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Jours tranquilles à Paris
banksy
13 décembre 2019

Un conte de Noël version Banksy à Birmingham

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Petit papa Banksy est descendu cette année à Birmingham, non pas avec des jouets par milliers, mais pour réaliser une nouvelle fresque tout en poésie. Celle-ci représente les rennes du Père Noël tirant un sans-abri assoupi sur un banc public.

I’ll Be Home by Christmas (« Je serai à la maison pour Noël », en français). C’est avec cette chanson en guise de bande-son que Banksy a dévoilé sur Instagram sa toute dernière peinture murale. Le Street Artiste a en effet publié, mardi 10 décembre, une vidéo (qui compte actuellement plus de 3 millions de vues) tournée dans le Jewellery Quarter, un quartier industriel de la ville de Birmingham, et présentant un sans-abri qui s’endort, entouré de toutes ses affaires, sur un banc public installé devant un mur de briques rouges. Lorsque le champ de la caméra s’élargit, on découvre que Banksy y a réalisé un trompe-l’œil au pochoir figurant deux rennes qui s’envolent dans le ciel étoilé et semblent tirer derrière eux, tel le traîneau du Père Noël, ce lit de fortune.

Une œuvre poétique et pleine d’espoir d’un Street Artiste engagé

« Banksy est-il le nouveau Charles Dickens ? », demande le magazine « The Guardian » en réaction à cette nouvelle œuvre. La question est légitime. Outre sa dimension esthétique, cette fresque est avant tout porteuse d’un message politique et social. Révélé deux jours avant les élections législatives en Grande-Bretagne, le pochoir met en lumière la situation des sans-abri qui passent l’hiver dehors. Mais Banksy ne fait pas dans le misérabilisme. Au lieu de chercher à inspirer la pitié, il propose un message humaniste, poétique et chargé d’espoir. Le Street Artiste ne représente par les sans-abri comme des parias mais montre ici « Ryan », tel que l’identifie Banksy, comme un individu serein et le transporte dans une mise en scène féerique grâce à son trompe-l’œil de saison.

Dans le texte qui accompagne la vidéo sur Instagram, Banksy précise : « Dieu bénisse Birmingham. Lors des vingt minutes au cours desquelles nous avons filmé Ryan sur ce banc, des passants lui ont donné une boisson chaude, deux barres de chocolat et un briquet – sans qu’il n’ait demandé quoi que ce soit », soulignant par la même occasion l’humanité des habitants de la ville anglaise. D’autre part, le choix de la musique qui accompagne les images accentue la poésie de la fresque, en sous-entendant que Ryan passera Noël à la maison. Cette œuvre reflète également la triste réalité britannique des sans-abri dans les villes. D’après « France Inter », la Grande-Bretagne en compte plus de 300 000.

Quelques heures après que Banksy a graffé les deux rennes, un inconnu leur a ajouté chacun un nez rouge. Depuis, le pochoir a été couvert d’une plaque de plexiglas afin d’éviter toute dégradation supplémentaire et de le protéger.

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5 novembre 2019

L'ex-agent de Banksy dévoile des photos inédites de l'artiste « en plein travail »

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© Brook Mitchell/Getty Images

Dans Banksy captured, qui paraîtra en décembre, Steve Lazarides, ancien agent et photographe de l'artiste, propose une série de clichés inédits de ce dernier à l’œuvre durant leurs onze années de collaboration. Le 30 juillet dernier, Lazarides avait donné un avant-goût de son livre en publiant des photos exclusives de Banksy sur Instagram. Une publication passée relativement inaperçue du fait de la faible popularité de Lazarides sur le réseau social. Comme il fallait s'y attendre, aucune des photos ne montre le visage du graffeur.

Figure de proue du street art depuis maintenant deux décennies, Banksy n’en reste pas moins l’un des personnages les énigmatiques du paysage artistique international. Résolument anticapitaliste, le Britannique originaire de Bristol génère pourtant plusieurs millions d'euros de revenu grâce aux ventes aux enchères de ses réalisations. Sa plus récente, Le parlement des singes, est partie pour 9,9 millions de livres (11.46M€) le 4 octobre dernier à Londres.

25 octobre 2019

Banksy ouvre sa boutique en ligne pour défendre son droit d’auteur

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Au début du mois d'octobre, le Street Artiste ouvrait son premier magasin éphémère à Londres. Les œuvres exposées sont aujourd'hui mises en vente sur sa boutique en ligne. Chacun peut espérer obtenir une pièce (en quantité limitée) à condition de répondre à la question suivante : « L'art est-il important ? ». Vous avez quatre heures.

Alors que son tableau Devolved Parliament s’est vendu à 11,1 millions d’euros chez Sotheby’s au début du mois d’octobre, Banksy, de son côté, a ouvert une (pseudo) boutique éphémère à Croydon, dans la banlieue sud de Londres. Intitulée « Gross Domestic Product » (« Produit intérieur brut », en français), cette nouvelle intervention de l’artiste dans l’espace public prend l’aspect d’une vaste vitrine sur rue derrière laquelle de nombreux objets et produits dérivés sont mis en scène, sur le modèle des grands magasins. On y trouve notamment un tee-shirt orné de la célèbre La Petite fille au ballon rouge dont le bas semble être passé à la déchiqueteuse (une référence à la vente aux enchères spectaculaire de l’an passé), une horloge à l’effigie de l’emblématique rat de l’artiste ou encore un tapis en fausse peau de bête qui détourne l’image de la mascotte des céréales Frosties de Kellogg’s. Malheureusement, les portes de cet alléchant pop-up store sont restées bel et bien fermées et toutes les pièces exposées viennent d’être mises en vente que sur Internet, après la « fermeture » du magasin. Quant à la raison d’être de cette installation (qui intervient quelques mois à peine après celle de la place Saint-Marc à Venise), Banksy précise lui-même dans un communiqué qu’elle est bien peu « poétique ». L’objectif est en effet ici pour l’artiste d’affirmer son droit d’auteur afin d’éviter que la société de cartes de vœux Full Color Black ne s’approprie légalement la commercialisation de son nom. Comme l’indique un texte affiché sur les lieux, la riposte la plus efficace était encore la mise en vente par l’artiste lui-même de ses propres produits (droit des marques oblige). Ce panneau, qui révèle le slogan de la boutique éphémère « Gross Domestic Product. Where art irritates life » (« Là où l’art irrite la vie »), précise également que tous les objets ont été créés en Grande-Bretagne, à partir de matériaux existants ou recyclés. Les premiers prix démarrent à £10 mais étant donné que les quantités sont extrêmement limitées, il sera probablement difficile d’acquérir l’une des créations du plus célèbre des artistes anonymes. Mais les premiers arrivés ne seront pas les premiers servis. Pour départager les acheteurs des œuvres, le Street Artiste demande aux participants de s’inscrire jusqu’au 28 octobre, de choisir un seul produit et de répondre en moins d’une cinquantaine de mots à la question : « L’art est-il important ? ». Humour noir et discours critique appréciés. Selon le souhait de Banksy, les bénéfices des ventes serviront à financer un nouveau navire de sauvetage de l’activiste Pia Klemp, l’ancien ayant été confisqué par le gouvernement italien.

5 octobre 2019

Malgré l’approche du Brexit, la fièvre de l’art résiste à Londres

Par Harry Bellet

Les ventes lors de la « Frieze Week » n’ont pas été affectées par la perspective de la sortie prochaine du Royaume-Uni de l’UE. Néanmoins, les galeristes se demandent s’il faut quitter la capitale britannique.

C’est un très grand tableau, près de 3 × 4,50 mètres, peint en 2009 par Banksy, et qui représente une séance du Parlement britannique. La facture en est classique, à ceci près que les représentants du peuple ont été remplacés par des chimpanzés, leur fourrure rêche se substituant aux soyeux costumes taillés à Savile Row. Estimée entre 1,5 et 2 millions de livres (entre 1,7 et 2,25 millions d’euros) par la maison Sothebys qui le proposait aux enchères à Londres jeudi 3 octobre, elle a été adjugée plus de quatre fois ce montant, à 9,9 millions de livres, soit 11,1 millions d’euros. En plein Brexit, on peut considérer cela comme de l’humour anglais…

Cela illustre toutefois assez bien une semaine intense, qu’à Londres on nomme désormais la « Frieze Week », du nom des deux foires, une d’art contemporain (Frieze London) et l’autre d’art plus classique (Frieze Masters), comme de la revue éponyme. Installées depuis des lustres sous deux gigantesques tentes dans Regent’s Park, elles ont fait de la ville le centre mondial du marché de l’art, au moins pour la première semaine d’octobre, et font tellement partie du paysage que des panneaux routiers spécifiques sont même installés dans les rues adjacentes pour prévenir les automobilistes des embarras de trafic qu’elles génèrent. Les maisons de ventes aux enchères leur ont emboîté le pas, proposant leurs vacations cette semaine-là, et d’autres salons se sont greffés sur l’événement, comme le PAD, le Pavillon des arts et du design, lui aussi abrité sous une tente, mais dans un autre parc, Berkeley Square, dans le quartier plus que huppé de Mayfair.

Les petits fours moins chers à Paris

Comme son nom l’indique, on y voit moins d’œuvres d’art – quoique l’exposition sur le stand du Parisien Pierre Passebon d’une série de marionnettes réalisées en 1928 par Marie Vassilieff ait pu faire tourner quelques têtes, de même que quelques très belles céramiques grecques, difficiles à assimiler à de la vaisselle ancienne, montrée par la galerie suisse Phoenix – que de mobilier et de joaillerie, mais les Londoniens fortunés en raffolent. Et l’organisateur du PAD, le Français Patrick Perrin, s’en félicite : « Les cinq quartiers du centre de Londres abritent les plus grosses fortunes au monde. Ils y habitent, ou y passent : les hôtels sont pleins en permanence, les restaurants aussi. On fait la queue devant les boutiques de luxe. En fait, la moitié de Londres travaille pour l’autre moitié qui ne travaille pas… »

Si la première moitié peut s’inquiéter du Brexit, la seconde n’en a que faire. « La principale place financière en Europe, dit Patrick Perrin, c’est Londres. Ceux qui font marcher le commerce, ce sont moins les Anglais que les “non-doms”, les “résidents non habituels”, des étrangers vivant ici mais qui paient leurs impôts dans les pays où sont leurs affaires. Si ce système est supprimé, là, il y aura une véritable hémorragie de richesse. Mais je ne vois pas un gouvernement qui aurait le courage politique de s’y risquer. » Envisage-t-il des problèmes logistiques avec un retour des contrôles aux frontières ? « Il va y avoir une période d’adaptation », concède t-il, lui qui fait venir les petits fours de son vernissage de Paris, où ils sont moins chers…

« LE PIRE POUR NOUS, C’EST L’INCERTITUDE. ON NE SAIT TOUJOURS PAS À QUOI ON VA ÊTRE CONFRONTÉ. » OLIVIER MALINGUE, GALERISTE

A deux pas de là, au vernissage de la très remarquable exposition intitulée « L’empreinte », dans sa galerie de New Bond Street, le jeune marchand Olivier Malingue est plus circonspect. Récemment implanté à Londres, il est tenu d’y rester par le bail qu’il a contracté, s’y sent très heureux, mais laisse pointer une certaine inquiétude : « Le pire pour nous, c’est l’incertitude. On ne sait toujours pas à quoi on va être confronté. » Pourtant c’est Londres, et précisément le pâté de maisons voisin, qu’a choisi la galerie sud-africaine Goodman pour s’implanter en Europe. La concentration des galeries d’art y devient impressionnante, et c’est probablement le seul quartier au monde où ce secteur a chassé les boutiques de fringues, si on peut qualifier ainsi les célébrissimes tailleurs de Savile Row.

Euphorie de fin du monde

Cependant, sur les foires Frieze, les ventes se déroulaient dans une euphorie de fin du monde, avec une tendance prononcée : les couleurs pétantes. En témoigne le succès des abstractions qu’on qualifiera, faute de mieux, de « fruitées » de l’artiste américain Jonathan Lasker présentées par la galerie Timothy Taylor − neuf tableaux vendus le premier jour. Ou bien les prix importants obtenus par la galerie Hauser & Wirth : 5 millions de dollars (4,5 millions d’euros) pour un tableau de Philip Guston, 6,5 millions de dollars pour un autre de Cy Twombly.

Mais les conversations tournaient autour du déménagement vers Paris de quelques poids lourds de la profession. Le plus emblématique est sans doute la galerie White Cube (deux adresses à Londres, une à Hong Kong) : fondée en 1993 par Jay Jopling, fils d’un ministre de l’agriculture du gouvernement Thatcher, premier promoteur des YBA (Young British Artists), les jeunes artistes britanniques qui, Damien Hirst en tête, ont défrayé la chronique de l’art contemporain des trente dernières années, elle chercherait des locaux avenue Matignon. Hauser & Wirth, originaire de Suisse mais implantée un peu partout, serait aussi intéressée, sans que la chose soit réellement confirmée. Même la Pace Gallery, superpuissance américaine, y songerait.

« QUAND J’AI OUVERT À LONDRES, JE VOULAIS UNE GALERIE EUROPÉENNE – ELLE VA DEVENIR ANGLAISE. ALORS MAINTENANT, MON EUROPE, C’EST PARIS. » DAVID ZWIRNER, GALERISTE

David Zwirner, lui, a franchi le pas : il ouvre à la mi-octobre une galerie dans le Marais, là où était auparavant Yvon Lambert. « C’est d’abord un choix idéologique, assure-t-il. Je suis d’origine allemande, et comme tel, je pense que nous devons être européens. Le business à Londres est très bon, et il le sera peut-être encore meilleur après le Brexit, qui sait ? Mais psychologiquement, c’est plus compliqué. Quand j’ai ouvert à Londres [ses premières galeries sont à New York], je voulais une galerie européenne – elle va devenir anglaise. Alors maintenant, mon Europe, c’est Paris. La politique française devient intéressante depuis quelque temps, très positive avec un jeune leader très énergique. La densité de vos musées n’a d’équivalent nulle part dans le monde. Et j’aime que mes galeries soient implantées dans des villes de culture », dit-il en montrant une sculpture de Jeff Koons dans son stand, et précisant qu’il irait assister à l’inauguration parisienne de son Bouquet of Tulips.

Tout en soulignant : « Mais dites bien à vos lecteurs que je conserve ma galerie londonienne ! » Vu les affaires colossales qu’il a réalisées à Frieze (il s’est séparé dès le premier jour d’un tableau historique de Bridget Riley, mais a également bien vendu des œuvres de Ruth Asawa, de Raoul De Keyser, de Gerhard Richter et une série de gravures de Cy Twombly), il aurait tort de s’en priver.

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Art : « Le Parlement des singes » de Banksy vendu à un prix record

C’est une œuvre visionnaire, pourtant réalisée en 2009, qui a été adjugée 9,9 millions de livres, jeudi 3 octobre lors d’une soirée à Londres. Le tableau, signé Banksy et intitulé « Devolved Parliament », avait fait les gros titres de la presse dernièrement, en grande partie parce qu’il résonne avec l’actualité anglaise, dominée par le Brexit. Estimée entre 1,7 et 2,3 millions d’euros, la toile a finalement pulvérisé tous les records, pour le plus grand plaisir de la maison d’enchères Sotheby’s. Cette dernière a ainsi annoncé que le tableau avait été adjugé après 13 minutes « d’enchères disputées », lors desquelles se sont affrontés « dix collectionneurs ». Le nom de l’heureux.se acheteur.se n’a pas encore été dévoilé.

Quant à Bansky, dont on ne connaît toujours pas l’identité, il a partagé sur Instagram une citation de Robert Hughes, critique d’art australien, accompagnée de la légende suivante : « Prix record pour une peinture de Banksy atteint ce soir. Dommage, elle ne m’appartenait plus. » « Le Parlement des singes » avait en effet été vendu en 2011 par l’artiste.

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3 octobre 2019

L’œuvre anti-Brexit de Banksy chez Sotheby’s risque de battre des records aux enchères

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Banksy, Devolved Parliament, 2009, huile sur toile, 267 x 446 cm ©Sotheby's

Jeudi prochain, une toile du célèbre Street Artiste représentant le Parlement britannique peuplé de chimpanzés sera mise en vente chez Sotheby's, à Londres.

Un an après la vente de la Petite fille au ballon rouge, déchiquetée dans la salle de ventes alors qu’elle venait d’être adjugée pour près d’1,2 million d’euros et renommée depuis Love is in the Bin (L’Amour est à la poubelle en français), Banksy fait son grand retour dans la maison de ventes londonienne. Jeudi 3 octobre, Devolved Parliament (Parlement décentralisé) sera mise aux enchères chez Sotheby’s. Cette toile, initialement exposée en 2009 au musée de Bristol avec comme titre Question Time (L’Heure du questionnement), représente les 650 parlementaires britanniques en chimpanzés. Utilisant régulièrement la représentation animale dans son travail, Banksy emploie pour la première fois le singe en 2002, dans son œuvre Laugh Now (Riez maintenant). Dans Devolved Parliament, outre la référence de science-fiction à La Planète des singes, où les primates prennent le pouvoir sur les humains, le plus célèbre des artistes anonymes utilise la figure du chimpanzé pour illustrer une version non corrompue de l’être humain tout en ajoutant, avec une touche d’humour noir, un côté primitif à ses personnages.

En mars dernier, l’artiste britannique a partagé sur Instagram Devolved Parliament en écrivant : « J’ai fait ça, il y a dix ans. Le musée de Bristol vient de l’exposer à nouveau pour marquer le jour du Brexit.  » Riez maintenant, mais un jour personne ne sera en charge  » ». Alors que la dernière œuvre anti-Brexit de Banksy située à Douvres a été dernièrement victime d’un ravalement de façade, la mise aux enchères de l’œuvre à moins de deux kilomètres du Palais de Westminster (où se situe la Chambre des Députés), un mois avant la date du Brexit, programmée le 31 octobre, est chargée de sens. « Qu’importe votre position dans le débat sur le Brexit, il n’a aucun doute que ce travail est plus pertinent maintenant qu’auparavant, capturant des niveaux de chaos politique sans précédent tout en confirmant Banksy comme le polémiste satirique de notre temps », explique Alex Branczik, chef du département d’art contemporain Europe de Sotheby’s. Jusqu’à sa mise aux enchères, Devolved Parliament est exposée chez Sotheby’s. Cette toile de 2,67 m par 4,46 m, soit le plus grand format connu du Street Artiste, est estimée entre 1,5 et 2 millions de livres sterling (entre 1,7 et 2,25 millions d’euros) selon la maison de ventes. Devolved Parliament va-t-elle battre le record actuel détenu par Keep It Spotless, vendue à 1,87 million de dollars en 2008 chez Sotheby’s, à New York ? Réponse le 3 octobre.

Agathe Hakoun

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4 septembre 2019

Entretien « Quand ces œuvres disparaissent, il y a un sentiment de perte collectif »

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Par Emmanuelle Jardonnet

Le galeriste Baptiste Ozenne revient sur le vol d’une création de Banksy près du Centre Pompidou, constaté mardi.

Le galeriste Baptiste Ozenne avait été le premier à apposer des plaques de plexiglas sur les pochoirs disséminés par le street-artiste britannique Banksy dans Paris, en juin 2018. Ce collectionneur et marchand spécialisé dans le graffiti et le street art réagit au vol, constaté mardi 3 septembre, de l’œuvre de Banksy peinte à l’arrière d’un panneau de signalisation du Centre Pompidou.

Etes-vous surpris par ce nouveau vol parisien ?

Oui et non. Il y avait déjà eu une première tentative de vol l’été dernier, la plaque de plexi posée par le Centre Pompidou avait été arrachée. Je me doutais que l’œuvre n’allait pas tenir un nouvel été. Ce vol intervient quelques jours à peine après la disparition de la fresque anti-Brexit que Banksy avait peinte en 2017 à Douvres, en Angleterre. Les voleurs ont pu se dire qu’il fallait se dépêcher avant que quelqu’un d’autre ne mette la main dessus.

Il y a de la concurrence, d’autant qu’il existe un marché d’œuvres de Banksy prélevées dans la rue : certains galeristes se spécialisent dans l’achat aux propriétaires des murs, et revendent, à 200 000, 400 000, 600 000 euros… On m’a récemment proposé à la vente le pochoir fait en décembre par Banksy dans une ville industrielle du Pays de Galles, où il dénonçait la pollution de l’air par une usine sidérurgique. Un marchand l’a acheté aux propriétaires du mur et le revend 500 000 euros.

Pour les vols, les ventes sont plus complexes. Cette œuvre n’a pas de propriétaire, et je suppose que pour des questions de prescription, elle va disparaître pendant une dizaine d’années avant d’être vendue.

Que reste-t-il de l’opération parisienne de Banksy, qui date d’il y a un peu plus d’un an ?

Les œuvres réalisées sur les murs sont plus difficiles à voler, mais sont facilement dégradables. Il reste le beau détournement du Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard dans le 19e arrondissement. Je l’avais protégé avec du plexiglas, comme l’un des rats en hommage à Mai 68, du côté de Notre-Dame. Le rat qui saute avec un bouchon de champagne à Montmartre a lui aussi survécu, mais le pochoir situé près de la Sorbonne a disparu. Celui des petits rats en habits d’époque près de la tour Eiffel et celui de la porte de La Chapelle ont également été recouverts. Celui du Bataclan a été volé…

Il y a ceux qui volent pour faire du business, et les rageux, qui graffent dessus car ils estiment que ce n’est pas ça le graffiti, ou que l’aspect éphémère des œuvres réalisées dans la rue est le processus normal des choses. Pourtant, la protection des œuvres existe : certains artistes évitent les supports qui peuvent être volés, et même sur les murs, Invader, par exemple, rend l’arrachage de ses mosaïques difficiles, voire impossible, sans les détruire. Et afin que les vols aient le moins de valeur possible, il crée aussi des doubles achetables en galerie. Avec Banksy, la tentation est très forte, vu les prix de ses œuvres, et le fait qu’il s’agit de créations in situ uniques.

Quand Banksy peint ses pochoirs dans la rue, il sait que leur statut est fragile et éphémère. Faut-il les protéger malgré tout ?

Quand il est intervenu à Paris, je savais très bien que ça se passerait comme ça, je connais le jeu. C’est pour ça que j’avais eu le réflexe d’aller acheter des plaques de plexi pour protéger six des œuvres. J’avais peur pour celui du Bataclan, je leur avais écrit pour leur conseiller de déplacer la porte avec l’hommage aux victimes à l’intérieur. Ils l’ont protégé d’une vitre solide contre le vandalisme, mais ça n’a pas suffi contre le vol. Quand ces œuvres disparaissent, il y a un sentiment de perte collectif. Certaines interventions d’artistes dans la rue, celles de Banksy en particulier, deviennent iconiques. Elles marquent l’histoire d’un lieu, et deviennent du patrimoine culturel, des monuments en soi, que certaines personnes viennent voir de loin. Donc oui, on peut envisager de les protéger, comme aujourd’hui on restaure des fresques de Keith Haring.

Certains artistes intervenus sur des murs brillent par leur puissance, à nous de protéger leur travail à temps. Quand Banksy sera mort, les villes qui auront su garder ses œuvres seront riches de cette histoire. C’est dommage que ce soit les gens qui les volent qui reconnaissent leur valeur. Les pochoirs du Centre Pompidou et du Bataclan auraient pu être mieux protégés. J’espère que les gens commencent à comprendre qu’il faut prendre les devants. Là, on a bien vu que ça arrive à chaque fois, ce n’est pas une option. Dès que les peintures sont sur un support amovible, il faut les mettre à l’abri. Pour les murs, il n’y a rien d’autre à faire que le plexi. Je pense que le Napoléon à cheval est convoité, mais le propriétaire du mur n’est pas un privé, c’est un logement social. A Londres, la protection des Banksy est entrée dans les mœurs : ils sont systématiquement protégés par des vitres, parfois blindées, depuis dix ou quinze ans, et ça marche.

3 septembre 2019

Banksy

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L'oeuvre de Bansky dérobée près du Centre Georges Pompidou à Paris. (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP)

Une œuvre attribuée à l'artiste de rue le plus célèbre au monde, Banksy, a été dérobée à Paris dans la nuit du dimanche 1er au lundi 2 septembre, a appris franceinfo de source proche de l'enquête, confirmant une information de LCI.

Le graffiti est une représentation de l'iconique rat de l'artiste. L'animal porte un foulard et semble déclencher une bombe. L'œuvre était peinte à l'arrière d'un panneau de signalisation, au 36 rue Rambuteau dans le 3e arrondissement de Paris. La partie en plexiglas du panneau qui indique la direction du Centre Georges Pompidou a été dérobée.

Cette affaire de "vol d'œuvre d'art", comme elle est caractérisée par la police, a été confiée au commissariat du 4e arrondissement. Une petite dizaine d'œuvres de Banksy, artiste originaire de Bristol en Angleterre, sont répertoriées à Paris.

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28 juillet 2019

Banksy à Venise ?

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21 juillet 2019

Banksy ?

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14 juillet 2019

Enquête - A la poursuite de Banksy, le fantôme du street art

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Par François Krug, Roxana Azimi

Depuis plus de quinze ans, le mystère autour de l’identité de la star des street-artistes entretient sa légende et fait grimper sa cote. En 2008, le tabloïd britannique « Daily Mail » avait pourtant probablement levé le voile. La piste mène à Bristol, sur les traces d’un certain Robin Gunningham.

Il est autour de trois heures du matin, ce 25 juin 2018, quand le téléphone sonne. « Des appels en pleine nuit concernant le Bataclan, ça affole forcément, raconte Jules Frutos, à l’époque cogérant de la salle de concerts parisienne. J’y vais. Il y a déjà un attroupement. Des gens prennent des photos. » Tous fixent la porte de secours, par laquelle une partie des spectateurs a fui l’attaque terroriste du 13 novembre 2015. Une madone au regard triste y est apparue, bombée au pochoir. L’auteur n’a pas laissé de signature, mais elle est évidente.

On sait que Banksy est à Paris. Depuis quelques jours, la star du street art a laissé une dizaine de traces sur les murs de la capitale. Ses fans et les journalistes le pistent, mais ignorent toujours son visage, et même son mode opératoire. Cette fois, il y a des images. Une caméra de surveillance pointe sur l’issue de secours du Bataclan. Quand on lui demande s’il a regardé la vidéo et ce qu’il y a vu, Jules Frutos élude : « Je ne peux pas en parler. D’un côté, il y a l’artiste. De l’autre, le remue-ménage. Ça n’apporte rien. »

Il est encore autour de trois heures du matin, le 26 janvier 2019, quand l’alarme du Bataclan se déclenche. Cette fois, on sait ce que la caméra a filmé. Des hommes cagoulés ont découpé la porte de derrière à la meuleuse, et embarqué le Banksy. Pour porter plainte, il a fallu se creuser la tête sur le statut juridique de ce graffiti même pas signé. Avait-on volé une œuvre d’art ou un vulgaire morceau de porte ? L’enquête a été banalement ouverte pour « vol avec dégradation en bande organisée ». « Elle est en cours », se contente d’indiquer le parquet.

Ainsi se construit, depuis plus de quinze ans, la légende Banksy. La nuit est Banksy. La rumeur est Banksy. Banksy, c’est l’homme des punchlines corrosives et des images efficaces aérosolées, comme cette fillette au ballon en forme de cœur peinte en 2002 sur le pont de Waterloo, à Londres, et déclinée depuis en estampes, mugs et tee-shirts. L’artiste, qui se joue de toutes les autorités – policière, politique ou financière –, est surtout un petit génie de l’autopromotion et de la manipulation.

Théories fumeuses

En 2015, il ouvre un parc d’attractions dystopique baptisé Dismaland à Weston-super-Mare (Royaume-Uni), une sinistre ville balnéaire près de Bristol. Deux ans plus tard, il installe l’Hôtel Walled Off à Bethléem, au pied du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie. En 2018, le voilà qui sabote en direct une vente d’une de ses œuvres chez Sotheby’s. Un dessin reprenant la fillette au ballon venait à peine d’être adjugé pour un million d’euros qu’un mécanisme caché dans le cadre l’a broyé en fines lamelles.

Pour en rester à sa production française, le rebelle avait défendu, avant sa madone du Bataclan, les migrants de Calais avec un pochoir représentant Steve Jobs un baluchon dans la main, un ordinateur dans l’autre, rappelant que le fondateur d’Apple fut le fils d’un migrant syrien. C’est peu de dire que l’artiste divise : héraut moderne du street art politique (résolument à gauche) pour les uns, usurpateur sans grand talent pour les autres. « Banksy, c’est le génie des évidences », grince le critique d’art Jonathan Jones dans le Guardian.

Le chef-d’œuvre de Banksy, c’est finalement Banksy lui-même. Machine à fantasmes, il a eu le talent d’enrôler, pour écrire sa légende ou la protéger, tous ceux qui l’ont approché. Les innombrables démarches visant à le démasquer – avant celle-ci – ont toutes conduit à faire grimper sa cote, amplifiant l’intérêt du monde de l’art, au sens financier du terme.

Ainsi, à en croire un obscur auteur anglais, William Kasper, « Banksy » masque un groupe de quatre hommes sévissant aux quatre coins du monde. L’artiste canadien Christopher Healey conteste cette version, prétendant plutôt qu’il s’agit d’un collectif de sept membres menés par une femme blonde. Sauf que, une fois contacté par courriel, cet homme refuse de livrer l’ombre d’un début de preuve, se contentant d’un très sibyllin « votre grille de recherche est peut-être faussée ».

D’autres hypothèses peuvent sembler tout aussi sérieuses… En 2016, le blogueur écossais Craig Williams affirme ainsi que Banksy n’est autre que Robert Del Naja, le leader de Massive Attack, sous prétexte que ses pochoirs ont souvent surgi dans les villes où s’est produit le groupe britannique. En 2018, une source anonyme assure qu’il s’agit de Jamie Hewlett, cofondateur du groupe Gorillaz. À moins que ce ne soit l’artiste Damien Hirst himself ! Deux indices pour croire ce mensonge : l’ex-Young British Artist a hébergé son protégé dans son studio pendant trois ans et, cosignant un travail à quatre mains, l’a porté en 2008 à un record d’enchères, 1,8 million de dollars chez Sotheby’s. On ne prête qu’aux riches…

La piste Robin Gunningham

La lecture d’un vieil article du Daily Mail, cependant, mérite attention. L’enquête, publiée en 2008, indique que Banksy est le pseudo d’un certain Robin Gunningham, de Bristol, avec photo à l’appui. Or ce scoop a été corroboré, en 2015, par des portraits concordants publiés sur le site de Whitehot Magazine ainsi que, l’année suivante, par les criminologues de l’université Queen Mary de Londres utilisant les méthodes de profilage géographique habituellement appliquées aux tueurs en série.

« APRÈS MÛRE RÉFLEXION JE RENONCE À VOUS ACCUEILLIR », NOUS ÉCRIT CHRISTIAN GUÉMY, ALIAS C215, DÉCOMMANDANT UN RENDEZ-VOUS AU PRÉTEXTE DE NE PAS « CONTRIBUER À CE NOUVEL ARTICLE INUTILE SUR BANKSY »

Pour ce qui est de la révélation du Daily Mail, sa piètre réputation de tabloïd conservateur fait qu’elle a été ignorée par la grande presse, ce qui permet à Banksy de continuer à vivre caché et à sa légende de prospérer. Au grand soulagement de tous ceux qui, pour diverses raisons, veulent nous détourner de l’homme Robin Gunningham pour mieux entretenir le mythe Banksy.

« Me demanderiez-vous si j’ai rencontré Batman ? », nous répond ainsi la galeriste Magda Danysz, la papesse parisienne de l’art urbain, lorsqu’on l’interroge naïvement. Dans la communauté du street art, habituée à échapper à la police et à tout autre interrogatoire, l’esquive est la règle. « Par respect pour mon camarade artiste, je ne pourrai pas répondre à vos questions sur son identité », décline poliment par texto le grapheur et entrepreneur André qui, au début des années 2000, avait invité Banksy à intervenir dans son concept store Black Block, au Palais de Tokyo.

« Après mûre réflexion je renonce à vous accueillir », nous écrit Christian Guémy, alias C215, décommandant un rendez-vous au prétexte de ne pas « contribuer à ce nouvel article inutile sur Banksy ». On a alors tout misé sur Thierry Guetta le héros (malgré lui ?) du film de Banksy, Faites le mur !. Ce Français de Los Angeles n’a pas vraiment le beau rôle dans ce documentaire nommé aux Oscars, où, sous la pression de Banksy qui apparaît le visage caché et la voix modifiée, il se métamorphose devant la caméra en street-artiste ni très bon ni très futé. Las, celui qui se fait désormais appeler Mr Brainwash n’a donné suite à aucun de nos courriels.

On s’est rabattu sur le pochoiriste Xavier Prou, alias Blek le Rat, qui, dans le documentaire Graffiti Wars : Banksy vs Robbo, semblait bien agacé que son cadet se soit approprié son motif fétiche, un rat, qu’il avait créé en 1981. Joint au téléphone, l’artiste français botte en touche, tout en confiant n’avoir dîné à ses côtés qu’une seule fois, « il y a plus de dix ans », dans un restaurant de Shoreditch, dans l’Est londonien. « Ce n’est que lorsqu’il est parti qu’on m’a dit que c’était Banksy », rapporte-t-il. Lorsque, sans y croire, on s’enquiert du physique de l’invité mystère, la repartie cingle : « Vous travaillez quand même pas pour Gala ? »

Jérémie Rozan, cofondateur du concept store branché Surface to Air a, lui, bien voulu nous raconter la fois où Banksy y a exposé. Nous sommes en janvier 2003. Banksy jouit déjà d’une petite notoriété, sans être la star qu’on connaît. Mais il protège déjà farouchement son identité. « Il fallait d’abord appeler un café à Bristol et, après, Steve Lazarides, son agent, nous rappelait », se souvient Jérémie Rozan. Armé d’un carton rempli de pochoirs, Banksy débarque à Paris et crèche chez les uns et les autres. On lui laisse les clés de la boutique pour qu’il œuvre à sa guise trois heures durant. Banksy en profite pour bomber toute la collection de posters laissés en cadeau par les précédents artistes invités ! D’abord énervée, l’équipe a pris le parti d’en rire.

S’il ne se rendait habituellement jamais à ses vernissages, traînant plutôt incognito au bar d’en face, Banksy était ce 25 janvier 2003 de la fête, buvant sa Corona comme tout le monde, sans s’inquiéter des appareils photo. C’était un autre temps. Aujourd’hui, le street-artiste américain Shepard Fairey, qui, lui, avance à visage découvert, regrette le temps où ils traînaient ensemble. « Il est drôle et plein d’esprit, mais il n’aime pas trop fréquenter les gens, confie-t-il, à l’occasion d’un passage à Paris. C’est dur désormais de le voir, il est devenu très solitaire. »

Retour à Bristol

Où vit-il ? Quel est son mode opératoire ? Agit-il seul, de jour, de nuit ? Combien de temps met-il pour concevoir un pochoir ? A en croire un proche, notre homme aurait toujours œuvré en pleine journée, dans l’indifférence des passants. Il est pourtant un pochoir représentant la chute d’une femme avec son charriot, que l’artiste a peint à coup sûr de nuit, en novembre 2011, sur un immeuble de bureaux désaffecté de Bruton Lane, à Londres. « J’étais de garde ce soir-là, raconte le vigile pakistanais, toujours en poste huit ans après au pied du bâtiment voué à une destruction prochaine. Il faisait froid, et il y avait de la neige. Je n’ai rien vu ni entendu jusqu’à ce que je découvre le pochoir à sept heures du matin. » Cet homme jovial se repasse le film de la soirée : « Mais comment a-t-il pu faire ça ? Il neigeait, je ne vois pas comment il a pu utiliser une échelle. » Aurait-il pu emprunter le toit ? « Impossible, on ne peut pas accrocher de corde », assure-t-il.

« SUR BANKSY, CHACUN A UNE VERSION ET PENSE QU’IL A LA BONNE. ET PUIS, LES GENS AIMENT ÊTRE LIÉS À UN SECRET. SI TOUT LE MONDE SAIT, C’EST BEAUCOUP MOINS VALORISANT »

INKIE, COMPLICE DE JEUNESSE DE BANKSY

Pour tenter de résoudre l’énigme Banksy, il faut peut-être revenir aux sources. Bristol, 450 000 habitants, dans le sud-ouest de l’Angleterre, entre campagne et mer. Son architecture victorienne, ses rives de l’Avon, ses entrepôts portuaires transformés en appartements pour bobos et, surtout, son street art. Il y a été importé au début des années 1980 en même temps que le hip-hop, par des pionniers comme 3D, de son vrai nom Robert Del Naja, le futur chanteur de Massive Attack, autre gloire locale. « Les autorités sont mal à l’aise avec les graffitis, explique d’emblée Richard Jones, patron de la maison d’édition locale Tangent Books, auteur de plusieurs livres sur le sujet. Elles ne savent pas quoi faire de Banksy puisque son travail est considéré comme un délit. On dépense des dizaines de milliers de livres par an contre les graffitis alors que ça rapporte des millions au tourisme local. »

Sur l’artère longeant la mairie, un homme nu est pendu dans le vide, accroché d’une main à la fenêtre de sa maîtresse, échappant au mari suspicieux. En hauteur, grand format, cette œuvre de 2006 a nourri la légende. Pour ses admirateurs, l’audacieux Banksy est venu défier sous ses fenêtres un conseil municipal qui faisait la guerre aux graffitis. Ses détracteurs soulignent que, de mèche avec le propriétaire, la star avait loué un échafaudage et travaillé caché par une bâche. À l’écart du centre-ville, sur Portland Square, une grille bloque l’accès à un immeuble en ruine. On doit scruter la façade à distance. En 1999, Banksy a apposé ici le logo de Blowpop Records, un petit label électro. Il a aussi utilisé son pochoir pour la pochette d’un disque du label, sorti à une centaine d’exemplaires. Dans la rue, le graffiti s’est presque effacé. En ligne, le disque se négocie à partir de 6 200 euros.

Faut-il y voir une coïncidence, mais, quelques années auparavant, un dénommé Robin Gunningham avait justement signé les jaquettes noir et blanc de deux cassettes audio : les albums d’un groupe de Bristol inconnu, Mother Samosa, sortis en 1993 et 1994. Les connaisseurs sont convaincus de reconnaître dans les dessins de Gunningham le futur style de Banksy. D’ailleurs, à l’été 2018, le site de vente en ligne MyArtBroker propose les épreuves de dessins signés Robin Gunningham. Mais, depuis, ces hypothétiques œuvres de jeunesse ont été retirées de la vente.

Un obscur groupe de ska

Pourquoi ? Par qui ? On part à la chasse aux anciens membres de Mother Samosa. Sur Internet, aucune information sur le groupe. Juste un album traînant sur les plates-formes musicales, mélange de ska, de punk et de folk. Sur Spotify, il affiche une moyenne de cinq auditeurs par mois, autant dire personne. On finit par repêcher un message au fond d’un forum, fermé depuis des années, consacré au tatouage. Un certain Easy raconte sa vie. Il jouait dans le groupe : « Essayez de deviner qui a fait les pochettes de nos albums. » On retrouve sa trace sur un forum consacré cette fois aux Combi Volkswagen. Il y évoque encore son groupe et « un artiste très connu ». On s’inscrit dans l’espoir de discuter avec l’homme qui aurait travaillé avec le futur Banksy. Il écrit quelques jours plus tard : « Que puis-je faire pour vous ? » On lui explique s’intéresser aux pochettes des deux albums. Notre message restera sans réponse. C’est un cul-de-sac.

Toujours à Bristol, on traverse le quartier de Montpelier, où l’on tombe, cette fois, sur la fresque Take The Money And Run (« prends l’argent et tire-toi »), réalisée il y a près de vingt ans. Le jeune Banksy l’a peinte avec deux aînés, Mode 2 et Inkie, un de ses grands complices de jeunesse. Après plusieurs relances, Inkie finit par nous donner rendez-vous au Full Moon, un pub enchaînant les soirées autour du street art. « Sur Banksy, chacun a une version et pense qu’il a la bonne, résume-t-il. Et puis, les gens aiment être liés à un secret. Si tout le monde sait, c’est beaucoup moins amusant et valorisant pour eux. » Inkie n’est pas du genre à briser un secret, mais il veut bien aider à y voir clair. « J’étais à la fac avec Steve, j’ai rencontré Banksy, puis on a peint ensemble à partir de 1996 ou 1997, après on a déménagé pour Londres au même moment… », raconte-il.

Il rigole quand on lui avoue ne pas comprendre le mode opératoire de son ami. C’est pourtant simple. « Il a été le premier à utiliser des pochoirs. C’était interdit pour un auteur de graffiti, qui doit travailler à la main libre. Avec un pochoir, on va vite et partout. C’est comme ça qu’on peut faire des rats partout en une nuit ! Ça prend deux minutes, ça mécanise le graffiti, et c’est pour ça que c’était tabou. » Ça permet aussi de déléguer, sans prendre soi-même de risques inutiles. « Bien sûr qu’il a une équipe. Damien Hirst ne fait pas lui-même ses peintures et Jeff Koons ne fabrique pas ses sculptures. »

On tente le tout pour le tout : Banksy s’appelle-t-il bien Robin Gunningham ? Rire. « Ça se pourrait, mais je ne vous le dirai pas. » Pourtant, Inkie enchaîne de lui-même sur l’explication du pseudonyme. Là encore, c’est si évident. « Robin » a fait penser à « robbing banks » (« dévaliser des banques »), d’où « Robin Banks » puis « Banksy ». Nouveau rire de son côté, joie puis méfiance du nôtre. Deux minutes plus tôt, le même Inkie soulignait le talent de Banksy et de son entourage pour les écrans de fumée. En voilà peut-être un de plus. Plus tard, au téléphone, il nous confiera regretter que Banksy « n’aide pas davantage ses vieux copains qui logent dans des HLM et se démènent pour survivre ».

Photos volées

On devine que certaines aigreurs ont pu laisser des traces difficiles à effacer. Ancien producteur de films porno devenu artiste, AK47, comme le fusil d’assaut, en a gros sur le cœur depuis que Banksy a refusé de lui signer une estampe qu’il avait achetée quelques années plus tôt et qu’il avait voulu revendre pour se renflouer. « À l’époque, il n’était rien », s’étrangle-t-il, dans son fort accent du Yorkshire. Pour se venger, cet homme haut en couleur lui joue un vilain tour en 2004 en orchestrant le rapt d’une sculpture de Banksy lourde de trente-cinq tonnes, The Drinker, détournement du Penseur de Rodin, que l’artiste avait « offerte » à Londres.

De cet enlèvement et de la demande de rançon qui s’ensuit, AK47 tirera un documentaire qui fera grand bruit dans le Landerneau. Même s’il pense aujourd’hui que « Banksy est mal poli et arrogant avec les gens et qu’il ne respecte personne », AK47 ne lâche pas le morceau tout en nous encourageant à prendre langue avec Steve Lazarides, « le Malcolm McLaren du street art. Banksy lui doit tout ».

« ON S’EST TELLEMENT JOUÉ DES GENS QUE, MÊME SI JE VOUS MONTRAIS LA VRAIE IMAGE AVEC BANKSY EN TRAIN DE PEINDRE, VOUS PENSEREZ QUE C’EST “FAKE” ! »

STEVE LAZARIDES, ANCIEN AGENT DE BANKSY

Aussi malin, embrouilleur, bluffeur et visionnaire que « l’inventeur » des Sex Pistols, Lazarides fut dix ans durant le porte-parole, agent et marchand officiel de Banksy. C’est à Londres, au dernier étage d’un bâtiment en brique près du quartier commerçant d’Oxford Circus, que nous accueille le complice et témoin – pas moins de cinq cents clichés dans ses archives – de ses coups pendables, dont le souvenir le fait encore hurler de rire. Comme ce jour d’avril 2004 où Banksy avait installé un rat empaillé au Muséum d’histoire naturelle de Londres. « Du grand art ! », jubile-t-il en nous montrant quelques photos souvenir inédites, dont il masque sciemment du doigt le personnage-clé.

« Regardez ça ! » Et de sortir triomphant une liasse d’images prises dans une ferme anglaise où Banksy aura toutes les peines du monde à peinturlurer d’aimables ruminantes. Le provocateur prendra d’ailleurs goût au support animal : en 2006, pour l’exposition « Barely Legal » à Los Angeles, il ripoline en rose un éléphant vivant qui n’en demandait pas tant. Une polémique s’ensuit et le lance sur orbite. La marque Banksy était née.

Depuis onze ans, les deux hommes ont rompu tout lien. Question d’argent et d’ego, murmure-t-on en ville. « Banksy ne me manque pas », assure Lazarides, qui juge leur relation trop « dévorante ». Mais dans son bureau, où les basses font trembler les murs dès 9 heures du matin, les estampes iconiques de l’ancien camarade sont aussi présentes que les photos de ses trois gosses. Car l’homme invisible est, encore aujourd’hui, son fonds de commerce. Si Lazarides a enfreint une des règles de Banksy – il organise des expositions très médiatiques sans son consentement –, il n’entend pas violer ses secrets.

« Avec Banksy, on a été les rois des “fake news” », lâche-t-il goguenard. Et d’ajouter : « On s’est tellement joué des gens que, même si je vous montrais la vraie image, avec l’équipe, le pochoir, Banksy en train de peindre, vous penserez que c’est “fake” ! » Profitant d’une brève absence de notre hôte, nous avons scanné à son insu quelques photos laissées négligemment sur le bureau. On y voit un jeune homme en train de taguer un tunnel sur Rivington Street à Londres, près du bar Cargo, où se trouvent encore deux de ses graffitis soigneusement préservés sous Plexiglas. Le rouquin-brun des clichés est on ne peut plus ordinaire. Et il ressemble bigrement… à la photo de Robin Gunningham publiée par le Daily Mail.

Le témoin jamaïcain

Pour confirmer cette image, sans dévoiler notre forfait, nous avons contacté le seul journaliste qui a rencontré l’homme invisible – ou peut-être sa doublure ? –, Simon Hattenstone, un intervieweur star du Guardian. Les deux hommes ont conversé autour d’une pinte de Guinness dans un bar du quartier de Hoxton en 2003. Etait-il sûr qu’il s’agissait de Banksy ? « Il en parlait trop bien pour que ça ne fasse pas vrai », assure aujourd’hui le reporter en marcel noir dans un patio au bord de l’eau, au pied de l’immeuble du Guardian.

Simon Hattenstone se souvient d’un jeune gars vif qui « avait l’intelligence des situations » mais assez quelconque physiquement – « on ne le remarquerait pas vraiment si on le croisait dans la rue ». Au cours d’une seconde rencontre, Banksy lui confiera son rêve d’écrire un scénario autour de demandeurs d’asile libyens. Indifférent au début de buzz qui entourait déjà l’artiste, Simon Hattenstone n’a pas pris la peine de le photographier – « ça aurait été déplacé ». Confronté à la photo en une du Daily Mail, il dit ne plus trop se souvenir de son visage. Et puis, admet-il, le sujet Banksy ne l’a vraiment pas hanté.

Pas plus qu’il n’a taraudé l’artiste Caledonia Dance Curry, alias Swoon. Lorsqu’à l’occasion d’une exposition à Paris nous lui montrons les images du tabloïd et celles que nous avons subtilisées, elle ne sait trop quoi penser. La seule fois qu’elle l’a vu, c’était en 2005, lors du festival de street art Backjumps, à Berlin. « Il était marrant, un peu con, très sûr de lui, raconte cette sympathique rousse new-yorkaise. Et il lançait des trucs bizarres, du genre : “Je ne suis pas ici pour qu’on devienne ami mais pour vous détruire.” » Mais, ajoute-t-elle, « ses engagements, que ce soit en Palestine ou plus tôt dans le Chiapas, au Mexique, n’étaient pas du chiqué ».

La seule façon de tirer les choses au clair serait de joindre l’auteur de la photo du Daily Mail, le Jamaïquain Peter Dean Rickards. Las, celui-ci est mort en 2014 et ses souvenirs enterrés avec lui. Un de ses proches accepte toutefois de nous narrer les dessous de l’affaire sous couvert d’anonymat. Lors de son passage en Jamaïque, en 2004, Banksy se serait montré « arrogant et impoli avec tout le monde ». « Quand Peter a parlé de ses photos, Banksy a lâché méchamment : “Moi, je fais de vraies images.” » Excédé, Peter Dean Rickards publie alors sur son site Internet cinq ou six photos qu’il avait prises de Banksy à Kingston. Mais l’artiste lui rachète les droits pour éviter que l’affaire ne s’ébruite.

La holding de Banksy

Pour entretenir ce voile de mystères, Banksy peut aujourd’hui compter sur Holly Cushing, sa manageuse depuis la brouille avec Lazarides. « Elle a été la communicante de Sean Penn à Hollywood et elle pratique l’intimidation », assure le marchand londonien Robin Barton, qui avait négocié plusieurs muraux sans le consentement de Banksy. Avec le comptable Simon Durban, elle gère un petit groupe, avec sa holding et ses filiales spécialisées, dûment enregistrées, mais sans que jamais le nom de l’artiste n’apparaisse. Elles sont toutes domiciliées à la même adresse, mais inutile de sonner à la porte. Au registre du commerce, 37 263 entreprises partagent ces bureaux, ceux d’une société de domiciliation au service des investisseurs et patrons discrets.

Au sommet du groupe trône la société PicturesOnWalls, à l’origine un collectif dont Banksy n’était qu’un membre parmi d’autres. Dans ses derniers comptes, elle annonce deux millions de livres (2,2 millions d’euros) de trésorerie. Jusqu’en 2016, elle avait pour actionnaire unique Jamie Hewlett, moitié du groupe Gorillaz et lui aussi street-artiste reconnu. D’où la rumeur : et si Banksy, c’était lui ? Mais, en 2016, Hewlett vend ses parts à un certain Mark Chambers, dont on sait simplement qu’il est australien, approche des 50 ans et habite en Californie. Petit détail tout de même : il y aurait travaillé sur une exposition organisée par Banksy.

En 2008, Banksy, devenant une star, une première filiale vient répondre à une nécessité : l’authentification de ses œuvres. Son nom : Pest Control Office, terme générique pour les sociétés de dératisation et référence à l’animal fétiche de l’artiste. Sur son site, ceux qui croient détenir un Banksy n’ont qu’à remplir un formulaire, envoyer une photo, et croiser les doigts en attendant le verdict. C’est gratuit, mais il est aussi arrivé à Pest Control de vendre des œuvres, assez pour détenir 2,7 millions de livres (3 millions d’euros) dans ses caisses. Au fil des années, elle a été rejointe par Paranoid Pictures pour le cinéma – productrice du film Faites le mur !, Gross Domestic Product pour les livres et Dismaland Limited pour le parc d’attractions éphémère, monté en 2015.

On se souvient alors que lors de notre pèlerinage à Bristol, dans une allée envahie par les mauvaises herbes, on a cru découvrir la dernière œuvre de la star : une écolière crayon à la main, devant une maison qu’elle vient de dessiner. Banksy ne l’avait-il pas déjà peinte aux États-Unis ? Sauf qu’ici l’enfant a ajouté un message sur la maison : « Droit d’auteur, défense d’entrer ». Un jeune street-artiste local, John D’oh, avouera avoir voulu dénoncer l’ambiguïté de son aîné « quand il est question d’argent ».

Une référence au jugement rendu en janvier par un tribunal de Milan, contre les organisateurs d’une exposition non autorisée. Pest Control a alors obtenu leur condamnation pour avoir vendu des cartes postales ou des marque-pages reproduisant des œuvres célèbres, pourtant enregistrées comme marques commerciales. Pest Control dénonçait aussi une violation du droit d’auteur de l’artiste, mais, là, les juges n’ont pas suivi : il aurait fallu que l’artiste lésé sorte de l’ombre. Et que Banksy tombe enfin le masque…

Il y a à peine deux semaines, notre Zorro du pochoir planétaire a une fois de plus réussi à faire parler de lui. C’était le dernier week-end de juin, à une heure de route au sud de Bristol, au festival de Glastonbury. « On y va depuis vingt ans et, chaque année, on peint quelque chose », raconte Inkie, son complice d’autrefois. Ce coup-ci, lui a peint une arche colorée dans les coulisses, en mémoire d’une membre de l’équipe du festival. Banksy, lui, s’est invité sur le dos de la vedette la plus attendue.

Devant 100 000 spectateurs et bien plus de téléspectateurs, le rappeur Stormzy est monté sur scène vêtu d’un gilet de protection contre les armes blanches, peint d’un Union Jack signé Banksy. Le mécanisme habituel s’est mis en branle. Sur son compte officiel Instagram, le maître a authentifié son œuvre. Par le même canal, le bénéficiaire a exprimé sa gratitude, saluant « le plus grand et le plus iconique artiste vivant sur la planète Terre, le seul et l’unique Banksy ». Les éditorialistes ont éditorialisé. Les experts ont expertisé, ceux de MyArtBroker situant la valeur de cette nouvelle œuvre à plus de 200 000 livres. Banksy avait une nouvelle fois réussi son coup.

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