aérien.

Viteri a justifié sa décision par la présence de onze membres d’équipage et souligné qu’elle voulait protéger la ville, même si deux semaines auparavant elle n’avait rien fait pour empêcher la tenue d’un match de football avec le FC Barcelone, l’équipe la plus populaire du pays.

Cette décision a été à peine contestée par la ministre de l’Intérieur, María P. Romo, qui a profité de l’occasion pour souhaiter un prompt rétablissement à la maire, diagnostiquée en un temps record comme positive au Covid-19.

Dans un tel contexte, il ne manquait plus que la corruption qui, comme toujours, se greffe sur le malheur des autres. L’Institut équatorien de sécurité sociale (IESS), par l’intermédiaire de son ancien directeur général, a voulu passer commande de fournitures médicales pour un montant de 10 millions de dollars (en facturant à l’État les masques N95 12 dollars pièce, alors que leur prix sur le marché est de 1,80 dollar).

Ridicules statistiques

Ce scandale, révélé par les réseaux sociaux et repris par différents médias, a suscité une telle indignation dans le pays que la commande a été annulée. Peut-être notre pays irait-il mieux si les citoyens contrôlaient les dépenses publiques, ou du moins s’ils se faisaient l’écho des dénonciations des journalistes.

Ce qui se passe à Guayaquil et en Équateur pourrait servir d’exemple aux autres pays de la région qui s’étaient peut-être comparés à l’Espagne et à l’Italie, où, malgré la crise, les gens avaient accès aux services hospitaliers.

Nous ne manquons pas d’hôpitaux à Guayaquil : il y a plusieurs hôpitaux privés ainsi que ceux de la Junta de Beneficencia, et trois grands centres hospitaliers publics ont été construits ces dernières années. Guayas, la province à laquelle appartient Guayaquil, compte 5 857 lits sur les 23 803 de notre système national de santé, selon les chiffres de 2018, et on est en train d’en créer davantage. Mais cela ne suffit pas.

Pendant ce temps, le nombre de décès s’envole et les chiffres suscitent de nombreuses interrogations [le nombre de décès a augmenté de 299 % lors des quinze premiers jours d’avril et de 152 % en mars, par rapport à février 2020].

Les statistiques sur le nombre de décès ont commencé à paraître ridicules par rapport au drame [notamment du nombre de personnes décédant à leur domicile] qui se nouait dans le principal port du pays. À tel point que le gouvernement a ajouté, en petits caractères, dans son bilan sanitaire, le nombre de “décès probablement liés au Covid-19”.

Même ainsi, les chiffres “ne rendent pas compte de la situation”, a reconnu le président Moreno, qui a proposé de les rendre plus transparents, aussi douloureux soient-ils. Le pire est encore à venir, et rien qu’à Guayas, foyer de la contagion, les autorités estiment déjà à 3 500 le nombre de décès dus à la pandémie.

Daniela Aguilar

 

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