Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
6 janvier 2020

En Australie, les feux tuent des millions d’animaux

australie kangourou

Un kangourou comme paralysé face aux feux de brousse, près de la ville de Nowra, en Nouvelle-Galles du Sud.

Dans le sud de l’Australie en proie aux flammes, vingt-trois personnes ont péri, des dizaines sont portées disparues, depuis début septembre. Les hommes souffrent comme jamais. Les animaux aussi.

Des images de kangourous comme paralysés à proximité des flammes, d’opossums et de wombats brûlés, de sauvetages in extremis, ont fait le tour du monde, via les réseaux sociaux. Le film d’un koala assoiffé, venu réclamer de l’eau à la gourde à une bande de cyclistes, près d’Adelaïde, a particulièrement été relayé, sur Twitter.

Un fonds de 6 millions de dollars

Selon une étude menée par des chercheurs de l’université de Sidney, 480 millions de mammifères, oiseaux et reptiles ont déjà été tués dans le seul État de Nouvelle-Galles du Sud. « La plupart ont probablement péri directement dans les feux. D’autres ont succombé plus tard à cause du manque de nourriture, d’abri ou de la prédation par les chats sauvages et les renards roux », expliquent-ils dans un communiqué.

Parmi les espèces endémiques les plus emblématiques du pays, ce sont les koalas, déjà fragilisés par une MST qui les rend infertiles, qui paient le plus lourd tribut. Ils sont très peu mobiles. En cas de danger, ils se réfugient dans les arbres. Or leurs préférés, les eucalyptus, gorgés d’huile, sont les premiers à brûler… 30 % d’une population estimée à 28 000 individus auraient déjà disparu, selon Sussan Ley, la ministre de l’Environnement.

Un fonds de 6 millions de dollars australiens (près de 4 millions d’euros) a été levé en urgence par le gouvernement pour protéger les animaux menacés. Mais le nombre de décès pourrait s’avérer sans précédent à l’échelle nationale, selon les chercheurs de Sydney. Leur estimation prend en compte les mammifères, les oiseaux et les reptiles, mais n’inclut pas les insectes ou les amphibiens…

Sydney a enregistré, hier, des températures records : 48,9 degrés relevés à Penrith, dans sa banlieue ouest. Hier soir, la ville la plus peuplée d’Australie (plus de cinq millions d’habitants) était menacée par des coupures de courant et un feu pouvant atteindre sa périphérie.

L’état d’urgence a été décrété dans tout le sud-est de l’île-continent et ordre a été donné à plus de 100 000 personnes d’évacuer dans trois États. Dès vendredi, les autoroutes reliant les villes du littoral à Sydney et d’autres grandes villes étaient engorgées par de longues files de voitures.

« Nous avons littéralement vu partir des dizaines de milliers de personnes », a témoigné le chef des pompiers de Nouvelle-Galles du Sud. Des milliers d’Australiens ont échoué dans des camps de fortune, comme réfugiés dans leur propre pays.

Le Premier ministre Scott Morrison, très critiqué sur sa gestion de la crise jusqu’à présent, a appelé 3 000 militaires réservistes à se déployer. Une mobilisation sans précédent.

Publicité
5 janvier 2020

Hong Kong

Hong Kong : Pékin nomme un nouveau représentant pour tenter d’endiguer la crise. Wang Zhimin, 62 ans, “a été démis de ses fonctions de directeur du Bureau de liaison” pour les affaires de Hong Kong et a été remplacé par Luo Huining, a indiqué sans plus de précisions la télévision publique CCTV, samedi. Ce changement semble illustrer la volonté de Pékin d’une reprise en main dans le conflit qui s’enlise avec les manifestants pro-démocratie dans le territoire autonome. Pour le South China Morning Post, le choix de la nomination de Luo Huining est néanmoins “inattendu”, celui-ci n’ayant aucun lien avec Hong Kong. Mais cet ancien responsable de la province du Shanxi, promu fin décembre vice-président de la Commission des Affaires financières et économiques du Parlement chinois, est aussi connu pour son efficacité à trouver des solutions aux problèmes les plus épineux, estiment plusieurs experts interrogés par le journal.

5 janvier 2020

Chronique - Président Trump, an III : outrance et court-termisme diplomatique

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Avec l’élimination du général iranien Ghassem Soleimani, l’hôte de la Maison Blanche élève un poids moyen régional au rang de priorité absolue. Au point d’entraîner un renforcement militaire au Proche-Orient, alors qu’il rêve tout haut de s’en extraire.

Samedi 4 janvier, à l’avant dernier jour de ses vacances en Floride, Donald Trump s’en est retourné golfer. Il s’était abstenu la veille, au lendemain de l’assassinat à Bagdad du général iranien Ghassem Soleimani par un drone armé américain. Revenu ensuite dans son club de luxe de Mar-a-Lago, il a renoué avec l’outrance dont il usait face à la Corée du Nord en 2017 avant de trouver Kim Jong-un formidable.

trump iran99

Le président des Etats-Unis a ainsi suggéré qu’il était prêt à commettre des crimes de guerre en assurant que cinquante-deux sites iraniens « représentant les 52 otages américains pris par l’Iran il y a de nombreuses années » avaient d’ores et déjà été sélectionnés, « certains à un niveau très élevé et importants pour l’Iran et la culture iranienne ». « Ces cibles, et l’Iran lui-même, SERONT TRÈS RAPIDEMENT ET TRÈS DUREMENT FRAPPÉS » à la moindre riposte conséquente de Téhéran à l’assassinat du général, a affirmé Donald Trump. Une riche idée pour unir les Iraniens derrière un régime pourtant honni par un certain nombre d’entre eux.

La réélection d’abord, la politique étrangère ensuite

Au lendemain d’une décision sans doute majeure de son mandat, le milliardaire avait consacré plus de temps à son électorat chrétien évangélique, rassemblé dans une méga église de Miami, qu’à expliquer à ses concitoyens en quoi l’élimination d’une figure centrale du régime iranien, certes aussi malfaisante qu’on puisse l’imaginer, s’inscrivait dans la stratégie des Etats-Unis.

Cette répartition du temps présidentiel a témoigné de l’ordre des priorités de Donald Trump : la réélection d’abord, la politique étrangère ensuite, subordonnée d’ailleurs à la première. Bombarder les affreux suffit en effet à faire frétiller d’allégresse l’électeur républicain, sans que ce dernier n’ait besoin d’en savoir nécessairement beaucoup sur le pedigree de ceux qui hurlent « Mort à l’Amérique ! ». Le président qui aime tant l’image de la force apparaît ainsi à son avantage, comme celui qui ose quand les autres se perdent en conjectures.

La frappe du 2 janvier a souligné ainsi l’une des caractéristiques de sa présidence. La question de l’élimination du patron des forces Al-Qods, les forces spéciales des gardiens de la révolution, était aussi vieille que ses faits d’armes à Washington. Mais les prédécesseurs du milliardaire l’avaient analysée selon les critères classiques de coûts et de bénéfices, pour en conclure que les premiers dépassaient de beaucoup les seconds. Pour Donald Trump, il suffit de prendre le contre-pied du démocrate Barack Obama et du républicain George W. Bush, de laisser parler un fâcheux penchant pour le court-termisme, le spectaculaire, et au diable les conséquences.

Trumpisation du Pentagone

La première, dans l’immédiat, est le constat de trumpisation du Pentagone et du Conseil à la sécurité nationale. Sous les égides éclairées du premier secrétaire à la défense du président, James Mattis, et de son deuxième conseiller à la sécurité nationale, H. R. McMaster, une vision stratégique avait été exposée qui privilégiait un recentrage des Etats-Unis sur la compétition entre « grandes puissances », soit avec la Chine et la Russie.

Et voilà que Washington élève un poids moyen régional, économiquement exsangue et politiquement affaibli, au rang de priorité absolue, au point d’entraîner un renforcement militaire américain au Proche-Orient, alors que Donald Trump rêve au contraire tout haut de s’en extraire. La présence américaine en Irak est désormais plus fragile que jamais seize ans après son invasion et la capacité des Etats-Unis d’empêcher une résurgence de l’organisation Etat islamique compromise. L’ennuyeux est que personne, dans l’entourage du président, n’a manifestement eu le loisir d’exposer dans le détail une batterie de contre-arguments.

Le mandat de Donald Trump avait été jusqu’à présent relativement épargné par les crises internationales, l’heure de la mise à l’épreuve est peut-être venue.

4 janvier 2020

Trump tente un pari risqué.

Brendan Smialowski, AFP

Donald Trump avait prévenu sur Twitter mardi : Téhéran, accusé d’avoir orchestré l’attaque contre l’ambassade américaine à Bagdad, aurait à payer un « prix très élevé ». À un journaliste qui l’interrogeait sur une possible guerre, il répondait : « Je ne crois pas que cela va se produire. »

En éliminant Soleimani, Trump tape effectivement dur et au sommet de l’Iran. Les parlementaires républicains, tels le sénateur Ben Sasse, applaudissent comme un seul homme : « C’était un salopard qui a assassiné des Américains. »

trump iran20

Mais le Président a-t-il bien calculé les coups d’après ? « Trump vient de jeter un bâton de dynamite dans une poudrière », alerte l’ancien vice-Président Joe Biden, candidat démocrate à la Maison-Blanche. Depuis 2007, les militaires américains ont eu, plusieurs fois, le général Soleimani dans leur viseur. George Bush puis Barack Obama avaient ordonné la retenue, redoutant une guerre avec l’Iran.

Qu’est-ce qui pousse Trump à prendre le risque, lui qui n’a cessé de fustiger les « guerres sans fin » au Moyen-Orient ? Une combinaison de facteurs, à dix mois pile de la présidentielle.

D’abord, son bilan diplomatique nul : Poutine, qu’il ménage, vient de déployer des missiles hypersoniques face auxquels les États-Unis sont démunis ; Kim Jong-un, qu’il cajole, ne renonce pas à l’arme atomique ; l’Iran ne cessait de le narguer, sabotant des pétroliers et abattant un drone américain dans le détroit d’Ormuz… Trump leur notifie qu’on doit le prendre au sérieux.

Le coup de dés de Trump fait aussi diversion au Congrès, qui devait se consacrer dès mercredi au procès du Président pour abus de pouvoir. Il y a désormais un débat plus urgent. Et en cas de vraie guerre, l’opposition serait temporairement désarmée par l’union nationale de rigueur.

4 janvier 2020

Le général Ghassem Soleimani, tué par les Etats-Unis, était l’architecte de la puissance iranienne

Par Louis Imbert

Le militaire iranien était à l’origine des milices chiites en Irak et des forces iraniennes en Syrie qui ont tenu à bout de bras le régime de Bachar Al-Assad.

Depuis quarante ans qu’il arpentait les terrains de guerres de la région, Ghassem Soleimani n’avait cessé d’exprimer son dégoût à l’idée de connaître une mort paisible, chez lui à Téhéran. L’un des hommes les plus puissants du Moyen-Orient, général iranien deux étoiles, patron des opérations extérieures de Téhéran au sein de la Force Al-Qods des gardiens de la révolution, a été abattu sur le sol de son premier conflit, en Irak. Il est mort à 62 ans, brûlé dans une frappe américaine près de l’aéroport de Bagdad, dans la nuit du vendredi 3 janvier.

« Le champ de bataille est le paradis perdu de l’humanité. Le paradis où la vertu et les actes des hommes sont au plus haut », lançait-il encore en 2009, devant une caméra de télévision. Par la violence, par la patience et par un sens politique aigu, cet exécutant de la puissance iranienne a largement contribué à remodeler le Proche-Orient, en cimentant l’axe d’influence iranien de l’Irak à la Syrie et au Liban.

Ghassem Soleimani est le fils d’un paysan pauvre des montagnes de Kerman, dans le sud de l’Iran. Dès ses 13 ans, il est ouvrier sur les chantiers de construction du chef-lieu de province. Petit et bien bâti, passionné de culturisme et pieux, il porte pantalons pattes d’éléphant et cols pelle à tarte. Un an après la révolution de 1979, l’agression de la toute jeune République islamique, ordonnée par le dictateur irakien Saddam Hussein, le précipite dans la guerre. Il n’en sortira plus jamais.

iran66

Réseaux de résistance

Ghassem Soleimani s’engage dans un corps de volontaires fraîchement créé, qui réunit des nationalistes, des voyous et des religieux : les gardiens de la révolution. Il se distingue derrière les lignes ennemies, en menant des missions commando de reconnaissance. Cette guerre, qui durera huit ans et fera 500 000 morts des deux côtés, lui apprend le mépris de l’Occident, qui soutient le militaire Saddam Hussein contre la République islamique. Au sortir du conflit, Soleimani prend la direction des gardiens dans sa région natale, puis à la frontière afghane. Il se verra confier la direction de la Force Al-Qods à la fin des années 1990, peu après la prise de pouvoir des talibans à Kaboul.

Leur régime sunnite fondamentaliste est une menace pour Téhéran. Contre eux, Soleimani soutient des réseaux de résistance dans le pays, mais son salut viendra d’un allié inattendu. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis se préparent à envahir l’Afghanistan. En pragmatique, le général ose plaider en faveur d’une collaboration avec Washington, devant le Conseil suprême de sécurité nationale iranien. Il veut aider le « grand Satan » à renverser les talibans. Dès l’automne, ses envoyés transmettent à de hauts diplomates américains, dans un hôtel de Genève, des cartes d’Afghanistan, des relevés de positions militaires des talibans et même des propositions de plans d’attaque.

Cette entente, consacrée par la chute de Kaboul en novembre 2001, sera éphémère. Deux mois plus tard, le 29 janvier 2002, le président américain, George W. Bush, prononce son discours sur l’« axe du Mal ». L’Iran y figure aux côtés de l’Irak et de la Corée du Nord. La Maison Blanche se prépare à conquérir Bagdad et à faire chuter Saddam Hussein. Un vent de panique souffle sur le régime iranien, qui craint d’être le prochain sur la liste.

Pour l’heure, cependant, il y a encore une occasion à saisir. En démettant Saddam Hussein, en avril 2003, l’Amérique débarrasse Téhéran de son pire ennemi. Elle porte au pouvoir l’opposition irakienne chiite, dont les principaux dirigeants restaient en exil à Téhéran. Leur « officier traitant » n’y était autre que Ghassem Soleimani.

C’est lui qui négocie alors avec des diplomates américains la formation du premier gouvernement intérimaire. Lui aussi qui forme, discrètement, le réseau de milices chiites qui plongera dès 2004 dans la guerre civile irakienne, conséquence d’une occupation américaine mal pensée et mal exécutée. Mais l’Iran et Ghassem Soleimani y prennent leur part.

Selon Washington, le général aurait alors conseillé au dictateur syrien, Bachar Al-Assad, allié indéfectible de Téhéran, d’ouvrir sa frontière aux djihadistes sunnites venus du monde entier pour combattre les forces américaines en Irak. Plus le pays s’enfonce dans le chaos, plus le risque d’une invasion américaine de l’Iran voisin s’éloigne.

En 2011, la guerre civile apaisée, l’armée américaine quitte l’Irak. Ghassem Soleimani y fait désormais office de proconsul. Son bilan n’est pas brillant. Le gouvernement chiite, mené par des alliés corrompus et sectaires, s’aliène la minorité sunnite. Ils précipitent le retour en force du djihad sunnite et le triomphe de l’organisation Etat islamique, qui s’empare de Mossoul, la grande ville du Nord, à l’été 2014.

Ghassem Soleimani se rend immédiatement à Bagdad pour aider à prévenir la chute de la capitale. Il devient alors un personnage public. En visite sur les lignes de front, il multiplie les selfies avec les miliciens. Il rassure l’opinion iranienne, qui craint les guerres dans lesquelles ses voisins s’enfoncent. Washington présente alors le général comme l’homme qui a ruiné le Moyen-Orient.

iran194

Galaxie de milices chiites

Soleimani est plutôt l’homme qui est resté debout dans les ruines de la région. Depuis 2012, il dirige en Syrie les forces iraniennes qui tiennent à bout de bras le régime Assad, tentant d’écraser la révolution puis l’insurrection syrienne. Il y déploie une galaxie de milices chiites alliées : de 20 000 à 25 000 combattants iraniens mais surtout irakiens, afghans et syriens, emmenés par le Hezbollah libanais.

A TÉHÉRAN, SES FAITS D’ARMES ONT FAIT DE SOLEIMANI LE PERSONNAGE PUBLIC LE PLUS POPULAIRE DU PAYS, Y COMPRIS PARMI LES CRITIQUES DU RÉGIME

Cette internationale chiite suffit à endiguer l’insurrection, mais pas à la vaincre. A l’été 2015, Ghassem Soleimani est dépêché en urgence à Moscou : devant le président Vladimir Poutine, il déploie des cartes de la Syrie. Il prépare l’entrée en guerre du grand allié russe, qui finira par écraser la révolution syrienne. En décembre 2016, au lendemain de la chute d’Alep, le bastion des rebelles syriens, Soleimani se fait photographier sous la citadelle de la ville en vainqueur.

A Téhéran, ses faits d’armes ont fait de lui le personnage public le plus populaire du pays, y compris parmi les critiques du régime. Il était l’une des rares figures, au sein de l’Etat, encore capable de rassembler la population. Certains voient désormais en lui un Napoléon, prêt à entrer en politique, auréolé de sa gloire militaire.

Dès 2016, le héros national fait taire la rumeur en annonçant qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle, prévue l’année suivante, contre le diplomate et modéré Hassan Rohani. Il restera un « soldat jusqu’à la fin de [sa] vie, si Dieu le veut ». Mais la propagande officielle continue de rehausser sa stature.

Peut-être aurait-il eu sa chance à la présidentielle de 2021, alors que le chaos régional finit par rattraper Téhéran. Le pays se vit désormais en guerre, sous les sanctions américaines démultipliées par le président Donald Trump. En l’assassinant à Bagdad, les forces américaines ont mis un terme à ces spéculations.

Publicité
3 janvier 2020

Analyse - En donnant l’ordre de tuer Ghassem Soleimani, Donald Trump choisit l’escalade face à l’Iran

iran214

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Le Pentagone a indiqué que le bombardement qui a coûté la vie au chef des forces Al-Qods des gardiens de la révolution iraniens a été conduit « sur ordre du président ».

En juin, Donald Trump avait dit avoir renoncé à la dernière minute à des frappes de représailles contre l’Iran après la destruction d’un drone américain. Jeudi 2 janvier, la main du président des Etats-Unis n’a cette fois-ci pas tremblé. Dans un communiqué publié peu avant 22 heures (4 heures du matin vendredi heure de Paris), le Pentagone a annoncé que le bombardement qui a coûté la vie au chef des forces Al-Qods, les forces spéciales des gardiens de la révolution iraniens, Ghassem Soleimani, avait été conduit « sur ordre du président ».

« L’armée américaine a pris des mesures défensives décisives pour protéger le personnel américain à l’étranger en tuant Ghassem Soleimani », a indiqué le texte pendant que Donald Trump se contentait de la publication sur son compte Twitter d’un drapeau des Etats-Unis. Le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a dénoncé « une escalade extrêmement dangereuse et imprudente ».

« Les règles du jeu ont donc changé »

Plus tôt dans la journée, le secrétaire américain à la défense, Mark Esper, avait commenté l’escalade des tensions en Irak qui s’était traduite par le bref siège de l’ambassade des Etats-Unis à Bagdad par des milices irakiennes pro-iraniennes, mardi et mercredi, en réponse à de premières frappes américaines. « Nous voyons cela depuis deux ou trois mois maintenant », avait-il déclaré à propos des attaques à la roquette qui avaient visé des positions américaines.

« Donc, si cela se produit, alors nous agirons, et soit dit en passant, si nous recevons des informations concernant des attaques ou un certain type d’indication, nous prendrons également des mesures préventives, pour protéger les forces américaines, pour protéger des vies américaines », avait assuré le secrétaire à la défense. « Les règles du jeu ont donc changé et nous sommes prêts à faire le nécessaire pour défendre notre personnel, nos intérêts et nos partenaires dans la région », avait ajouté Mark Esper.

Le communiqué de jeudi affirme que « le général Soleimani élaborait activement des plans pour attaquer les diplomates et militaires américains en Irak et dans toute la région » et qu’il était responsable « de la mort de centaines de membres des forces armées américaines et de la coalition et de milliers de blessés », après l’invasion américaine de 2003.

En dépit de quatre décennies de tensions, parfois très fortes, les Etats-Unis ne s’en étaient jamais pris frontalement, avant jeudi, à un responsable militaire iranien de l’envergure de Ghassem Soleimani. L’autorité de ce dernier dépassait de beaucoup son grade de général deux étoiles. Il symbolisait depuis plus d’une décennie l’axe iranien mis patiemment en place dans la région à la faveur des troubles du Moyen-Orient, de l’effondrement de l’Etat baasiste irakien à la guerre civile syrienne qui ont à chaque fois donné les coudées franches au régime iranien, au grand dam des puissances arabes du Golfe alliées de Washington.

Une revendication à double tranchant

La revendication américaine des frappes qui ont tué Ghassem Soleimani, dont la mort a été bruyamment saluée par les sénateurs « faucons » Lindsey Graham (Caroline du Sud), Marco Rubio (Floride) et Tom Cotton (Arkansas), est d’ailleurs à double tranchant. Intervenant moins d’un an après la désignation du corps entier des gardiens de la révolution comme entité terroriste, elle peut apparaître comme un succès incontestable pour l’armée américaine, soucieuse d’instaurer une dissuasion à court et moyen termes dans cette poudrière incertaine.

En éliminant le chef des forces Al-Qods, Washington entend signaler à Téhéran qu’il ne fixe aucune limite à sa politique de « pression maximale » qui vise officiellement à contraindre l’Iran à se soumettre aux conditions américaines pour ce qui relève de ses ambitions nucléaire et balistique ou de son influence régionale. « Au gouvernement iranien : si vous en voulez plus, vous en aurez plus », a ainsi menacé Lindsey Graham, qui a ajouté que « si l’agression iranienne se poursuit et que je travaillais dans une raffinerie iranienne de pétrole, je songerais à une reconversion ».

Mais le bombardement de jeudi et une éventuelle riposte iranienne peuvent également présenter, moins d’un an avant l’élection présidentielle américaine de novembre 2020, un risque pour Donald Trump. Parce qu’il rend illusoires dans l’immédiat des concessions iraniennes, il peut obliger le président à rompre avec son double engagement de sortir les Etats-Unis de « guerres sans fin » et de se désengager de la région. Depuis que la nouvelle montée des tensions entre Téhéran et Washington consécutive à la suppression en avril des dernières dérogations qui permettaient à l’Iran de vendre une partie de son pétrole, les Etats-Unis ont d’ailleurs au contraire renforcé leur dispositif militaire sur place.

Ce risque a d’ailleurs été pointé jeudi par le favori de la course à l’investiture démocrate, l’ancien vice-président Joe Biden, sans doute le plus aguerri en matière de politique étrangère. Tout en notant que les Etats-Unis ne porteraient pas le deuil du général iranien, Joe Biden a noté que si l’objectif de Donald Trump « est de dissuader les futures attaques de l’Iran » contre des intérêts iraniens, « cette action aura presque certainement l’effet inverse ». « Le président Trump vient de jeter un bâton de dynamite dans un baril de poudre, et il doit au peuple américain une explication de la stratégie et du plan pour garder en sécurité nos troupes et le personnel de l’ambassade (…). Je crains que cette administration n’ait démontré à aucun moment la discipline ou la vision à long terme nécessaires » face à une telle situation, a ajouté l’ancien vice-président.

2 janvier 2020

Analyse - La stratégie nord-coréenne de Donald Trump mise en échec

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Le ton de défiance adopté mercredi par Kim Jong-un, qui a annoncé la fin d’un moratoire sur les essais nucléaires et balistiques, laisse peu d’espoir de réussite au président américain.

Six mois après la dernière rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un dans la zone démilitarisée séparant les Corées, en juillet 2019, le ton de défiance adopté mercredi 1er janvier par le dirigeant nord-coréen, qui a annoncé la fin d’un moratoire sur les essais nucléaires et balistiques, signe l’échec de la stratégie du président des Etats-Unis.

« Nous n’avons aucune raison de continuer à être liés unilatéralement par cet engagement, a assuré Kim Jong-un, qui s’exprimait devant les dignitaires de son parti, selon l’agence officielle KCNA. Le monde va découvrir dans un proche avenir une nouvelle arme stratégique que détient la Corée du Nord. » Il a promis une action « sidérante pour faire payer [aux Etats-Unis] le prix de la douleur subie par notre peuple », dans une allusion aux sanctions imposées à son pays.

La première réaction américaine du secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, a été mesurée. « Nous voulons la paix, pas l’affrontement », a-t-il affirmé, espérant que le dirigeant nord-coréen ne joigne pas le geste à la parole. Le président américain a même affiché un certain optimisme un peu plus tard. « Nous avons bien signé un contrat qui parle de dénucléarisation. C’était la phrase numéro un, cela a été fait à Singapour. Je pense que c’est un homme de parole », a déclaré Donald Trump aux journalistes, avant de participer aux festivités du Nouvel An dans sa résidence de vacances en Floride.

Après avoir minimisé des mois durant les essais balistiques du régime de Pyongyang, Donald Trump va devoir pourtant se rendre à l’évidence : il est désormais très peu probable qu’il puisse parvenir au moindre résultat tangible avant le début de la campagne présidentielle de 2020.

A l’issue de la première rencontre entre les deux hommes, à Singapour, en juin 2018, et en dépit d’un communiqué final extrêmement vague qui avait alarmé les experts, Donald Trump s’était déjà montré très optimiste en affirmant qu’« il n’y a plus de menace nucléaire en Corée du Nord ». L’escalade des premiers mois de sa présidence, marquée par une guérilla verbale et un nouvel arsenal de sanctions internationales contre Pyongyang, avait ouvert une fenêtre pour la négociation, même si la Corée du Nord conservait intacts dans l’immédiat son arsenal et ses installations, et continuait de produire de la matière fissile.

Pendant les mois qui ont suivi cette première historique, le président des Etats-Unis s’est accroché à la relation particulière nouée selon lui avec son homologue. « Une lune de miel » appuyée par de « très belles lettres » écrites par le dirigeant nord-coréen, affirme-t-il chaque fois qu’il en a le loisir, couvrant d’éloges le dictateur et critiquant les manœuvres régulières de l’armée américaine avec les troupes sud-coréennes.

La rencontre de Hanoï, un fiasco

A la veille d’un deuxième sommet, prévu à Hanoï à la fin du mois de février 2019, Donald Trump a renchéri à l’occasion d’une conférence de presse tenue dans la roseraie de la Maison Blanche. Son prédécesseur, Barack Obama, « serait entré en guerre avec la Corée du Nord ». « En fait, il me l’a dit », a-t-il affirmé pour mieux se présenter en grand pacificateur. L’entourage de l’ancien président a démenti.

La rencontre de Hanoï, pourtant, s’est révélée être un fiasco. Les deux parties prennent la mesure du fossé qui les sépare, que le verbe présidentiel a occulté. Pyongyang refuse de s’engager dans la moindre réduction de son arsenal sans une levée des sanctions qui pèsent durement sur son économie. Pour Washington, au contraire, ce levier ne sera actionné qu’après des gestes significatifs de la part de la Corée du Nord. Pour Kim Jong-un, la dénucléarisation concerne la péninsule tout entière, et donc le parapluie américain qui couvre la Corée du Sud. Pour M. Trump, seul l’arsenal de Pyongyang est en jeu. La diplomatie personnelle esquissée par le président américain est incapable de dépasser ces divergences.

Le troisième rendez-vous, improvisé dans la zone démilitarisée entre les deux Corées, en juillet, a été l’occasion de nouvelles images spectaculaires. Pour la première fois, un président des Etats-Unis pose en effet le pied sur le territoire nord-coréen. Mais de nouvelles promesses d’avancées sont restées sans lendemain. Pendant la même période, Pyongyang a multiplié les essais balistiques de courte et de moyenne portée. Pris au piège de l’attente qu’il a créée, le président des Etats-Unis les relativise, au grand dam de ses conseillers.

Le 15 octobre, l’agence officielle du régime a dévoilé une série de photos énigmatiques montrant Kim Jong-un sur un cheval blanc, dans un paysage enneigé près du mont Paektu, central dans l’histoire de la dynastie nord-coréenne. Puis en novembre, Pyongyang a fermé la porte à de nouvelles rencontres.

« Nous ne ferons plus de cadeau »

« Nous ne sommes plus intéressés par de telles discussions qui ne nous apportent rien. Comme nous n’avons rien reçu en retour, nous ne ferons plus cadeau au président américain de quelque chose dont il puisse se vanter », a déclaré le régime nord-coréen dans un communiqué. Donald Trump insiste. « Je suis le seul à pouvoir vous mener là où vous devez aller », c’est-à-dire la paix et la prospérité, écrit-il sur son compte Twitter. « Vous devez agir rapidement, conclure le marché. A bientôt ! », conclut-il. Après un treizième tir depuis le 1er janvier 2019, la Corée du Nord réplique en fixant un ultimatum : faute d’ouvertures américaines d’ici le 31 décembre, elle amplifiera ses essais balistiques.

Le 16 décembre, Donald Trump a avoué qu’il serait « déçu si quelque chose se préparait ». « Et si c’est le cas, nous nous en occuperons. Mais on verra. Nous observons ça de très près », ajoute-t-il. Les propos du président n’ont pas rassuré le Congrès. Au Sénat, une coalition d’élus républicains et démocrates s’est inquièté, le 18 décembre, d’une politique d’engagement « au bord de l’échec » et a plaidé pour des sanctions accrues, jugeant celles en place pas assez efficaces.

Une semaine plus tard, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, limogé en septembre et partisan d’une ligne dure face à Pyongyang, a critiqué le président des Etats-Unis dans un bref message publié sur son compte Twitter : « Il est inacceptable que la Corée du Nord obtienne des armes nucléaires, mais c’est plus rhétorique qu’une véritable politique à ce stade. » Le faucon républicain ajoute :

« Le risque pour les forces américaines et nos alliés est imminent et une politique plus efficace est nécessaire avant que [la Corée du Nord] ne dispose de la technologie pour menacer la patrie américaine. »

Avec la fin du moratoire nord-coréen annoncée mercredi, l’impasse est totale.

28 décembre 2019

Moscou déploie le missile hypersonique Avangard, son « arme absolue »

La Russie a annoncé vendredi la mise en service de ces engins hypersoniques, capables selon elle de surpasser n’importe quel bouclier antimissile existant.

Ces armes sont vantées par le président russe, Vladimir Poutine, comme « pratiquement invincibles ». Moscou a annoncé, vendredi 27 décembre, la mise en service de ses premiers missiles hypersoniques Avangard.

Ce système fait partie d’une nouvelle génération d’engins capables, selon les autorités russes, d’atteindre une cible quasiment partout dans le monde et de surpasser n’importe quel bouclier antimissile existant, tel que le système déployé par les Etats-Unis en Europe.

« Le ministre de la défense Sergueï Choïgou a rapporté au président Poutine la mise en service à 10 heures, heure de Moscou, du premier régiment équipé des nouveaux systèmes stratégiques hypersoniques Avangard », a indiqué le ministère dans un communiqué. M. Choïgou a « félicité » les militaires, jugeant que ce déploiement était « un événement fantastique pour le pays et pour les forces armées ».

En décembre 2018, Moscou avait annoncé que le premier régiment de missiles Avangard serait déployé dans la région d’Orenbourg, dans l’Oural.

Système de missile intercontinental

L’Avangard file selon Moscou à une vitesse de Mach 20 et est capable d’atteindre Mach 27 – soit vingt-sept fois la vitesse du son et plus de 33 000 kilomètres par heure. Il est capable de changer de cap et d’altitude, selon M. Poutine.

Ce dernier avait comparé les missiles Avangard, testés avec succès en décembre 2018 avec une portée de 4 000 km, « à la création du premier satellite artificiel de la Terre », une référence au Spoutnik lancé en 1957, qui avait symbolisé l’avance technologique de l’Union soviétique sur les Etats-Unis en pleine guerre froide.

« C’est un système de missile intercontinental, pas balistique. C’est l’arme absolue », s’était félicité le président russe en juin 2018. « Je ne pense pas qu’un seul pays dispose d’une telle arme dans les années qui viennent. Nous l’avons déjà », avait-il ajouté, alors que les relations avec les Occidentaux sont au plus bas.

Une autre arme vantée comme « invincible » par Vladimir Poutine, le missile lourd balistique intercontinental de cinquième génération Sarmat, doit être livré aux forces armées en 2020. Il n’aurait « pratiquement pas de limites en matière de portée » et serait « capable de viser des cibles en traversant le pôle Nord comme le pôle Sud ».

Parmi les autres systèmes en développement figurent un drone sous-marin à propulsion nucléaire, des missiles hypersoniques destinés aux chasseurs russes ou encore un mystérieux « laser de combat ».

« Nouvelle course aux armements »

L’annonce de l’arrivée des Avangard dans l’armée russe intervient alors que Moscou et Washington ont suspendu cette année leur participation au traité bilatéral de désarmement FNI (traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire), datant de la guerre froide. La question de l’avenir du traité Start de réduction des arsenaux nucléaires, qui arrive à échéance en 2021, est également en question.

La Russie accuse les Etats-Unis de chercher à rompre les accords existants pour parvenir à son « épuisement économique » par « une nouvelle course aux armements », dans laquelle elle assure ne pas vouloir se lancer.

Elle a pourtant multiplié les annonces dans ce domaine, disant notamment vouloir adapter d’ici à deux ans ses systèmes marins Kalibr, utilisés pour la première fois en opération en 2015 en Syrie, en variante terrestre.

Elle a également dévoilé, à la mi-décembre, de menus détails sur son bouclier spatial antimissile Koupol, qui se veut l’équivalent du système américain Sbirs, mais dont les contours restent encore mystérieux.

L’armée russe a aussi subi plusieurs accidents embarrassants cette année, le principal étant une explosion à caractère nucléaire dans le Grand Nord qui a tué sept personnes le 8 août, lors de tests de « nouveaux armements ». Selon des experts, il s’agissait du Bourevestnik, un missile de croisière à « portée illimitée ».

Tensions entre la Pologne et la Russie. Le ministère polonais des affaires étrangères a convoqué d’urgence, vendredi 27 décembre, l’ambassadeur de Russie pour protester contre les « insinuations historiques » du président Vladimir Poutine. Ce dernier a accusé à deux reprises ces derniers jours la Pologne de collusion avec Hitler à la veille de la seconde guerre mondiale. Mardi, depuis le ministère russe de la défense, il a affirmé avoir pris connaissance de documents montrant que les Polonais « avaient pratiquement conclu une entente avec Hitler ». « C’est clair dans les archives », a-t-il affirmé, se disant « insulté par la manière dont Hitler et la Pologne ont discuté de la soi-disant question juive ». Il a ajouté qu’un ambassadeur polonais à Berlin – qu’il a qualifié de « salaud » et de « cochon antisémite » – avait promis d’ériger à Varsovie un « beau monument » à Hitler après que ce dernier avait proposé d’« envoyer les juifs dans des colonies en Afrique ». Il a par ailleurs établi un parallèle avec les décisions des responsables polonais actuels qui « font démolir les monuments aux soldats de l’Armée rouge », autrefois célébrés comme ayant été les libérateurs de leur pays mais déboulonnés à la chaîne ces dernières années. La Russie et la Pologne ont multiplié ces derniers jours les accusations à caractère historique. La diplomatie russe a fustigé la « rhétorique agressive » de Varsovie, tandis que la polonaise a exprimé son « inquiétude », accusant Moscou de « présenter une fausse image des événements ».

28 décembre 2019

La NHK lance par erreur une alerte au missile nord-coréen

Par Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance

L’une des missions de la chaîne publique japonaise est de relayer la survenue de catastrophes naturelles, d’actes terroristes ou de missiles menaçant l’Archipel.

Le regain de tensions dans la péninsule coréenne et l’attente d’un hypothétique « cadeau de Noël » de Pyongyang ont suscité une certaine fébrilité.

Vendredi 27 décembre à 0 h 22, heure locale, la chaîne publique japonaise NHK a diffusé par erreur une alerte au missile nord-coréen, sur son site et par l’intermédiaire de son application pour smartphone. Elle l’a retirée vingt minutes plus tard et a présenté ses excuses, expliquant que le message erroné était conçu à des « fins d’entraînement ».

L’une des missions de l’opérateur public est de relayer les messages du système nippon d’informations d’urgence, J-Alert, sur les catastrophes naturelles mais aussi les actes terroristes, les frappes aériennes ou encore les missiles pouvant menacer l’Archipel.

Cette fois, le message était titré « Un missile nord-coréen est tombé dans l’océan à environ 2 000 km à l’est du cap Erimo, à Hokkaido ». Il laissait ainsi entendre qu’un engin tiré par Pyongyang avait survolé la grande île du Nord avant de s’abîmer dans l’océan Pacifique.

Chaîne réputée pour son sérieux

Deux – vrais – missiles tirés en août et en septembre 2017 par Pyongyang avaient survolé Hokkaido, déclenchant à l’époque des alertes pour les habitants du nord du Japon, incités à aller se réfugier en lieu sûr.

« Le système J-alert fournit des informations extrêmement importantes relatives à la sécurité des citoyens japonais. Nous voulons que NHK fasse tout son possible pour éviter qu’une telle erreur se reproduise », a réagi cette fois le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga. Pourtant réputée pour son sérieux, la NHK a déjà envoyé une alerte erronée sur un missile nord-coréen. C’était en janvier 2018.

Le dernier incident n’est toutefois pas totalement isolé puisque vers 22 heures, le 26 décembre, les militaires américains du Camp Casey de Dongducheon, situé à 40 kilomètres au nord de Séoul en Corée du Sud, et le plus proche de la zone démilitarisée (DMZ) séparant les deux Corées, ont été placés, par erreur, en alerte maximale par le déclenchement d’une sirène ad hoc.

« Cadeau de Noël »

Ces dysfonctionnements surviennent à l’approche du 31 décembre, date unilatéralement fixée par Pyongyang pour obtenir des concessions de Washington, à même de permettre la relance des négociations sur sa dénucléarisation. Les pourparlers sont dans l’impasse depuis l’échec du sommet qui s’était tenu à Hanoï, au Vietnam, entre le président américain, Donald Trump, et le dirigeant du Nord, Kim Jong-un.

En visite à Séoul à la mi-décembre, l’envoyé spécial américain pour la Corée du Nord, Stephen Biegun, avait rejeté la date butoir tout en rappelant que Washington était prêt à reprendre les négociations à tout moment.

Le 3 décembre, le vice-ministre nord-coréen des affaires étrangères, Ri Thae-song, avait parlé d’un « cadeau de Noël » pour les Américains, dont la nature dépendrait de leur attitude.

L’absence de reprise des discussions et deux essais par Pyongyang, début décembre, de ce qui semblait être des moteurs de missiles sur le site de lancement de Tongchang-ri (nord-ouest du pays) avaient laissé craindre un essai de missile à longue portée. Or le 25 décembre, aucun tir n’a été signalé.

28 décembre 2019

2019, « annus horribilis » pour Xi Jinping

Par Frédéric Lemaître, Pékin, correspondant

Les manifestations à Hongkong, les fuites d’informations sur le Xinjiang et la confrontation avec les Etats-Unis sur l’économie ont contribué à dégrader l’image de la Chine dans le monde.

Les drapeaux brandis dimanche 22 décembre à Hongkong lors d’une manifestation de soutien aux Ouïgours résument on ne peut mieux l’accumulation de problèmes auxquels sont confrontés les dirigeants chinois en cette fin d’année 2019.

Outre des bannières noires en faveur de l’indépendance de Hongkong – quasi absentes au début du mouvement de protestation en juin –, on voyait des étendards bleu clair du Turkestan oriental – nom donné au Xinjiang par ceux qui souhaitent l’indépendance de cette province du nord-ouest de la Chine –, des drapeaux du Tibet, de Taïwan mais aussi plusieurs des Etats-Unis et de l’Australie, et même un de l’Union européenne.

Commencée le 2 janvier par un discours martial de Xi Jinping sur la nécessité de « réunifier » Taïwan et la Chine, 2019 apparaît désormais comme une annus horribilis pour le président chinois. Celle où la situation économique a continué de se dégrader et, pire pour un dirigeant chinois, où le moindre incident local a désormais un retentissement international.

Des employés zélés d’une bibliothèque du Gansu brûlent-ils une soixantaine de livres « politiquement non corrects » ? Immédiatement, l’émotion internationale est telle face à cet autodafé de sous-préfecture que les autorités locales, sans doute à l’origine de la décision, doivent feindre de s’en offusquer et « lancer une enquête » avant de punir un lampiste. Une broutille, comparée aux deux grandes crises du moment : le Xinjiang et Hongkong.

Chantage

L’emprisonnement d’un million de musulmans dans des camps au Xinjiang n’a dans un premier temps intéressé que les militants des droits de l’homme et les journalistes occidentaux. Désormais les Chinois commencent à en parler, le Congrès américain s’est saisi de l’affaire et les Européens se réveillent. Tout aussi grave : la publication de plus de 400 pages de documents internes au Parti communiste chinois (PCC) par le New York Times en novembre a révélé à la face du monde les dissensions internes au Parti sur le sujet.

Mais 2019 restera sans doute comme l’année de la crise à Hongkong. La plus grave que le pays ait connue depuis « les incidents de Tiananmen » il y a trente ans. Celle qui a à nouveau montré qu’une partie de la jeunesse était prête à se sacrifier plutôt que de vivre en Chine communiste.

La récente manifestation de Hongkong en solidarité avec les Ouïgours constitue à ce titre une première. Les deux crises ont en commun d’avoir suscité une large mobilisation internationale face à laquelle la Chine s’est montrée sous son pire jour.

En boycottant la ligue nord-américaine professionnelle de basket-ball (NBA) parce qu’un entraîneur soutenait les manifestants de Hongkong, puis en déprogrammant, en décembre, un match de football du club anglais Arsenal parce qu’un de ses joueurs, l’Allemand Mesut Özil, dénonçait la politique menée au Xinjiang, la Chine a montré qu’elle n’entendait pas seulement limiter la liberté de parole de ses ressortissants, mais aussi au-delà de ses frontières. Un chantage dont ont été aussi victimes nombre d’entreprises, voire des pays – la Suède notamment – coupables de ne pas se plier aux desiderata des dirigeants chinois.

Une image détériorée

Résultat : selon la dernière enquête de Pew Research Center, l’image de la Chine, négative dans une majorité des trente-quatre pays étudiés, s’est encore détériorée dans dix-sept d’entre eux : en Amérique du Nord et en Europe occidentale notamment, mais aussi en Indonésie, premier pays musulman de la planète, ainsi qu’aux Philippines, et ce malgré les milliards de dollars dépensés par Pékin – pas toujours à mauvais escient – dans le vaste programme mondial d’investissements que sont les « nouvelles routes de la soie ».

Même la Grèce, principale bénéficiaire de la manne chinoise en Europe, est divisée. Seulement 51 % des Grecs ont une bonne opinion de l’empire du Milieu.

Le pire est évidemment aux Etats-Unis, le seul pays auquel les dirigeants chinois se réfèrent. Déjà pas fameuse, l’image de la Chine y a régressé de 12 points. Seulement 26 % des Américains en ont une image favorable, alors que 60 % pensent l’inverse.

Malgré un premier accord supposé constituer une trêve dans la guerre commerciale que se livrent Washington et Pékin, l’année 2019 n’aura vu aucune amélioration sensible sur ce dossier crucial. Les Chinois ont la désagréable impression de n’être qu’un pion dans la campagne de Donald Trump pour sa réélection à la Maison Blanche. Ce qui est sûr est que ce conflit fait souffrir la Chine.

Les dettes publiques, vaste trou noir

Malgré la manipulation des statistiques, il n’est pas certain que l’économie aura doublé de volume en dix ans (2010-2020), objectif pourtant assigné en 2012 par le pâle Hu Jintao à son successeur. Pour y parvenir, le débat fait rage entre économistes chinois, ceux partisans de la réforme et de l’ouverture et ceux défendant une économie toujours administrée. Xi Jinping semble opter pour cette dernière et mise essentiellement sur la commande publique pour maintenir la demande. Problème : les dettes publiques constituent un vaste trou noir et les investisseurs étrangers commencent à s’inquiéter de possibles défauts de paiement.

En décembre, une entité publique relevant du gouvernement de Mongolie intérieure a été incapable de faire face au remboursement d’une partie de sa dette. Selon les spécialistes de la Nikkei Asian Review, les défauts sur l’endettement des entreprises publiques chinoises ont atteint 40 milliards de yuans (5 milliards d’euros) en 2019, plus du triple de la somme de 2018. Les autorités centrales ne sont manifestement plus disposées à éponger les dettes émises localement. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose mais cette nouvelle incertitude rend les marchés fébriles.

Outre un ralentissement de la croissance et une augmentation du chômage, le gouvernement chinois doit faire face à une épidémie de peste porcine qui a provoqué une importante augmentation du prix de cette viande, essentielle à l’alimentation des Chinois, entraînant à son tour un regain d’inflation. Si les responsables chinois ne peuvent être tenus pour responsables du phénomène, ils l’ont amplifié en tentant de remplacer les importations de porc américain (non contaminé) par du porc en provenance de Russie (pays touché par l’épidémie). Les astres ne se sont pas trompés : 2019 est bien l’année du cochon !

Pour compenser la baisse de ses exportations vers les Etats-Unis, la Chine a multiplié les efforts pour signer un accord de libre-échange entre pays asiatiques. Mais, là aussi, sans succès jusqu’à présent. Au dernier moment, l’Inde, par peur d’être envahie de produits chinois, s’est retirée de ce partenariat économique régional global, provoquant à son tour le retrait du Japon.

Crime de lèse-majesté

Cette accumulation de revers n’est pas le fruit du hasard. Si le débat reste tabou en Chine, la personnalisation du pouvoir autour du président constitue pour certains une des explications. Depuis que la « pensée de Xi Jinping » a fait son entrée dans la Constitution en 2018, remettre en cause l’homme, c’est remettre en cause le PCC lui-même. Un crime de lèse-majesté impensable.

« Xi Jinping ne peut s’en prendre qu’à lui-même ou plus exactement à son excessive concentration du pouvoir (…) Les contentieux commerciaux avec les Etats-Unis, les problèmes posés par l’ingérence de la Chine à Hongkong et les tensions ethniques au Xinjiang ont précédé l’arrivée de Xi au pouvoir à la fin de 2012. Mais le leadership collectif chinois, même corrompu et indécis, s’arrangeait pour limiter l’escalade de ces crises, en raison notamment de son aversion du risque. Par exemple, quand à Hongkong en 2003, plus de 500 000 personnes ont manifesté contre un projet de loi sur la sécurité nationale, le gouvernement chinois a immédiatement accepté de le retirer », note Minxin Pei, sinologue reconnu, dans une récente tribune publiée par l’organisation médiatique Project Syndicate.

« Mais l’intolérance de Xi face à toute contradiction (…) rend ce gouvernement encore plus susceptible de commettre des erreurs politiques. Ce qui aggrave la situation. Comme un homme fort doit garder une image de quasi-infaillibilité il est peu probable qu’une politique soit remise en cause même si elle est inefficace ou contre-productive », dit-il. Selon cette théorie, en 2019, Xi Jinping a donc moins été victime des autres que de… lui-même.

Publicité
Publicité