Syriza, le parti d’Alexis Tsipras, distance très largement la droite conservatrice sortante. Assuré de gouverner, il pourrait être contraint de chercher un allié pour appliquer son programme. C’est un message qui résonne dans toute l Europe et apporte un soulagement
Explosion de joie, hier à 19 h pétantes (heure locale), dans la tente montée par le parti Syriza, place Klavthmonos, dans le centre d’Athènes. Une femme laisse couler une larme tandis que des militants agitent frénétiquement des drapeaux en chantant. Sur un écran géant, les résultats provisoires des élections législatives viennent de s’afficher. Le parti de la gauche radicale obtiendrait entre 35 % et 40 % des voix. Largement devant Nouvelle démocratie, d’Antonis Samaras, le Premier ministre sortant. Avec 23 % à 27 % des suffrages, il est très loin du score annoncé par les sondages. La claque est énorme.
« Donner de l’espoir »
À l’extérieur, Stefanos Proyas, militant de Syriza, promène sur la liesse environnante un regard exténué.« Cela fait deux jours que je n’ai pas dormi, confie cet enseignant de 52 ans.Évidemment, je suis heureux, nous avons gagné. Mais ce n’est que le début de la fin du néolibéralisme, en Grèce et en Europe. On espère que la victoire de Syriza va apporter le changement. Et, surtout, donner de l’espoir aux gens. » Des délégations de toute l’Europe sont venues participer à l’événement. Des Italiens, comme Asunta, qui a fait le voyage de Trieste :« C’est un jour important, l’Europe peut changer » .Des Portugais, des Espagnols, des Allemands, des Irlandais, des Néerlandais. Et un groupe de Français, dont de jeunes militants socialistes qui se présentent sous la casquette d’un collectif, car le PS ne leur a pas donné mandat pour le représenter.« C’est un message qui n ’affecte pas seulement les Grecs mais qui résonne dans toute l ’Europe et apporte un soulagement », confirme Panos Skourletis, porte-parole de Syriza. Pour forger leur succès, les « anti-austérité » d’Alexis Tsipras ont largement débordé leur socle électoral. Adonis, 61 ans, a toujours donné sa voix à la droite. Mais aujourd’hui, il a voté Syriza.« Nouvelle démocratie ment, le Pasok ment. Syriza ? Je ne sais pas. Ils sont différents, on va les essayer. »
« Des mesures d’urgence »
Le succès de la gauche radicale était annoncé. Mais obtiendra-t-elle la majorité absolue lui permettant de gouverner seule ? Hier soir, les résultats non définitifs lui donnaient entre 146 et 158 sièges, alors que la barre est à 151. En outre, un parti ayant besoin de 3 % des voix pour entrer au Parlement grec, c’est des résultats engrangés par les petites formations que pourrait dépendre une victoire complète de Syriza. Le parti de Centre gauche Potami, tout nouvellement créé, réussit sa percée, avec entre 6 et 7 sièges. Les néo-nazis d’Aube dorée semblent reculer, avec le même nombre d’élus, alors qu’ils en comptaient 18. Le Parti communiste se maintient avec 5 à 6 députés. Et le vieux Pasok continue de s’enfoncer : seulement 4 à 5 sièges. Pour Syriza, la majorité absolue permettrait au futur Premier ministre Alexis Tsipras de gouverner sans alliance. Il aurait les mains libres pour appliquer son programme : renégociation de la dette publique et mesures d’urgence afin de faire face à la« crise humanitaire » après six ans de récession. Le programme prévoit de porter le salaire minimum de 580 à 751 €, et d’assurer l’accès gratuit aux soins.« Le peuple grec a écrit l’Histoire » et« laisse l’austérité derrière lui » , a déclaré Alexis Tsipras devant des milliers de personnes rassemblées à Athènes. Article de Marc MAHUZIER.
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Premières réactions, en France
Jean-Luc Mélenchon parle de« C’est un grand soir démocratique » et Jean-Marie Le Pen d’un «désaveu de l’Union européenne ». Pour Nicolas Dupont-Aignan,« la victoire de Syriza signe un coup d’arrêt aux politiques d’austérité inefficaces imposées aux peuples européens ». Quant au socialiste Benoît Hamon, il estime que« la Grèce éclaire l’Europe ».