Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
iran
5 décembre 2019

"La répression en Iran est inédite depuis 40 ans", affirme Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix 2003

L’Iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003, avocate et militante des droits de l'Homme, revient pour France 24 sur les manifestations en Iran, qui ont été marquées ces deux dernières semaines par des violences meurtrières. Selon l'ONG Amnesty International, au moins 208 manifestants ont été tués dans la répression, le plus lourd bilan enregistré depuis la révolution de 1979.

"Ce qui s’est passé en Iran c’est une oppression maximale, violente de la population, inédite depuis 40 ans", affirme sur France 24 l’Iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003. "C’est quand un gouvernement se sent faible qu’il devient violent."

L’avocate iranienne appelle les Occidentaux à "ne pas soutenir la dictature et à rester du côté du peuple iranien", expliquant être contre les sanctions économiques qui pèsent sur la vie quotidienne des Iraniens. Shirin Ebadi souhaite, par contre, des sanctions visant à affaiblir le régime : "La France doit montrer sérieusement son mécontentement envers l’État iranien et doit demander à ce que son ambassadeur quitte l’Iran".

iran66

Publicité
26 novembre 2019

Avec le retour d’Internet, les Iraniens découvrent l’ampleur de la répression

Par Ghazal Golshiri, Téhéran, correspondance

Les autorités ont organisé des manifestations pro-régime, lundi, alors qu’émergeaient progressivement les noms des victimes. La répression de la contestation qui a éclaté le 15 novembre contre la hausse du prix des carburants a fait au moins 143 morts.

Après la répression sanglante, voici venu le temps de la propagande. Pour répondre à l’importante vague de contestation dans le pays, les autorités iraniennes ont invité leurs partisans à investir à leur tour les rues, lundi 25 novembre, pour dénoncer « le saccage des biens publics et privés » et « l’ingérence de l’étranger » par les opposants au régime. La répression des heurts qui ont suivi l’annonce de la hausse des prix de l’essence, le 15 novembre, aurait causé la mort d’au moins 143 personnes. Le nombre de personnes interpellées pourrait atteindre 4 000.

« Le message de la manifestation d’aujourd’hui est que nous réglons nous-mêmes nos problèmes et que nous n’avons guère besoin des étrangers. Je remercie le peuple d’avoir séparé sa voix de celle des contestataires », a martelé Mohsen Rezaï, le chef adjoint du Conseil de discernement des intérêts de la République (qui légifère par décret sur les questions urgentes) alors que les manifestants pro-régime scandaient : « A bas les auteurs de sédition. »

Quelques heures plus tôt, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Abbas Moussavi, était allé encore plus loin en qualifiant les manifestants de ce lundi de « vraies gens », invitant les pays étrangers à les regarder de près.

Stupéfaction et horreur

Les « vraies gens » face aux autres, c’est-à-dire les contestataires, ceux qui ont été dans la rue et ceux qui sont aujourd’hui en colère contre la violente répression entreprise par Téhéran. Depuis la levée du blocage d’Internet, le 23 novembre, des Iraniens arrivent à envoyer images des manifestations, tandis que les autres découvrent, avec stupéfaction et horreur, l’ampleur de la violence. Petit à petit, le nom et les portraits des victimes surgissent, surtout de jeunes hommes, simples passants ou manifestants.

Dans une vidéo, prise sur une place de la ville de Gorgan dans le nord-est, on voit ainsi un civil s’attaquant avec un sabre à des policiers, tandis qu’un autre manifestant agite dans l’air une hache. Une autre vidéo, prise d’un autre point de vue, montre ce dernier, sans sa hache, qui, touché de très près par une balle, tombe par terre. Les forces de l’ordre traînent ensuite le jeune homme par les pieds et l’évacuent de la place.

« Ils peuvent nous faire ce qu’ils veulent »

« Depuis que la connexion est rétablie, je suis en train de devenir folle en voyant les vidéos, alors que pendant la semaine où Internet était coupé, j’avais le sentiment de faire le deuil d’un proche, explique Sara (son nom a été modifié), médecin dans le nord de l’Iran. La gorge serrée, je sens un mélange de solitude et de frustration en pensant que ces gens peuvent nous faire ce qu’ils veulent et que nous, nous ne pouvons rien faire. »

Avec le retour d’Internet, la liste des étudiants arrêtés émerge également grâce aux informations partagées par leurs amis et proches, car, en l’absence de réseau, les habitants d’une même ville étaient restés parfois sans nouvelles les uns des autres. A Téhéran uniquement, les étudiants parlent de l’arrestation d’une trentaine de leurs camardes. Les manifestants arrêtés dans la capitale auraient été transférés à la prison tristement célèbre d’Evin, dans le nord de la ville, mais aussi au centre de détention Fashafouyeh, plus au sud, connu pour ses conditions de détention difficiles.

Même Hassan Khalilabadi, le chef du Conseil de la ville de banlieue de Chahr-e-Ray, où est situé Fashafouyeh, a fait part de son inquiétude. « Ce centre de détention où sont aussi placés des prisonniers dangereux ne peut pas détenir autant de gens », a-t-il mis en garde. Des propos alarmants, pourtant démentis par le responsable des prisons de Téhéran.

« Machines de propagande »

« Ils vont bientôt diffuser les aveux de quelques-uns de ces milliers de prisonniers, dans le but d’alimenter leurs machines de propagande et de justifier la répression », se désole Mahdi, un habitant d’Ispahan qui témoigne que les forces de l’ordre ont ouvert « systématiquement » le feu sur la foule en colère lors des manifestations dans sa ville, du 15 au 18 novembre.

« Dans notre quartier seulement, une dizaine de personnes a été tuée. Dans beaucoup d’endroits, c’était une atmosphère de guerre civile. J’ai caché un blessé par balle à la jambe chez moi, dit cet Iranien de 30 ans en montrant des photos de sa cour, entachée du sang. J’ai vu brûler trois stations de métro et cinq banques. » Les autorités parlent de 900 banques incendiées dans les manifestations dans tout le pays.

Pour certains Iraniens, le saccage est l’œuvre des éléments liés au pouvoir qui cherchent ainsi à justifier sa réponse violente, tandis que d’autres y voient la colère des couches défavorisées dont la situation s’est sensiblement dégradée ces dernières années. Selon le Fond monétaire international (FMI), l’inflation a dépassé les 40 % et le taux du chômage des jeunes se situe autour de 30 %, un chiffre certainement sous-estimé. Depuis le retour des sanctions américaines en raison d’un retrait unilatéral de Washington, en mai 2018, de l’accord sur le nucléaire iranien, les recettes du pays, liées surtout au pétrole, ont drastiquement chuté.

L’économie, déjà gravement atteinte par la corruption et une mauvaise gestion, est aujourd’hui soumise à de fortes pressions. Or la coupure d’Internet vient de lui infliger une perte de 1,4 milliard d’euros, selon un ancien membre de la chambre iranienne de commerce. Les secteurs les plus touchés seraient les commerces en ligne et les start-up. « Le blocage d’Internet a été un coup de poing dans le ventre de ceux, comme nous, qui pensaient qu’il était possible de rester, de construire et de mener des réformes en Iran, malgré les obstacles et les problèmes », a écrit sur Twitter l’entrepreneur Nasser Ghanemzadeh.

De quoi encore assombrir le tableau pour de nombreux Iraniens. Autour de Mahdi, « beaucoup de couples de mon âge m’ont parlé de leur intention de partir ». « Ici règne un sentiment de haine et de désespoir généralisé », glisse-t-il. Le mari de Sara aussi a accepté qu’elle parte seule avec leur fille de 8 ans au Canada. « J’ai déjà appelé un cabinet d’avocats spécialisé dans les questions d’immigration. Mon mari restera en Iran. Et moi au Canada, je travaillerai ou ferai des études, dit-elle. En ce moment, je traverse les jours les plus tristes de ma vie. »

25 novembre 2019

La une de Libération ce lundi 25 novembre 2019

libé lundi

24 septembre 2019

La difficile recherche à l’ONU d’une désescalade entre Washington et Téhéran

trump iran

Par Marc Semo, New York, envoyé spécial

« Il est clair pour nous que l’Iran porte la responsabilité de l’attaque » du 14 septembre contre l’Arabie saoudite, ont assuré, lundi à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, Emmanuel Macron, Angela Merkel et Boris Johnson.

La médiation est un exercice délicat. Le président français s’est activé toute la journée du lundi 23 septembre pour tenter de concrétiser une rencontre entre Donald Trump et Hassan Rohani à New York, en marge de la 74e Assemblée générale des Nations unies (ONU) à laquelle il croit encore. Emmanuel Macron a eu « une première rencontre informelle » lundi matin avec le président américain et dans la soirée il a rencontré son homologue iranien, à peine arrivé de Téhéran.

Prés de deux heures de discussion « directe » durant lesquelles le chef de l’Etat a rappelé à Hassan Rohani que « la voie de la désescalade était étroite mais plus que jamais nécessaire ». Le visage fermé d’Emmanuel Macron et de ses conseillers à l’issue de la rencontre semblerait montrer qu’une poignée de main historique entre les présidents américain et iranien reste encore pour le moins aléatoire.

En début d’après midi, le chef de l’Etat s’était entretenu avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre britannique Boris Johnson, les dirigeants des deux autres pays européens signataires de l’accord de Vienne de juillet 2015 – ou Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) –, mettant sous contrôle international le programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions économiques. Il devrait à nouveau parler avec Donald Trump dans la matinée de mardi.

Relâcher la pression des sanctions

« Je ferai tout pour que les conditions de discussions se créent, à la fois pour qu’il n’y ait aucune escalade et pour qu’on construise une solution utile, durable pour la sécurité dans la région », a affirmé le président français. Il veut croire à une « ouverture avec des conditions » de la part du ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Ce dernier a, de fait, affirmé la veille à la chaîne CNN que Téhéran ne fermait « pas la porte à des discussions » avec les Etats-Unis, à condition que Washington relâche la pression des sanctions.

La montée des tensions après le bombardement en Arabie saoudite, le 14 septembre, d’installations pétrolières de l’Aramco Saudi complique la donne. L’attaque a été revendiquée par les rebelles houthistes du Yémen soutenus par Téhéran mais elle est attribuée directement à l’Iran, aussi bien par Washington que Ryad.

« Il est clair pour nous que l’Iran porte la responsabilité de cette attaque. Il n’y a pas d’autre explication plausible », assure aussi le communiqué commun publié après la rencontre des trois dirigeants européens. « Ces attaques ont été dirigées contre l’Arabie saoudite, mais elles concernent tous les pays et renforcent le risque de conflit majeur », souligne le communiqué appelant Téhéran à revenir au respect du JCPOA, et de s’engager dans une négociation sur son rôle dans la sécurité régionale ainsi que sur la limitation de son programme balistique.

Avec le poids symbolique d’une position commune, Londres, Paris et Berlin veulent marquer le coup mais aussi rappeler leur volonté d’une issue diplomatique à la crise.

Washington joue la retenue se limitant pour le moment à un durcissement des sanctions contre Téhéran et à un déploiement « modéré » de renforts militaires dans le Golfe. Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, pourtant réputé être un « faucon » face à l’Iran, insiste sur la nécessité d’une « solution pacifique ». De son côté, la République Islamique a aussi fait un geste à la veille de l’Assemblée générale de l’ONU en laissant repartir un pétrolier battant pavillon britannique arraisonné un mois plus tôt.

Les Iraniens exigent des gestes très concrets

Pour sa médiation Emmanuel Macron a un certain nombre d’atouts en main et notamment la crédibilité acquise par la diplomatie française depuis 2003 sur le dossier du nucléaire iranien. En outre le président français est à même de parler à tous les protagonistes du dossier, aussi bien à Donald Trump qu’à Hassan Rohani, et le réchauffement des relations avec la Russie lui permet aussi de compter sur le soutien de Vladimir Poutine, même si Moscou, pourtant aussi signataire du JCPOA et allié de l’Iran, ne fait pas grand-chose.

Déjà lors de l’Assemblée générale de l’ONU de septembre 2017, Donald Trump avait demandé à Emmanuel Macron de jouer les intermédiaires pour une rencontre avec M. Rohani refusée alors par Téhéran. Un an plus tard, c’étaient les Iraniens sous le coup du retrait de Washington de l’accord et du rétablissement des sanctions américaines qui sondaient le président français pour une éventuelle rencontre sous condition avec le locataire de la Maison Blanche que ce dernier refusa estimant que sa politique de « pression maximale » n’avait pas encore porté tous ses effets. Cette fois pourrait donc être la bonne.

« Si c’est juste pour une photo sans résultat concret, cela ne fera qu’accroître les difficultés économiques des Iraniens », a déjà averti le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Téhéran exige des gestes très concrets et en premier lieu le rétablissement des exemptions dont bénéficiaient jusqu’en mai les huit principaux acheteurs de brut iranien. En échange, les Iraniens devraient revenir à leurs engagements dans le JCPOA. « Cette procédure de désescalade, amorcée à Biarritz [lors du sommet du G7] est toujours sur la table. Il faut que des actes soient posés et que la partie iranienne dise ce qu’elle veut faire dans cet environnement-là », a insisté le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Avant de s’envoler pour New York, le président Hassan Rohani a déclaré que l’Iran présenterait à l’ONU un plan de coopération régionale destiné à assurer la sécurité des eaux du Golfe. Patelin et bien rôdé à l’exercice de parler à la tribune de l’ONU, il a déjà bien préparé ses éléments de langage : « Les actions cruelles qui ont été engagées contre la nation iranienne, ainsi que les problèmes compliqués auxquels notre région est confrontée doivent être expliquées aux peuples et aux nations du monde. »

24 septembre 2019

ALERTE-Iran- Arabie saoudite:

ALERTE-Iran- Arabie saoudite: La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni accusent l'Iran d'être «responsable» de l'attaque contre l'Arabie saoudite

Dans une déclaration conjointe des chefs d'État et de gouvernement de France, d'Allemagne et du Royaume-Uni, à New-York à l’occasion de la 74ème Assemblée générale

de l’Organisation des Nations Unies, Emmanuel Macron, Angela Merkel et Boris Johnson accuse l’Iran d’être derrière les attaques de drones contre des installations pétrolières saoudiennes.

Voici un extrait du communiqué :

« Nous, dirigeants de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni, rappelons nos intérêts de sécurité partagés, en particulier au regard de la préservation du régime global de non-prolifération et de la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient.

Nous condamnons avec la plus grande fermeté les attaques qui ont visé des sites pétroliers sur le territoire saoudien, le 14 septembre 2019 à Abqaiq et Khurais, et réaffirmons notre pleine solidarité avec le Royaume d’Arabie saoudite et sa population.

Il est clair pour nous que l’Iran porte la responsabilité de cette attaque. Il n’y a pas d’autre explication plausible. Nous soutenons les enquêtes en cours pour disposer de tous les détails.

Ces attaques ont été dirigées contre l’Arabie saoudite, mais elles concernent tous les pays et renforcent le risque de conflit majeur. Elles rappellent l’importance des efforts collectifs à mener en faveur de la stabilité et de la sécurité régionale, y compris de trouver une solution politique au conflit en cours au Yémen. Les attaques soulignent aussi la nécessité d’une désescalade dans la région, par des efforts diplomatiques continus et un engagement avec toutes les parties ».

Publicité
24 septembre 2019

Iran : pour Macron, « quelque chose peut se passer à New York »

Par Marc Semo, envoyé spécial à New York

Le président français veut mettre à profit l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvre lundi 23 septembre, pour apaiser les tensions entre Washington et Téhéran.

Un mois après le sommet du G7 de Biarritz, où il avait réussi à faire – un peu – bouger les lignes, créant un espoir de désescalade dans le golfe Arabo-Persique et mobilisant ses hôtes sur l’Amazonie, le président français tente de transformer l’essai lors de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) qui s’ouvre lundi 23 septembre.

« Cela nous permet de mettre en œuvre la dynamique entamée au G7 », a confié Emmanuel Macron dans l’avion qui l’emmenait à New York, parlant à un petit groupe de journalistes.

Ce sont les deux priorités du chef de l’Etat, qui cherche à conforter sa nouvelle stature internationale en affichant son engagement sur le climat, un thème politiquement porteur, mais aussi l’efficacité de sa diplomatie pro-active. Une gageure alors que la réunion des chefs d’Etats et de gouvernement des 193 Etats membres de l’ONU s’ouvre dans climat international particulièrement lourd.

La tension entre Washington et Téhéran a encore monté ces deux derniers jours avec l’annonce de l’envoi de renforts américains et les mises en garde de la République islamique affirmant par la voix de son ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, que « la guerre ne sera pas limitée ». Mais, parlant à la chaîne américaine CNN dans l’après-midi du 22 septembre, le ministre iranien, nettement plus mesuré, a affirmé que le président Hassan Rohani était prêt à rencontrer son homologue Donald Trump « si [ce dernier] est prêt à faire le nécessaire », c’est-à-dire à lever les sanctions en échange « d’inspections permanentes des sites nucléaires iraniens ». Quelque chose semble donc bouger.

« Unité de lieu »

« Il y a un enjeu à New York. Les deux protagonistes de la crise sont là. Il y a une unité de lieu et pas tout à fait une unité d’action car nous ne sommes pas en Arabie saoudite mais quelque chose peut se passer », a affirmé Emmanuel Macron tout en admettant qu’après l’attaque contre les installations pétrolières saoudiennes attribuées à l’Iran « les chances d’une rencontre n’ont certes pas augmenté ».

Et d’en rappeler toutes les difficultés, y compris en raison des approches diamétralement opposées entre Washington et Téhéran, qu’il a pu vérifier lors de ses nombreux entretiens téléphoniques avec MM. Trump et Rohani.

« Les Iraniens sont flexibles sur les paramètres mais inflexibles sur le rendez-vous qui, à leurs yeux, ne doit venir qu’à la fin du processus alors que l’objectif des Américains est d’avoir ce rendez-vous à court terme », explique-t-il, précisant que « Donald Trump décide vite et seul. Il a des logiques très transactionnelles et il n’est pas très difficile à convaincre. Hassan Rohani lui a besoin pour négocier de se caler avec tout un système et quarante ans d’histoire. »

Sur l’Iran, tout s’est encore compliqué depuis un mois. L’accord de principe obtenu à Biarritz auprès de Donald Trump et auprès du président iranien pour une rencontre que M. Macron espérait organiser lui-même a été balayé depuis le bombardement revendiqué par les rebelles houthistes – soutenus par Téhéran – du site de la Saudi Aramco le 14 septembre. Comme Riyad, les Etats-Unis ont accusé l’Iran d’avoir organisé l’attaque mais ils déclarent vouloir éviter un conflit armé tout en annonçant un nouveau durcissement des sanctions. La France, elle, a dépêché des experts sur place.

« Ne pas faire de politique-fiction »

« Il faut être très prudent dans l’attribution ; il y a pour le moment des faisceaux d’indices mais ce bombardement est un fait militaire de nature nouvelle qui change l’écosystème dans lequel était la région et qui crée une nouvelle donne », analyse Emmanuel Macron affirmant « ne pas vouloir faire de politique-fiction sur cette escalade et sur le rôle de l’Iran entré sur le chemin d’une montée en tension qui est une erreur stratégique majeure aussi bien pour lui-même que pour toute la région ».

Le programme new-yorkais d’Emmanuel Macron consacré à la question iranienne pour le 23 septembre est dense. Il doit rencontrer à la fois le premier ministre britannique Boris Johnson et la chancelière allemande Angela Merkel, les dirigeants des deux pays européens signataires de l’accord de Vienne de juillet 2015 (JCPOA), mais aussi Donald Trump et Hassan Rohani. Et il n’avait toujours pas décidé la veille dans quel ordre il rencontrerait les présidents des Etats-Unis et de l’Iran.

Depuis le début de la crise entraînée en mai par un nouveau durcissement des sanctions américaines et par la fin des exemptions dont bénéficiaient les huit principaux clients du brut iranien – dont la Chine, le Japon et l’Inde – le président français tente de se poser en médiateur entre Washington et Téhéran.

En mai 2018 les Etats-unis s’étaient retirés du JCPOA qui gelait et mettait sous contrôle international pour dix ou quinze ans selon les points le programme nucléaire iranien. Depuis juillet la République islamique a commencé à revenir sur ses engagements reprenant l’enrichissement de l’uranium au-delà du taux maximum autorisé de 3,67 % et elle annonce de nouvelles entorses pour le 6 novembre.

Agir sur quatre points

« Je ne suis pas un fétichiste du JCPOA et l’on est forcé de constater que ses deux principaux protagonistes l’ont quitté ou sont en train de le quitter », reconnaît Emmanuel Macron qui n’en estime pas moins nécessaire de préserver l’accord en le complétant.

« Alors même que les Etats-Unis en avaient été le moteur leur retrait affaiblit la position américaine d’autant qu’ils n’offrent pas d’alternative », insiste le président français, rappelant la nécessité affirmée par Paris avant même la décision de Donald Trump de le renforcer en agissant sur quatre points – la consolidation du traité lui-même, le fait de le compléter pour l’après 2025, la nécessité de contrôler les activités balistiques de l’Iran et d’arrêter ses actions de déstabilisation régionale.

« Ces deux ans depuis le retrait américain n’ont permis ni de résoudre la question du programme nucléaire iranien ni de réduire la conflictualité dans la région », relève Emmanuel Macron soulignant que « les discussions se focalisent sur le nucléaire (…) alors même que la grammaire dans laquelle nous rentrons est un peu différente ; elle a été imposée par les Iraniens et pas seulement sur le nucléaire ». Le président français évoque les attaques de pétroliers dans le détroit d’Ormuz, l’abattage d’un drone américain auquel Washington n’a pas répondu, les tensions régionales et ce dernier bombardement des installations pétrolières saoudiennes.

Appelant à « un multilatéralisme robuste et agile », Emmanuel Macron veut montrer à la fois l’importance et les limites du multilatéralisme pour gérer des crises. « Le cadre du multilatéralisme s’est affaibli par exemple pour le JCPOA remis en cause par certains de ses garants qui ont décidé d’en sortir ce qui a entraîné une remontée des tensions ; cela montre que quand on sort de ce cadre il y a le risque de l’escalade », a noté le président français relevant « qu’un multilatéralisme faible récompense les Etats voyous – comme on l’a vu en Syrie en 2013 quand les lignes rouges fixées à Bachar Al-Assad n’ont pas été respectées ce qui donné deux gagnants dans la région, l’Iran et la Russie – ; en revanche, un multilatéralisme robuste, comme celui qui a été montré avec les Etats-unis en avril 2018 pour répondre à une attaque chimique a donné des résultats ».

Cette action diplomatique qu’il mène à New York, Emmanuel Macron la voit aussi en résonance directe avec le quotidien des Français. « La sécurité régionale dans le Golfe, c’est le prix de l’essence avec de rapides répercussions sur le pouvoir d’achat, a indiqué le chef de l’Etat, mais c’est aussi notre sécurité tout court car s’il y a un embrasement il y aura des effets dominos très difficiles à maîtriser. »

23 septembre 2019

Donald Trump sans stratégie face à l’Iran

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Le président américain pense qu’il peut appliquer les sanctions les plus brutales contre Téhéran tout en entretenant l’idée d’une nouvelle négociation, plus favorable aux Etats-Unis. Tout démontre que cette croyance est une chimère.

La crainte d’un embrasement régional après des attaques contre les infrastructures pétrolières saoudiennes imputées à Téhéran, le 14 septembre, s’est dissipée, mais le bilan à ce jour de la sortie unilatérale des Etats-Unis, en mai 2018, de l’accord sur le nucléaire iranien, promesse de campagne de Donald Trump, n’est pas à l’avantage du président américain. Il pourrait en faire l’expérience pendant son passage à l’Assemblée générale des Nations unies (ONU), du 23 au 26 septembre.

Washington espère y mobiliser contre l’Iran. Au cours des derniers mois, cependant, l’administration Trump n’a jamais été en mesure d’entraîner dans son sillage d’autres pays signataires de ce compromis.

Contrairement aux affirmations du président Trump, selon qui Téhéran a déjà changé d’attitude, le pouvoir iranien campe dans la défiance comme l’ont encore montré les déclarations de responsables mettant en garde contre « une guerre totale » en cas de frappes militaires contre leur pays. L’Iran a en outre commencé à s’affranchir de certaines contraintes de l’accord de 2015, et ses alliés régionaux restent particulièrement actifs.

Le péché originel du coup d’éclat de Donald Trump réside en bonne partie dans le caractère hétéroclite de la coalition qui l’a défendu. Il a été soutenu par les « faucons » du Parti républicain, à commencer par l’ancien conseiller à la sécurité nationale du président, John Bolton, qui considèrent en fait que seul un changement de régime à Téhéran permettra de faire rentrer l’Iran dans le rang.

Les limites de la « pression maximale »

Ce courant s’est appuyé sur une conjoncture régionale inédite : le rapprochement d’Israël et des puissances les plus influentes du Golfe, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Donald Trump a ajouté ses propres motivations : le démantèlement d’un des legs diplomatiques les plus importants de son prédécesseur Barack Obama, et le rêve de parvenir à un « meilleur accord » qui témoignerait de ses talents de négociateur.

Longtemps masquées par le succès apparent d’une campagne de « pression maximale » qui repose sur l’intimidation, les contradictions de cette coalition apparaissent aujourd’hui au grand jour.

Pour les « faucons », la « pression maximale » a besoin du crédit que confère l’éventualité de l’usage de la force, conçue comme un levier supplémentaire et non comme une alternative. Donald Trump, qui partage le même objectif que Barack Obama – parvenir à une relative stabilité régionale qui permettrait un retrait américain du Proche Orient –, refuse au contraire d’être entraîné dans une guerre dans laquelle les Etats-Unis seraient obligés de s’engager aux côtés de leurs alliés.

Les monarchies du Golfe semblent découvrir pour leur part que la « pression maximale » les place en première ligne face à leur puissant adversaire. Les attaques du 14 septembre ont exposé leur vulnérabilité, malgré de colossales commandes d’armes américaines.

Les atermoiements de Donald Trump, qui avait déjà refusé en juin, seul contre l’ensemble de ses conseillers selon le New York Times, de répliquer à la destruction par l’Iran d’un drone américain, les conduisent enfin à s’interroger sur la solidité du lien avec les Etats-Unis alors que ces derniers ne sont plus tributaires du pétrole produit dans la région.

Message brouillé

Le temps politique n’est par ailleurs plus celui de 2018. En Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui a longtemps fait de l’Iran son principal épouvantail, lutte pour sa survie après des élections législatives défavorables.

A Riyad, le prince héritier Mohammed Ben Salman est désormais lesté d’un bilan qui comprend le bourbier yéménite dans lequel il a englué son pays, une brouille avec le Qatar, l’assassinat à Istanbul du dissident Jamal Khashoggi et la défiance du Congrès des Etats-Unis du fait de ces fiascos.

Le départ de John Bolton, probablement limogé le 10 septembre parce qu’il s’opposait à une perspective de désescalade défendue activement par la France, n’a cependant pas apporté la clarification espérée sur les objectifs de Donald Trump. Ce dernier continue de répéter qu’il ne veut rien s’interdire, au risque de brouiller totalement son message comme c’est le cas avec l’éventualité pourtant écartée fermement par Téhéran d’une rencontre historique avec son homologue Hassan Rohani. « Rien n’est jamais totalement exclu mais je n’ai pas l’intention de rencontrer l’Iran », a finalement déclaré Donald Trump, dimanche matin.

En fait, plus le président des Etats-Unis évoque cette perspective, plus les Iraniens s’en distancient. Plus il exclut toute forme de conditions pour un dialogue, alors que son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, en avait énuméré douze, toutes plus draconiennes les unes que les autres après la sortie de l’accord de 2015, plus Téhéran avance les siennes.

Contradictions

Donald Trump pense qu’il peut en même temps appliquer les sanctions les plus brutales contre l’Iran sans alimenter un risque de guerre tout en entretenant l’idée d’une nouvelle négociation, plus favorable aux Etats-Unis, sans contrarier ses alliés régionaux. Tout démontre aujourd’hui que cette croyance est une chimère.

Au contraire, le durcissement des sanctions a entraîné en représailles la multiplication des tensions dans le Golfe, jusqu’aux attaques contre les infrastructures saoudiennes et les mises en garde de Téhéran contre toute riposte. Il contrarie l’instauration de toute forme de dialogue et ébranle les alliés arabes des Etats-Unis dont un, les Emirats arabes unis, a jugé bon de reprendre langue avec Téhéran.

Donald Trump a écarté pour l’instant une réponse militaire. Il a ajouté de nouvelles sanctions, entretenant le discours des « faucons » qui veut que l’étranglement soit facteur de résultats, ce que les derniers mois ont démenti. Le Pentagone a également annoncé l’envoi de troupes en Arabie saoudite dans le souci manifeste de redorer la crédibilité des Etats-Unis. Aucun chiffre n’a été avancé pour l’instant concernant ce déploiement présenté comme « modéré ». Et pour cause : une telle annonce va complètement à l’encontre de la promesse de Donald Trump de rapatrier une bonne partie des soldats américains déployés à l’étranger.

20 juillet 2019

Golfe Persique : le détroit d’Ormuz, au centre du monde

Par Philippe Jacqué, Nabil Wakim, Louis Imbert, Ghazal Golshiri, Téhéran, correspondance, Benjamin Barthe, Beyrouth, correspondant

Le couloir situé entre l’Iran et les Emirats arabes unis revêt une importance stratégique pour le trafic maritime pétrolier mondial. Il est aussi le théâtre de multiples affrontements, depuis la guerre Iran-Irak dans les années 1980 jusqu’aux récentes tensions entre Téhéran et Washington.

Aux confins de l’Arabie et aux portes de la Perse, nimbé d’exotisme et de danger, le détroit d’Ormuz est à la fois bout et centre du monde, passage obligé et coupe-gorge. Cette image saturée de soleil, d’embruns et d’or noir, façonnée par la fameuse guerre des tankers des années 1980, à l’époque du conflit Iran-Irak, a été ranimée, depuis le mois de mai, par la soudaine escalade des tensions entre Washington et Téhéran. Six navires mystérieusement sabotés à l’entrée du golfe Persique, un drone américain abattu par un missile iranien, une avalanche de déclarations belliqueuses : Ormuz, le « cap Horn » des capitaines de pétroliers, est repassé en rouge sur la carte des points géopolitiques à risque.

En 2018, 21 millions de barils de brut ont transité chaque jour par ce couloir, soit un cinquième de la consommation mondiale d’or noir et un tiers du pétrole acheminé par voie maritime sur la planète. Un quart de la consommation mondiale de gaz naturel liquéfié a aussi circulé par cet étroit goulet. En plus d’être l’épine dorsale du système énergétique international, Ormuz se trouve sur la ligne de faille entre l’Iran et l’Arabie saoudite, deux puissances à couteaux tirés, qui se disputent la suprématie régionale.

La guerre économique décrétée par les Etats-Unis contre la République islamique, menée à coups de sanctions contre son industrie pétrolière, et les rituelles menaces de fermeture du détroit, proférées en riposte par les dirigeants de Téhéran, ont redonné au lieu son cachet sulfureux. Ultrasurveillé, ultramilitarisé, Ormuz est une boîte de Pandore géostratégique.

Territoire volcanique

Cette autoroute maritime, en forme de chicane, est dessinée par la péninsule de Musandam, une enclave omanaise à l’intérieur des Emirats arabes unis (EAU), et la baie de Bandar-e-Abbas, un port iranien entouré d’îles. Parmi celles-ci, Ormuz, qui a donné son nom au détroit. Ce territoire volcanique fut, aux XIVe et XVe siècles, un important comptoir sur la route des Indes et la capitale d’un petit royaume, rayonnant sur le Golfe et la côte d’Oman.

 

Long de 45 km, le passage fait 38 km de large à l’endroit le plus resserré. Les eaux territoriales iraniennes étant peu profondes, les navires sont obligés de circuler dans des chenaux très étroits, de 2 milles nautiques (3,7 km), passant entre les îlots omanais de Quoin et Ras Dobbah. Un espace interdit à la navigation d’une distance équivalente sépare le couloir entrant du couloir sortant.

« Quand on entre dans le détroit, il faut prendre un virage à gauche à 90 degrés, explique le Français Bertrand Derennes, commandant de tanker à la retraite. On prend alors le rail de navigation obligatoire, et surtout, on ne doit pas dévier, un peu comme quand on passe au large de Calais, il y a un rail et on le suit. » Une fois le détroit effacé, le chenal s’élargit à 3 milles nautiques (5,5 km) mais passe entre trois îles (Grande Tomb, Petite Tomb et Abou Moussa) occupées depuis 1971 par l’Iran, au grand dam des EAU qui les revendiquent.

« La zone est extrêmement étroite et en plus, elle est sillonnée par des petites embarcations de pêcheurs ou de contrebandiers, raconte Hubert Ardillon, un autre ancien de la marine marchande française. Le passage est compliqué en raison de la brume de chaleur qui restreint la visibilité. J’ai beaucoup joué de la corne de brume sur le détroit. »

Longtemps méconnu, Ormuz émerge sur la carte du fret maritime mondial durant la seconde moitié du XXe siècle, en raison de trois événements successifs : le début de l’exploitation, en 1951, de Ghawar, le plus vaste gisement d’or noir du globe, découvert trois ans plus tôt, sur la côte est de l’Arabie saoudite ; le choc pétrolier de 1973, conséquence de la guerre israélo-arabe du Kippour, qui multiplie le prix du baril par trois et ébranle les économies occidentales ; et la révolution khomeyniste de 1979, qui propulse au pouvoir à Téhéran un régime islamiste prosélyte, dans un pays chiite, suscitant l’inquiétude des Etats sunnites du Golfe, notamment l’Irak, qui entre en guerre contre son voisin l’année suivante.

Attaques de l’armée irakienne

Ormuz devient cinq ans plus tard un mot familier dans les bulletins d’information occidentaux. En avril 1984, plusieurs navires faisant le plein de brut au terminal de l’île de Kharg, par lequel transitent 90 % des ventes de pétrole iraniennes, sont attaqués, à coups de missiles Exocet, par les Super-Etendard de l’armée irakienne. Le président Saddam Hussein, confronté à l’échec répété des offensives terrestres lancées par ses troupes, a décidé de porter le conflit dans les eaux du Golfe.

L’ambition du despote irakien est double : saper l’effort de guerre iranien en affaiblissant l’économie du pays, très dépendante des exportations d’hydrocarbures d’une part ; et pousser le régime de Téhéran à la faute, en l’incitant à bloquer le détroit d’Ormuz, ce qui provoquerait une intervention occidentale immédiate, d’autre part. Le 16 mai 1984, Akbar Hachémi Rafsandjani, le président du Parlement iranien et futur président de la République (1989-1997), a en effet lancé : « Nous ne tolérerons pas qu’il soit difficile d’exporter notre pétrole par l’île de Kharg tandis que d’autres pays continuent d’exporter le leur facilement. Le golfe Persique sera accessible à tous ou à personne. »

Pour tenter de mettre les clients de son industrie pétrolière à l’abri, Téhéran aménage des terminaux flottants, plus au sud du Golfe, qui sont ravitaillés par navettes. Mais grâce à l’aide de la France, qui l’équipe en Mirage F1, le rayon d’action de l’aviation irakienne s’étend, ce qui lui permet de poursuivre ses raids jusqu’à l’île de Larak, en face de Bandar-e-Abbas. Des dizaines de tankers sont coulés ou irrémédiablement endommagés. En mai 1987, des missiles irakiens touchent même une frégate américaine, probablement par erreur, tuant 37 marins.

L’Iran, qui dispose de chasseurs Phantom et Tomcat datant de l’époque du chah (1941-1979), réplique en attaquant les pétroliers qui viennent s’approvisionner au Koweït, au Qatar et aux Emirats, trois monarchies solidaires de l’Irak. La République islamique pose aussi des mines, plante des batteries de missiles antinavires le long de ses côtes et élabore une stratégie de harcèlement du trafic maritime confiée aux pasdarans, les gardiens de la révolution. Le 16 septembre 1986, des membres de cette force naissante et désordonnée, mêlant patriotes et fanatiques du régime, mitraillent un tanker koweïtien depuis des vedettes ultrarapides parties des îles Tomb et Abou Moussa. C’est le premier d’une longue série de raids maritimes menés par la future garde prétorienne du régime.

En réaction, les Etats-Unis lancent en juillet 1987 l’opération « Earnest Will » (« ferme volonté »). Les pétroliers koweïtiens sont rebaptisés et placés sous pavillon américain. Un croiseur, un destroyer et deux frégates de l’US Navy les accompagnent toutes les deux semaines, jusqu’à la sortie d’Ormuz. « Il s’agit de la plus importante opération d’escorte navale depuis la fin de la seconde guerre mondiale », rappelle Pierre Razoux, directeur de recherche à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire, à Paris, dans La Guerre Iran-Irak (Perrin, 2013).

Flagrant délit de pose de mines

La confrontation, inéluctable, éclate en trois temps : dans la nuit du 21 septembre 1987, un hélicoptère américain surprend le navire Iran Ajr en flagrant délit de pose de mines sur les voies commerciales. La scène est filmée à la caméra infrarouge. Les soldats américains donnent ensuite l’assaut au bateau – une opération qui coûte la vie à cinq marins iraniens – avant de l’envoyer par le fond.

Téhéran crie aussitôt à l’agression. Depuis le podium de l’Assemblée générale des Nations unies où il est le premier dirigeant iranien à se rendre depuis la révolution, Ali Khamenei, alors président, soutient que l’Iran Ajr était un navire commercial. Mais, dans ses Mémoires, son successeur Akbar Hachémi Rafsandjani confesse la faute du régime. « Notre navire commercial emportait deux mines à destination de Bushehr, écrit-il. Nous étions convenus de rejeter l’accusation [américaine] (…) et de ne rien dire sur l’existence de ces deux mines. »

Le deuxième affrontement intervient le 19 octobre 1987, peu après qu’un missile antinavire a percuté un supertanker récemment passé sous la bannière étoilée, blessant grièvement le commandant et plusieurs officiers, tous américains. En représailles, des destroyers pilonnent deux plates-formes offshore qui servaient de repaire aux pasdarans, à proximité du terminal de Lavan. La troisième confrontation, une bataille aéronavale de grande ampleur, baptisée « Praying Mantis » (« mante religieuse »), survient en avril 1988, après l’explosion d’une mine au passage d’un navire américain. En réaction, l’US Navy anéantit deux frégates iraniennes et des bases des pasdarans situées dans les champs pétroliers de Sirri et Sassan.

Trois mois plus tard, le 3 juillet 1988, c’est l’épilogue tragique de la guerre des tankers : un croiseur américain, l’USS Vincennes, qui pourchassait, au mépris des consignes de sa hiérarchie, des vedettes de pasdarans dans les eaux iraniennes, ouvre le feu sur un Airbus d’Iran Air, reliant Bandar-e-Abbas à Dubaï, qu’il a confondu avec un avion de chasse hostile. Le tir provoque la mort des 290 passagers, dont 66 enfants, qui se rendaient au pèlerinage de La Mecque. Huit ans plus tard, les Etats-Unis se résolvent à verser 132 millions de dollars (117 millions d’euros) de dommages au gouvernement iranien, dont 62 millions de dollars destinés aux familles des victimes, mais refusent de présenter leurs excuses. Téhéran considère encore à ce jour ce tir comme volontaire.

Opération « Mante religieuse »

En tout, entre 1984 et 1988, plus de 500 vaisseaux ont été détruits et endommagés, pour la grande majorité du fait de tirs irakiens. Le trafic n’a jamais cessé à travers le détroit, les Iraniens n’ayant pas voulu prendre le risque de le fermer complètement et n’ayant de toute façon pas les moyens de le faire durablement. Davantage que les dommages causés à son industrie pétrolière, c’est la baisse du dollar et du prix du baril qui a mis l’économie de l’Iran à terre. L’opération « Praying Mantis » (« Mante religieuse ») a aussi accéléré la fin du conflit, survenue le 20 août 1988, en convainquant l’ayatollah Khomeyni (guide de la révolution de 1979 à 1989) qu’il ne pouvait pas mener deux guerres en même temps.

Le Golfe retrouve alors son calme, mais des incidents se produisent à intervalles réguliers, signe que la tension couve. En 1991, pour éviter que la coalition internationale venue libérer le Koweït n’envahisse son territoire par la mer, l’Irak mouille des centaines de mines. L’opération de nettoyage par des dragueurs allemands, italiens, français, belges et néerlandais durera plusieurs mois. En mars 2007, des marins britanniques occupés à fouiller un boutre, au large de la frontière irako-iranienne, sont arrêtés par les gardiens de la révolution, au motif qu’ils se trouvent dans les eaux de leur pays. Ils sont libérés deux semaines plus tard.

En juillet 2010, une vedette suicide endommage un tanker japonais, une opération attribuée aux Brigades Abdallah Azzam, un groupe affilié à Al-Qaida. En janvier 2016, les pasdarans interceptent deux bateaux américains qui s’étaient égarés dans les eaux iraniennes et retiennent leurs dix marins pendant quelques heures. Les images des militaires, agenouillés, les mains sur la tête, tournent en boucle dans les médias iraniens et américains.

« SI NOTRE PÉTROLE NE PEUT PAS PASSER PAR CE DÉTROIT, SANS DOUTE LE PÉTROLE DES AUTRES PAYS N’Y PASSERA PAS NON PLUS »

En mai 2018, la décision de la Maison Blanche de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien, signé trois ans plus tôt, renvoie Ormuz, vieille connaissance occidentale, au premier plan de l’actualité. A la politique de « pression maximale » mise en œuvre par Donald Trump pour l’obliger à accepter un accord plus contraignant, l’Iran répond par de nouvelles menaces de fermeture du corridor maritime. « Si notre pétrole ne peut pas passer par ce détroit, sans doute le pétrole des autres pays n’y passera pas non plus », clame, en mai 2019, le général Mohammad Bagheri, le chef d’état-major iranien. Le remake de la déclaration de Rafsandjani, trente-cinq ans plus tard.

La planète pétrole a changé

Entre ces deux dates, la planète pétrole a changé, et Ormuz aussi. Grâce à l’huile de schiste, les Américains sont devenus les premiers producteurs mondiaux d’or noir, devant les Saoudiens et les Russes. En 2019, les Etats-Unis n’importent plus que 16 % de leur pétrole du Proche-Orient – contre 26 % six ans plus tôt.

Les plus gros acheteurs de pétrole sont désormais asiatiques. Selon l’Agence d’information sur l’énergie du ministère de l’énergie américain (EIA), 76 % des exportations de brut ayant transité par Ormuz en 2018 étaient destinées à l’Inde et aux puissances extrême-orientales, surtout la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Intimement lié à l’essor industriel des grands pays occidentaux dans la seconde moitié du XXe siècle, le détroit est devenu l’auxiliaire de la modernisation de l’Asie.

Autre constat : malgré les attaques de tankers au mois de juin, la destruction d’un drone américain par un missile iranien et les imprécations de Téhéran, le cours du baril n’a pas flambé. La guerre commerciale entre Donald Trump et son homologue chinois, Xi Jinping, suscite tellement plus d’inquiétude qu’elle a relégué au second plan sur les marchés pétroliers le « vieux » risque géopolitique d’Ormuz.

Des alternatives au passage par Ormuz

Le détroit compte d’ailleurs quelques concurrents, ce qui n’était pas le cas il y a trente ans. Soucieux de garantir l’écoulement de leur production en toutes circonstances, les Etats du Golfe se sont offert des alternatives au passage par Ormuz. Le pipeline Est-Ouest, qui traverse l’Arabie saoudite pour déboucher au port de Yanbu sur la mer Rouge, a une capacité de 5 millions de barils par jour. Les EAU disposent d’un oléoduc qui mène à Foujeyra, dans le golfe d’Oman, d’une capacité de 1,5 million de barils. Enfin, l’Irak possède une voie vers le nord, à travers le Kurdistan irakien vers le port turc de Ceyhan, d’une capacité théorique de 1,4 million de barils par jour. L’Iran, quant à lui, cherche à développer, malgré les sanctions américaines, son port de Chabahar, ouvert à l’océan Indien, et à le relier à Bandar-e-Abbas par un pipeline.

Mais ces réseaux de contournement ne sont pas aussi efficaces qu’espéré. Une grosse partie du pétrole qui circule dans l’oléoduc saoudien est en fait destiné aux raffineries situées dans l’ouest du royaume. Le mauvais état du pipeline irakien ne permet pas d’exporter plus de la moitié du volume promis. A l’heure actuelle, les monarchies du Golfe n’exportent qu’environ 3,2 millions de barils par jour par oléoduc. Si toutes ces voies terrestres fonctionnaient à plein régime, le total pourrait passer à 7 ou 8 millions. Ce qui laisserait tout de même plus de 12 millions de barils sans autre option qu’Ormuz.

Ces oléoducs ne sont d’ailleurs pas sans risque : le pipeline irakien a été attaqué à plusieurs reprises, et, en mai, des drones s’en sont pris à la route Est-Ouest, endommageant deux stations de pompage. Au même moment, quatre navires au mouillage à Foujeyra étaient la cible de mystérieux sabotages. L’auteur de ces attaques n’a pas été formellement identifié. Mais celles-ci s’apparentent aux provocations soigneusement calculées dont l’Iran a fait sa spécialité, à l’image de la destruction du drone américain, le 20 juin, revendiquée, elle, par Téhéran.

L’appareil d’observation a été abattu de nuit, à haute altitude, alors qu’il évoluait sur un parcours régulier et éminemment prévisible. Téhéran soutient que l’appareil avait pénétré dans son espace aérien. Les autorités iraniennes ont aussi pris soin de souligner qu’un avion de reconnaissance américain qui volait à proximité, avec 35 personnes à bord, a été épargné, afin de ne pas provoquer de pertes irréparables.

« Les sabotages de tankers en mer d’Oman, en mai et juin, obéissent à la même logique, estime l’historien Pierre Razoux. Il n’y a pas eu de morts, les dégâts matériels sont limités. Les Iraniens se contentent de signaler que si les sanctions américaines les empêchent d’exporter leur pétrole, c’est tout le trafic dans la région qui souffrira avec eux. »

Déminage du détroit tous les deux ans

Téhéran sait qu’il n’a pas les moyens de verrouiller Ormuz. La disproportion des forces est encore plus nette que dans les années 1980. Les Etats-Unis ont ouvert, en 1995, une base navale permanente, à Bahreïn, où stationne leur Ve flotte, et déménagé le quartier général de leur commandement central au Qatar, au début des années 2000. L’armée française s’est installée à Abou Dhabi en 2009. La Royal Navy britannique est présente à Oman et à Bahreïn. Ces marines effectuent des exercices conjoints de déminage du détroit tous les deux ans, pour la dernière fois en mai 2019, et demeurent convaincues qu’un minage d’Ormuz n’est pas à l’ordre du jour.

A supposer que l’Iran parvienne à damer le pion à toutes ces marines et à paralyser Ormuz pendant quelques jours, cela ne suffirait pas à créer une pénurie dommageable sur le plan financier. La plupart des pays disposent en effet de réserves stratégiques de pétrole pour faire face à ce genre de situation. Face à l’armada américaine, et à Riyad, qui s’est doté de la première force maritime régulière de la région, Téhéran ne peut miser que sur ses capacités de nuisance et de dissuasion, testées durant la guerre des tankers.

« NOUS N’AVONS PAS LES MOYENS DE LA MARINE AMÉRICAINE, C’EST ÉVIDENT. MAIS EN CAS DE CONFLIT, IL EST CERTAIN QUE NOUS COULERONS QUELQUES-UNS DE SES NAVIRES, ET PEUT-ÊTRE UN PORTE-AVIONS »

La marine iranienne s’est bien équipée de « sous-marins de poche » auprès de la Russie et de la Corée du Nord. Mais elle n’a pas cherché à acquérir de bâtiments de surface de gros tonnage. La fierté des gardiens et du régime reste leur flotte de vedettes rapides, équipées pour certaines de missiles, et pour d’autres d’une simple mine prête à glisser sur son rail. Les jeunes gardiens embarqués sur ces coquilles de noix s’entraînent sur des simulateurs à se lancer à l’assaut de bâtiments américains. « Nous n’avons pas les moyens de la marine américaine, c’est évident. Mais en cas de conflit, il est certain que nous coulerons quelques-uns de ses navires, et peut-être un porte-avions », veut croire un responsable iranien.

C’était l’objectif d’un exercice militaire iranien très médiatisé, en 2015, durant lequel les gardiens avaient fait exploser une maquette flottante de l’USS Nimitz, mastodonte des mers. A Téhéran, on garde aussi en tête un autre exercice militaire, américain celui-ci, organisé dans les eaux du Golfe en 2002 : une puissance armée « à l’iranienne » avait fictivement « détruit » seize bâtiments américains, dont un porte-avions.

Dans son bras de fer asymétrique avec les Etats-Unis et leurs alliés, l’Iran s’appuie aussi sur l’effet dissuasif de son arsenal balistique. Par temps clair, depuis les gratte-ciel d’Abou Dhabi, la vue porte sur la petite île d’Abou Moussa, équipée par Téhéran de batteries de missiles capables de frapper toute la côte des Emirats. Parmi les cibles probables en cas de conflit : des usines de dessalement, des aéroports, des installations pétrolières et gazières. De quoi mettre ces micro-monarchies à genoux en quelques frappes.

La stratégie de Téhéran

Pour l’heure, la stratégie de Téhéran est davantage économique que militaire. « Créer des troubles dans le détroit, avec des mines par exemple, ou faire peur aux transporteurs, ça fait monter le prix des assurances, et donc, in fine, le prix du baril », expose un bon connaisseur du marché pétrolier. Exsangue du fait des sanctions américaines, qui entravent ses exportations d’hydrocarbures, l’Iran a besoin de vendre le peu de barils qu’il arrive encore à écouler au prix le plus élevé possible.

L’impact sur les coûts de transport est déjà sensible. Selon l’agence Bloomberg, les primes de risque dans le Golfe peuvent maintenant s’élever à 500 000 dollars, contre 50 000 dollars en début d’année. Cette hausse ne se reflète que timidement dans les cours actuels, elle ne représente pas plus de 25 cents par baril. Mais si la tendance s’accentue, l’effet se fera sentir. Pour les Iraniens, cette stratégie haussière est aussi une manière de mettre les Américains sous pression : les premiers à souffrir d’un pétrole cher seraient les Asiatiques et les Européens, qui seraient alors incités à se retourner contre la politique de Donald Trump, espèrent les dirigeants de Téhéran.

A ses capitaines qui croisent dans la zone, l’un des acteurs majeurs du secteur donne la consigne suivante : « Elever sa vitesse lors du passage dans le chenal iranien afin d’effacer le détroit le plus rapidement possible tout en assurant une veille visuelle et radar très attentive. Et une fois le détroit passé, naviguer en priorité au large des côtes des Emirats arabes unis et d’Oman, de façon à laisser les côtes iraniennes le plus loin possible. »

16 juillet 2019

Une chercheuse franco-iranienne arrêtée en Iran

Par Ghazal Golshiri, Téhéran, correspondance

Les autorités françaises réclament de pouvoir rencontrer sans délai Fariba Adelkhah, anthropologue à Sciences Po Paris, dont elles sont sans nouvelles depuis plusieurs jours.

Jusqu’à présent, les citoyens français semblaient être à l’abri de la lutte engagée entre l’Iran, d’un côté, l’Europe et les Etats-Unis, de l’autre, depuis que Donald Trump a décidé de se retirer unilatéralement de l’accord sur le nucléaire, signé avec Téhéran, en mai 2018. Cependant, dimanche 14 juillet, les médias persophones à l’étranger ont annoncé l’arrestation de la Franco-Iranienne Fariba Adelkhah, chercheuse au Centre de recherches internationales de Sciences Po, à Paris.

La nouvelle de l’arrestation a été confirmée le même jour par le porte-parole du gouvernement iranien, Ali Rabiei, sans qu’il donne aucune explication. « J’ai entendu la nouvelle. Or, je ne connais pas les détails, ni ne sais qui en est à l’origine ni la raison », a-t-il expliqué lors d’un point presse à Téhéran, laissant entendre que l’arrestation ne relevait pas du ministère du renseignement, placé sous l’autorité du président iranien.

« J’AI DEMANDÉ DES CLARIFICATIONS AU PRÉSIDENT ROHANI », A AFFIRMÉ EMMANUEL MACRON.

Selon les médias persophones, l’anthropologue, âgée de 60 ans, aurait été arrêtée le 7 juin par le service de renseignement des gardiens de la révolution, la principale force armée du pays, sous l’autorité directe du Guide suprême Ali Khamenei et échappant à l’autorité du président, Hassan Rohani. De son côté, la France réclame de pouvoir rencontrer sans délai la chercheuse dont elle est sans nouvelles.

Son arrestation constitue un vrai choc pour ses collègues en Iran et en France. « Je ne vois aucune raison à son arrestation, car elle voyageait assez souvent en Iran et participait à des colloques ainsi qu’à des conférences. Ses écrits n’étaient guère hostiles à la République islamique, mais plutôt analytiques de la situation religieuse iranienne », écrit, depuis Téhéran, une sociologue souhaitant conserver l’anonymat.

Emmanuel Macron a déploré lundi n’avoir eu « aucune explication » sur cette arrestation, ce qui le « préoccupe beaucoup ». « J’ai exprimé mon désaccord et demandé des clarifications au président Rohani. J’attends des retours et des clarifications », a déclaré le président.

Onze binationaux emprisonnés en Iran

La République islamique d’Iran ne reconnaît pas la double nationalité de ses citoyens. Selon les derniers chiffres avancés par les organisations des droits de l’homme, onze binationaux seraient en ce moment emprisonnés en Iran. Par le passé, Téhéran a utilisé ces citoyens comme monnaie d’échange dans ses négociations avec l’Occident. Cela a été notamment le cas du journaliste irano-américain Jason Rezaian, arrêté pour « espionnage » et relâché au moment où une partie des sanctions internationales ont été levées dans le cadre de l’accord sur le nucléaire, en janvier 2016, sous la présidence de Barack Obama.

Mais, depuis l’arrivée au pouvoir de son successeur, Donald Trump, le ton ne cesse de monter entre Téhéran et Washington. L’accord, lui, a été déchiré par le nouveau pensionnaire de la Maison Blanche, qui a entrepris une politique de « pression maximale » pour forcer l’Iran à revenir à la table des négociations. Ainsi, il souhaite obtenir des Iraniens un nouvel accord visant à limiter leur programme balistique et leur rôle « déstabilisateur » dans la région. Pour le moment, Téhéran a répliqué en reprenant certaines de ses activités nucléaires, suspendues dans le cadre de l’accord.

Dans ce contexte tendu, l’arrestation de Fariba Adelkhah, la première touchant une citoyenne française depuis dix ans, ne peut que compliquer les efforts de Paris cherchant à jouer le rôle de médiateur pour faire baisser les tensions entre Téhéran et Washington dans la région. Ainsi, début juin, Emmanuel Macron a dépêché, pour la deuxième fois, en Iran son conseiller diplomatique, Emmanuel Bonne, afin de rechercher les moyens d’une désescalade et une façon de sauver l’accord.

Les médias locaux évoquent une accusation « d’espionnage »

Fariba Adelkhah avait arrêté d’étudier l’Iran en 2009, lorsque la contestation contre la réélection jugée frauduleuse de l’ancien président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) avait été réprimée. A l’époque, l’anthropologue avait fustigé, dans une lettre publique, l’arrestation, en Iran, et le jugement de la chercheuse française Clotilde Reiss pour espionnage. Elle y annonçait mettre un terme à ses études iraniennes face au « climat de peur ».

A la faveur de l’élection du président Hassan Rohani, en 2013, la Franco-Iranienne a ensuite repris ses déplacements en Iran. Ces derniers mois, elle se consacrait à l’étude de l’institution cléricale chiite, notamment dans la ville religieuse de Qom. Les médias iraniens évoquent « l’espionnage » comme chef d’accusation retenu contre la Franco-Iranienne.

Cette arrestation s’ajoute à d’autres interpellations de journalistes et de militants politiques iraniens. Selon nos informations, ces derniers mois, les convocations des acteurs de la société civile par les services de renseignement ont sensiblement augmenté. Dernière arrestation en date, lundi 15 juillet, celle de la journaliste féministe Moloud Hajizadeh, à Téhéran.

31 mars 2019

Nasrin Sotoudeh

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 > >>
Publicité