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Jours tranquilles à Paris
23 mai 2020

Quand l’Arabie saoudite profite du Covid-19 pour faire de bonnes affaires

mbs

L'Arabie saoudite a investi plus de sept milliards de dollars dans des secteurs aussi différents que l'aéronautique, l'internet, le tourisme ou encore l'industrie pharmaceutique.

Texte par : Sébastian SEIBT

Depuis le début de la crise du Covid-19, Riyad a investi plus de sept milliards de dollars dans des entreprises aussi différentes que des compagnies aériennes, des groupes pétroliers, un club de foot ou encore une chaîne d’hôtels. Point commun entre la plupart de ces groupes : ils ont été particulièrement fragilisés par les conséquences de la pandémie.

Quel est le point commun entre le club de foot de Newcastle, la compagnie pétrolière britannique BP, Facebook, le groupe pharmaceutique américain Pfizer ou encore Walt Disney ? Toutes ces structures sont sur la liste de shopping du fonds souverain saoudien (PIF - Public investment fund) qui a multiplié les investissements depuis le début de la pandémie de Covid-19. Il a dépensé 7,7 milliards de dollars en trois mois dans l’espoir de faire des bonnes affaires sur le dos des difficultés financières des entreprises en cette période de marasme économique, a rapporté le Financial Times, dimanche 17 mai.

Parmi ses paris les plus importants, le bras financier de Riyad a misé 827,8 millions de dollars sur BP et 713,6 millions de dollars sur le constructeur aéronautique américain Boeing, particulièrement affecté par l’effondrement des transports internationaux, selon des documents financiers transmis aux autorités boursières américaines, consultés par le Financial Times.

Des investissements dès début avril

Les cibles choisies par le PIF, qui disposent d’un trésor de guerre de 325 milliards de dollars, révèlent un opportunisme à tout épreuve de la part des investisseurs saoudiens. Transport aérien, pétrole, sport, ou encore hôtellerie - avec l’achat de participations dans la chaîne d’hôtels Marriott... Autant de secteurs qui ont particulièrement souffert en cette période de confinement. Le fonds a également acquis des parts pour un peu moins d’un milliard de dollars dans l’opérateur de croisière américain Carnival et la promoteur californien de concert Live Nation, deux sociétés dont le cours de l’action en Bourse s’est effondré depuis le début du confinement.

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23 mai 2020

EDITORIAL "LE MONDE"

Hongkong et l’affrontement sino-américain

Le principe « un pays, deux systèmes », qui régit depuis 1997 les relations entre la Chine et Hongkong, vit ses dernières heures. L’Assemblée populaire nationale chinoise devrait approuver, jeudi 28 mai, un projet de loi imposant à Hongkong une loi sur la « sécurité nationale ». Prévu par l’article 23 de la mini-Constitution de Hongkong, ce texte dispose l’interdiction de tout acte de trahison, de sécession, de sédition et de subversion contre la Chine. Il n’avait jamais été formellement introduit, en raison de la très forte opposition des Hongkongais, qui le jugent liberticide.

Un an après d’immenses manifestations pacifiques contre le projet de loi visant à favoriser les extraditions vers Pékin, six mois après des élections marquées par un raz-de-marée démocrate, les dirigeants chinois ont décidé de passer outre et d’imposer à Hongkong une loi dont ses habitants ne veulent surtout pas. Le message est simple : Hongkong, c’est la Chine. Seul Pékin est à même de dire ce qui relève encore des « deux systèmes ».

Xi Jinping montre surtout ici qu’il est dans une impasse. Depuis un an, les dirigeants chinois ont multiplié les faux pas à propos de Hongkong, transformant un mouvement de protestation à l’origine limité en une révolte contre le régime communiste. Des milliers de jeunes ont été arrêtés, quelques-uns incarcérés, et la jeunesse de Hongkong n’a plus rien à perdre. Elle ne manifeste pas pour des jours meilleurs, mais contre un avenir qui ne peut, pour elle, être que pire. L’introduction d’une loi de sécurité nationale ne ramènera évidemment pas le calme.

Jusqu’où est prêt à aller Pékin ? Un nouveau raidissement du régime serait malheureusement la suite logique d’une politique qui assimile toute contestation à une « sédition », et tout dialogue à une faiblesse. L’Occident, de son côté, paraît à court de solutions. En multipliant ces derniers mois les provocations à l’égard de Pékin dans tous les domaines, Washington s’est décrédibilisé. Plus la Maison Blanche prétend venir en aide aux démocrates hongkongais, plus la population chinoise soutient son gouvernement. L’argument de Pékin selon lequel les démocrates de Hongkong sont « manipulés » par les Etats-Unis n’est pas crédible, mais l’utilisation des contestataires par l’administration Trump a sérieusement nui à leur cause. Le nouveau coup de force de Pékin est tout autant la réponse à Donald Trump d’un pouvoir chinois devenu nationaliste, qu’une action destinée à ramener le calme à Hongkong.

Vendredi 22 mai, Josep Borrell, le haut représentant de l’Union européenne pour la politique extérieure, a rappelé l’« attachement » de l’Union européenne au principe « un pays, deux systèmes », qui permet à Hongkong de bénéficier d’un « haut degré d’autonomie ». Il a souligné « l’importance de la préservation du débat démocratique » et du respect des droits de l’homme. Mais l’Europe, hélas, ne semble pas en mesure de faire entendre la voix de la raison à Pékin.

Lorsque la Grande-Bretagne a rétrocédé Hongkong à la Chine, le 1er juillet 1997, le monde était relativement optimiste, convaincu que la Chine et l’Occident allaient se rapprocher. Hongkong devait être l’un des moyens de ce rapprochement. Un quart de siècle plus tard, c’est malheureusement l’inverse qui s’est produit. Hongkong est devenu le symbole de la difficile cohabitation entre deux systèmes de plus en plus antithétiques.

23 mai 2020

Covid-19 : l’Amérique latine, “nouvel épicentre” de la pandémie, selon l’OMS.

Avec près de 30 000 morts, l’Amérique latine est devenue le nouvel épicentre de la pandémie de Covid-19, a affirmé vendredi l’Organisation mondiale de la santé (OMS). “Nous sommes très préoccupés” pour tous les pays du continent, “mais clairement, le plus touché pour l’instant est le Brésil”, a déclaré le responsable des situations d’urgence de l’OMS, Michael Ryan, rapporte Clarín. Le Brésil compte plus de 300 000 cas et 21 000 morts pour 210 millions d’habitants, ce qui le place au 3e rang mondial pour le nombre de cas, derrière les États-Unis et la Russie. Mais tous les spécialistes s’accordent à dire que les chiffres brésiliens sont très sous-estimés. Le Pérou, deuxième pays le plus contaminé du continent (110 000 cas pour 32 millions d’habitants, et plus de 3 100 décès), a annoncé vendredi le prolongement du confinement jusqu’au 30 juin.

23 mai 2020

Pour mater Hongkong, Pékin fait sa loi

Par Zhifan Liu, Correspondant à Pékin — Libération

Sous couvert de vouloir garantir la sécurité de la région semi-autonome, le régime a présenté vendredi un texte qui lui permettra de poursuivre dissidents et mouvements pro-démocratie, qui manifestent depuis un an pour dénoncer la mainmise du pouvoir chinois.

La patience de Pékin a atteint ses limites. Vendredi, lors de l’inauguration de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire (ANP), le pouvoir chinois a présenté une loi relative à la sécurité nationale à Hongkong, représentant le plus grand tour de force de Pékin sur l’ancienne colonie britannique. Dans le détail, cette loi interdit tout acte de «subversion, de sédition, de terrorisme et d’ingérence par des forces étrangères». C’est peu ou prou le champ lexical utilisé par le régime communiste pour désigner les manifestations pro-démocratie qui ont secoué Hongkong l’an dernier.

«Manière forte»

Pékin voit derrière ce mouvement de protestation la main des Etats-Unis. «La violence de l’année dernière et l’intervention étrangère croissante ont déclenché cette décision» , a déclaré jeudi soir Luo Huining, le directeur du bureau de liaison du gouvernement chinois à Hongkong devant des membres de l’ANP. La vague de contestation dans la région semi-autonome, déclenchée par une loi d’extradition vers la Chine, s’était muée en mouvement contre l’influence grandissante de la Chine communiste, constituant un défi politique majeur pour le président Xi Jinping. «Nous établirons des systèmes juridiques et des mécanismes d’application solides pour garantir la sécurité nationale dans les deux régions administratives spéciales [Hongkong et Macao, ndlr] et veillerons à ce que les gouvernements des deux régions s’acquittent de leurs responsabilités constitutionnelles», a lancé jeudi le Premier ministre chinois, Li Keqiang, devant une assemblée composée d’environ 3 000 délégués. Contrairement aux années précédentes, il n’a fait aucune mention de la loi fondamentale, la mini-constitution qui régit l’ancienne colonie britannique.

Depuis la rétrocession de Hongkong à la Chine en 1997, Pékin entendait laisser le gouvernement local entériner par lui-même une loi de sécurité nationale. Mais les dirigeants hongkongais se sont heurtés à la résistance des opposants pro-démocratie, comme en 2003 quand un demi-million de manifestants étaient descendus dans les rues, forçant l’exécutif à retirer le projet, suspendu depuis. «Avec cette loi, le Parti communiste chinois emploie la manière forte en contournant le principe "d’un pays, deux systèmes" dans lequel les dirigeants ne croient plus», explique Wu Qiang, politologue basé à Pékin. Faisant fi de cette doctrine, qui accorde à Hongkong des libertés publiques inconnues en Chine continentale, le pouvoir communiste devrait intégrer le projet de loi dans l’annexe III de la mini-constitution qui couvre les domaines de la défense et de la diplomatie. «Il y a des doutes sur la légalité de cette manœuvre, mais l’Assemblée nationale populaire montre clairement qu’elle n’a pas l’intention de laisser la moindre place au débat sur ce sujet», confirme Sophie Richardson, de Human Rights Watch China.

Voix dissonantes

Au centre des préoccupations, l’article 4 indique que «le cas échéant, les organes de sécurité nationale compétents du gouvernement populaire central créeront des agences au sein de la région administrative spéciale de Hongkong pour s’acquitter des fonctions pertinentes de sauvegarde de la sécurité nationale conformément à la loi». Un blanc-seing pour les forces chinoises sur le territoire semi-autonome. En 2015, la Chine s’est dotée de sa propre loi de sécurité nationale et l’utilise à dessein pour réduire au silence les voix dissonantes. «Sous l’égide de cette loi, la Chine poursuit toute forme d’expression pacifiste alors même que ce principe est protégé par la justice chinoise. Pékin entend imposer cette loi arbitraire à Hongkong, et c’est très inquiétant», s’alarme Sophie Richardson. La liste de dissidents tombés sous le coup de cette loi est longue, allant du Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, condamné à onze ans de prison pour incitation à «la subversion du pouvoir de l’Etat» et décédé en captivité, à l’intellectuel ouïgour Ilham Tohti, emprisonné à vie pour «séparatisme».

Le nouveau projet de loi devrait être examiné en début de semaine prochaine, puis soumis à un vote le 28 mai, dernier jour de session du Parlement chinois, avant de passer devant le comité permanent de l’ANP, le mois prochain. A quelques mois des élections législatives hongkongaises en septembre, cette manœuvre pourrait attiser encore plus les tensions entre Pékin et Washington. Jeudi soir, le président Donald Trump a fait savoir que les Etats-Unis pourraient répondre «de manière très forte». «Nous exhortons Pékin à honorer ses engagements et obligations» pour «préserver le statut spécial de Hongkong dans le commerce international», a renchéri le département d’Etat américain. Sous l’égide d’une loi promulguée l’an dernier, les Etats-Unis ont jusqu’à la fin du mois pour évaluer l’autonomie de l’archipel. Ils pourraient remettre en question le statut spécial de Hongkong qui lui permet d’être exempté de droits de douane punitifs dans le cadre de la guerre commerciale. A terme, c’est le statut de place mondiale financière de la région qui pourrait être menacé. Jeudi, la Bourse hongkongaise a chuté de 5,6 % en clôture. Source : Libération

22 mai 2020

Chine - Pékin sonne la charge contre Hong Kong, au grand dam de Washington

chine hong kong

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

La Chine va présenter devant son Assemblée nationale populaire (ANP) une loi sécuritaire pour Hong Kong, au risque de raviver les mouvements de protestation dans le territoire semi-autonome, et d’envenimer encore les relations avec les États-Unis.

“C’est la fin de Hong Kong”, s’alarme le député pro démocratie hongkongais Dennis Kwok dans les colonnes du Guardian. “Le gouvernement central de Pékin a totalement rompu ses promesses au peuple de Hong Kong et revient entièrement sur ses obligations”.

Zhang Yesui, porte-parole de l’Assemblée nationale populaire (ANP) – le parlement chinois, dont la session annuelle s’ouvre vendredi – a confirmé les révélations du South China Morning Post en indiquant, lors d’une conférence de presse, que l’ANP allait étudier une résolution visant à “établir un système juridique solide et un mécanisme d’application pour garantir la sécurité nationale” à Hong Kong.

Traduction, selon The Independent : “La Chine prépare une attaque en règle contre les libertés civiles à Hong Kong qui entraînera, selon ses opposants, l’abrogation de la liberté d’expression et l’interdiction de la contestation, et réduira à la peau de chagrin les derniers vestiges d’autonomie de l’ancienne colonie britannique”.

Depuis son retour dans le giron de la Chine en 1997, Hong Kong bénéficie d’un statut spécial, en vertu du principe “un pays, deux systèmes”, qui garantit notamment la liberté d’expression, la liberté de la presse, et un système judiciaire indépendant.

Les multiples tentatives du gouvernement central de rogner ces privilèges ont chaque fois entraîné des manifestations massives – les dernières, et les plus violentes en 2019. Pékin semble avoir perdu patience, et a choisi de court-circuiter le parlement hongkongais, qui n’est jamais parvenu à voter une loi sécuritaire, pourtant prévue dans la Constitution du territoire.

L’expert des droits de l’homme Patrick Poon, interrogé par le site Hong Kong Free Press, considère la décision de Pékin comme “l’événement le plus inquiétant de ces 20 dernières années. Où sont passés les ‘deux systèmes’ ?”, s’interroge-t-il.

“La Chine devrait faire attention”

China Daily, le quotidien chinois progouvernemental, étrille les critiques du texte et observe que “tous les pays attachent la plus grande importance à la sécurité nationale, et l’adoption d’une telle loi garantira la stabilité et la prospérité de Hong Kong à long terme”.

Jeudi soir, les autorités britanniques n’avaient pas réagi officiellement, laissant aux États-Unis la primeur de la colère et des menaces.

Donald Trump, déjà très remonté contre la Chine ces derniers temps, n’a pas ménagé Pékin. “Personne ne sait encore” ce que réserve le fameux texte de loi, mais “si cela se confirme, nous répondrons de manière très forte”, a-t-il déclaré à la presse, selon l’agence Bloomberg.

Le département d’État américain, qui se réserve le droit de mettre au fin au traitement commercial privilégié dont bénéficie Hong Kong – différent de la Chine – si le territoire n’est plus jugé suffisamment autonome, a lui aussi haussé le ton, rapporte Politico.

“Nous exhortons Pékin à honorer ses engagements et obligations” pour “préserver le statut spécial de Hong Kong dans le commerce international” a déclaré son porte-parole, Morgan Ortagus. “Toute tentative d’imposer une législation sur la sécurité nationale qui ne reflète par les aspirations de la population de Hong Kong serait extrêmement déstabilisatrice et susciterait une condamnation forte des États-Unis et de la communauté internationale”.

Dans une colonne d’opinion, le Washington Post estime que la menace américaine est réelle et que “la Chine devrait faire attention”. Que ce soit en raison des tensions commerciales ou du Covid-19, “les Américains n’ont jamais vu la Chine d’un aussi mauvais œil”, et les États-Unis “n’hésiteront pas à faire payer le prix fort en cas de répression à Hong Kong”.

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22 mai 2020

Au Venezuela, le régime de Nicolas Maduro sort renforcé de l’opération « Gedeon »

Par Marie Delcas, Bogota, correspondante régionale - Le Monde

Désigné comme son instigateur, l’opposant Juan Guaido est fragilisé par la tentative ratée de débarquement de mercenaires américains du 3 mai.

Huit morts, une soixantaine d’arrestations et une opposition plus divisée que jamais : le bilan de la rocambolesque incursion mercenaire sur les plages du Venezuela du 3 mai est lourd pour les ennemis du président Nicolas Maduro. « Non seulement l’opération “Gedeon” n’a pas renversé Maduro, se désole un député d’opposition. Mais elle l’a renforcé. »

Juan Guaido, dont le rôle dans l’affaire reste confus, s’en trouve fragilisé. Le jeune député est reconnu comme « président légitime » du pays par Washington, Paris et plus de cinquante pays. Mais la coalition d’opposition qui, il y a seize mois, le propulsait sur le devant de la scène politique, s’inquiète : les démocrates critiquent le manque de transparence de sa gestion, les partisans d’une solution musclée lui reprochent son inefficacité.

« L’opération “Gedeon” a donné raison au chavisme qui, depuis toujours, accuse l’opposition d’être putschiste et antidémocratique », considère l’universitaire colombien Ronal Rodriguez. Le gouvernement chaviste a mobilisé son appareil médiatique pour faire de l’opération « Gedeon » une nouvelle version du débarquement raté de la baie des Cochons – une tentative d’invasion de Cuba en 1961 par des exilés cubains soutenus par les Etats-Unis – et se poser en victime de l’impérialisme américain.

Menée alors que l’épidémie due au Covid-19 et le manque d’essence aggravent encore la situation d’un pays déjà brisé par des années de récession, l’opération « Gedeon » n’a pas fait distraction. « Pas plus que Maduro, Guaido n’a de solution à apporter à la crise sanitaire, qui est le grand problème du moment », souligne Ronal Rodriguez. Les partisans de Juan Guaido rappellent que celui-ci, à la différence de Nicolas Maduro (qui, le 12 mai, a prolongé pour un mois le confinement) ne gouverne pas. Mais Juan Guaido arbore le titre de « président », et les Vénézuéliens exigent des résultats. « Pour l’immense majorité des Vénézuéliens, le seul problème est de survivre au quotidien, résume la politologue Colette Capriles. La classe politique dans son ensemble est discréditée. »

L’opération « Gedeon » était-elle aussi délirante qu’elle en a eu l’air ? Ou les informations sur sa portée véritable sont-elles incomplètes ? Le 3 mai, une poignée de militaires déserteurs et de mercenaires américains débarquent à Macuto, à une heure de route de Caracas. Ils sont neutralisés par l’armée. Le lendemain, un deuxième commando est intercepté à Chuao, plus à l’ouest. Caracas dénonce un « coup d’Etat maritime » et accuse Juan Guaido, Donald Trump et le président colombien, Ivan Duque, d’en être les instigateurs.

Une certitude : l’opération « Gedeon » était complètement infiltrée par les très efficaces services secrets vénézuéliens, formés à l’école cubaine. « Nous savions que l’opération allait avoir lieu, mais nous ne savions ni quand ni où », a confirmé le ministre de l’information, Jorge Rodriguez, au micro de la radio colombienne W Radio, en critiquant l’inaction du gouvernement colombien, qui, prévenu de l’existence des camps d’entraînement sur son territoire, n’a pas réagi.

Bogota sur le banc des accusés

Le Centre démocratique, parti de l’ex-président colombien Alvaro Uribe et de l’actuel chef de l’Etat, entretient des liens étroits avec l’opposition vénézuélienne la plus radicale. « Bogota, qui, depuis des années, critique la tolérance du Venezuela envers les mouvements de guérilla qui passent la frontière, se retrouve maintenant sur le banc des accusés pour avoir permis que des Vénézueliens s’entraînent sur son territoire », souligne le politologue Ronal Rodriguez.

Juan Guaido a nié tout contact avec l’ancien militaire américain Jordan Goudreau, qui a revendiqué l’organisation de l’opération « Gedeon ». Mais les explications tardives du président par intérim, qui a dénoncé « un montage » du gouvernement, n’ont pas complètement convaincu. Deux de ses conseillers ont démissionné après avoir admis la négociation d’un contrat pour 212 millions de dollars (194 millions d’euros) avec Silvercorp, la société de conseil en sécurité montée par M. Goudreau. Ils affirment que le contrat n’a pas eu de suite et que M. Guaido n’a jamais donné son feu vert à l’opération « Gedeon ». Mais la signature du « président par intérim » apposée sur le contrat fait problème.

« SI JE VOULAIS ALLER AU VENEZUELA (…), JE N’ENVERRAIS PAS UN PETIT GROUPE. NON, NON. CE SERAIT UNE ARMÉE ET CELA S’APPELLERAIT UNE INVASION », DONALD TRUMP

Donald Trump a lui aussi voulu se démarquer de l’opération « Gedeon ». « Si je voulais aller au Venezuela, a-t-il déclaré à l’occasion d’un entretien à Fox News, je ne le ferais pas en secret. Je n’enverrais pas un petit groupe. Non, non. Ce serait une armée et cela s’appellerait une invasion. »

Nicolas Maduro a des raisons de craindre une opération militaire. La justice américaine, qui l’accuse de narcoterrorisme, offre 15 millions de dollars pour son arrestation. Et Donald Trump a annoncé, en pleine pandémie, le déploiement d’une opération navale antidrogue dans la mer des Caraïbes.

« Cette fois, Juan Guaido ne va pas s’en sortir, a déclaré Cilia Flores, l’épouse du président. Il est pleinement prouvé qu’il était aux commandes de cette invasion et qu’il aurait été nommé commandant en chef président si tout avait fonctionné comme prévu. » Pour sa part, Nicolas Maduro a affirmé que Juan Guaido aurait rencontré Goudreau le 4 février, dans les locaux de la Maison Blanche, pour monter l’opération. Le parquet a ouvert une nouvelle enquête contre le leader d’opposition, mais il n’a pas été arrêté. Le pouvoir hésite à franchir la ligne rouge.

Ce n’est pas la première fois que l’opposition vénézuélienne table sur un soulèvement de l’armée qui ne se produit pas. Le 23 février 2019, les camions d’aide humanitaire promis par Juan Guaido étaient bloqués à la frontière par la garde nationale, restée fidèle à Nicolas Maduro. Un millier de militaires désertaient alors. Le 30 avril suivant, un appel à l’insurrection formulé par Juan Guaido tournait court.

« L’opération “Gedeon” a été menée alors que, depuis le départ du conseiller présidentiel John Bolton, les diplomates américains semblaient privilégier une issue négociée à la crise vénézuélienne, s’étonne Colette Capriles. C’est en tout cas le discours que tient Elliott Abrams [l’envoyé spécial américain pour le Venezuela au sein du département d’Etat], désormais chargé du dossier. Il rejoint la position des pays latino-américains et européens. » Pour Ronal Rodriguez, « le chavisme ne reconnaîtra jamais Juan Guaido comme un interlocuteur valable ». A Caracas, d’aucuns spéculent sur un retour en force de l’opposant Henrique Capriles, qui, en 2012, avait perdu de peu les élections contre Nicolas Maduro.

22 mai 2020

Tibet : vingt-cinq ans après son enlèvement, la Chine donne des nouvelles du panchen-lama

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Par Stéphanie Gérard — Libération

Portrait du 11e panchen-lama lors d’une cérémonie pour son anniversaire, le 25 avril 2019 à Dharamsala, en Inde. (Photo Ashwini Bhatia. AP)

Pressé notamment par Washington, Pékin a annoncé mardi que le leader spirituel kidnappé en 1995 menait une «vie normale», alors que se pose la question de la succession du dalaï-lama, âgé de 84 ans.

Il a reçu une éducation gratuite, obtenu un diplôme universitaire, décroché un travail et souhaite que les «étrangers n’interviennent pas dans la vie normale» qu’il mène avec sa famille. Un quart de siècle après sa disparition forcée, les autorités chinoises ont donné mardi de rarissimes (et très succinctes) nouvelles de Gedhun Choekyi Nyima. Cet homme de 31 ans dont l’identité actuelle reste mystérieuse mènerait donc une existence paisible à Pékin.

Son histoire n’a pourtant rien de banal. Le 17 mai 1995, le dalaï-lama le désigne comme réincarnation du panchen-lama, deuxième plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain. Trois jours plus tard, Gedhun, fils de pasteurs nomades alors âgé de 6 ans, est kidnappé par la Chine communiste qui, depuis, le tient au secret.

A l’approche du 25e anniversaire de sa disparition, des associations des droits de l’homme et des dirigeants ont exhorté les autorités chinoises à divulguer la localisation du panchen-lama, qui tient un rôle majeur dans le processus de désignation du prochain leader spirituel. «L’enlèvement du panchen-lama par la Chine et le déni délibéré de son identité religieuse et de son droit à pratiquer dans son monastère n’est pas seulement une violation de la liberté religieuse, mais aussi une violation flagrante des droits de l’homme», a déploré dimanche dans un communiqué le gouvernement tibétain en exil.

Adoubement.

Washington s’est aussi saisi du dossier, par la voix de son secrétaire d’Etat. «Les bouddhistes tibétains, à l’image des membres de toutes les communautés de foi, doivent pouvoir choisir, éduquer et vénérer leurs chefs religieux selon leurs traditions et sans ingérence du gouvernement», a souligné lundi Mike Pompeo, ajoutant que les Etats-Unis restaient «profondément inquiets de la campagne continue de la Chine pour éliminer l’identité religieuse, linguistique et culturelle des Tibétains».

Alors que les tensions ne cessent de se renforcer entre Pékin et Washington, notamment sur la gestion de l’épidémie de coronavirus, le Sénat américain devrait se pencher prochainement sur le Tibetan Policy and Support Act, entériné en janvier par la Chambre des représentants. Le projet de loi explicite que le successeur du dalaï-lama doit être désigné par la communauté tibétaine sans interférence du gouvernement chinois, et prévoit des sanctions contre les dirigeants qui ne le respecteraient pas.

Car après l’enlèvement de l’enfant nommé par le dalaï-lama, Pékin avait désigné son propre panchen-lama, Gyancain Norbu. Ce dernier est membre de l’assemblée consultative du Parlement chinois, un organe symbolique sans pouvoir réel. Lors de son élection à la vice-présidence de l’association bouddhiste en Chine, en 2010, il déclarait vouloir «défendre le leadership du Parti communiste chinois, adhérer au socialisme, sauvegarder la réunification nationale, renforcer l’unité ethnique et étendre les échanges bouddhistes sur la base du respect de la loi et de l’amour pour la nation et le bouddhisme».

Le candidat de Pékin n’a pas reçu l’adoubement des Tibétains, tandis que la Chine ne reconnaît plus l’autorité du dalaï-lama Tenzin Gyatso depuis qu’il s’est exilé en Inde en 1959, chassé par l’intervention militaire de Pékin. Le pouvoir central entend jouer la carte Norbu dans la nomination du prochain dalaï-lama, alors que l’actuel leader spirituel a 84 ans. «La réincarnation des bouddhas vivants, y compris le dalaï-lama, doit se conformer aux lois et règlements chinois et suivre les rituels religieux et les conventions historiques», déclarait Pékin l’an dernier après l’hospitalisation du dalaï-lama, qui avait soulevé des interrogations quant à sa succession.

Répression.

«A l’avenir, au cas où vous verriez deux dalaï-lamas, l’un d’ici, un pays libre, l’autre choisi par les Chinois, alors personne ne fera confiance, personne ne respectera [celui choisi par la Chine]. C’est donc un problème supplémentaire pour les Chinois ! C’est possible, cela peut arriver», expliquait l’an dernier le Prix Nobel de la Paix 1989 à Reuters. Reconnu dalaï-lama en 1939, à 4 ans, Gyatso entretien le flou sur sa réincarnation, n’excluant pas l’idée d’être le dernier à occuper cette fonction, car «si l’on n’a pas la garantie qu’un stupide dalaï-lama ne viendra pas après moi, il vaut mieux que la tradition cesse». Rêvant de vivre jusqu’à 113 ans, il avait affirmé attendre ses 90 ans pour consulter les autres moines sur l’éventualité de continuer sa lignée.

Depuis le départ forcé du dalaï-lama, Pékin ne cesse de renforcer sa répression dans la région autonome du Tibet. Le 1er mai, une loi sur «l’unité ethnique» entrait en vigueur. «Elle exige de tous les échelons du gouvernement, mais aussi de tous les villages, les entreprises privées, les écoles, les centres religieux, etc., de travailler ensemble pour renforcer l’unité ethnique et lutter contre le "séparatisme" (en réalité toute manifestation d’intérêt pour la culture, la religion et la langue tibétaines, le dalaï-lama, et bien sûr l’indépendance, etc.). Elle est même utilisée pour encourager les mariages entre Hans et Tibétains», écrivait le 15 mai Katia Buffetrille, tibétologue à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), dans une tribune sur Libération.fr.

21 mai 2020

Tsai Ing-wen, le bouclier taïwanais face au Covid

tsai taiwan

Article de Pierre Moncey

Taïwan ne dénombre, pour l’heure, que sept morts du coronavirus. Un résultat sans doute lié à la politique menée par la présidente Tsai Ing-wen, réélue en janvier 2020, au grand dam de la Chine.

Réélue haut la main en 2020, au grand dam de la Chine, Tsai Ing-wen, cette femme de 63 ans, présidente du parti démocrate progressiste, a fait de son pays, Taïwan, un élève modèle dans la gestion de la crise sanitaire.

« Ce succès n’est pas un hasard. C’est l’issue d’une combinaison d’efforts des professionnels de santé, du gouvernement et du secteur privé », écrivait la présidente Tsai Ing-wen dans une tribune accordée au magazine Time, le 16 avril.

Si la crise a pu être menée à bien sans confinement de la population, c’est grâce notamment à une politique de tests massive et un bon contrôle des matériels médicaux.

« La situation à Hong Kong a servi de sonnette d’alarme »

Tsai Ing-wen a lancé, tout comme son encombrant voisin, « une diplomatie du masque », en distribuant du matériel à l’Europe et aux États-Unis. Des échanges qui agacent le pouvoir chinois en venant concurrencer sa diplomatie d’influence, largement basée sur les Routes de la soie. Alors que la Chine n’a plus bonne presse, Taïwan est encensé médiatiquement.

Pour comprendre le bras de fer qui oppose Taïwan et sa voisine, il faut revenir à 1949, au moment où les communistes de Mao Zedong ont obligé les forces du général Tchang Kaï-chek, leader du Kuomintang, à fuir vers Formose, l’île nationaliste opposée à la Chine populaire. « Son indépendance n’a jamais été reconnue par Pékin. Alors que la situation à Hong Kong a servi de sonnette d’alarme, Tsai Ing-wen a été perçue comme une garante de la souveraineté taïwanaise, ce qui a largement contribué à sa réélection », explique un spécialiste de la région.

Mais revenons à la stratégie taïwanaise exemplaire qui lui a valu la reconnaissance internationale. Elle réside sur un maître mot : l’anticipation. L’État a multiplié ses efforts d’enquête afin de suivre l’historique des voyages et des contacts de chaque patient, aidant à isoler et à contenir la contagion avant qu’une épidémie de masse ne soit inévitable. Taïwan peut se targuer aujourd’hui d’avoir seulement sept morts à dénombrer.

Dans ce pays où la discipline est reine, « les irresponsables » qui bravent la quarantaine sont traqués par les journalistes qui n’hésitent pas à révéler leur identité. « Restreindre la liberté des uns, pour protéger la vie des autres », affirme le directeur de la santé et vice-président taïwanais, Chen Chien-jen.

En Europe, cette politique est moins évidente à appliquer.

21 mai 2020

A Hongkong, des tests qui restent en travers de la gorge de l’opposition

Par Anne-Sophie Labadie, correspondante à Hongkong — Libération

Dès l’aéroport, les autorités imposent un prélèvement salivaire systématique aux passagers. Une barrière contre le Covid-19 qui fournit aux autorités de précieux fragments d’identité.

«Voyager en avion n’aura jamais été aussi étrange», témoigne Laurel Chor à son arrivée à l’aéroport de Hongkong métamorphosé en première ligne de défense contre le Covid-19. La journaliste du Guardian raconte dans les colonnes du quotidien qu’elle a dû remplir divers formulaires, prendre sa température, installer un bracelet électronique et télécharger une application de traçage, puis écouter les règles à respecter en vue de sa quarantaine. Elle a ensuite réalisé un dépistage du Covid-19 et attendu sur place les résultats, sésame obligatoire depuis le 22 avril pour pouvoir sortir de la zone aéroportuaire. «Je savais que mon voyage de retour serait compliqué, mais je n’étais pas préparée à ce sentiment d’isolement, ni à devoir passer d’une scène dystopique à une autre.»

Une fois la douane passée, les passagers sont acheminés en bus jusqu’au Parc des expositions non loin de là, et des robots autonomes dotés de stérilisateurs à rayons ultraviolets désinfectent tout. Ensuite, «encore plus de paperasse, plus de questions, pas beaucoup d’explications, et l’heure du test arrive», résume une Américaine sur son blog. Dans des petits isoloirs, chacun crache dans un tube, puis attend huit heures en moyenne dans une salle gigantesque, installé à une petite table, à distance des autres passagers. Les plus chanceux sont envoyés dans un hôtel jusqu’à l’annonce des tests traités par le laboratoire de santé publique du département de la Santé. Si le test est positif, c’est l’hospitalisation. S’il est négatif, quatorze jours d’isolement strict chez soi, à l’hôtel ou dans un centre réquisitionné par le gouvernement.

Sur les forums, l’inquiétude concerne la longueur du processus, mais pas le devenir des données personnelles livrées involontairement. «Les données biologiques sont très sensibles et énormément d’informations peuvent en être extraites», souligne pourtant Maya Wang, analyste au sein de l’ONG Human Rights Watch (HRW).

Fichier

Les prélèvements salivaires fournissent des informations précieuses sur le patrimoine génétique dont peuvent être friands la police criminelle, les assureurs ou les gouvernements répressifs. HRW a par exemple alerté en 2017 sur un programme de santé gratuit proposé en Chine à la minorité ouïghoure et sous couvert duquel Pékin aurait collecté l’ADN de millions de membres de cette communauté musulmane et constitué un gigantesque fichier génétique à des fins de surveillance.

A Hongkong, la défiance est importante à l’égard de la reconnaissance faciale, installée dans l’aéroport et certaines rues. Les opposants craignent que les autorités n’utilisent la pandémie pour pérenniser des mesures de surveillance et interdire les rassemblements. «Le Covid-19 donne aux services de l’immigration, à travers le monde, l’autorité pour amasser énormément de données biologiques qui sont des informations particulièrement sensibles. Nous ne sommes pas opposés à la collecte de données par les gouvernements, mais elle doit être légale, proportionnée par rapport au but recherché», poursuit Maya Wang.

Dans le cas présent, les prélèvements salivaires servent spécifiquement à la lutte contre le Covid-19. Les formulaires à remplir par les passagers indiquent que «les données personnelles fournies seront utilisées par le département de la Santé afin d’empêcher l’apparition ou la propagation d’une maladie infectieuse ou d’une contamination». Dans ce but, les données peuvent être divulguées à d’autres services gouvernementaux. Ce transfert des données est un autre point noir soulevé par l’élu d’opposition Charles Mok : «Il devrait y avoir beaucoup plus de transparence.»

Flou

Hongkong possède une loi sur la protection des données depuis 1996, un texte à l’époque précurseur en Asie, adopté un an avant la rétrocession de la colonie britannique à la Chine. «En général, ce genre de données collectées pour un but précis est plutôt bien respecté à Hongkong, juge Maya Wang. Mais avec le principe "un pays, deux systèmes" de plus en plus sous pression, la collecte de données devient un sujet de controverse.»

La loi indique que les données ne peuvent être «conservées plus que nécessaire». Or une commission réunie en janvier au Parlement local en vue d’une révision de la loi relevait que «plus les données sont conservées longtemps, plus le risque de violation est élevé et plus l’impact est grave». Un certain flou semble encore régner, comme en témoigne Alice, filmée par la police sur WhatsApp pendant sa quarantaine. «Ils m’ont demandé de leur montrer mes enfants et mon appartement. Quand j’ai demandé combien de temps la vidéo serait conservée, on m’a répondu qu’ils la garderaient pour les besoins de la quarantaine et elle devrait supposément être détruite par la suite s’il n’y a pas d’irrégularités.» C’est pour mieux encadrer ces flous que certains poussent à moderniser la loi. Dans le contexte de pandémie et de troubles politiques, le sujet n’a pas encore été mis à l’ordre du jour.

19 mai 2020

A l’OMS, Xi Jinping veut prendre le leadership sur la santé du monde

Par Frédéric Lemaître, Pékin, correspondant - Le Monde

Le président chinois propose la création d’un « hub humanitaire », dans le cadre des Nations unies, pour assurer les chaînes d’approvisionnement dans la lutte contre la pandémie.

Profitant du retrait américain des institutions multilatérales, le président chinois Xi Jinping s’est présenté comme le meilleur garant de la santé publique dans le monde, lundi 18 mai lors de la séance virtuelle d’ouverture de la 73e Assemblée mondiale de la santé. Un véritable tour de force alors que le Covid-19, apparu en Chine fin 2019, continue de paralyser la planète. Impérial, assis devant une fresque représentant la Grande Muraille de Chine, Xi Jinping a d’abord répondu implicitement aux critiques, émises notamment par les Américains, en affirmant que la Chine, « dans un esprit ouvert, transparent et responsable, a communiqué sans tarder les informations liées à la maladie à l’OMS et aux pays concernés ».

Alors que, ces derniers jours, l’Australie a réussi à convaincre de nombreux pays à lancer une enquête sur le Covid-19 – une initiative qui lui vaut d’être sanctionnée économiquement par Pékin – Xi Jinping a fait une concession de taille, en « soutenant une évaluation globale de la réponse internationale après que la maladie aura été jugulée dans le monde ». Mais celle-ci doit « être pilotée par l’OMS » et se faire dans « le principe de l’objectivité et de l’impartialité ». L’enquête devra donc aller bien au-delà d’une recherche de l’origine du virus, comme le réclament les Etats-Unis. De plus, pour Pékin, comme pour l’OMS, cette enquête est prématurée. « Endiguer la maladie » reste l’urgence du moment.

Placé depuis plusieurs semaines sur le banc des accusés par les Etats-Unis, le président chinois s’est au contraire offert le luxe de critiquer Washington. Contrairement à Donald Trump qui a annoncé en avril la suspension de la contribution financière américaine à l’Organisation mondiale de la santé, Xi Jinping a accordé un plein soutien à celle-ci et à son directeur général, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus. « Soutenir l’OMS, c’est soutenir la coopération internationale et sauver des vies », a résumé Xi Jinping. Celui-ci a appelé la communauté internationale à, au contraire, « accroître son soutien politique et financier à l’OMS ». Une demande reprise ensuite par de nombreux pays.

Pas la moindre critique contre Pékin

Le 4 mai, la Chine était apparue plutôt en retrait lors de la conférence internationale lancée par la Commission européenne pour la recherche d’un vaccin et de traitement contre la pandémie. Manifestement, Xi Jinping n’entendait pas laisser à son ambassadeur à Bruxelles le soin d’annoncer la stratégie chinoise. Le président a annoncé lundi que le futur vaccin chinois serait « un bien public mondial ». Il a également annoncé accorder « d’ici deux ans une aide de 2 milliards de dollars pour soutenir les pays touchés, notamment les pays en développement ».

Alors que les pays occidentaux découvrent qu’ils dépendent de la Chine pour la fabrication de médicaments et de masques, Xi Jinping a annoncé la création « en collaboration avec les Nations unies » d’un « dépôt et d’un hub humanitaire global pour assurer les chaînes d’approvisionnement en matériel destiné à la lutte contre les épidémies et mettra en œuvre des corridors verts de transport et de dédouanement ».

Clairement, la Chine entend – dans le cadre des Nations unies, affirme Xi Jinping – jouer un rôle encore plus important, voire prendre le leadership de la politique sanitaire mondiale. Un sentiment encore renforcé à l’issue de cette séance inaugurale extraordinaire puisque tenue par visioconférence par le fait qu’aucun des six autres chefs d’Etat et de gouvernement invités à s’exprimer (Suisse, France, Corée du Sud, Allemagne, Barbade et Afrique du Sud) n’a émis la moindre critique en direction de Pékin. Le représentant des Etats-Unis qui s’est exprimé plus tard a paru bien isolé.

La Chine peut être d’autant plus satisfaite de ce début d’assemblée que, juste avant l’ouverture de celle-ci, Taïwan a annoncé accepter que le débat sur sa participation à l’OMS « soit remis à plus tard afin que les discussions puissent se concentrer sur la lutte contre le Covid-19 ». Un échec pour Washington, son principal soutien. Avec le lancement d’une enquête sur l’origine du virus, ce sujet était le point le plus délicat pour Pékin.

Soulagement pour Pékin

Pour la Chine, cette île de 23 millions d’habitants n’est qu’une « province chinoise ». Les pays occidentaux n’y ont d’ailleurs pas d’ambassadeur mais un « représentant ». Lorsque l’île était présidée par le KMT (de 2008 à 2016), un parti plutôt favorable à un rapprochement avec la Chine, Pékin avait accepté en 2009 que Taïwan jouisse du statut d’observateur à l’OMS. Mais depuis l’élection en 2016 d’une présidente issue du DPP, un parti pro-indépendantiste, la Chine rejette désormais une telle participation.

Problème : Taïwan a, de l’avis général, remarquablement bien géré cette crise. Malgré sa proximité géographique avec la Chine continentale, l’île est parvenue, sans confinement, à n’avoir que sept décès. Soutenu par les Etats-Unis, Taïwan a su utiliser la crise à son profit, mettant en place, comme Pékin, une « diplomatie des masques » mais sans déployer une propagande qui, in fine, s’est révélée en partie contre-productive pour le régime communiste.

La presse taïwanaise n’a pas manqué de relever, le 13 mai, que les masques désormais portés par certains dirigeants américains, notamment Jared Kushner, gendre et conseiller de Donald Trump, portaient discrètement l’inscription « made in Taïwan ». Selon Taïwan, vingt-neuf pays, dont les Etats-Unis, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande, souhaitaient que l’île puisse à nouveau bénéficier du statut d’observateur. Plus d’une centaine de parlementaires européens ont signé une lettre allant dans le même sens. Un réel succès pour Taîwan qui n’est plus reconnu que par dix-sept petits pays, dont le principal est le Vatican.

Mais les dirigeants taïwanais, sans doute conscients que le rapport de forces restait malgré tout en leur défaveur, ont accepté « la suggestion de leurs alliés diplomatiques » de repousser cette question à une date ultérieure, « plus tard dans l’année ». Une victoire pour la Chine même si Pékin n’a pu que constater que Taïwan avait acquis ces derniers mois une nouvelle légitimité internationale.

Trump menace de suspendre indéfiniment la contribution américaine à l’OMS. « Si l’OMS ne s’engage pas à des améliorations notables dans un délai de 30 jours, je vais transformer la suspension temporaire du financement envers l’OMS en une mesure permanente et reconsidérer notre qualité de membre au sein de l’organisation », a tweeté lundi le président américain, en publiant des photos d’une lettre adressée au patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus. Dans la lettre, le président américain énumère des exemples de ce qu’il considère comme des erreurs de l’OMS dans sa gestion de la pandémie, notamment en ignorant les premiers rapports sur l’émergence du virus et en étant trop proche et indulgente avec la Chine. « Il est clair que les faux pas répétés de votre part et de votre organisation pour répondre à la pandémie ont coûté extrêmement cher au monde. La seule voie à suivre pour l’Organisation mondiale de la santé est de pouvoir prouver son indépendance vis-à-vis de la Chine », ajoute-t-il dans sa lettre.

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