Une membre des Pussy Riot signe en prison une lettre contre son compagnon
Nadejda Tolokonnikova, l'une des jeunes femmes membres du groupe contestataire russe Pussy Riot emprisonnées pour une "prière punk" anti-Poutine, a signé en prison une lettre désavouant son propre compagnon, principal artisan d'une campagne de soutien dans les pays occidentaux. "Je déclare officiellement que Piotr Verzilov n'est pas un représentant du groupe Pussy Riot", écrit Nadejda Tolokonnikova dans cette lettre manuscrite également signée par Maria Alekhina, condamnée comme elle à deux ans de détention dans la même affaire. La lettre, datée du 11 octobre, était en ligne vendredi sur le site de la radio Echo de Moscou. Troisième membre du groupe condamné à la même peine en août, Ekaterina Samoutsevitch a vu sa condamnation transformée en sursis en appel, et a été libérée mercredi. Elle a dénoncé depuis un "jeu" des autorités russes pour scinder le groupe. Piotr Verzilov "a rencontré les journalistes et a fait des déclarations au nom des Pussy Riot sans en avoir le droit", a poursuivi Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, désavouant celui qu'elle a présenté au tribunal comme son mari, et le père de sa fille de 4 ans. Ce Russo-Canadien de 25 ans, parlant couramment l'anglais, a donné depuis l'arrestation des trois jeunes femmes en mars des dizaines d'interviews aux médias étrangers, faisant office de principal porte-parole du groupe contestataire et insistant sur la signification politique de leur acte et de leur condamnation. "Les interviews passées et à venir, et les déclarations de Piotr Verzilov sur les Pussy Riot sont au minimum illégitimes, et au pire des provocations et du mensonge", a ajouté Nadejda Tolokonnikova. L'affaire a eu un grand retentissement et provoqué de nombreuses réactions critiquant généralement une condamnation disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Piotr Verzilov est notamment allé en septembre à New York recevoir au nom des Pussy Riot un prix décerné par la veuve de John Lennon, Yoko Ono. Interrogé par l'AFP, il s'est déclaré très surpris par la lettre signée par son épouse. "Je ne comprends pas", a-t-il dit. "Nous cherchons à découvrir comment (la lettre) est apparue". Ekaterina Samoutsevitch, membre du groupe libéré mercredi, s'est également déclarée étonnée, dans un entretien diffusé par la chaîne de télévision par internet Dojd. "Je suis étonnée", a-t-elle dit, "car lorsque nous nous sommes vues avec les filles dans le fourgon pénitentiaire, quand on nous emmenait au tribunal, nous n'avons pas parlé une seul fois de Petia (diminutif de Piotr, ndlr) Verzilov, ni d'un problème d'usurpation de l'activité du groupe". Un des avocats des deux jeunes femmes toujours emprisonnées, Nikolaï Polozov, a écrit sur Twitter avoir lui-même transmis la lettre. "C'est la décision de Nadejda et Maria", a-t-il écrit. Selon lui, les jeunes femmes ont reçu la visite la semaine dernière de trois autres avocats recrutés par Piotr Verzilov. "Il est possible que la lettre soit la conséquence de cette rencontre", a-t-il ajouté sans expliquer davantage. De nombreuses hypothèses ont été évoquées ces derniers jours, sur des pressions ou manipulations orchestrées ou non par les autorités, voire des luttes d'influence ou des jalousies dans l'entourage des jeunes femmes, après la libération surprise d'Ekaterina Samoutsevitch. Celle-ci avait d'abord rompu avec son avocat pour en prendre un nouveau et plaider qu'elle n'avait pas participé à la totalité des faits reprochés, une décision interprétée, malgré le démenti de l'intéressée, comme le fruit ou la source d'une scission au sein du groupe. Selon le défenseur des droits de l'homme Alexandre Podrabinek, les autorités "misent sur la jalousie, la rivalité, le soupçon d'entente avec le pouvoir, les vexations mutuelles et la défiance". "La tactique n'est pas nouvelle et elle a été testée longuement. Malheureusement, les nouvelles générations n'en ont pas suffisamment conscience", a poursuivi cet ancien dissident soviétique. Source : site Libération