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Jours tranquilles à Paris
27 mars 2020

La période de confinement est prolongée au moins de deux semaines

Coronavirus : la période de confinement est prolongée au moins de deux semaines, jusqu'au mercredi 15 avril, annonce le Premier ministre

Ce n'est pas encore demain que les Français retrouveront une vie normale. Depuis l'Elysée, où il s'exprimait vendredi 27 mars, Edouard Philippe a annoncé que la période de confinement pour lutter contre l'épidémie de coronavirus était prolongée de deux semaines. C'est-à-dire jusqu'au mercredi 15 avril. "Cette période pourra être prolongée si la situation sanitaire l'exige. Je remercie les Français pour leur civisme, leur patience et leur solidarité. Je vous donne rendez-vous demain pour un point complet avec le ministre de la Santé, Olivier Véran", a précisé le Premier ministre à la sortie du Conseil des ministres.

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27 mars 2020

Confinement : plus d’un million de Franciliens ont quitté la région parisienne en une semaine

Par Martin Untersinger

Selon une analyse statistique réalisée par Orange à partir des données de ses abonnés téléphoniques, 17 % des habitants de la métropole du Grand Paris ont quitté la région entre le 13 et le 20 mars.

Les mesures de confinement, décidées par le gouvernement français et prises le mardi 17 mars pour tenter d’enrayer la pandémie causée par le coronavirus SARS-CoV-2, ont bel et bien conduit à un exode important des Franciliens vers la province.

Une analyse statistique des données téléphoniques réalisée par l’opérateur Orange estime que près de 1,2 million d’entre eux – soit 17 % des habitants de la métropole du Grand Paris – ont quitté leur région entre le 13 et le 20 mars.

Si, selon Orange, le déplacement des Franciliens vers la province a été assez homogène, certaines zones font l’objet d’un accroissement notable de leur population. L’île de Ré (Charente-Maritime) a ainsi vu sa population bondir de 30 %, les départements de l’Orne et de l’Yonne ont vu la leur augmenter de 10 %, et l’Ille-et-Vilaine de 6 %. La région parisienne compte par ailleurs environ 100 000 touristes de moins qu’à l’accoutumée.

Des données anonymisées

L’étude a été réalisée par Orange sur la base des données de géolocalisation des téléphones de ses abonnés. Elles ont été compilées et analysées à destination d’acteurs publics, notamment sanitaires. Elles ont été partagées notamment avec les préfectures en ayant fait la demande, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le SAMU et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Certains résultats de cette étude ont été communiqués au Monde. Certains de ces chiffres ont aussi été évoqués jeudi 26 mars par le PDG d’Orange, Stéphane Richard, sur les ondes d’Europe 1.

Orange assure transmettre à ses partenaires des agrégats statistiques et non des données individuelles et « identifiantes ». Ils sont compilés à l’échelle de portions du territoire déterminées par l’Insee, qui représentent environ 50 000 personnes.

Les données transmises par Orange ne permettent pas de localiser des individus, mais simplement de savoir combien de personnes se trouvent dans cette portion de territoire à une date donnée, et ainsi de pouvoir connaître l’évolution de la population, positive ou négative, sur chacune d’entre elles.

Orange assure ainsi ne pas avoir procédé à un recensement précis de la localisation des Français, et n’a de visibilité que sur l’activité de ses 24 millions d’utilisateurs quotidiens de ses réseaux. En se fondant sur le nombre d’entre eux s’étant rendu dans chaque zone, l’opérateur assure être capable, compte tenu de son nombre important de clients et au moyen de redressements statistiques, d’obtenir une évolution représentative et fiable de la population.

Anticiper la propagation du coronavirus

Orange sait déjà, du reste, où se trouvent ses abonnés à tout instant : c’est nécessaire pour acheminer les SMS et appels aux smartphones de ses clients.

L’opérateur a cependant, à l’occasion de la crise liée à la propagation de l’épidémie de Covid-19, décidé de partager ces informations agrégées, et anonymisées, à des tiers. Orange assure ainsi être dans les clous du droit des données personnelles, dans la mesure où ces données ne sont qu’un nombre extrapolé d’individus présents dans une zone, et ne permettent pas d’identifier un abonné à ses services.

Le principal intérêt de ces statistiques pour les autorités sanitaires françaises est de pouvoir anticiper d’éventuels futurs foyers de contamination. Les données d’Orange sont également en cours d’intégration dans les modèles épidémiologiques de l’Inserm pour mieux comprendre les mécanismes et le rythme de propagation du coronavirus.

26 mars 2020

Aux travailleurs invisibles, l’humanité reconnaissante

Par Clyde Plumauzille, Historienne, chargée de recherches au CNRS

Aux travailleurs invisibles, l’humanité reconnaissante ()

Aides ménagères, hôtesses de caisses, livreurs, routiers, éboueurs… certains n’ont pas le choix : c’est au péril de leur santé qu’ils doivent faire tenir nos vies de confinés.

Dimanche 22 mars, une foule confinée applaudit aux fenêtres une employée municipale de la ville de Barcelone chargée de la propreté vidant les poubelles (1). En pleine pandémie de coronavirus, alors que s’impose à tous de rester chez soi, de mettre sa vie en suspens pour se protéger et protéger les autres, des hommes et des femmes continuent pourtant de devoir s’exposer pour prendre soin de notre monde. Ils et elles sont auxiliaires de puéricultures, assistantes maternelles, aides ménagères, hôtesses de caisses, manutentionnaires de la grande distribution, livreurs, chauffeurs, routiers, éboueurs… Aux côtés du personnel hospitalier et enseignant, ils sont ces travailleurs et ces travailleuses des classes populaires invisibles qui font tenir nos vies. Ils sont aussi souvent de celles et de ceux qui n’ont pas le choix des conditions de leur travail et subissent la contrainte des politiques économiques néolibérales autant que l’exposition au virus de plein fouet. Ils sont, enfin, ces hommes et ces femmes que trop souvent l’histoire ne retient pas dans sa compréhension du passé, et qu’ils nous faut donc, aujourd’hui, ne pas oublier pour assurer le rééquilibrage des récits historiques futurs (2).

Ce devoir de mémoire est une éthique de l’attention que les études de care, depuis l’ouvrage pionnier de Carole Gilligan (In a Different Voice, 1982), nous invitent à mettre en œuvre afin de restituer comment tiennent et s’entretiennent nos sociétés. Il appelle à se saisir des moyens propres à capter, restituer et conserver les faits et gestes en apparence ordinaire de ces individus qui assurent une certaine continuité à nos quotidiens bouleversés afin qu’il ne soit plus possible de les oublier. Nous avons pour cela l’héritage de toute une histoire des silences sociaux qui, dans le sillage de la «décennie d’insubordination» (3) des années 60, s’est efforcée de rendre visible et de documenter les existences et les espérances des sans-nom, des sans-voix et des sans-visage du passé. En France, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Inde notamment, historiens et historiennes de la marge, des femmes, des Noirs, des minorités sexuelles ou encore des subalternes ont aspiré à «redonner la parole à ceux [et celles] qui en ont été dépossédés » (Daniel Roche), et ainsi à restituer l’envers de la grande histoire.

En quête d’autres récits que ceux produits par les vainqueurs de l’histoire, ils ont repris la documentation produite par les institutions dominantes, mais ont entrepris de la lire à «contre-sens» (Carlo Ginzburg), pour y attraper en creux la subjectivité et la puissance d’agir de celles et ceux qu’on minore. Cette quête quasi mémorielle les a également poussés à exhumer, collecter et publier des égodocuments de celles et ceux - ouvriers, femmes, esclaves, marginaux - qui ne font pas tant l’histoire qu’ils la subissent, vivent avec ou la contestent. Soucieux également de ne plus rien perdre de leur temps, ils ont initié des enquêtes orales pour faire remonter les mémoires populaires du passé et archiver celles du présent. Epaulés par des maisons d’édition engagées, à l’instar des éditions Maspero et de leur collection «Actes et mémoires du peuple», ils ont ainsi pu «apporter, dans l’écoute de l’histoire, des voix qui sont différentes de celles qui ont toujours parlé plus haut et plus fort (4)».

Aujourd’hui donc, alors qu’il est difficile de se tourner vers le passé tant le présent s’impose à nous, nous pouvons cependant espérer faire advenir d’autres chroniques du confinement que celles de l’élite littéraire ou des médias dominants qui donnent la parole à ceux qui l’ont toujours eue. Déjà, ça et là, effleurent ces contre-récits, dans les pages de Reporterre, Sud-Ouest, Libération, le Monde, Mediapart, les journalistes ont consigné les mots de ces travailleurs et ces travailleuses trop longtemps invisibles et inaudibles (5). C’est au péril de leur vie, mais sans la reconnaissance sociale qui devrait aller avec, qu’ils doivent continuer de nous livrer ce dont nous avons besoin (ou non), de s’occuper de nos enfants et de nos aînés, de nettoyer nos rues et nos maisons, de nous nourrir. Ce sont ces voix et ces gestes qu’il nous faut consigner et amplifier pour nous aussi, faire attention à eux, entendre leurs revendications et comprendre ce que l’épidémie révèle de notre histoire et dévoile de notre système, des soubassements humains sur lesquels il repose pour se perpétuer et donner l’illusion aux plus privilégiés de leur autonomie, dans leur santé comme dans leur liberté (6).

(1) https://twitter.com/manelmarquez/status/1241640440681684993

(2) Ce projet est cœur du récent numéro de la revue Clio, Femmes, Genre, Histoire intitulé «Travail de care» (numéro 49, 2019) que j’ai coordonné avec Anne Hugon et Mathilde Rossigneux-Méheust.

(3) L’expression est de Xavier Vigna, l’Insubordination ouvrière dans les années 68. Essai d’histoire politique des usines, 2007.

(4) Présentation de l’éditeur.

(5) Reporterre, «Coronavirus : les livreurs, travailleurs sacrifiés "pour des pizzas et des burgers"», 20 mars ; Sud Ouest, «Caissière, éboueur…: paroles de travailleurs face au coronavirus, "On est comme réquisitionné par l’Etat"», 20 mars ; Libération, «Ces femmes qui travaillent chez les autres», 18 mars ; le Monde, «Coronavirus : dans toute la France, les caissières en première ligne», 22 mars ; Mediapart, «"Face au coronavirus, qui nous protège, nous, les assistantes maternelles ?"», 21 mars.

(6) Reporterre, «Sandra Laugier : "Le coronavirus nous fait comprendre que la vulnérabilité d’autrui dépend de la nôtre"», 21 mars.

26 mars 2020

Familles en HLM : «Si je craque, je fais craquer tout le monde»

Par Rachid Laïreche, Dessin Cyril Pedrosa et Ramsès Kefi 

Dans les quartiers populaires, où le manque d’espace est constant et où les jeunes voient souvent l’extérieur comme une manière de s’évader du carcan familial, le confinement fait ressortir tensions et frustrations.

Depuis des années, Marc dort sur le canapé du grand salon. Pas assez de place dans les chambres. A 21 ans, c’est lui l’aîné. Parfois, il rentre tard. Ou veille. Ou ressort la nuit pour fumer : «Parfois, tu veux regarder un film tout seul. Et le salon à partir de minuit, dans le noir, c’est la liberté. Pas de bruit, personne pour te demander ci ou ça.» Le T4, dans un HLM des Hauts-de-Seine, rétrécit quand toute la famille y est : ils sont sept dedans, en comptant les parents.

L’étudiant dit que chacun, du plus vieux au plus petit, avait naturellement trouvé un équilibre. S’arranger avec l’étroitesse, trouver ses moments, laisser souffler les autres. Le confinement imposé remet tout à plat. «A minuit, mon petit frère et ma petite sœur ne dorment pas encore. A 8 heures du matin, ma mère fait des va-et-vient à la maison. Sur le canapé, je dérange.» Le père tourne en rond au sens propre du terme. Il squatte les fenêtres, devient obsédé par le rangement, scrute les sorties en les limitant à quinze minutes. «Il a peur de la maladie, il ne bouge plus. Dès que tu te déplaces, tu tombes sur lui. Il galère entre quatre murs. Parfois, la porte d’une chambre est fermée, il va l’ouvrir sans frapper…»

Normalité inversée

Le coronavirus a décrété l’extérieur irrespirable, alors que celui-ci est le ballon d’oxygène pour des familles nombreuses dont la définition n’a jamais été aussi spatiale. A Evry (Essonne), une mère de quatre enfants fait des divisions : «C’est la superficie qui compte en ce moment, pas le nombre. Si tu vis à six dans un grand pavillon, tu es juste une famille qui doit t’adapter à l’urgence. Pour nous, le confinement a divisé des petits espaces en espaces encore plus petits. Le mien aussi se restreint. Si je craque, je fais craquer tout le monde avec moi.» A Montreuil (Seine-Saint-Denis), un jeune adulte abonde dans son sens : «Nous sommes dix à la maison. Tu as déjà essayé de rester à quatre dans une chambre ? On a une armoire, un bureau, une télé et deux lits superposés. On ne peut même pas rester à trois debout.»

D’aucuns s’interrogent souvent sur ce qui pousse des jeunes à rôder jusqu’à pas d’heure et les parents à ne pas les retenir. Au vrai, la normalité s’inverse : il y a parfois plus d’intimité dans un hall d’immeuble que chez soi, où le manque de place accroît les problèmes, attise les tensions les plus infimes, accentue les frustrations. Dans le meilleur des cas, le gamin cherche de l’air. Dans le pire, il fuit. Quid de la vie dans les foyers très pauvres ? Dans les appartements délabrés où la lumière passe peu à cause de l’entassement des affaires ? Dans les familles minées par de graves conflits entre adultes ? Le paradoxe total : la rue devient le lieu où l’on se cache.

En mars, Libération avait écumé un territoire à Athis-Mons, dans la banlieue lointaine où pullulaient les rats, lesquels sont parvenus à entrer dans quelques appartements. Quid aussi de la vie en quarantaine avec des rongeurs ou des cafards ? A Créteil (Val-de-Marne), un travailleur social insiste à propos des parents taxés de laxisme : «Toute une génération de chefs de famille est d’origine villageoise. Pour eux, et ils le pensent sincèrement, le gamin ne risque rien dehors quand ils sont au travail. Il est avec des voisins, dans un espace qui leur paraît clos où tout le monde veille l’un sur l’autre. Ils ont du mal à imaginer autre chose.»

A Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), Soraya raconte la famille nombreuse dispersée. Quand on doit veiller les uns sur les autres de loin et surtout que la moyenne d’âge à l’intérieur même de l’appartement augmente. Les heures au téléphone, l’inquiétude à distance. Le père est un ex-ouvrier, la mère est au foyer depuis toujours et quatre de leurs marmots sont partis construire leur vie ailleurs. Sauf deux garçons qui approchent les 30 ans. Le retraité a du mal à rester enfermé. Les habitudes ont des relents quasi religieux : la balade au marché, le café au PMU, les discussions sur son terroir d’origine avec d’autres anciens - la routine réglée à la seconde près. Soraya, à peine la quarantaine, confie, à propos de ses deux frangins restés au bercail : «Celui qui a 27 ans est tranquille, il travaille à la banque et bosse à la maison. Celui de 28 ans en revanche… Il traîne en bas pour fumer son joint, reste avec ses potes et rentre très tard. Ça sert à quoi d’ordonner à mon père de ne pas sortir si lui fait n’importe quoi ? Il peut faire rentrer le virus. L’aîné, qui vit dans le Sud, est comme un fou. Il veut remonter pour lui faire comprendre, mais il ne peut pas. Il a ses gosses et c’est chaud de voyager.»

«Un truc de vieux»

L’époque est ce qu’elle est : on quitte le cocon familial plus tard qu’avant. Avec ce que cela crée. Dans Libé, en 2018, Thomas Sauvadet, sociologue, décortiquait le mécanisme, côté masculin : «Les garçons restent désormais plus longtemps dans le foyer familial. On a, d’une part, le père, autorité virile, et dans certains cas, un ou des jeunes hommes au chômage, en construction et en recherche de virilité. Personne n’a vraiment envie d’entrer en conflit, alors tout ce monde passe son temps à s’éviter. La communication est minimale.» Une élue de l’Essonne évoque les femmes esseulées : «J’invite ceux qui donnent des leçons à passer une demi-heure avec une mère qui élève seule des garçons costauds. Ils ne tiendraient pas quinze secondes.»

Sandrine vit seule avec ses deux filles et son fils dans un 45 m². Elle est séparée du père, brancardier dans un hôpital à Paris, qui ne voit plus ses enfants pour les protéger de la pandémie. Sandrine gère. Le salon, lieu de vie collectif, est sa chambre à coucher. Le soir, elle déplie le clic-clac. De temps en temps, elle craque : «Sur Facebook, je vois des copines dire que le confinement c’est super parce qu’elles font des siestes et regardent la télé alors que pour moi, c’est l’enfer. Je suis secrétaire, je fais du télétravail et je n’arrive pas à être efficace. Je dois aussi faire le ménage et je tente de convaincre mon fils de ne pas sortir mais il n’écoute pas. Certains de ses copains l’engrainent, lui disent que ce n’est pas grave et que le virus est un truc de vieux. Pourtant son père lui raconte l’hôpital, mais il n’y a rien à faire.»

La police a renforcé les contrôles dans les villes populaires et leurs quartiers. Les regroupements, ciment de la routine dans ces coins-ci, sont interdits. On mange, boit, fume, se déplace à plusieurs. Les halls sont des lieux de passage et de squat, soit tout ce qu’un virus contagieux adore. A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Samir, 30 ans, cadet d’une fratrie de quatre, dit : «Quand tu n’as plus l’habitude de rentrer chez toi, c’est dur de rester assis dans un canapé ou dans une chambre. La plupart de tes repères sont dehors, t’as plus l’habitude de l’intérieur, plus les réflexes, plus les bons mots. Même tes secrets sont à l’extérieur et tu ne peux pas les gérer enfermé. Moi, je ne réalise pas encore que je vais devoir rester un mois enfermé. Tu ne peux même pas parler au téléphone chez toi : tout le monde t’entend si tu appelles ta copine.» La semaine passée, Laurent Russier, maire (communiste) de cette ville, très dense, de 110 000 habitants nous expliquait : «Oui, il y a des jeunes qui traînent encore, pas beaucoup, mais des petits groupes. On ne peut pas envoyer la police parce que ça peut très vite dégénérer donc on tente de discuter, notamment avec les services de jeunesse et les médiateurs.» L’édile d’une ville voisine : «Vous allez verbaliser des familles qui ont déjà du mal à payer le loyer ?»

De Retour du turbin

A Montreuil, un père ramène tout au temps et à l’absence. Il travaille sur des chantiers, quarantaine ou pas. De 7 h 30 à 18 heures, temps de trajet non compris. Son épouse fait des ménages dans les bureaux. Elle arrive tôt le matin avant le défilé des cravates et s’en va en début d’après-midi. Ce qui crée un vide en période d’urgence sanitaire. Leurs sept enfants ont de 12 à 26 ans, dont cinq garçons qui se partagent une seule chambre. Un seul ordinateur, trois téléviseurs, qui ne suffisent pas. Le père : «Ce n’est pas facile pour eux. Ils se battent, ils crient. C’est fatigant pour toute la famille. Des copains au travail ont "peur" de rentrer à la maison à cause du bruit. Mes deux grands sortent beaucoup, mais comment les surveiller ? On leur dit qu’il ne faut pas, ils me répondent oui, mais ils poussent la porte.» De retour du turbin, la mère s’occupe des repas et surveille les devoirs des plus jeunes. L’un des deux grands, sur un ton fataliste : «Je sais qu’on peut se contaminer en sortant mais je ne fais rien de mal. Je reste en bas, je fume ma clope, je papote. Et quand je rentre, je me lave bien les mains. C’est chaud de rester à la maison. Ça voudrait dire être dans son lit une journée entière. Je ne peux pas bouger chez moi, c’est trop petit. Mes deux petites sœurs sont dans leur chambre, elles s’occupent. Mes parents sont dans le salon, devant la télé, et nous, les garçons, tu penses qu’on peut rester à cinq dans la chambre ? C’est une prison.»

25 mars 2020

Coronavirus : en France, un confinement prolongé avant la mise en place de tests à grande échelle

Par François Béguin, Chloé Hecketsweiler

Le Conseil scientifique sur le Covid-19 a estimé que la mesure devra durer jusqu’à fin avril, en attendant d’être en capacité de mener une politique de dépistage de masse.

Le retour à la vie normale va devoir attendre. Dans un avis consultatif rendu mars 24 mars, le Conseil scientifique sur le Covid-19 a estimé que le confinement mis en place le 17 mars pourrait durer « vraisemblablement au moins six semaines », soit jusqu’à fin avril. « Le confinement est actuellement la seule stratégie réellement opérationnelle, l’alternative d’une politique de dépistage à grande échelle et d’isolement des personnes détectées n’étant pas pour l’instant réalisable à l’échelle nationale », a fait valoir le groupe d’experts.

Cette préconisation n’a pour l’instant pas été reprise officiellement par le gouvernement, le ministre de la santé Olivier Véran estimant qu’il s’agissait d’une « estimation parmi d’autres ». La décision des autorités ne semble pourtant guère faire de doute. Lundi soir, le premier ministre Edouard Philippe avait averti que le confinement pouvait « durer encore quelques semaines ». Pour accompagner ses décisions, le gouvernement a annoncé mardi la création d’une seconde instance composé de douze experts, intitulé Comité analyse recherche expertise (CARE), qui aura un rôle plus opérationnel.

Dans les hôpitaux, 1 100 décès ont été enregistrés depuis le début de l’épidémie, dont 240 au cours des dernières 24 heures, a annoncé mardi soir le directeur général de santé, Jérôme Salomon. Ce bilan ne concerne toutefois que les personnes admises à l’hôpital. Or, « on sait que les décès à l’hôpital ne représentent qu’une faible part de la mortalité », a reconnu le DGS, alors que l’inquiétude monte notamment sur la mortalité dans les Ehpad, où les décès se multiplient. Plus de 2 500 patients Covid-19 se trouvaient en réanimation mardi, soit 20 % de plus que la veille.

Huit jours après l’instauration du confinement, il s’agit désormais pour les pouvoirs publics de déterminer les conditions nécessaires pour le lever en toute sécurité. « Lorsque la circulation du virus sera contrôlée, lorsque les hôpitaux auront pu soigner les malades, alors la question (…) de la levée du confinement pourra être abordée », a annoncé Olivier Véran mardi. Pour éviter un « rebond » de l’épidémie à ce moment-là, la France pourrait se convertir à une politique de dépistage de masse et de confinement ciblé.

Passer « de 5 000 tests par jour à au moins 50 000 »

Jusqu’à présent jamais clairement présentée comme telle par les autorités sanitaires, l’idée est en train de s’imposer depuis la fin de semaine dernière, et la prise de position très nette en ce sens de Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique sur le Covid-19. « L’objectif est clair : tester, tester, tester », a déclaré à son tour M. Véran lors des questions au gouvernement mardi, en rappelant que la France réalise actuellement « plus de 5 000 tests par jour », soit plus que la moyenne européenne selon lui.

Dans les scénarios de sortie de crise tels qu’ils se dessinent aujourd’hui, deux types de tests seraient menés à grande échelle. Le premier est celui en vigueur aujourd’hui : il consiste à rechercher la présence du virus dans un échantillon biologique (un prélèvement nasal) grâce à une technique d’analyse génétique appelée « PCR ». Ces tests permettraient de dépister systématiquement tous les cas suspects et leur entourage, comme cela a été fait dans les « clusters », en Haute-Savoie, dans le Haut-Rhin ou encore dans l’Oise.

« Cela nous permettra d’avoir un système plus ciblé et d’éviter que tout le monde soit confiné. Le confinement sera réservé aux malades et à leurs contacts », détaille le virologue Bruno Lina, membre du Conseil scientifique. « Aujourd’hui, comme nous ne sommes pas en capacité de faire le test de tout le monde, nous nous concentrons sur les plus importants : les soignants et les cas graves », rappelle le chercheur. Cependant, la marche est encore haute avant de pouvoir mettre en œuvre cette stratégie.

« Il faudrait passer de 5 000 tests par jour à au moins 50 000 d’ici la fin du confinement, ça va être un enjeu majeur », estime Lionel Barrand, le président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM). Son organisation a signé mardi avec de nombreux représentants des médecins hospitaliers et libéraux un communiqué alertant sur la pénurie de réactifs et d’écouvillons (les « cotons-tiges » permettant le prélèvement nasal) pour effectuer le test de dépistage du Covid-19. « C’est un appel au secours, explique Lionel Barrand. Jusqu’à présent le gouvernement n’avait pas mesuré l’importance du dépistage dans la stratégie d’éradication du virus. S’il avait dit il y a deux mois, dépêchez-vous de vous équiper, on n’en serait pas là aujourd’hui. »

Evaluer le risque de « rebond »

Un second type de test, dit sérologique, pourrait être mis en œuvre. Il consiste à rechercher dans un échantillon sanguin les anticorps qui sont la signature d’une infection par le coronavirus. « Nous pourrons ainsi connaître la part de la population qui a été immunisée, et la taille de l’épidémie, avance Bruno Lina. Cela nous donnera aussi beaucoup d’informations sur les formes symptomatiques et peu symptomatiques. » En sortie de confinement, une telle étude permettra d’évaluer le risque de « rebond », c’est-à-dire une réémergence du virus, au sein d’une population insuffisamment immunisée.

Selon les scientifiques, une deuxième vague est très probable tant que 50 % à 60 % de la population n’a pas été infectée. « Il est primordial de déterminer le nombre de personnes ayant été exposées au virus là ou il a beaucoup circulé », souligne Bruno Hoen, directeur de la recherche médicale de l’Institut Pasteur à Paris, en rappelant que le rôle des asymptomatiques dans la circulation du virus est l’une de grandes inconnues de l’épidémie.

Ces tests pourraient aussi être utilisés pour mettre en œuvre un confinement ciblé. « Une fois les contacts des malades identifiés, nous pourrons les tester pour savoir s’ils sont déjà immunisés. Dans ce cas, cela ne sert à rien de les isoler. Nous pourrons faire des tests pour dire individuellement à chacun : “Vous vous êtes protégés, car vous avez déjà eu la maladie” ou bien, « vous, vous n’êtes pas protégés », précise Bruno Lina. Pour être mis en œuvre, ces tests devront toutefois bénéficier d’un feu vert de la Haute Autorité de santé, qui étudie actuellement en urgence les données disponibles.

Cette stratégie de sortie confinement pourrait s’appuyer sur une « stratégie numérique d’identification des contacts ». En Chine, où un tel système a été mis en place dans certaines régions, l’utilisateur dispose d’un code couleur fondé sur plusieurs critères dont sa proximité géographique avec des malades qui lui permet – ou non – de prendre les transports en commun ou de se rendre dans des magasins. L’opportunité de la mise en place d’un tel système devra être étudiée par le nouveau comité mis en place mardi.

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24 mars 2020

Le dernier et si discret hommage rendu aux victimes du Covid-19

Par Lucas Barioulet

Le photographe Lucas Barioulet a suivi les obsèques, d’un Ehpad de Paris à Ruffieu, dans l’Ain, d’une victime du Covid-19. Enterrée seule, ou presque, dans le cadre des dispositions relatives à la lutte contre le virus.

Il enfile des gants, puis il protège son visage d’un masque. « En vingt ans de métier, jamais je ne me suis occupé d’une mise en bière immédiate dans de telles conditions », confie Gilles de Percin, assistant funéraire. Dans la chambre étriquée de l’Ehpad du 20e arrondissement de Paris où il pénètre, deux employés des pompes funèbres sont déjà là. Le décès a eu lieu à 4 h 30, ce mercredi 18 mars. Il est 14 heures, il faut donc faire vite. Pas de soins ni de toilette, les mesures sont strictes : la défunte, 89 ans, compte parmi les victimes du Covid-19. « Nous n’avons touché le corps que pour l’envelopper dans deux poches plastiques au lieu d’une, pour plus de sécurité », explique Micaïah, jeune employé des pompes funèbres.

Gilles de Percin doit organiser les obsèques en un temps record : vingt-quatre heures, et uniquement par téléphone. « Nous ne pouvons recevoir les familles en face-à-face, c’est difficile dans un métier ou le contact humain est essentiel », se désole-t-il. Deux agents de la police administrative entrent à leur tour dans la pièce. C’est à eux que revient la tâche de sceller le cercueil en l’absence de famille. « En ce moment, nous avons deux à trois cas par jour », constate l’un d’eux avant de repartir aussitôt. Une fois le cercueil placé dans le corbillard, direction l’église Saint-Gabriel, à quelques centaines de mètres de là. Le père Luc, proche de la défunte, a ouvert exceptionnellement sa paroisse.

Une prière pour les victimes

Dans le cadre des mesures liées à la lutte contre le Covid-19, la Conférence des évêques de France a fixé à vingt le nombre maximum de personnes autorisées à assister à une cérémonie d’obsèques. Mais, aujourd’hui, ils ne sont que deux à avoir pu faire le déplacement. Louis, un ami qui vit en Ile-de-France, est venu avec sa voiture et muni de son attestation, pour dire quelques mots. Il s’attendait à ce qu’il n’y ait personne. « Cette dame a donné sa vie aux autres [elle travaillait dans l’aide sociale] et quand elle part, il n’y a personne. C’est très dur », s’attriste le père Luc face aux sièges vides. La musique résonne. Quatre employés funéraires portent le cercueil, sur leurs épaules, jusqu’au chœur.

Depuis l’autel, le père Luc appelle à un moment de prière, pour la défunte, et pour toutes les autres victimes de la maladie. A quelques mètres, un paroissien prie, lui aussi, les mains gantées et croisées sur la poitrine. Après une courte cérémonie, le cercueil est chargé dans le corbillard. Anthony, jeune assistant funéraire de 21 ans, prend place au volant. L’inhumation aura lieu le matin suivant à 11 heures au cimetière de Ruffieu, alors il préfère partir tôt et dormir sur place. Après 5 heures de route et un contrôle de police, à 23 heures, le corps arrive dans l’Ain.

Le lendemain, seuls deux membres de la famille et deux habitantes du village sont réunis au cimetière autour du caveau familial. « D’autres voulaient venir mais le commissariat les en a dissuadés », commente Régis, le neveu de la défunte. Les mains gantées de caoutchouc, les employés des pompes funèbres locales se préparent en retrait : ils saisiront le cercueil par les poignées pour ne pas avoir de contact avec le bois. « Il ne sera pas possible de toucher le cercueil, j’en suis sincèrement navré », chuchote l’un des assistants funéraires. Régis s’approche alors doucement et se recueille une longue minute, immobile, avant de quitter le cimetière, en silence.

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ALERTE-France-Coronavirus: Les rassemblements pour des obsèques limités à une vingtaine de personnes (E.Philippe)

Invité de TF1, le Premier ministre interrogé sur la question douloureuse des obsèques précise que les rassemblements à cette occasion seront limités à « une vingtaine de personnes ».

24 mars 2020

Coronavirus : Sorties sportives limitées, marchés fermés… Edouard Philippe annonce un durcissement du confinement

edouard philippe

Invité du journal de TF1, lundi soir, le Premier ministre a estimé que le confinement pourrait encore durer « quelques semaines »

Il va signer un nouveau décret ce lundi soir, qui s’appliquera dès mardi. Face à la crise du coronavirus, Edouard Philippe a apporté des « précisions » pour durcir les exceptions au confinement. Au programme : des sorties sportives limitées à une heure quotidienne dans un rayon d’un 1 km autour du domicile, une fermeture des marchés ouverts sauf en cas de dérogation demandée par les maires, et des visites médicales restreintes aux urgences et aux soins chroniques. Alors que le Conseil scientifique doit rendre son avis mardi, le Premier ministre a estimé que « le temps du confinement pourrait encore durer quelques semaines ».

« Je sais que beaucoup de nos concitoyens aimeraient pouvoir retrouver le temps d’avant, mais il n’est pas pour demain. Le temps du confinement pourrait durer quelques semaines », a déclaré Edouard Philippe. Le nouveau décret va apporter des restrictions dans trois domaines :

Les sorties sportives ou pour promener un chien seront limitées « à 1 heure, une seule fois par jour, tout seul, dans un rayon maximum de 1 km autour de chez soi ». Il faudra donc inscrire l’horaire, en plus de la date, sur l’attestation.

Les marchés ouverts seront fermés mais « les préfets, sur avis des maires, pourront déroger à cette interdiction », selon le Premier ministre, notamment dans les villages.

Les visites chez le médecin doivent être limitées « aux urgences et aux soins programmés », notamment pour les maladies chroniques.

« Besoin d’une réserve civique »

Disant « chapeau » aux personnels soignants, Edouard Philippe a promis une « montée en puissance pour être capable de faire face à cette vague », notamment en « augmentant le nombre de lits en réanimation ou en soins intensifs » et en « garantissant à tous les soignants un accès au matériel indispensable : masques mais aussi blouses, lunettes, charlottes ou respirateurs ».

« Nous avons besoin d’une réserve civique pour accompagner les personnes âgées, en veillant à respecter les consignes de sécurité que nous imposons et notamment le confinement », a encore estimé le locataire de Matignon. Il a appelé les plus jeunes à, par exemple, aller faire les courses pour une personne âgée en laissant les commissions sur le palier.

Pas de couvre-feu national prévu pour l’instant

Du côté des verbalisations, les 135 euros d’amende forfaitaire doivent passer à 1.500 euros en cas de récidive « dans les 15 jours ». Et alors qu’une trentaine de villes ont imposé un couvre-feu, « nous ne voulons pas le faire à l’échelle de tout le pays », a assuré Edouard Philippe. Mais selon lui, l’Etat « n’hésitera à prendre des mesures de couvre-feu là où la situation sanitaire l’impose », en concertation avec les maires et les préfets.

Selon le Premier ministre, « nous ne sommes pas dans une logique de confinement absolu et général du pays, il faut que les gens mangent et que d’autres produisent ». Mais il l’a martelé : « Il faut que nos concitoyens respectent très strictement les consignes de restriction ». Il s’agit selon lui « d’un effort de solidarité nationale ».

24 mars 2020

Café fermé - confinement

café fermé

23 mars 2020

Coronavirus

corona apero (1)

corona apero (2)

23 mars 2020

Confinement - Poster sur Instagram, presque une “obligation morale” au temps du coronavirus

corona et instagram

THE ATLANTIC (WASHINGTON)

D’après The Atlantic, le confinement est en train de changer l’usage d’Instagram : plus question d’afficher ses vacances fabuleuses ou les fêtes auxquelles on a participé. Les internautes partagent désormais des images de leur quotidien ou des activités simples auxquelles ils reviennent. Et cela crée un sentiment réconfortant de cohésion.

Et si Instagram était le remède miracle contre la déprime induite par le confinement ? “Les réseaux sociaux sont tristement célèbres pour leur faculté prodigieuse à véhiculer la désinformation en temps de crise, mais ça n’empêche en rien les gens de s’y connecter pour satisfaire un besoin aigu de maintenir des liens avec autrui, assure dans un article d’opinion The Atlantic. En ce moment, ces plateformes remplissent une fonction essentielle.”

Pour le journal américain, nous avons particulièrement besoin de réseaux sociaux comme Instagram aujourd’hui, alors que la pandémie de Covid-19 pousse une grande partie de la population mondiale à rester chez elle, avec peu voire pas d’interactions sociales.

Voir ce que font les autres quand ils sont coincés chez eux a quelque chose de réconfortant. Les réactions des Italiens, des Espagnols et des Iraniens ces derniers jours, penchés à leur fenêtre pour interagir avec leurs voisins confinés, le prouvent. Il fait bon être ensemble, depuis son balcon ou sur Instagram.

Adieu les fêtes branchées, bonjour le canapé

D’autant que la plateforme change avec la crise sanitaire. “Désormais dépourvus du flot continu d’images montrant nos brunchs et selfies de vacances, et des vidéos assourdissantes où l’artiste en concert n’est même pas reconnaissable, les réseaux comme Instagram et Facebook se transforment en journaux intimes racontant nos journées cloîtrés à l’intérieur.” Les images de plages paradisiaques et de fêtes bondées laissent place à des photos montrant des scènes de la vie quotidienne : une connaissance en pleine vidéoconférence depuis son lit, un ami faisant la cuisine, des personnes inconnues étendues sur leur canapé…

Et c’est une bonne chose, affirme le magazine. Sans photos de vacances ou d’événements branchés, exit le FOMO (fear of missing out, la peur de rater quelque chose parce qu’on est resté chez soi). “La banalité n’est plus taboue.” Bien sûr, il y aura toujours des utilisateurs plus cool que d’autres, “mais ils pourront nettement moins nous regarder de haut, car nous ne jalouserons plus leurs acolytes de soirées (inexistants) ou leurs occupations (traîner sur le canapé)”.

Interrogée par le journal, Julia Deeb-Swihart, une doctorante spécialiste du phénomène des selfies, pense qu’avec le confinement ces autoportraits partagés sur les réseaux sociaux changent de fonction. On ne les partage plus pour “prouver qu’on a fait quelque chose”. “Les selfies pourraient aussi devenir plus drôles, car les graphistes et développeurs, en proie à l’ennui, vont sûrement mettre en ligne d’étranges filtres de réalité augmentée. Il y aura beaucoup plus de vidéos montrant des personnes ordinaires qui détaillent des recettes, nous apprennent des chorégraphies ou expliquent les règles de jeux de cartes régionaux​.”

C’est donc le moment de “poster sans retenue”. The Atlantic va même plus loin en affirmant qu’en cette période de crise, où le moral de la population est bas, mettre en ligne des moments de la vie quotidienne est un “devoir moral”, comparable aux nombreux dons de sang effectués par les Américains après les attentats du 11 septembre 2001. “Qu’est-ce qui fait de nous un héros, un membre pleinement intégré à la communauté ? C’est notamment publier sur les réseaux, même si ça paraît un peu absurde.”

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