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Jours tranquilles à Paris
culture
6 mai 2020

Libération - Covid-19 : le bâillon de culture

Par Didier Péron , Frédérique Roussel , Gilles Renault , Guillaume Tion , Julien Gester , Ève Beauvallet et Sandra Onana 

Librairies, théâtres et cinémas fermés, festivals annulés… Déjà sinistrés par le confinement, les milieux de l’art et du spectacle devraient pâtir après le 11 mai des règles de distanciation sociale. Ils guettent avec appréhension les annonces présidentielles de ce mercredi.

Le 6 mars tombait l’annonce de l’annulation pure et simple du Salon du livre 2020, un coup de semonce qui prévenait le monde de la culture encore insouciant de la violence de la tempête à venir. Onze jours plus tard, le confinement fermait par milliers salles de cinéma, théâtres, salles de concerts, musées, librairies, puis tombaient une à une les annonces d’annulation de festivals, plongeant le pays dans un spectaculaire black-out culturel. La crise est majeure et sans précédent par l’effarante synchronie des cessations d’activité et l’absence de perspectives à court et moyen terme qu’elle ouvre en même temps pour le monde du théâtre, de la danse, de l’art contemporain, du livre, de la musique… Déjà échaudé depuis des semaines par les non-réponses du ministère de la Culture sollicité sur la manière d’affronter la période et un Franck Riester évasif ou aphone, le milieu culturel a particulièrement mal vécu d’être tout simplement exclu des préoccupations d’Edouard Philippe dans son discours du 28 avril à l’Assemblée nationale. Celui-ci a ensuite tenté de se rattraper au Sénat, lundi, en évoquant la possibilité d’une réouverture des cinémas début juin.

Au désastre en marche qui accroît toutes les calamités et les effets de concentration ou de désinvestissement public qui avaient précédé la pandémie, quelles réponses ambitieuses ? Depuis plusieurs semaines, une multitude de voix s’élèvent pour réclamer une remise à plat des politiques en la matière, des investissements, voire un revenu minimum dont bénéficieraient indifféremment intermittents du spectacle et auteurs. Après un mois d’assourdissante atonie en la matière, Emmanuel Macron s’est laissé émouvoir par une tribune (parue jeudi dans le Monde), où une centaine de personnalités, parmi lesquelles quelques-unes des plus médiatiques et des moins mal loties, de Catherine Deneuve à Omar Sy, se faisaient les porte-voix du secteur - lequel, il faut le rappeler, par delà tout ce qu’il cultive de nourritures spirituelles, pèse autant dans l’économie française que l’industrie agroalimentaire. Alors que son ministre, Franck Riester, a beaucoup occupé l’espace ces dernières heures, à coups de tribunes et d’interviews, sans rien formuler de concret, et tandis que Jack Lang réclamait mardi dans le Monde un «New Deal» culturel, le Président doit annoncer ses «premières décisions» sur le sujet ce mercredi depuis l’Elysée, après une discussion «avec des artistes».

Or l’effondrement qui guette est si vaste et touche une telle variété d’acteurs dont les destinées semblent pourtant chaînées les unes aux autres, à des échelles économiques allant de la superproduction à l’artisanat local, que la réponse ne saurait être à la hauteur si elle se contente de prolonger les mesures de sparadraps et bouts de ficelle sans axe directeur des politiques culturelles depuis trente ans.

«Foire d’empoigne»

La rupture est là, béante. La crise a aussi ses bénéficiaires et ses effets d’aubaine, pour les tenants essentiellement américains de l’économie numérique (Netflix, Google, Amazon ou Disney) nous rivant aux écrans domestique. La culture «physique», celle qui requiert de sortir de chez soi, voit se dessiner des contraintes prophylactiques préconisées par un rapport de l’infectiologue François Bricaire (révélé par le JDD) remis vendredi à Emmanuel Macron. Deux sièges de séparation entre les spectateurs, port du masque obligatoire, ventilation de la salle, annulation des entractes pour les théâtres, distance minimale d’un mètre entre les acteurs. Et ce genre de phrases, lunaire : «En cas de rapprochements impératifs liés à des scènes de colère ou d’amour, les comédiens devraient se soumettre à des prises de température et à des tests sérologiques.» Ou encore des mesures de quarantaine pour les équipes de tournage avant le premier clap afin de s’assurer que tout le monde sur le plateau est safe ! Bon courage.

Depuis que les cinémas ont tiré le rideau, l’ensemble de la chaîne de production des films accuse des dommages et périls colossaux. En amont de la diffusion, les distributeurs ont investi pour des films reportés sine die, aux débouchés incertains. «Il va vite y avoir des victimes dans la distribution française, certifie Vincent Maraval, patron de la société de production et de distribution Wild Bunch, interrogé par Libération. Soit les distributeurs ne peuvent pas écouler leurs stocks de films faute de visibilité sur le marché de l’exploitation en salles, soit ils n’ont pas constitué de stocks et ne trouveront pas de quoi redémarrer. Il y a un effet domino qui entraîne toute la chaîne dans des difficultés presque insurmontables, sauf à envisager un chômage partiel sur deux ans.» Le refus persistant, en dépit des tractations en cours, des compagnies d’assurances de prendre en charge le risque épidémique sur les plateaux exclut actuellement toute hypothèse pérenne de reprise. Un fonds spécial abondé par l’Etat est douloureusement attendu par les producteurs, notamment les indépendants, dont le pronostic vital est engagé à mesure qu’ils creusent dans leur trésorerie en raison d’un calendrier de projets en tournage ou en postproduction à l’arrêt. L’horizon d’un redémarrage cahin-caha au 2 juin sera évalué à la fin du mois. Mais quels films pour essuyer les plâtres d’une reprise contrainte par la division des jauges des salles (mesures barrières obligent) et du nombre de séances, en sus d’un appétit incertain du public ? «Quand les salles rouvriront, ce sera la foire d’empoigne, pronostique Thomas Ordonneau, de la société de distribution Shellac. Chacun devra rattraper son chiffre d’affaires et la loi du marché régnera.» Au cœur d’un embouteillage de sorties, les grosses locomotives risquent de s’arroger la part du lion sur les écrans. Les contre-chocs du marasme annoncé - des hémorragies budgétaires, du chômage prolongé en masse, des annulations de contrats et faillites probables - sont vertigineux, et augurent un bouleversement du paysage à long terme.

Coma

Tout aussi gelé depuis début mars dans l’élan qui devait les conduire vers un été toujours riche en créations et premières entre Avignon, Montpellier, Marseille, Aix, le spectacle vivant compte ses pertes et boit la tasse. Tous ces festivals ont bien sûr fini par lâcher la rampe. Début avril, lors de sa présentation en plein déni du 74e Festival d’Avignon, Olivier Py n’a pas manqué de rappeler l’impact économique d’un événement représentant pour la ville et sa région 100 millions d’euros de retombées. Le directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner, ne voyant pas comment accorder la Tétralogie de Wagner avec les impératifs de distanciation physique, à moins de chanter dans son coude, envisage de fermer trois mois l’Opéra Bastille à la rentrée pour ne reprendre qu’en janvier. Avec la lourdeur de ses charges fixes (le lieu perd beaucoup à l’arrêt), ce sont 40 millions d’euros de pertes, cumulées à celles enregistrées pendant les grèves de décembre, soit un cinquième du budget global annuel de l’institution. Quant au secteur privé, maintenir des représentations avec 20 % de la jauge de salle remplie revient soit à faire flamber le prix du billet, soit à couler la quasi-totalité des entreprises. Selon le Centre national de la musique, la perte en billetterie de la filière spectacle atteindra les 500 millions d’euros à la fin mai. «Le spectacle vivant est en danger absolu», observait mi-mars le Prodiss, syndicat des professionnels du secteur, estimant à 590 millions d’euros la perte en chiffre d’affaires, en imaginant un scénario catastrophe arrivant à échéance le… 31 mai. Pour l’heure, il s’agit donc d’un coma, avec plusieurs fonctions vitales touchées. Plus ou moins gravement selon qu’on est une salle subventionnée à 70 % comme la Comédie-Française ou le Théâtre national de Strasbourg, une salle mixte (50 % de subventions, 50 % de ressources propres) comme la Philharmonie de Paris, ou un théâtre subventionné à moins de 30 %.

Même s’ils seront peut-être les premiers à pouvoir rouvrir avec des systèmes prudents de flux de visiteurs (l’Institut Giacometti à Paris annonce une réouverture le 15 mai), les musées souffrent eux aussi des dix plaies d’Egypte. Le confinement a creusé un trou abyssal dans les revenus de leur billetterie (sans parler de ceux des boutiques et cafés), ils doivent reporter des expositions en chaîne - et en annuler d’autres, préparées pendant des années -, voire renvoyer des œuvres chèrement convoyées à leurs prêteurs sans qu’elles aient été vues, avec zéro visibilité pour la suite. Annuler les expos prévues ? Les reporter jusqu’à créer un embouteillage ? Et comment faire s’ils ne peuvent compter sur les prêts internationaux pour encore de longs mois ? Au centre Pompidou, les pertes de la billetterie sont estimées entre 1,2 et 1,5 million d’euros par mois (sans compter les manques à gagner pour ce qui est du mécénat, de la location d’espaces, des ventes de produits dérivés, etc.).

Soutien trébuchant

Pour sa part, toute la chaîne du livre est elle aussi à l’arrêt, soit 50 000 personnes, depuis la fermeture des librairies. «Le cœur du réacteur, ce sont elles, on bouffe tous grâce à elles», dit un éditeur. Conséquence immédiate : une perte de chiffre d’affaires, qu’Antoine Gallimard estimait le 16 avril sur France Info, de 90 % pour son groupe Madrigall pendant le confinement, et de 30 % sur l’année 2020. Des mesures de chômage partiel ont été mises en place à tous les maillons, comme chez Actes Sud ou Editis. Et le secteur n’a pas attendu pour demander du soutien trébuchant : l’Etat va débloquer 5 millions d’euros : très en deçà de ce que le secteur du livre réclame pour freiner le désastre. Il y a aussi la mise en place d’un fonds d’aides, des reports de charges, des délais de paiement, de prêts garantis par l’Etat… La baisse du chiffre d’affaires des libraires serait de l’ordre de 20 % à 30 % sur l’année. Si toute la profession réclame la réouverture le 11 mai, pour ne pas étouffer les étals, en sommeil depuis deux mois, des sorties ont été supprimées ou reportées, au moins à l’automne (Gallimard prévoit ainsi une coupe de 40 % de sa production et de nombreux ajournements). «Il y aura moins de titres. Et aussi certainement moins d’éditeurs», a pronostiqué Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition dans un entretien à Livres Hebdo. On risque de voir débouler dans la rentrée littéraire une majorité d’apprentis best-sellers et d’auteurs à succès lancés pour rattraper le manque à gagner. «Tout le monde cherche un livre qui va lui sauver son année», dit un éditeur.

On le voit, l’attente et l’angoisse sont énormes. Les décisions qui se font attendre ne sauraient consister seulement en une perfusion ponctuelle destinée à reconstituer les déséquilibres déjà à l’œuvre avant la catastrophe. A l’aune de ce qu’il reste de l’hypothèse d’une exception culturelle française, et par delà les logiques industrielles auxquelles on résume trop volontiers la portée de la création, tout un secteur attend aujourd’hui de l’Etat qu’il rende les arts et la culture à leur ambition et vocation première de trésor commun et de service public.

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6 mai 2020

Covid-19 : la crise n’amuse pas les galeries

Par Elisabeth Franck-Dumas

Selon le Comité professionnel des galeries d’art, un tiers des galeries françaises pourraient fermer.

Très mondialisé, le marché de l’art contemporain dépend largement des foires internationales. Le Covid-19 pourrait bien changer la donne.

Le 8 avril, le communiqué est tombé dans les boîtes mails avec un léger «ping», mais son écho fut retentissant dans le monde de l’art. Un tiers des galeries françaises fermeraient boutique avant la fin de l’année… Un tiers ! Avec des conséquences qu’on s’imagine désastreuses pour les artistes, les encadreurs, les régisseurs, les auteurs, les commissaires… Le communiqué était signé du Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) qui, après étude réalisée auprès de ses 279 adhérents, a tiré la sonnette d’alarme et réclamé un plan de relance fort. Les pouvoirs publics ont été plus ou moins réactifs, mais dans le secteur, la nouvelle s’est propagée à grande vitesse. «On m’a appelé de partout pour m’en parler, raconte le galeriste autrichien Thaddaeus Ropac, l’un des grands du marché, implanté à Paris, Londres et Salzbourg. Tout le monde voulait savoir ce qui se passait à Paris. Le chiffre était très choquant.» Gageons pourtant que ce genre de statistique effrayante ne concernera pas uniquement les galeries parisiennes, et que l’onde de choc se répand de New York à Pékin. Portes closes des semaines durant, annulation de foires en pagaille, désaffection possible de collectionneurs…

Si l’exactitude du chiffre reste à prouver dans le temps, sept semaines après le début du confinement la crise sanitaire a déjà révélé deux faiblesses que recouvraient les chiffres records des ventes aux enchères défrayant depuis des années la chronique : l’essentielle fragilité d’un milieu essentiellement composé de petites entreprises employant moins de cinq salariés (où plus de la moitié des galeristes déclarent un chiffre d’affaires mensuel inférieur à 41 600 euros) et leur dépendance grandissante aux foires, qui se sont multipliées à une vitesse folle depuis une dizaine d’années, grevant leur budget (et leur bilan carbone…) dans un rapport de force pas tout à fait équitable, que certains espèrent désormais pouvoir inverser.

Changer de paradigme ?

«La crise a révélé une fragilité dont beaucoup de gens n’avaient pas idée, estime Stéphane Corréard, fondateur de la foire Galeristes et associé de Loeve & Co à Paris. C’est une des particularités du milieu : personne ne veut se désigner comme petit ou fragile, contrairement par exemple au milieu du cinéma, où ce n’est pas un motif de honte. Et les petits n’ont pas su se faire reconnaître par l’Etat, ou bénéficier d’un système d’aide type "exception culturelle". Alors que sans eux, pas d’émergence, pas de diversité, pas de scène locale.»

L’on aurait pu croire, pourtant, que la mondialisation du marché, et la possibilité de vendre d’un clic en ligne, de Santiago à Tokyo, auraient profité à tous. Mais ce sont les maisons de vente qui ont été les premières à voir leur public exploser via le Net, grâce à des sites comme Artprice, qui recensent les ventes se tenant dans le monde entier. Pour les galeries, c’est plus compliqué. «Quand on ne représente pas les artistes aux quatre coins de la planète, les ventes en ligne ne se font pas, explique Isabelle Alfonsi, de la galerie parisienne Marcelle Alix. Il faut que les collectionneurs aient eu l’expérience du travail de l’artiste pour décider de mettre 25 000 euros dans une œuvre qu’ils n’ont jamais vue.»

Accéder, pour les galeries, à un marché planétaire, passe donc d’abord par les foires, rendant ces grands-messes incontournables. «Elles pèsent entre 35 % et 45 % de mon chiffre d’affaires annuel, estime la galeriste Nathalie Obadia, et je pense être dans la moyenne.»

Est-il réaliste, voire souhaitable, de changer de paradigme ? C’est le bruit de fond lancinant du moment - cette crise signerait la mort des foires, le retour à un marché plus local. «Le système des foires d’art est-il encore acceptable ?» s’est ainsi demandé notre confrère Philippe Dagen dans une chronique publiée dans le Monde, le 10 avril, qui a trouvé de nombreux échos et répliques sur les réseaux, la fair fatigue (lassitude des foires) hantant le milieu depuis quelques années. Thaddaeus Ropac temporise : «J’ai toujours dit qu’il fallait s’assurer que notre présence dans les foires - on en fait 12 ou 13 par an - ne nous conduise pas à diminuer le travail qui ne peut avoir lieu qu’en galerie. Pour autant, nous n’abandonnerons pas les foires, qui sont un réservoir d’information irremplaçable.»

La crise sanitaire tranchera peut-être la question : la foire de Bâle a déjà été reportée de juin à septembre, le PAD Paris de mai à octobre, à quelques jours de la Frieze de Londres et de la Fiac à Paris. Mais se tiendront-elles, et avec qui ? Entre les possibles interdictions de voyager ou d’organiser de larges rassemblements et les réticences d’ordre psychologique, il est possible qu’il faille compter sans elles. Sur CNN, la galeriste new-yorkaise Dominique Lévy a pronostiqué que les collectionneurs reviendront lorsqu’un vaccin aura été trouvé.

Plutôt que l’éradication complète et permanente des foires, à laquelle personne ne semble croire, l’arrêt temporaire appelle à un changement d’échelle et de rapport de force. Nathalie Obadia estime que les méga foires seront amenées à être moins vastes et encore plus sélectives, et que les foires de niches, locales, se développeront.

«On attend que les organisateurs fassent un réel effort sur le prix de la location des stands et les conditions d’annulation, espère aussi Isabelle Alfonsi. Les foires ont eu énormément de pouvoir sur les galeries depuis dix ou quinze ans, il faut qu’elles réalisent que nous sommes les clients. Et en l’absence des grandes galeries américaines et des acheteurs sud-américains, il va falloir qu’elles traitent mieux leur cercle géographique le plus proche.»

Initiatives privées

Le retour au local : voilà l’autre petite musique du moment. Que ce soit par nécessité impérieuse (impossible de faire venir des œuvres de l’étranger), par militantisme (défense de la scène française) ou opportunisme, se dessine un paysage reconfiguré autour d’un maillage régional. Ainsi le CPGA, dans ses mesures d’urgence, a-t-il demandé que les acquisitions de l’Etat privilégient «les galeries françaises quand un·e artiste est parallèlement représenté·e à l’étranger» et que le «soutien des collectionneur·euse·s et de leurs associations» se fasse «au profit des galeries françaises». «Nous avons travaillé vers les Frac pour nous assurer humblement que chacun faisait son travail, ne reportait pas les commissions et achetait bien à des galeries françaises des œuvres d’artistes français», détaille Florence Bonnefous, de la galerie Air de Paris, qui fait partie du conseil du CPGA. «C’est à nous de pousser les musées à faire des expos avec des artistes de la scène française, renchérit Nathalie Obadia. Ils passaient un peu au second plan avant, car on privilégiait des artistes vedettes de la scène internationale.» «Elle est sympathique, l’idée du local, modère Isabelle Alfonsi. Mais comme tout est géré par l’Etat centralisé, c’est compliqué. Il y a un manque d’annonce criant de la mairie de Paris, alors que 88 % des adhérents du CPGA se trouvent en région parisienne.»

Dans l’intérim, différentes initiatives privées se multiplient pour tenter de faire corps. Ainsi «Restons unis», initiée par Emmanuel Perrotin, qui va ouvrir les portes de sa très médiatique galerie, du 23 mai au 14 août, à 26 galeries parisiennes qui, pour la plupart, n’ont pas sa force de frappe commerciale. Au mois de septembre, ce sera au tour de Thaddaeus Ropac d’accueillir pro bono 60 artistes et leurs galeries, sélectionnés par Jeune Création, dans son espace à Pantin. Et avant cela, le week-end des galeries, du 2 au 4 juillet, sera, espèrent les professionnels, une occasion de faire des ventes. «Les gens n’auront rien dépensé pendant des mois, escompte Nathalie Obadia. Je pense qu’il y aura un appétit, et que les collectionneurs seront là.»

6 mai 2020

Une politique publique doit défendre ses créateurs »

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Jack Lang, à Paris, lundi 4 mai. SAMUEL KIRSZENBAUM POUR « LE MONDE »

Propos Recueillis Par Michel Guerrin

Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe, plaide pour un « new deal » dans la culture

ENTRETIEN

Jack Lang, ministre de la culture emblématique de François Mitterrand à partir de 1981, aujourd’hui président de l’Institut du monde arabe, à Paris, appelle à un sursaut culturel pour un secteur fortement touché par la crise sanitaire.

Pensez-vous, pendant cette crise du Covid-19, que la culture fasse partie des produits de première nécessité ?

La culture a beaucoup à perdre dans une telle compétition. Survivre, se nourrir sont des exigences absolues. La culture peut paraître moins vitale quand autant de gens souffrent et meurent. Et pourtant, les artistes et les créateurs ont témoigné, au cours de cette période, d’une inventivité étonnante et ont montré que la culture est une nécessité de l’âme, une source de bonheur, de générosité.

Les librairies n’ont pas voulu rester ouvertes alors que le gouvernement l’avait envisagé. Est-ce une occasion ratée ?

C’était une erreur. On a pourtant trouvé des solutions pour que les gens puissent acheter à manger dans une supérette… Les libraires sont de fabuleux trésors de vie. Parfois, ils sont divisés entre eux. Quand nous avons instauré le prix unique du livre, en 1981, pour les défendre face aux grosses surfaces, il s’en est trouvé une partie qui était contre… Aujourd’hui, la principale menace pour les librairies est Amazon. Je trouve choquant que les librairies soient fermées tandis que l’on ne se résout pas à imposer des boucliers et des taxes élevées pour que ce géant américain répare les dommages qu’il fait subir à la France culturelle.

Pourquoi les milieux culturels sont-ils agacés contre l’Etat ?

Les millions de personnes qui animent les lieux et les festivals, dans les villes comme les villages, dans le privé comme le public, trouvent la réponse publique floue. Ce qui ajoute de l’angoisse à l’angoisse, tant la mise à l’arrêt peut devenir une mise à mort. Après les mesures qui valent pour l’ensemble du pays, comme le chômage partiel, ils attendent des mesures spécifiques, un calendrier clair, secteur par secteur. D’abord rapides pour éviter les naufrages, et d’autres à long terme pour repartir sur de nouvelles bases. Le président leur apportera mercredi des réponses, qui je le crois, seront fortes et claires.

Une centaine de grands noms de la culture n’ont pas attendu et ont dénoncé, dans « Le Monde » du 30 avril, « un oubli de l’art ». Qu’en pensez-vous ?

Ces personnalités ressentent à juste titre un abandon. Il faut leur répondre. N’oublions pas cependant que les premiers touchés sont aussi auteurs, plasticiens, saisonniers, animateurs associatifs, indépendants, inventeurs de festivals, les invisibles de la culture qui donnent vie à nos territoires. Ils sont trop peu présents dans cette tribune.

Est-ce normal que ce soit Emmanuel Macron qui réponde et non le ministre de la culture ?

A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle.

Avec une telle défiance envers le ministre Franck Riester, celui-ci peut-il s’en relever ?

Je ne participe pas à ce petit jeu. Demandons-nous plutôt pourquoi, depuis vingt ans, tous les ministres de la culture font office de punching-ball ? Ils sont les boucs émissaires de l’indifférence, de la désertion des gouvernements successifs depuis vingt ans. Vingt ans que le budget de la culture baisse alors que les charges fixes augmentent et que son périmètre s’élargit. On peut changer dix fois de ministre, la valse continuera. L’exemple le plus navrant fut Aurélie Filippetti, qui, à peine nommée par François Hollande en 2012, a été « flinguée » par le ministre du budget Jérôme Cahuzac.

C’est aussi cela que le virus met en lumière. La France était un modèle, elle ne l’est plus tout à fait. Pendant ce temps, l’Allemagne, les pays scandinaves ou l’Italie vont de l’avant. Le plus désolant, c’est l’impuissance de l’Etat depuis longtemps face aux groupes industriels et financiers qui étendent leur emprise sur la culture, l’urbanisme et notre mode de vie.

Par exemple ?

N’est-il pas choquant que des musées fassent appel à Google pour numériser leurs collections ou abandonnent aux géants américains la visite virtuelle de leurs expositions ? Choquant que le secteur des musiques populaires soit toujours plus dominé par des conglomérats anglo-saxons qui favorisent l’inflation des cachets et des tickets, ce qui tue la création ? Choquant que des salles comme les Zéniths, qui ont été imaginées pour découvrir des talents musicaux, ont été dévoyées pour devenir parfois des garages commerciaux ? Choquant encore les abus du marché de l’art, et les rapports incestueux entre musées et investisseurs privés ?

Mettez-vous dans le lot le Pass culture, un chèque de 500 eurospour les jeunes, le jour de leurs 18 ans, que souhaite M. Macron ?

J’étais réservé sur ce dispositif qui coûte cher, réduit la culture à de la consommation, entretient le danger de la gratuité alors que les auteurs ne vivent pas d’eau fraîche, et risque de ne profiter qu’aux plus favorisés et à certaines entreprises de l’industrie culturelle. Par bonheur, le Pass semble faire l’objet d’une réorientation en faveur des pratiques artistiques, de la lecture et des expérimentations culturelles.

Vous avez appelé à un « new deal » pour la culture dans « Le Parisien » du 27 avril. Que voulez-vous dire ?

A chaque grande crise ou rupture politique, la culture a accompli sa révolution. En 1936 avec le Front populaire, à la Libération, en 1958, en 1981 avec François Mitterrand. Le modèle, à mes yeux, c’est le New Deal de Roosevelt au début des années 1930. L’investissement dans la culture fut massif. L’Etat a fait travailler 7 000 écrivains, 16 000 musiciens, 13 000 comédiens, a soutenu le cinéma. La bascule de leadership culturel de la France au profit des Etats-Unis vient de là. Nous devons faire preuve de la même audace. M. Macron devrait en être l’initiateur.

Les priorités seront énormes dans la santé et l’économie…

Ce discours, qui fait de la culture la dernière roue du carrosse, je l’entends depuis toujours, notamment chez certains responsables politiques qui bégaient une phrase punitive : « Il y a d’abord les gens modestes à aider et les entreprises à soutenir. » Mais la culture n’est pas étrangère à ces deux préoccupations ! Si on comprend l’enjeu, on trouvera les milliards d’euros pour la culture.

Sauf qu’une partie des Français ne profite pas de la culture, jugeant même ses acteurs comme des enfants gâtés…

S’il y a défiance, c’est aussi parce que nous avons abandonné l’éducation populaire de terrain, la pratique amateur, les réseaux culturels locaux. On a séparé le peuple de la création. Je suis contre la dictature de l’Audimat mais favorable à un état des lieux de la politique culturelle, sans anathème ni partis pris. La France culturelle doit être exemplaire et ne doit pas avoir peur de faire son introspection.

Le « new deal » que j’appelle de mes vœux doit précisément restaurer l’esprit de service public. Je rêverais qu’Emmanuel Macron fasse sien ce beau mot de Jean Vilar : « La culture c’est comme l’eau, le gaz et l’électricité : un service public. » Ce « new deal » qui renverserait la table devrait être le fruit d’une mobilisation de tout le pays, d’une sollicitation de l’imagination des créateurs et chercheurs. Le « new deal » devrait aussi inclure un investissement massif en faveur de l’art à l’école. On bavasse sur le sujet depuis vingt ans dans une hypocrisie totale. On s’enthousiasme sur d’excellentes initiatives ponctuelles, qui ne sont que des pincées de paprika. Il appartiendrait au président de proposer un grand dessein : l’art proclamé comme un des fondamentaux de l’école de la République au même titre que les mathématiques et la lecture.

Le virus, en favorisant les circuits courts, est-il une occasion pour que la France défende mieux ses créateurs ?

Je suis un indécrottable universaliste, mais oui, toute politique publique doit défendre ses créateurs. Le faisons-nous moins bien que d’autres pays ? Le sujet n’est pas tabou. D’autant que le virus oblige à poser la question.

5 mai 2020

Les tournages de films français mis sur pause

tournage

Léa Drucker lors du tournage du film « La Petite Solange », d’Axelle Ropert, à Nantes, le 10 mars. NATHALIE BOURREAU/PHOTOPQR/MAXPPP

Mathieu Macheret

Les réalisateurs de films à gros ou à petit budget, interrompus par la crise, craignent pour l’avenir de ceux-ci

ENQUÊTE

La fermeture des salles de cinéma n’aura pas été la seule conséquence de la crise sanitaire sur la vie des films. En amont, c’est aussi leur fabrication même qui s’est trouvée prise de vitesse par le passage en « phase 3 » de la lutte contre l’épidémie, en l’espace d’un week-end, celui du 13 au 15 mars.

Parmi les nombreux secteurs d’activité touchés, le cinéma, parfois décrit comme une « industrie du prototype », a ceci de particulier qu’il invente pour chaque film des conditions uniques, spécialement appropriées. Un tournage n’est autre qu’un chantier éphémère, rassemblant pour une durée limitée une équipe qui, ensuite, se dispersera, des décors, des saisons, des circonstances qui disparaîtront, et dont le film dépend entièrement. Autant de paramètres fugaces qui expliquent en partie pourquoi, dans le domaine, l’interruption est si vivement redoutée.

C’est pourtant cette situation qu’ont à affronter, depuis le début du confinement, plusieurs réalisateurs dont les tournages avaient débuté entre fin janvier et début mars. Dans le cas d’Eiffel, production Pathé au budget considérable de 22 millions d’euros, avec Romain Duris et la comédienne franco-britannique Emma Mackey, l’interruption ne fait que décaler le tournage dans le temps. Selon son réalisateur Martin Bourboulon, le film n’est pas « un biopic sur le fameux architecte, mais une histoire d’amour qui se déroule pendant la construction de la tour Eiffel ».

« Les deux tiers du film sont déjà tournés, explique-t-il, qui représentent sa part la plus lourde : on a reconstruit le pied de l’édifice en studio, avec une grosse intervention du numérique. Sur dix semaines de tournage, il nous en restait trois, dont dix jours de studio qui pour l’heure ne posent pas de problème. » L’annonce du confinement a néanmoins été vécue comme un « choc émotionnel, qui a coupé net l’élan artistique ». « On essaie malgré tout de faire avancer la machine, précise le réalisateur. On a commencé le montage à distance, on travaille sur la musique, avec le compositeur Nicolas Godin. »

« Scènes de contact »

Le problème prend un tour plus épineux en ce qui concerne, par exemple, les productions de genre tournées vers l’imaginaire, qui font encore figure d’exception dans le pays de Descartes. Entré en phase de tournage début mars, Ogre, premier long-métrage d’Arnaud Malherbe, avec notamment Ana Girardot, a dû s’interrompre au bout de deux semaines sur les sept prévues. Ce conte fantastique sur les peurs enfantines est décrit par le réalisateur comme conjuguant « l’effroi et le merveilleux », pour mieux cerner « la réalité des territoires exclus, d’où peuvent ressurgir des monstres ».

« On était en petite équipe, je ne voyais pas vraiment le danger, reconnaît-il. Un tournage, c’est une petite île, coupée du monde. Tout s’est joué dans le week-end : ce sont les membres de l’équipe retournés à Paris qui nous ont fait des retours sur la situation réelle, comme une douche froide. Moi, je voulais absolument continuer, avec l’idée de grappiller quelques jours. Mais la production a pris la bonne décision, celle de remballer et de rentrer. »

La sortie de crise apparaît complexe. Il reste à tourner « une scène de fête foraine avec 200 figurants, qui est un moment clé du film », s’inquiète Malherbe. Le réalisateur craint « le poids coercitif des protocoles sanitaires à venir sur la liberté artistique ».

Le cinéma d’auteur n’a pas non plus été épargné. La cinéaste Axelle Ropert (La Prunelle de mes yeux, 2015) avait commencé fin février le tournage de Petite Solange, qu’elle présente comme « un mélodrame », « l’histoire d’une petite fille qui découvre que tout peut s’effondrer du jour au lendemain, ce qui renvoie beaucoup à ce qu’on est en train de vivre ». « Une première partie du tournage avait eu lieu à Nantes, très paisiblement, raconte la réalisatrice. On est arrivés à Paris à la mi-mars, et c’est là qu’on a senti le vent tourner. En deux trois jours, on a vu l’horizon devenir noir et compris qu’il fallait mettre le bateau à l’abri. C’est très compliqué d’interrompre un tournage, pour des raisons économiques, artistiques, humaines. Mais je suis fille de médecin : la maladie, je sais ce que c’est, on ne pouvait pas lutter. »

La cinéaste ne désespère pas pour autant : « C’est un tournage en petite équipe, dans une petite économie (1,2 million d’euros) : une bonne configuration pour que les choses reprennent. » « Mais un film, ce n’est pas comme un manuscrit qu’on laisse de côté, tempère-t-elle, c’est une matière vivante qui dépérit. Mon héroïne est une jeune fille de 14 ans : je ne pourrai pas lui laisser prendre six mois de croissance. »

Alain Guiraudie en était, lui, à huit jours de terminer son dernier film, « une histoire d’amour entre un mec et une prostituée sur fond d’attentats à Clermont-Ferrand », quand le couperet est tombé. « Quelques jours plus tôt, je considérais ça comme une grippe un peu coriace, reconnaît l’auteur de L’Inconnu du lac (2013). J’ai vraiment pris conscience de la gravité des choses au moment de la fermeture des restaurants et des bars. »

Là encore, la reprise du tournage n’est aucunement remise en cause, mais n’a rien d’évident. « Il nous reste essentiellement des scènes en intérieur et de nuit, donc rien d’insurmontable, précise Guiraudie. Mais c’est un film d’hiver, qui se déroule aux alentours des fêtes de fin d’année. La saison est importante. Difficile d’imaginer reprendre en juillet, avec les acteurs qui fondent sous leur doudoune ! »

« Reste une inconnue, avec les protocoles sanitaires », poursuit le cinéaste, qui a toujours laissé une grande place au désir dans ses films : « Mes comédiens doivent encore jouer à proximité les uns des autres, il me reste plusieurs scènes de contact. Je ne sais pas comment gérer ça avec les contraintes de distanciation… » L’amour à l’écran serait-il soudain devenu plus problématique que jamais ? Une seule chose est sûre : si le Covid-19 est en train de modifier sensiblement les usages, il ne laissera sans doute pas indemnes nos récits et nos représentations.

26 avril 2020

CULTURE CHRONIQUE - Le confinement tue la culture

Par Michel Guerrin

Pour le dire trivialement, la culture est-elle un produit de première nécessité, aussi vital pour l’esprit que les fruits et légumes le sont pour le corps ? C’est un sujet de colloque. Mais qui pèse lourd, tant le secteur accumule les millions d’euros de pertes à cause du coronavirus. Et là, on voit que la question cache une bonne dose de boursouflure et d’hypocrisie.

Déjà, pendant ce confinement, on entend de belles paroles sur l’art qui aurait sauvé les gens en quarantaine. On ressort une formule incertaine de Churchill pendant le second conflit mondial, alors qu’on lui proposait de couper le budget culturel : « Si nous sacrifions notre culture, pourquoi nous faisons la guerre ? »

C’est juste mais cassons l’ambiance. D’abord, le confinement tue la culture et amplifie une fracture. L’immense majorité des gens, on peut les comprendre, plongent dans le zapping, le clip potache, la lecture digest, le divertissement rapide, tout un magma amplifié par l’Internet. Une minorité, toujours la même, suit les conseils de films, spectacles ou livres à déguster sur écran en privilégiant la perle. Et puis ça se saurait si la culture était essentielle. Elle n’existe pas dans une campagne électorale, elle est marginale dans le budget de l’Etat, elle pèse peu dans les débats de société. Elle nourrit mais ne sauve pas.

L’expression « produit de première nécessité » que l’on colle à la culture a pourtant été brandie un peu partout en Europe, même aux Etats-Unis, et chaque fois elle a volé en éclats. Les pays ont établi leur liste de commerces qui échappent au confinement. Sans la culture. Sauf en Allemagne où des librairies n’ont jamais fermé. Parce que les ravages du virus y sont plus faibles. Du reste, la culture ne rouvrira partout que lorsque les conditions sanitaires le permettront, pas parce qu’elle est vitale.

En France, au tout début du confinement, Emmanuel Macron a évoqué le caractère essentiel du livre. Mais sans aider les librairies. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, qui a écrit huit livres, a alors estimé que c’est « un commerce de première nécessité ». Il a tendu une perche aux librairies, envisageant leur ouverture. Elles ont répondu non. Pas envie de jouer les grognards au front. Pas envie de mettre en danger les personnels, le public et les livreurs, alors que les Français doivent rester chez eux.

L’argument se défend. Mais il a fait des dégâts. Il a divisé la profession, certains étant prêts à jouer le jeu. Il laisse le champ libre à des hypermarchés qui vendent de quoi manger mais aussi des livres, notamment ceux qui font les grosses ventes. Concurrence déloyale, ont hurlé les libraires. Tant pis pour eux – et pour nous – ont réagi, passablement agacés, des éditeurs, ajoutant que les libraires ont raté une sacrée occasion d’inscrire la culture dans les produits de première nécessité.

Cet épisode a fait culpabiliser les libraires. Mais ils ont dit non pour une autre raison. Depuis des années, ils vont mal, des dizaines d’enseignes ont fait faillite, ils se sentent abandonnés. Quand ils souffrent, on les laisse mourir, et quand le pays souffre, on dit qu’ils sont indispensables.

Il s’est passé la même chose en Italie, où les librairies ont été invitées à rouvrir à la mi-avril. « C’est la reconnaissance que le livre est un bien essentiel », a plaidé le ministre Dario Franceschini. 160 libraires ont dit non, pour des raisons de sécurité. Mais aussi pour une autre, cernée par l’écrivaine Caterina Soffici, dans La Stampa du 14 avril : quelle « démagogie » d’un gouvernement qui, depuis des lustres, tient le monde culturel dans la pauvreté, notamment les libraires, isolés dans le pays d’Europe où on lit le moins.

En Espagne, le ministre de la culture, Rodriguez Uribes, a fait fort en citant Orson Welles, le 7 avril. A savoir : « La vie d’abord et ensuite le cinéma. » Soignons d’abord, on verra bien pour la culture. Indignation générale. Jamais je n’ai été autant « méprisé » en quarante ans, a réagi en substance le metteur en scène Lluis Pasqual. Le ministre a rétropédalé, la culture devenant huit jours plus tard « un bien de première nécessité ». Sauf que le secteur en Espagne subit des coupes budgétaires depuis des années.

Soumis aux lois de l’économie

Ce n’est donc pas pendant une catastrophe, mais avant et après, que la culture doit être un produit de première nécessité. La France a fait de la culture un objet à part avec des politiques fortes et avec l’exception culturelle : des règles qui échappent au marché (prix unique du livre, taxes dans le cinéma ou la musique, quotas…) afin que les formes les plus diverses puissent vivre, même non rentables.

Faut-il placer dans ce climat le geste narcissique et baroque d’Olivier Py du 8 avril ? Alors que l’été des festivals était déjà condamné, et cinq jours avant qu’Emmanuel Macron ne le confirme, le directeur du Festival d’Avignon a dévoilé son programme sur Internet, comme si de rien n’était, donnant au passage des entretiens. Irresponsable !, ont réagi certains, l’accusant d’amplifier l’image d’enfants gâtés qui colle à la culture. On peut y voir aussi le geste d’un artiste pour qui le théâtre est à part dans un monde culturel de plus en plus aligné sur le modèle de l’entreprise.

Car depuis une douzaine d’années, la culture est autant une forme qui nourrit les esprits qu’un produit soumis aux lois de l’économie. Ce n’est pas un hasard si ce basculement a eu lieu à mesure que les subventions publiques baissaient. Avec pour conséquence de rentrer dans le rang, donc d’échapper à la première nécessité.

Les chiffres de l’après-virus diront si la culture est redevenue indispensable. Emmanuel Macron a promis qu’elle fera partie du gâteau nommé « plan de relance ». La taille de la part dépendra de lui, de la façon dont il arbitrera avec Bercy, qui a une longue tradition de fossoyeur de la culture. En tout cas le match est lancé.

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2 avril 2020

CULTURE

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24 mars 2020

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18 mars 2020

Coronavirus : le ministère de la culture lance l’opération #CultureChezNous

Par Sandrine Blanchard

Le site du ministère va servir à « répertorier les initiatives permettant de faire venir la culture à domicile ».

Un opéra ou un concert en streaming, une visite virtuelle d’exposition… Le ministère de la culture lance, à partir de mercredi 18 mars, l’opération #CultureChezNous. Pour profiter de la culture de chez soi. « Le site Internet du ministère va devenir une plate-forme où seront répertoriées toutes les initiatives permettant de faire venir la culture à domicile pendant le confinement lié au coronavirus », explique, au Monde, l’entourage de Franck Riester.

Dans un premier temps, toutes les actions d’offres culturelles à distance lancées par les opérateurs publics (Opéra de Paris, Centre Pompidou, palais de Tokyo, BNF, etc.) y seront regroupées.

Alors que le secteur culturel, comme beaucoup d’autres secteurs économiques, est durement touché par la fermeture des lieux de spectacles, de concerts, d’exposition, le site du ministère donnera également des informations pour les professionnels de la culture.

« Une adresse e-mail sera créée pour chaque secteur (musique, théâtre, danse, etc.) permettant de se renseigner sur les aides et les soutiens », précise le cabinet du ministre. « Des mesures d’urgence vont être prises en lien notamment avec le Centre national du cinéma [CNC], le Centre national de la musique [CNC] », promet-on. Il est, par exemple, envisagé de permettre aux structures de ne pas rembourser les subventions touchées pour l’organisation de manifestations qui ont été annulées.

Des discussions en cours sur les intermittents du spectacle

Sur la question des intermittents du spectacle, confrontés au risque d’une « double peine » (ne pouvant pas faire leurs cachets, ils risquent de ne pas pouvoir renouveler leurs droits à l’assurance-chômage), des « discussions sont en cours avec Matignon et le ministère du travail », explique la Rue de Valois. « Nous sommes tout à fait conscients du problème », insiste le ministère.

Quant au ministre de la culture – qui a annoncé, lundi 9 mars, être contaminé par le virus –, « il va bien malgré quelques épisodes de fièvre », affirme son entourage. Franck Riester participera, mercredi 18 mars, au conseil des ministres prévu en visioconférence.

De son côté, le Syndicat national du théâtre privé (SNDTP) a publié, mardi 17 mars, un communiqué invitant les personnes qui avaient réservé pour des spectacles qui ont dû être annulés à « faire don de leurs billets ». Reprenant une initiative lancée il y a quelques jours en Hongrie et relayée sur les réseaux sociaux, le syndicat propose aux spectateurs de « ne pas réclamer le remboursement de leur billet par solidarité avec le milieu culturel ». Cet « appel à la solidarité » permettrait, selon le SNDTP, de « soutenir la filière artistique ».

Parallèlement, le syndicat demande également que « le gouvernement prenne des mesures pour permettre aux spectateurs qui le demanderaient de bénéficier d’un dégrèvement fiscal de tout ou partie de leur geste de solidarité envers le monde culturel ».

13 mars 2020

Coronavirus : des fermetures en cascade

Coronavirus : Château de Versailles, Tour Eiffel, Louvre, Centre Pompidou, Musée d'Orsay, Olympia, Châtelet, Théâtre des Champs-Elysées... des fermetures en cascade

Suite à l’annonce du Premier Ministre ce vendredi 13 mars, qui limite tout rassemblement à 100 personnes, le monde du spectacle, déjà durement touché, multiplie les annonces de fermetures ou de report.

Coronavirus : les assistantes maternelles et les structures d'accueil de moins de dix enfants pourront rester ouvertes, annonce le ministre de la Santé

Le ministère de la Culture a appelé ce vendredi 13 mars toutes les structures qui sont sous sa tutelle, dont les musées et les bibliothèques, à limiter leurs activités ou à fermer au public. Une décision prise pour freiner la propagation du coronavirus.

"Les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits sur l'ensemble du territoire national dès ce vendredi 13 mars, et toutes les structures du ministère sont invitées à recentrer leur activité autour de leurs fonctions essentielles, pouvant aller jusqu'à une fermeture de la structure au public", selon un message adressé par le ministère aux établissements publics.

Musées

La Tour Eiffel est fermée.

Le Louvre, musée le plus visité au monde, ferme ce vendredi 13 à 18h et "jusqu'à nouvel ordre". Les deux expositions "Albrecht Altdorfer" et "De Donatello à Michel-Ange" sont reportées. La nouvelle est tombée ce vendredi 13 dans l'après midi et fait suite à une avalanche d'annonces de fermetures et de reports.

Le château de Versailles, lui, maintient ouvert uniquement les jardins et le parc.

#Coronavirus : conformément aux consignes gouvernementales, le château de Versailles, les Châteaux de Trianon ainsi la galerie des Carrosses sont fermés. Les Jardins et le Parc demeurent ouverts.

Le Centre Pompidou ferme.

L'Institut du monde arabe annule ses activités et événements, et ferme ses portes au public, à compter du samedi 14 mars.

Le Musée des Arts Décoratifs ferme vendredi 13 mars.  Le vernissage de l'exposition "Le dessin sans réserve" est annulé et l'exposition reportée.La BnF ferme à partir du 13 mars au soir.

La Fondation Cartier ferme ses portes au public et annule les prochains événements

Le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) de Marseille ferme ses portes "jusqu'à nouvel ordre" en raison du coronavirus, a indiqué l'établissement.

La Fondation Marguerite et Aimé Maeght est fermée au public à partir du 15 mars au soir. L’exposition Jacques Monory dont le vernissage était prévu le 28 mars est reportée...

Théâtres, concerts et spectacles

L'Opéra de Paris annule jusqu'au 31 mars toutes ses répétitions de ballet et d'opéra, ainsi que les spectacles dans ses plus petites salles, l'amphithéâtre et le studio Bastille.

Le Théâtre des Champs-Élysées annule ses concerts et représentations jusqu’au 19 avril 2020.

Chaillot - Théâtre national de la Danse annule ses représentations dès ce jour et sera fermé au public jusqu’au 22 avril inclus. La dernière représentation de Vessel de Damien Jalet et Kohei Nawa prévue ce 13 mars n’aura pas lieu.

Les trois salles de la Comédie Française annulent leurs représentations à compter de ce jour et jusqu'au 18 mars inclus.

Le théâtre de l’Odéon annule ses représentations, notamment de La Ménagerie de verre avec Isabelle Huppert, dans le 6e et le 17e à compter du 13 mars au soir et jusqu’à nouvel ordre.

Le Théâtre du Rond-Point annule les représentations du Cirque invisible et de Kadoc dans la salle Renaud-Barrault à compter de ce soir et jusqu'à nouvel ordre. Les représentations des spectacles Mon dîner avec Winston et Les Derniers Jours en salle Jean Tardieu sont maintenues jusqu’à nouvel ordre. (Jauge réduite à moins de 100 personnes). Les représentations de La Visite en salle Roland Topor sont maintenues jusqu’à nouvel ordre. (Jauge de 86 places).

La représentation supplémentaire de #RoomWithAView est finalement annulée au théâtre du Chatelet.

Les représentations de spectacles et concerts de l'Opéra de Versailles et du Théâtre des bouffes du Nord sont annulées. La Philharmonie de Paris est fermée jusqu'au 7 avril.

"On joue jusqu'à dimanche devant moins de 100 spectateurs. Si les gens viennent. Après, on ferme le théâtre", a indiqué Nathalie Szewczyk, l'administratrice du théâtre Rive-Gauche.

L'Olympia avait annoncé dès le 11 mars l'annulation de tous ses concerts et sa fermeture jusqu'au 15 avril, prenant acte de l'interdiction des rassemblements de plus de 1.000 personnes. Dans un communiqué sur Twitter, la salle prévient les acquéreurs de billets que tous les concerts et spectacles sont annulés jusqu'à la mi-avril.

Le spectacle "Fascination" du cascadeur, dresseur et écuyer Mario Luraschi, qui fête les 50 ans de sa carrière au cinéma, prévu du 20 au 22 mars au Palais des Sports de Paris, est reporté à la fin juin. Le show équestre sera présenté au public parisien les 26, 27 et 28 juin 2020, ont annoncé les organisateurs. Mario Luraschi, accompagné de sa troupe de 15 cavaliers et de ses chevaux acteurs, sera par ailleurs en tournée au Zénith de Dijon les 18 avril et 19 avril, au Zénith de Nantes les 20 et 21 Juin et à la Halle Tony Garnier de Lyon les 4 et 5 Juillet.

A Aix et Marseille annulation des représentations prévues au Théâtre de La Criée, au ymnase-Bernardines, au Jeu de Paume, au Grand Théâtre de Provence à compter de ce soir et jusqu'au 15 avril. 

La finale du concours international d'éloquence en français qui devait se tenir le 17 mars sous la Coupole de l'Institut de France n'aura pas lieu. Les journées de formation avaient été dispensées par l'association Eloquentia auprès de 18 candidats. La priorité est au retour des candidats dans leurs pays. 

Festivals : Printemps de Bourges, Banlieues Bleues...

Le 37e festival Banlieues Bleues s’arrête dès ce vendredi 13 mars au soir.

Les Globes annulent, quant à eux, leur 15e Cérémonie prévue le 14 mars tout comme Musicora qui annule sa 31e édition prévue du 8 au 10 mai à la Seine Musicale.

Le TJP Centre Dramatique National Strasbourg-Grand Est annule le festival Les Giboulées qui devait débuter ce 13 mars. Et au-delà du festival, les spectacles Une maison (30 et 31 mars), Pleine Lune (du 1er au 7 avril) et Je suis là (du 3 au 9 avril) sont annulés.

Le Festival Paris Music qui devait se tenir du 19 au 21 mars est annulé.

Le festival Le Printemps de Bourges n'aura pas lieu.

29 février 2020

La Culture

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