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Jours tranquilles à Paris
boris johnson
7 avril 2020

Boris Johnson hospitalisé, le Royaume-Uni en petite forme

boris22

Par Sonia Delesalle-Stolper, Correspondante à Londres —  LIBERATION

Les interrogations autour de l’hospitalisation du Premier ministre et de sa capacité à gouverner se multiplient dans un contexte où l’absence de stratégie claire face à l’épidémie est de plus en plus criante.

Sur la rive sud de la Tamise, au coin du pont de Westminster, St Thomas’Hospital est un rectangle massif construit dans les années 70. S’il est en état de regarder par la fenêtre de sa chambre, Boris Johnson peut contempler le Parlement, juste en face, de l’autre côté du fleuve. A moins de 300 mètres se trouvent Downing Street et l’appartement, au numéro 11, où il était reclus depuis dix jours avant son admission à l’hôpital dimanche soir.

«Nuit confortable».

L’état de santé réel de Boris Johnson, testé positif au Covid-19 il y a onze jours, interroge de plus en plus alors que le pays est aux prises avec une crise historique. Selon les scientifiques, le pic de l’épidémie devrait toucher le Royaume-Uni d’ici sept à dix jours. Aux inquiétudes autour de la santé du Premier ministre et de sa capacité à gouverner depuis un lit d’hôpital, se greffe un sentiment global de confusion concernant la stratégie du gouvernement, le tout sur fond d’escarmouches entre les différents ministres encore en bonne santé.

Le Premier ministre est «plus que jamais aux commandes du gouvernement», a voulu rassurer lundi matin sur tous les médias Robert Jenrick, ministre au Logement. Mais quelques minutes plus tard, Downing Street précisait que Boris Johnson resterait «hospitalisé le temps qu’il faudra», avant d’ajouter qu’il avait passé «une nuit confortable». Le porte-parole annonçait aussi l’annulation pure et simple de la réunion hebdomadaire du cabinet, qui rassemble chaque mardi les 26 principaux ministres autour du chef du gouvernement. Dans un tweet publié en début d’après-midi lundi, Boris Johnson a indiqué qu’il avait «bon moral» et restait «en contact avec [s] on équipe alors que nous luttons ensemble contre ce virus».

Lundi matin, la réunion quotidienne de crise sur la gestion de l’épidémie de Covid-19 a été présidée par le ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab. Constitutionnellement, sa position de First Secretary of State le désigne pour assurer les affaires courantes lorsque le Premier ministre est dans l’incapacité de le faire. A ses côtés opère Mark Sedwill, secrétaire général du gouvernement et, à ce titre, plus haut fonctionnaire du pays. Depuis plusieurs jours, les rumeurs abondent sur une mésentente entre ces deux personnages mais aussi entre le ministre de la Santé, Matt Hancock, et le ministre d’Etat Michael Gove, en charge de la bonne marche du gouvernement.

Officiellement, Boris Johnson a été hospitalisé peu après 20 heures dimanche, juste au moment où l’adresse exceptionnelle à la nation de la reine Elizabeth II était diffusée. Il a été conduit en voiture et non en ambulance à l’hôpital, sur recommandations de ses médecins, inquiets de voir ses symptômes persister après dix jours d’isolement.

Il souffrait notamment toujours d’une «forte fièvre et d’une toux», a indiqué Downing Street. Selon le Times, il aurait reçu de l’oxygène à son arrivée à St Thomas’Hospital, avant de subir une batterie d’examens, dont Downing Street n’a pas précisé la teneur.

Silhouette.

L’agence de presse russe RIA Novosti avait affirmé dimanche soir que le Premier ministre avait été intubé et placé sous respirateur artificiel, ce qui a été catégoriquement démenti par Downing Street. «Si ses symptômes ne se sont pas améliorés, ils ne se sont pas non plus aggravés», a précisé le porte-parole.

Boris Johnson, qui jouit en général plutôt d’une bonne santé, était apparu en public la dernière fois jeudi soir à 20 heures. Silhouette solitaire, il était sorti dans la nuit sur le seuil de Downing Street pour applaudir les personnels de santé, comme dans le reste du pays. Vendredi, une courte vidéo sur Twitter le montrait les traits tirés et le souffle court. Il y annonçait qu’il restait en quarantaine car il souffrait de symptômes persistants, «notamment de la fièvre». Dimanche, le Sunday Times faisait mention de réunions par visioconférence avec des ministres et conseillers la semaine précédente, entrecoupées de violentes quintes de toux du Premier ministre.

Le gouvernement britannique a été touché au cœur par l’épidémie de Covid-19. Outre Boris Johnson, son conseiller spécial Dominic Cummings, trois autres conseillers et le conseiller médical en chef, Chris Whitty, se sont isolés après avoir développé des symptômes du virus. Le ministre de la Santé, Matt Hancock, avait annoncé être positif exactement en même temps que Boris Johnson, mais s’est remis plus vite. Depuis trois jours, il est de retour en première ligne et mène les conférences de presse quotidiennes sur l’épidémie. Mais l’impression de confusion domine. La stratégie gouvernementale a déjà évolué brutalement, après de violentes critiques sur un important retard pris au début de l’épidémie, notamment autour de l’idée de laisser se développer une immunité collective. Des annonces contradictoires se suivent, ajoutant au sentiment que personne n’est réellement aux commandes.

Phare.

Il y a deux semaines, le ministre de la Santé avait ainsi annoncé en fanfare que 3,5 millions de tests anticorps, permettant d’établir qui est immunisé contre le Covid-19 après une infection, étaient sur le point d’être mis à disposition des personnels de santé. John Newton, tout juste nommé par le gouvernement pour superviser la question des tests, a révélé lundi dans le Times qu’aucun des tests en cours d’évaluation n’était fiable et qu’il faudrait sans doute plusieurs mois avant d’en mettre au point un qui le soit.

Dimanche soir, posée et calme, la reine Elizabeth II a emprunté les mots d’une chanson célèbre de Dame Vera Lynn, 103 ans et vedette pendant la Seconde Guerre mondiale : «Nous nous reverrons», a promis la reine, seul phare rassurant du moment au Royaume-Uni.

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6 avril 2020

Royaume-Uni - Coronavirus : Boris Johnson hospitalisé

boris22

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Après une allocution télévisée “historique” de la reine Élisabeth II, promettant que le Royaume-Uni “vaincra” le coronavirus, Downing Street a annoncé que le Premier ministre, Boris Johnson, toujours affaibli par le Covid-19, avait été hospitalisé “par mesure de précaution”.

“Boris Johnson a été admis à l’hôpital pour des examens, alors qu’il présente toujours des symptômes persistants du coronavirus, dix jours après avoir été testé positif”, écrit The Independent. Le Premier ministre est en quarantaine dans son appartement depuis le 27 mars.

Ses proches “ont insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une hospitalisation d’urgence et que les médecins considéraient comme ‘sensé’ d’examiner le Premier ministre, sachant que sa température reste élevée”, poursuit le quotidien.

The Sun précise que M. Johnson, âgé de 55 ans, “n’a pas été emmené en ambulance” et qu’il est traité “dans un hôpital public du centre de Londres”. Son entourage a confirmé qu’il y “passera[it] la nuit” et y resterait “aussi longtemps que nécessaire”, selon le tabloïd.

Pour The Guardian, cette hospitalisation n’est pas anodine car, “compte tenu de la pression croissante sur les centres de soins en ce moment, il est peu probable qu’il eût été hospitalisé si les médecins n’avaient pas de vraies inquiétudes. Les examens de routine peuvent être réalisés à Downing Street.”

Le quotidien pense que les médecins veulent s’assurer que Boris Johnson “n’est pas entré dans la deuxième phase (de la maladie), quand le système immunitaire entre en surchauffe”.

Les services du Premier ministre ont assuré qu’il “restait en charge du gouvernement et en contact avec les ministres”, selon The Daily Telegraph. “Mais il est probable que [le ministre des Affaires étrangères], Dominic Raab, préside la réunion quotidienne sur le Covid-19, lundi matin”.

Lors de sa conférence de presse, dimanche, Donald Trump a souhaité un prompt rétablissement à Boris Johnson, assurant que “tous les Américains priaient pour lui. C’est un ami et un vrai gentleman”, rapporte The Hill. “J’ai confiance et je suis sûr que ça va aller”, a ajouté le président américain.

“Cri de ralliement”

L’hospitalisation de Boris Johnson a été annoncée peu après une allocution télévisée de la reine Élisabeth II, qualifiée de “rare”, “historique”, “émouvante”, et “poignante” par la presse britannique.

Pour The Daily Mail, le discours de quatre minutes trente était un “cri de ralliement” pour le peuple britannique, auquel la reine, depuis le château de Windsor, a promis : “Nous vaincrons ; et cette victoire sera celle de chacun d’entre nous.”

Le quotidien populaire souligne que l’allocution d’Élisabeth II “était inspirée par le discours de son père, Georges VI, prononcé au début de la Seconde Guerre mondiale et dans lequel il avait évoqué les heures sombres à venir, mais aussi l’espoir que l’esprit britannique prévaudrait”.

De fait, la référence à l’histoire a constitué la seule surprise du discours – l’essentiel ayant été communiqué à la presse dès samedi. La reine a rappelé, photo à l’appui, que sa première allocution avait été prononcée à la radio, pour rassurer les enfants du Commonwealth, durant la Seconde Guerre mondiale. Elle était alors âgée de 14 ans.

“En invoquant la mémoire de ce discours de 1940, la monarque nonagénaire nous a subtilement offert un contexte historique, à l’aune duquel nous pouvons mesurer notre confinement actuel et reconnaître, comme elle le dit, que c’est bien ‘ce qu’il faut faire’”, analyse The Spectator.

Et le magazine d’ajouter :

Ce qu’elle ne dit pas, c’est que les privations endurées par sa génération en temps de guerre ont été plus sévères et ont duré bien plus longtemps.”

24 mars 2020

Et toi, papa? Le père de Boris Johnson cherche à devenir citoyen français

Le père du Premier ministre doit devenir citoyen français pour maintenir les liens étroits de sa famille avec l'Europe après que son fils a conduit le Royaume-Uni hors de l'UE. Stanley Johnson, 79 ans, peut postuler car sa mère, Irene, est née en France.

Sa demande de citoyenneté est révélée dans le nouveau livre de sa fille Rachel, publié la semaine dernière. Dans Rake's Progress: My Political Midlife Crisis , elle écrit que Stanley est «en passe de devenir citoyen français, puisque sa mère est née à Versailles et sa grand-mère à Paris». Elle a ajouté: "C'est une bonne nouvelle - je pourrais peut-être aussi devenir française."

pere de boris

Stanley Johnson: mère née à Versailles

 

31 janvier 2020

Boris Johnson - BREXIT - C'est maintenant !

boris johnson

13 décembre 2019

Royaume-Uni : victoire historique pour les conservateurs aux législatives

brexit libé

Par Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante

Le premier ministre Boris Johnson va pouvoir rester à Downing Street cinq ans, et surtout réaliser comme promis le Brexit au 31 janvier 2020, ayant totalement renouvelé un Parlement jusqu’alors dans l’impasse.

On l’aime ou on le déteste, avec sa fausse allure brouillonne, son mépris des détails et surtout pour son slogan « Get Brexit done » (« réalisons le Brexit »), simpliste, répété ad nauseam durant toute la campagne des élections générales au Royaume-Uni. Pour autant, Boris Johnson a magistralement réussi son pari. Son camp conservateur a remporté une victoire historique, jeudi 12 décembre, avec 362 sièges à la Chambres des communes (évaluation à 5 heures du matin, heure de Londres), soit 36 sièges au-delà de la majorité absolue (326), une avance jamais vue depuis 1987, lors de la troisième victoire d’affilée du parti sous le leadership de Margaret Thatcher.

Le premier ministre sortant va pouvoir rester à Downing Street cinq ans, et surtout réaliser comme promis le Brexit au 31 janvier 2020, ayant totalement renouvelé un Parlement jusqu’alors dans l’impasse, sans majorité pour (ou contre) le divorce avec l’Union européenne (UE). Les nouveaux députés feront leur entrée à Westminster dès mardi 17 décembre et pourraient avoir à se prononcer sur le « Withdrawal bill », l’acte législatif de retrait de l’Union européenne (UE) avant Nöel. « On nous a donné un mandat fort pour unir ce pays et réaliser le Brexit » a martelé Boris Johnson vers 3 h 45 du matin, depuis sa circonscription d’Uxbridge, dans le nord-ouest de Londres.

Débâcle du parti travailliste

Le parti travailliste, deuxième force politique du pays, encaisse en revanche une véritable débâcle, passant juste au-dessus des 200 sièges (selon les estimations du début de la matinée, vendredi), contre 262 jusqu’en novembre dernier. Il paie lourdement un message flou sur le Brexit – le parti s’engageait à renégocier l’accord de divorce puis à organiser un référendum, un programme très radical (plus de 400 milliards de livres de dépenses publiques supplémentaires, environ 482 milliards d’euros) et surtout, l’image très dégradée de son chef, Jeremy Corbyn, accusé de n’avoir pas sérieusement lutté contre l’antisémitisme rampant dans le parti. A 3 h 30 du matin, juste après avoir appris sa réélection dans le nord de Londres, à Islington, M. Corbyn a d’ailleurs annoncé qu’il renonçait à mener d’autres campagnes électorales et qu’il quitterait la tête du parti, mais « après une période de réflexion » au sein de ce dernier. C’est la quatrième élection générale d’affilée perdue par le parti travailliste.

Les Libéraux démocrates (Libdem) qui en début de campagne espéraient capter l’essentiel du vote Remain, ont complètement raté leur pari, reculant de sept sièges (à treize sièges, évaluation de 5 heures du matin). Leur promesse d’annuler purement et simplement le Brexit s’est révélée une erreur tactique majeure : les électeurs ont jugé que c’était antidémocratique. Cruellement symbole : Jo Swinson, leur jeune leader, qui prétendait vouloir devenir première ministre en début de campagne, a perdu son siège de Dunbartonshire East, au sud-ouest de l’Ecosse, à 150 voix près, au profit d’une toute jeune candidate du SNP, le parti indépendantiste écossais. Combien de temps tiendra t-elle à la tête de sa formation, s’interrogeaient déjà les commentateurs politiques vendredi matin ?

« Une note de bas de page dans l’histoire »

Nigel Farage, ex-fondateur du Ukip, grand promoteur du Brexit, n’a une fois de plus décroché aucun siège pour son « parti du Brexit » à Westminster, les Britanniques s’en détournant largement pour le parti conservateur. Il devrait aussi, logiquement, perdre son poste de député européen, une fois le Brexit réalisé. « Vous allez rester comme une note de bas de page dans l’histoire » lui a lancé Andrew Neil, le redoutable interviewer de la BBC.

Les Britanniques ont donc tranché : ils ont largement confirmé le résultat du référendum de 2016, confirmé qu’ils voulaient le Brexit ou du moins que le résultat du référendum devait enfin être honoré, après trois années et demi d’atermoiements. On a aussi assisté jeudi à un grand réalignement de la politique britannique autour de la fracture du Brexit. Le fameux « mur rouge » du centre et nord de l’Angleterre, bastion travailliste depuis des décennies, mais ayant voté en majorité pour quitter l’UE en 2016, a préféré le vote conservateur.

Sur ces terres traumatisées par les années Thatcher, paupérisées par la fermeture des mines et des usines dans les années 1980, les votants n’ont même pas fait payer le parti Tory pour ses neufs années de politique d’austérité. Première circonscription rouge à tomber, jeudi dans la nuit : Blyth Valley, dans l’extrême nord est de l’Angleterre, était aux mains du Labour depuis les années 1970. Puis sont successivement devenues bleues (la couleur des conservateurs) : Bolsover, Workington ou Leigh. A Bishop Aukland, dans le nord-est, une toute jeune candidate Tory, Dehenna Davison (25 ans), a même gagné avec 8 000 voix de majorité sur la députée labour sortante. « Ce vote prouve qu’on ne peut pas oublier la démocratie [et le référendum de 2016] » a déclaré Ian Lavery, président du Labour.

Le parti travailliste ne s’est maintenu que dans le Pays de Galles et sur Londres, qui avait largement voté pour rester dans l’UE. Mais même dans la capitale, le parti a échoué à décrocher l’énorme trophée d’Uxbridge et South Ruislip, la circonscription de Boris Johnson. Le Premier ministre n’y a quasiment pas mis les pieds de toute la campagne, mais son jeune concurrent travailliste Ali Milani n’a pas réussi à le défaire, malgré la très forte mobilisation des activistes du Labour sur le terrain.

Election « focalisée sur le Brexit »

M. Corbyn réussira t-il à maintenir son leadership dans les jours qui viennent ? John McDonnell, un de ses très proches, ministre des finances de son cabinet fantôme, a tenté de ralentir sa chute, vendredi dans la nuit, en mettant l’échec de son camp sur le dos d’une élection « focalisée sur le Brexit », une manière de ne pas parler du programme, très radical et de la personnalité de Jeremy Corbyn, très mal perçue sur les pas-de-porte un peu partout dans le pays.

Mais la guerre de succession a commencé dans le parti de la gauche britannique. Caroline Flint, députée sortante de Don Valley, qui a perdu son poste jeudi, twittait dans la nuit : « nous allons entendre les Corbynistas blâmer le Brexit, et les Remainers du Labour, blâmer Corbyn. Mais tous ont tord et cette nuit est affreuse pour le parti. » Pour Gloria De Piero, ex-députée Labour ayant renoncé à se représenter le 12 décembre, « mon parti n’a pas tenu compte des signaux d’alerte […] et a échoué à reconnaître que les gens qui ont voté pour quitter l’UE méritaient que leur voix soit entendue ». Très remonté, Ian Murray, le seul élu Labour à avoir réussi à conserver son poste en Ecosse, a fait remarquer vendredi matin : « à toutes les portes auxquelles j’ai frappé durant la campagne, mon équipe et moi avons parlé à 11 000 personnes, tous ont mentionné Corbyn. Pas le Brexit, mais Corbyn. Le résultat, c’est que nous avons laissé tomber le pays, nous devons changer de direction et vite ».

La victoire écrasante de Boris Johnson et de son « Get Brexit done », signifie aussi la fin de l’espoir pour beaucoup de Britanniques proeuropéens, qui depuis trois ans et demi, refusaient la fatalité du résultat du référendum de 2016, réclamaient un deuxième référendum. En raison de la résistance d’une partie d’entre eux à Westminster, la date du Brexit avait été déjà repoussée trois fois. Significatif : même Kensington, circonscription très remainer du centre de Londres (elle a voté à 69 % pour rester dans l’UE en 2016), a choisi une députée conservatrice pro-Brexit, Felicity Buchan. Le candidat Libdem, Sam Gyimah a probablement fait perdre des points à la députée sortante travailliste, signant une défaite cuisante pour le camp du Remain.

conbrexit

Mains libres

Boris Johnson a désormais les mains libres, avec une majorité assurée, un Parlement renouvelé, des leaders des partis d’opposition sur le départ ou très affaiblis. Le traité de retrait de l’UE est prêt, il a été négocié en octobre entre Londres et Bruxelles, il avait même passé la barre de la première lecture à la Chambre des communes avant sa dissolution. Il doit être définitivement validé à la majorité par le Parlement dans les jours qui viennent – peut-être même avant Nöel. Le Parlement européen aura encore à le ratifier de son côté, mi-janvier. Dès début février, le Royaume-Uni sera devenu un « pays tiers », et entamera la négociation de sa relation future avec l’UE. Boris Johnson a assuré qu’il l’aura bouclée avant fin 2020.

Saura t-il tenir ce délai ? Surtout : pour quel type de relation optera t-il ? Personne n’en sait encore rien. Une chose, cependant : sa majorité aux Communes lui permettra de renier des promesses, pour, par exemple, réclamer plus de temps à Bruxelles afin de négocier la relation future. Il pourrait aussi passer outre les exigences des plus extrêmes des brexiters, qui exigent un Brexit dur et une relation la plus distante possible avec Bruxelles. Après tout, M. Johnson n’était-il pas considéré comme un conservateur « libéral » quand il était maire de Londres ?

Il ne devrait plus non plus dépendre du DUP, les unionistes irlandais, qui ont tenu la dragée haute à Theresa May pendant deux ans (elle dépendait d’eux pour sa majorité), mais sont sortis abîmés du scrutin de jeudi : Nigel Dodds, leur tête de file à Westminster, a perdu son siège au profit du Sinn Fein.

Mais jeudi soir, tous les commentateurs s’interrogeaient sur ce que signifiait cette impressionnante vague bleue en Angleterre alors que le SNP, le parti indépendantiste écossais, a enregistré de son côté une très belle performance, regagnant le terrain perdu lors des élections générales de 2017, et trustant 48 des 59 sièges réservés à l’Ecosse à Westminster. M. Johnson avait beau insister, vendredi aux aurores, sur le concept de parti conservateur « One Nation », tous les commentateurs politiques s’inquiétaient d’un risque accru d’éclatement du Royaume-Uni.

Nicola Sturgeon réclame depuis des mois un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, pour cause de Brexit, après celui de 2014 (perdu au profit de l’Union). Le résultat de jeudi va donner de très forts arguments à la cheffe du SNP. Au détail près qu’elle a besoin d’une majorité à Westminster pour que son deuxième référendum soit autorisé. Boris Johnson a déjà fait savoir, qu’il refuserait ce nouveau scrutin aux Ecossais. Mais combien de temps pourra t-il résister ? « Les conservateurs ont perdu des voix en Ecosse, j’ai un mandat pour offrir aux Ecossais le choix, cela ne fait pas de doute » a réagi Mme Sturgeon, vendredi matin.

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26 novembre 2019

La une du Parisien

le parisien

30 octobre 2019

Brexit : les élections du 12 décembre, un pari risqué pour Boris Johnson

Par Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante

Le premier ministre a finalement arraché, mardi, l’organisation du scrutin qu’il défendait depuis plusieurs semaines. Sans garantie d’obtenir la majorité nécessaire pour mener à bien le divorce avec l’UE.

La quatrième tentative fut la bonne. Mardi 29 octobre, après trois votes ratés ces dernières semaines (dont un la veille), Boris Johnson a finalement réussi à décrocher la tenue d’élections générales anticipées. Elles devraient avoir lieu le 12 décembre, comme il le souhaitait. Si les Lords vont dans le même sens que les députés, ce qui est probable – ils doivent examiner la proposition gouvernementale mercredi 30 octobre –, les Britanniques seront donc appelés aux urnes pour la troisième fois en trois ans (après le référendum de 2016, et les élections générales de 2017).

Le premier ministre tenait à cette date du 12 décembre : elle tombe un jeudi, traditionnel jour de scrutin au Royaume-Uni. Il s’agissait surtout d’une des seules disponibles pour une élection avant Noël, étant donné que le Parlement britannique doit être dissous au plus tard vingt-cinq jours avant la tenue du vote, que Westminster a besoin d’encore quelques jours pour expédier les affaires courantes, et qu’au-delà de mi-décembre, les lieux publics (écoles, etc.) disponibles pour aller voter sont mobilisés par les fêtes de fin d’année.

Sortir de l’ornière

Cela fait près d’un siècle que les Britanniques n’ont pas voté à cette saison : le précédent remonte aux élections générales de 1923, organisées un 6 décembre. D’habitude, les scrutins ont lieu à la fin du printemps : les commentateurs politiques ont répété ces jours derniers à quel point l’hiver britannique (l’humidité et le manque de soleil) risquait de peser sur le taux de participation. Que le 12 décembre coïncide avec le premier jour d’un Conseil européen à Bruxelles, ayant probablement du Brexit au programme, n’a en revanche suscité aucun commentaire, ni à Westminster, ni dans les médias du pays tout entiers tournés vers cet enjeu de politique intérieure.

Boris Johnson, lui, risquait la paralysie totale : sans majorité parlementaire, et avec un accord de divorce fraîchement renégocié mais suscitant de plus en plus de résistances chez les députés. Ces élections, dont son conseiller spécial Dominic Cummings se faisait l’avocat depuis des semaines, lui permettent de sortir de l’ornière. Vont-elles pour autant l’aider à regagner cette majorité absolue que les conservateurs ont perdue lors du scrutin de 2017 ? Surtout : vont-elles aider le pays tout entier à sortir de l’impasse du Brexit ?

S’il gagne son pari, l’actuel locataire du 10 Downing Street pourra retenter une ratification de son accord de divorce au Parlement britannique. Peut-être même avant le 31 janvier 2020, la nouvelle « deadline » du Brexit formellement acceptée par les Européens mardi.

Si c’est Jeremy Corbyn, le leader des travaillistes (deuxième force du pays), qui l’emporte, ce dernier a promis d’aller renégocier à Bruxelles le traité, puis de le soumettre à un deuxième référendum. Les libéraux-démocrates proposent, eux, d’annuler purement et simplement le divorce avec l’Union européenne, mais ils n’ont quasiment aucune chance de l’emporter dans un scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Un pays profondément divisé et lassé du Brexit

Déjà en campagne, Boris Johnson a proposé, mardi soir, à dix élus conservateurs modérés exclus du parti début septembre de revenir dans le giron tory, après avoir, pendant deux mois, choisi de diriger en flattant l’aile droitière et « brexiter » dure de la formation. Le Labour, lui, inondait les réseaux sociaux de clips de campagne : « Le changement arrive ».

Mais rien n’est joué d’avance, dans un pays profondément divisé et lassé du Brexit. Pour l’instant, selon le Financial Times, qui a compilé de récents sondages, les conservateurs sont crédités de 36 % des voix, contre 25 % aux travaillistes. Mais « les Britanniques sont de plus en plus enclins à changer de parti, la volatilité de l’électorat est désormais considérable », prévient Simon Usherwood, politologue à l’université du Surrey.

Charismatique, positif, dynamique : Boris Johnson est un homme de campagnes électorales. Mais Jeremy Corbyn n’est pas mauvais non plus quand il s’agit de mobiliser les électeurs, même si son leadership est contesté en interne et qu’il est à la tête d’un parti très divisé sur le Brexit. Il est pugnace, et il compte bien pousser l’agenda travailliste – fin de l’austérité, de la crise du logement, etc.

Car tout le monde parie sur une élection centrée autour du Brexit. Mais qui sait ? « J’en suis à ma septième élection. C’est toujours la même chose. Au début, on pense que ce sera sur une thématique, et cela dévie très vite sur une autre. Theresa May, en 2017, pensait à une élection sur le thème du Brexit. Mais on a eu des attentats terroristes et on a abouti à tout autre chose », racontait, mardi, l’élu travailliste David Lammy, lors d’une conférence de presse en faveur d’un deuxième référendum.

Le cauchemar serait que le 13 décembre au matin, les Britanniques se réveillent de nouveau avec un « hung Parliament » (sans majorité). « Que ferons-nous si nous nous retrouvons dans cette situation ? Est-ce que nous saurons nous engager à trouver un consensus entre nous [sur le Brexit], ou est-ce que nous allons continuer à nous diviser comme cela pour l’éternité ? », a demandé la député travailliste Jess Phillips à ses collègues, mardi, depuis la Chambre des communes. Sans recevoir de réponse.

20 octobre 2019

BREXIT

jdd20 oct

18 octobre 2019

Espoir le matin, coup de pompe à midi… La dernière ligne pas tout à fait droite du Brexit

Par Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante, Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen

Il a fallu six jours de discussions entre Bruxelles et Londres pour accoucher d’un traité de divorce. Reste à savoir si cet accord à une chance d’être approuvé par les députés britanniques.

Il est à peine 18 heures, jeudi 17 octobre. Boris Johnson rentre dans une salle de presse pleine à craquer, au deuxième étage du Justus Lipsius, le bâtiment qui abrite le Conseil européen, à Bruxelles. Tout le monde veut voir « Boris », qui a réussi, contre toute attente, à décrocher son « deal » le matin même.

« Nous avons un superbe accord », assure le premier ministre britannique, toujours aussi énergique. « Nous avons un bon “deal” », confirme la chancelière allemande Angela Merkel, deux salles à côté, à sa manière, plus sobre. Tout le monde semble content. Soulagé au moins.

Les textes de l’accord de divorce entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni viennent d’être rendus publics ; les diplomates des pays membres n’ont même pas eu le temps de les lire. Certains s’inquiètent. Tous les négociateurs savent que le diable se cache dans les détails. Et, tout le monde en a conscience, le plus dur reste à faire : que le « deal » soit approuvé par les députés britanniques. « Je ne suis pas responsable de la ratification par la Chambre des communes. C’est le travail de Boris », lance pince-sans-rire, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne.

Montagnes russes

Le Luxembourgeois n’a pas beaucoup dormi. « J’ai téléphoné deux fois à Boris pendant la nuit », a-t-il confié. Car jusqu’au milieu de matinée, rien n’était plié. Sur la fin, les négociations européennes ressemblent souvent à cela : des montagnes russes. Espoir le matin, coup de pompe à midi, regain d’espoir en fin d’après-midi, découragement en soirée… La dernière ligne droite du Brexit n’a pas dérogé à la règle.

Mercredi soir, le « deal » semblait à portée de mains. Les négociateurs s’étaient entendus sur les sujets majeurs des contrôles douaniers, du droit de veto nord-irlandais et de la déclaration politique censée esquisser la relation future entre le Royaume-Uni et ses ex-partenaires de l’UE. Restait la question de la TVA.

Mais jeudi matin, le Democratic Unionist Party (DUP) nord-irlandais a estimé qu’« en l’état », les conditions n’étaient pas réunies pour qu’un accord soit viable. Or sans les unionistes protestants, Boris Johnson n’a aucune chance de faire ratifier le texte à la Chambre des communes… « Il y aura un “deal” ou il n’y aura pas de “deal” », commentait-on, laconiquement, au Conseil jeudi en fin de matinée. Il y a donc eu « deal ».

Cela peut paraître long : c’est en réalité extrêmement court. Il n’aura fallu que six jours de discussions entre Bruxelles et Londres pour accoucher d’un traité de divorce. Le deuxième. Le premier, celui de Theresa May, agréé à l’automne 2018 après dix-huit mois de négociations, est mort au printemps. A trois reprises, la Chambre des communes l’a rejeté. « C’est un peu injuste », commente un proche des pourparlers, côté bruxellois. « Mais s’il y en a un qui peut vendre un accord à la Chambre des communes, c’est Boris », poursuit cette source.

Boris Johnson n’a choisi de s’engager sérieusement dans les discussions avec Bruxelles qu’au début du mois d’octobre, après avoir davantage mené campagne au Royaume-Uni, en vue d’élections générales à venir, que fait le siège des institutions européennes. Quand il est arrivé à Downing Street fin juillet, des sources bruxelloises glissaient qu’il ne serait pas question de lui donner, à lui, ce qui avait été refusé à Theresa May, appréciée pour sa droiture et son sérieux.

Concessions de Boris Johnson

Et pourtant… La rencontre décisive fut celle entre le chef du gouvernement irlandais Leo Varadkar, garant avec Londres de l’accord du Vendredi saint – signé en 1998, il a apporté la paix sur l’île – et Boris Johnson, le 10 octobre à Wirral, dans le nord-ouest de l’Angleterre, dans un manoir reconverti en home de luxe pour réceptions huppées.

C’est là que le premier ministre britannique a fait ses concessions les plus importantes. Plus question d’accorder un droit de veto sur une solution nord-irlandaise au DUP ; pas question non plus de tolérer des contrôles douaniers entre les deux Irlandes.

C’est aussi à Wirral que M. Varadkar a fait un pas décisif, et donné un signal au reste de l’UE, en acceptant la ligne rouge de Londres. L’Irlande du Nord pourrait rester dans une union douanière britannique, si tant est qu’une frontière n’apparaisse pas entre la province britannique et la République d’Irlande, membre de l’UE. De cette manière, l’intégrité du territoire britannique serait respectée après le divorce, conformément à la volonté des Brexiters et du DUP.

Le 11 octobre, avec l’assentiment de Michel Barnier – le négociateur en chef de l’UE pour le Brexit –, les Européens sont entrés dans un « tunnel » de négociations, alors qu’une semaine plus tôt, ils avaient presque fait une croix sur un accord avant l’échéance du 31 octobre.

Passer à autre chose

Trois ans après le référendum sur le Brexit, ils veulent passer à autre chose et ne savent plus ce qui, d’un troisième report ou du « no deal », les angoisse le plus. « Quelle que soit la manière dont on les regardait, les perspectives n’étaient pas meilleures que ce que l’on pouvait avoir maintenant. Elles pouvaient même être pires », commente un diplomate.

Les Européens vont donc, à leur tour, faire une concession : accepter que le dispositif imaginé pour l’Irlande du Nord puisse être remis en cause, dans quelques années, par les élus de la province britannique. Sous condition : le DUP ne doit pas être le seul arbitre. « On ne va pas tout bloquer pour un territoire qui compte 1,5 million d’habitants et qui n’est pas une zone économique particulièrement dynamique », s’exclame alors un proche des négociations.

Le week-end est studieux, mais infructueux. Enfermés au Berlaymont (le siège de la Commission européenne), les négociateurs ne profitent pas du beau soleil qu’il fait à Bruxelles. Et dimanche soir, Michel Barnier annonce qu’il reste « beaucoup de travail ». Les experts et les médias, eux, se découragent : à ce train, on n’aura jamais fini avant le Conseil des 17 et 18 octobre, qui doit entériner l’accord si on veut un Brexit au 31 octobre comme l’a promis Boris Johnson.

barnier

L’ultimatum de Michel Barnier

Car durant un sommet il n’est plus question de négocier, disent les diplomates, mais de trancher. Certes, les trois quarts de l’accord obtenu par Theresa May – sur le traitement des citoyens européens, Euratom, etc. – sont inchangés, mais il faut rédiger un texte légal pour l’union douanière nord-irlandaise, et réécrire la vingtaine de pages de la déclaration politique, qui esquisse la relation future entre l’UE et le Royaume-Uni.

Tout le monde a envie d’en finir avec ce dossier qui empoisonne la vie européenne depuis trois ans. Lundi passe, mardi, mardi soir… Un ultimatum de M. Barnier à minuit ce soir-là n’est pas respecté par Londres, mais les négociateurs ont finalement bien avancé et les signaux positifs se multiplient.

Les dernières heures de discussions sont éprouvantes. Mercredi, les négociateurs n’ont pas beaucoup dormi, ils ont encore mangé des pizzas dans les bureaux de la Commission.

Ils continuent pourtant d’éplucher les quelques points encore en contentieux. Dans ce contexte, le programme du Conseil européen n’est pas arrêté, il est suspendu aux négociations en cours. Entre la guerre menée par la Turquie contre les Kurdes en Syrie, la mise en place laborieuse de la nouvelle Commission de Bruxelles, ou encore le budget pluriannuel européen, le sommet des dirigeants de l’UE ne manque pourtant pas de matière.

De mémoire de diplomate, on n’a jamais vu ça : un Conseil européen, dont on ne connaît pas le déroulé, la veille. « On connaît les briques, pas leur agencement », confie un diplomate. Comme ses collègues, il devra ajuster trois fois son programme dans la journée, en raison d’une réunion des ambassadeurs des Vingt-Sept sans cesse retardée. Prévue à 14 heures, elle s’est finalement tenue à 19 h 30. Michel Barnier y explique que les discussions ne butent plus que sur la question de la TVA, un sujet apparu sur le tard.

Céder du terrain sans perdre le soutien des Brexiters durs

A Dublin, très bon baromètre de la négociation, le ton reste très prudent. En début d’après-midi, mercredi, « il y a un chemin vers un possible accord, mais beaucoup de points encore à résoudre », précise M. Varadkar, après un coup de fil à M. Johnson.

Cela bloque aussi à Londres, où le premier ministre britannique est engagé dans un exercice difficile : céder du terrain aux Vingt-Sept sans perdre le soutien des Brexiters durs, dont les voix sont indispensables pour qu’un accord passe à la Chambre des communes – les dix élus du DUP à Westminster et l’aile droitière des tories, membres de l’European Research Group (ERG). Ils ont rendez-vous quasi quotidiennement au 10 Downing Street depuis le week-end. Mercredi encore, Arlene Foster, la patronne du DUP, et Nigel Dodds, son adjoint, ont été aperçus sortant de la résidence du premier ministre. Steve Baker, éminent membre de l’ERG, et quelques collègues, ont eux aussi revu M. Johnson. Il leur a dit dans l’après-midi, à sa manière fleurie, que « le sommet est en vue, mais il reste dans les nuages ».

En fin d’après-midi, les feux repassent au vert, côté Bruxelles. En direct de Toulouse, où il assiste avec Angela Merkel à un conseil des ministres franco-allemand, le président français, Emmanuel Macron, parle de la possibilité de conclure « dans les prochaines heures ». « Nous sommes dans les derniers mètres de négociations », lâche la chancelière allemande Angela Merkel, d’ordinaire très prudente.

Côté Européens, des proches des négociations expliquent que le DUP a cédé. Mais à Londres, le Parti unioniste reste silencieux. La seule information un peu concrète, c’est cette livraison, en fin d’après-midi, d’une pleine caisse d’oranges et de chips aux oignons à Downing Street…

Jeudi matin, l’accord à peine annoncé, toutes les attentions bruxelloises sont déjà tournées vers l’après. Ce « deal » a-t-il la moindre chance d’être approuvé à la Chambre des communes ? A l’automne 2018, pour la finalisation de l’accord de Theresa May, l’heure était à l’optimisme. Mais après un an de chaos à Wesminster, elle est désormais à l’extrême prudence.

9 octobre 2019

Brexit : Londres accuse Dublin et Berlin de l’échec des négociations

boris again

Par Eric Albert, Londres, correspondance, Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante, Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen

Alors que l’ultime proposition de Downing Street n’a pas convaincu les Vingt-Sept, la perspective d’un nouveau report du divorce paraît désormais très probable.

Les Britanniques ont une expression que les Européens ont volontiers reprise ces derniers temps : le « blame game » (« c’est la faute aux autres »). Boris Johnson a consacré l’essentiel du mois de septembre à convaincre ses concitoyens qu’il était le véritable « Monsieur Brexit », celui qui allait leur délivrer le divorce avec l’Union européenne (UE) dans les temps, le 31 octobre. Quitte à aller au « no deal ».

Début octobre, après avoir enfin formulé sa proposition pour résoudre l’épineux problème de la frontière irlandaise, le premier ministre britannique a semblé sincèrement vouloir décrocher un accord avec Bruxelles. Mais son idée – l’Irlande du Nord resterait dans le marché intérieur et sortirait de l’union douanière – reste trop éloignée des lignes rouges des Vingt-Sept. Downing Street a d’ailleurs reconnu, mardi 8 octobre, que les chances d’un « deal » pour le sommet européen des 17 et 18 octobre étaient infimes.

La perspective d’un nouveau report du Brexit (le troisième) paraît désormais très probable, les députés britanniques ayant légiféré pour éviter un « no deal ». Du coup, le gouvernement britannique est passé brutalement en mode « blame game ».

Le but ? Eviter que les partisans du divorce en veuillent trop à Boris Johnson de n’avoir pas tenu sa promesse, et n’aillent voter pour le Parti du Brexit de Nigel Farage aux prochaines élections générales ; elles ne devraient pas tarder : le chef du gouvernement britannique n’a plus de majorité au Parlement.

Menace britannique

A en croire des sources officielles anonymes, dont les confidences se sont multipliées ces dernières heures, le prévisible échec des négociations serait donc la faute des Irlandais, de Bruxelles, de la chancelière allemande Angela Merkel…

James Forsyth, journaliste au Spectator, publiait ainsi lundi soir un édifiant « mail » provenant « d’un contact » à Downing Street, quasiment sans mise en perspective. « Les négociations vont probablement se terminer cette semaine. (…) Leo Varadkar [le premier ministre irlandais] ne veut pas négocier. (…) Il est clair qu’il parie sur un deuxième référendum », affirme cette source.

Et de menacer : si la proposition britannique pour l’Irlande « meurt dans les prochains jours, elle ne sera plus valable du tout », les conservateurs feront campagne alors pour un « Brexit immédiat ». Et tous les pays qui soutiennent un report du divorce « se retrouveront dans la queue en matière de coopération » avec le Royaume-Uni…

Tout aussi étonnantes, mardi, ces confidences de Downing Street, notamment à la BBC – et toujours des sources anonymes –, détaillant le contenu de la conversation téléphonique le matin même entre Angela Merkel et Boris Johnson. La chancelière « a dit clairement qu’un accord était très improbable et elle pense que l’UE dispose d’un veto sur notre volonté de quitter l’union douanière. » Une rhétorique bien improbable dans la bouche d’une dirigeante connue pour son extrême prudence. Berlin s’est gardé de tout commentaire. Tout comme le porte-parole du premier ministre britannique…

Contre-offensive européenne

Alors qu’au Royaume-Uni, un début de polémique naissait au sujet de ces propos non attribués relayés sans nuances dans les médias, Donald Tusk, le président du Conseil européen fut le premier à sonner la contre-offensive mardi.

Sans prendre de gants, comme à son habitude, l’ancien premier ministre polonais a lancé sur Twitter : « Ce qui est en jeu, ce n’est pas de gagner un stupide “blame game”, c’est le futur de l’Europe et du Royaume-Uni, ainsi que la sécurité et les intérêts de nos populations. Vous [Boris Johnson] ne voulez ni d’un deal, ni d’un décalage du Brexit, vous ne voulez pas révoquer [l’article 50 du traité de l’UE, mettant ainsi fin au Brexit]. Mais où va t-on ? »

Dans une interview aux Echos et à L’Opinion, le président de la Commission européenne, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a pris le relais, disant refuser « ce blame game consistant à faire porter la responsabilité d’un éventuel échec des négociations sur l’UE. Si tel est le cas, l’explication se trouve dans le camp britannique » car « le péché originel se trouve sur les îles et non sur le continent. »

David Sassoli, le président du Parlement européen, qui s’était déplacé à Londres mardi, pour rencontrer M. Johnson, est sorti furieux de son entrevue. « Les idées qu’il suggère ne sont pas une proposition sérieuse. (…) Il ne semble pas vraiment vouloir un accord. » M. Sassoli est clair : « le responsable [de l’échec des négociations], c’est Boris Johnson. Il nous force à créer une frontière et à faire des contrôles douaniers en Irlande ». Le premier ministre britannique lui a répété que le Royaume-Uni serait sorti de l’UE le 31 octobre. « Mais il n’a donné aucun élément pour raviver les négociations », ajoute l’Italien.

Fermeté des Vingt-Sept sur la question irlandaise

Les trois dirigeants ont dit tout haut ce que nombre d’Européens pensent tout bas depuis des semaines. Ils veulent un accord avec Londres, mais pas à n’importe quel prix. Il n’est ainsi pas question d’accepter une solution réinstaurant une frontière en Irlande, et menaçant les accords de paix nord-irlandais.

« La plupart pensent que Johnson ne négocie pas vraiment. Ils ne sont donc pas prêts au compromis dans cette situation. Ils attendent l’application du Benn bill », selon un diplomate européen. Le « Benn bill » est cette loi imposée par les députés britanniques « anti-no deal » – opposés à une sortie sans accord – au chef du gouvernement, l’obligeant à réclamer à Bruxelles, au plus tard le 19 octobre et en l’absence d’accord, un report du Brexit au 31 janvier 2020.

Les Européens eux aussi jouent au « blame game », mais mezza voce : ils ne veulent surtout pas être tenus responsables de l’échec des négociations. Ils rejettent les accusations de « rigidité » et répètent – ils le diront probablement jusqu’au Conseil européen des 17 et 18 octobre et au-delà – qu’ils sont « ouverts aux discussions ». Mardi soir, Michel Barnier, le négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, assurait ainsi que « les efforts continuent pour trouver un accord » avec Londres.

Même son de cloche à Dublin. « Nous travaillons d’arrache-pied avec Bruxelles pour arriver à un accord avant la fin du mois. Il est toujours possible à condition qu’il y ait de la bonne volonté des deux côtés, assurait Simon Coveney, ministre irlandais des affaires étrangères, mardi. Il n’y a pas de pays qui souhaite davantage un deal que l’Irlande. »

boris in extremis

« Aucune avancée »

Les discussions techniques ont bien repris à Bruxelles, lundi, entre les équipes de M. Barnier et celles de Steve Barclay, l’émissaire de M. Johnson. Mais « il n’y a à cette heure aucune avancée sur les deux points fondamentaux nous posant problème », commente un diplomate. A savoir le dispositif douanier entre l’Irlande du nord et la République d’Irlande, qui impliquerait le retour, selon Dublin, d’une forme de frontière sur l’île, et le droit de veto que Downing Street prévoit d’accorder au Parlement nord-irlandais.

Les Européens ont donné jusqu’à la fin de la semaine à Londres pour améliorer ses propositions. Il ne resterait alors que quatre ou cinq jours pour finaliser un improbable accord avant le sommet européen. « Ces discussions sont très techniques. On ne peut pas négocier en dernière minute lors d’un sommet sur de tels sujets », estime un autre diplomate.

Boris Johnson pourrait rencontrer Leo Varadkar en fin de semaine, afin d’avancer sur la question irlandaise. Le rendez-vous n’était pas confirmé par Dublin mardi soir. Encore un faux-semblant de part et d’autre pour éviter d’avoir à dire la vérité toute crue, l’échec définitif des discussions ?

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