La nuit de cristal - il y a 70 ans ...
La nuit du 9 au 10 novembre 1938 reste l'un des plus tristes moments de l'histoire allemande.
Après les accords de Munich, les habitants du Reich (y compris les habitants de l'ex-Autriche) croient la paix préservée et, comme les autres Européens, manifestent leur jubilation ! Adolf Hitler est dépité par les acclamations populaires dans son pays même. «Avec ce peuple, je ne puis encore faire une guerre», se plaint-il (*). Lui-même s'en veut d'avoir cédé à Munich en concédant un compromis !
Il déplore aussi qu'une fraction seulement du demi-million de Juifs allemands ait émigré au bout de cinq ans de brimades et de lois antisémites. Il veut accélérer le mouvement pour que le Reich devienne enfin «judenfrei» (sans aucun Juif).
Et voilà que se présente l'occasion de reprendre la main !... C'est l'agression le 7 novembre d'un conseiller de l'ambassade d'Allemagne à Paris, Ernst vom Rath, par un jeune juif polonais.
Les origines du pogrom
À l'annonce de la mort de vom Rath, dans la soirée du 9 novembre, tandis que Hitler et tous les dignitaires nazis se retrouvent à Munich pour commémorer le putsch de la Brasserie, le ministre allemand de la propagande Joseph Goebbels dénonce un «complot juif» contre l'Allemagne. Soucieux de revenir au coeur du système de pouvoir, il convainc le Führer de frapper les consciences allemandes et de les retourner à l'occasion d'une opération spectaculaire comme il en a le secret.
Ayant rallié le Führer à son idée, Goebbels mobilise dans la nuit du 9 novembre les militants nazis, avec le concours des Gauleiter (gouverneurs de régions) réunis à Munich. Il jette les militants nazis dans les rues pour un pogrom de très grande ampleur à l'image des émeutes antijuives qu'encourageait au XIXe siècle l'administration du tsar.
Les sections d'assaut nazies («Sturm Abteilung» ou SA), fortes de plus d'un million de membres, et les Jeunesses hitlériennes s'en prennent aux synagogues et aux locaux des organisations israélites, ainsi qu'aux magasins et aux biens des particuliers. Les agresseurs sont pour la plupart en tenue de ville pour laisser croire à un mouvement populaire spontané.
Près d'une centaine de personnes sont tuées à l'occasion de ce gigantesque pogrom. Une centaine de synagogues sont brûlées et 7500 magasins sont pillés. La violence dépasse les bornes à Berlin et Vienne (annexée au Reich en mars 1938), où vivent les plus importantes communautés juives. Très rares, notons-le, sont les Allemands qui tentent de secourir leurs concitoyens persécutés.
Avec un certain cynisme, les nazis donneront à ces premières violences antisémites planifiées en Allemagne le nom poétique de «Nuit de Cristal» (en allemand «Reichskristallnacht»), en référence aux vitrines et à la vaisselle brisées cette nuit-là.
La communauté juive sera taxée d'une énorme amende pour cause de tapage nocturne (ça ne s'invente pas). 35.000 juifs environ seront aussi arrêtés et envoyés dans des camps. Ils seront pour la plupart libérés contre rançon et sous réserve de présenter un visa d'émigration. L'extermination n'est pas encore d'actualité mais l'exode va s'accélérer dans les mois suivants malgré les obstacles dressés par les autres pays. Par ailleurs, conséquence notable de la Nuit de Cristal et des débordements cafouilleux des SA, la gestion de la «question juive» (en allemand «Judenfrage») va échapper à Goebbels et revenir désormais à Heydrich et Himmler, autrement dit aux SS (Schutzstaffel), le corps d'élite fanatique de l'État hitlérien. (Source Hérodote)
La "Nuit de cristal" : exposition jusqu'au 22 mars 2009 au Mémorial de la Shoah (Paris). Voir détails en cliquant ICI