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Jours tranquilles à Paris
politique
24 octobre 2019

Thierry Breton, le nouveau choix de Macron pour la Commission européenne

thierry breton

L’ex-ministre de l’économie sous Chirac prend la suite de Sylvie Goulard, dont la candidature pour le poste de commissaire a été rejetée.

Deux semaines après le rejet de la candidature de Sylvie Goulard, Emmanuel Macron a proposé Thierry Breton, 64 ans, actuel PDG du groupe Atos et ex-ministre de l’économie, comme nouveau membre français de la Commission européenne, a annoncé l’Elysée, jeudi 24 octobre.

Principal enjeu pour Paris, le vaste portefeuille obtenu pour le commissaire français – politique industrielle, marché intérieur, numérique, défense et espace – restera bien inchangé. Emmanuel Macron en a obtenu l’assurance d’Ursula von der Leyen, a précisé la présidence. « Ce qui m’importe, c’est le portefeuille ! Je me suis battu pour un portefeuille », s’était écrié le chef de l’Etat, apprenant avec agacement l’éviction de Sylvie Goulard, le 10 octobre, vécue comme un camouflet infligé par le Parlement européen.

La candidature de l’éphémère ministre des armées d’Emmanuel Macron, gênée par l’affaire des emplois présumés fictifs du MoDem et par son poste de « consultante » pour l’Institut Berggruen alors qu’elle siégeait à Strasbourg, a été rejetée par les eurodéputés.

La future présidente de la Commission a déjà approuvé le nouveau choix du président français. Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen « se sont mis d’accord sur ce profil après une discussion en amont. Si nous proposons ce candidat, c’est qu’il convient », commente l’Elysée.

Parcours qui mêle public, privé et politique

Avec son parcours qui mêle public, privé et politique, ainsi que sa connaissance de l’industrie, cet ami de Jacques Chirac coche en effet de nombreuses cases. « Thierry Breton a des compétences solides dans les domaines couverts par ce portefeuille, en particulier l’industrie et le numérique, car il a été ministre de l’économie [sous Jacques Chirac] entre 2005 et 2007, avec tutelle sur l’industrie. Il a aussi été PDG de grands groupes industriels et du secteur de la défense (Thomson, France Télécom, Atos) et bénéficie d’une réputation solide d’homme d’action », fait valoir la présidence. C’est lui qui, appelé à la tête de France Télécom lourdement endetté, avait redressé le groupe en réduisant ses coûts et avait conduit à sa privatisation.

Il est aussi Macron-compatible, « aligné » avec les positions du chef de l’Etat. Il s’était rallié à sa candidature dès avant le premier tour, après le retrait d’Alain Juppé. « C’est aussi un européen convaincu, qui a conduit de nombreux projets franco-allemands », ajoute l’Elysée, en particulier à la tête d’Atos, qui a un siège en France et un à Munich. Thierry Breton est un ardent défenseur du développement en Europe de supercalculateurs capables de rivaliser avec la Chine et les Etats-Unis. En prime, il connaît Ursula von der Leyen, avec qui il a travaillé lorsqu’elle était ministre de la défense, sur la création d’un fonds européen de la défense et de la sécurité, pour doper les investissements européens dans ces domaines.

C’est, enfin, un ancien élu de terrain, qui a été conseiller régional de Poitou-Charentes de 1988 à 1992.

Préparation des auditions

Thierry Breton se « consacre dès à présent à la préparation des auditions auprès des commissions compétentes du Parlement européen », a-t-il indiqué jeudi dans une déclaration transmise à l’Agence France-Presse. « Je suis très honoré de la confiance qui m’est accordée par le président de la République M. Emmanuel Macron et par la présidente élue de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen », a-t-il ajouté. « Je mesure, pour l’Europe et pour tous nos concitoyens européens, l’importance des enjeux associés à ce portefeuille pour l’avenir de notre continent. »

D’ici fin novembre, le candidat doit convaincre des eurodéputés particulièrement soucieux de transparence. Il devra d’abord passer devant la commission parlementaire des affaires juridiques, chargée de se prononcer sur les éventuels conflits d’intérêts des futurs commissaires, qui a déjà évincé le Hongrois Laszlo Trocsanyi et la Roumaine Rovana Plumb. Puis il sera soumis, comme avant lui Sylvie Goulard, à l’audition des eurodéputés qui doivent donner leur aval.

Atos a d’ores et déjà annoncé jeudi que M. Breton serait remplacé à partir du 1er novembre comme directeur général par l’actuel directeur général délégué Elie Girard.

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22 septembre 2019

Affaire Karachi: Renvoi d’Edouard Balladur et de François Léotard devant la Cour de justice de la République

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Affaire Karachi: Le parquet requiert le renvoi d’Edouard Balladur et de François Léotard devant la Cour de justice de la République (L’Express)

Rebondissement dans l’affaire du financement de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995. L'Express révèle ce soir sur son site Internet que le ministère public a requis le 12 juillet dernier le renvoi de l'ancien Premier ministre et de son ministre de la Défense, François Léotard, pour être jugés devant la Cour de justice de la République (CJR).

L’Express rappelle que les deux hommes avaient à l’époque la haute main sur les contrats d'armement signés par la France avec l'Arabie saoudite et le Pakistan. Ils auraient « concouru à la préparation et à la réalisation » d'abus de biens des sociétés chargées de fabriquer et commercialiser ces armes en permettant notamment que de grosses sommes d'argent soient « retirées en espèces » via des commissions remises à un « réseau d intermédiaires inutiles »- parmi lesquels le fameux Ziad Takkieddine.

Qui plus est, Édouard Balladur est soupçonné d'avoir bénéficié « d'une partie du produit de ces délits ». Entre les deux tours de l'élection présidentielle, après avoir été vaincu au premier tour par Jacques Chirac, 10 millions de francs de l'époque (plus de 1,5 million d'euros) avaient en effet été déposés en liquide sur le compte de campagne du Premier ministre sortant. Les juges d'instruction estiment que les commissions, gigantesques et curieusement payées de manière anticipée, ont bénéficié à Edouard Balladur en dépit des démentis que ce dernier a constamment opposé à ces soupçons.

Pour rappel, c’est désormais à la commission d'instruction de la CJR de décider si Edouard Balladur et François Léotard seront jugés lorsd'un procès qui pourrait se tenir dans les prochains mois.

17 septembre 2019

Emmanuel Macron veut faire de l’immigration et de la sécurité un cheval de bataille

Par Olivier Faye, Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié

Le chef de l’Etat a revendiqué devant les parlementaires, lundi soir, le fait d’enfourcher le sujet de l’immigration au nom des « classes populaires ».

Emmanuel Macron l’a encore répété aux élus de sa majorité qui étaient réunis, lundi 16 septembre, dans les jardins du ministère des relations avec le Parlement : il faut « préparer notre pays aux défis contemporains qui font peur », et l’immigration en fait selon lui partie.

Depuis plusieurs semaines, le locataire de l’Elysée est convaincu de l’importance des sujets dits régaliens – immigration et sécurité en tête – en vue de la deuxième partie de son quinquennat. Et, donc, de la prochaine élection présidentielle. M. Macron assure en conséquence vouloir « regarder en face » ces questions et ne pas se cantonner aux seuls dossiers de la rentrée que sont les retraites, l’écologie ou la bioéthique. Au risque de froisser sa majorité, et de placer son premier ministre, Edouard Philippe, sur le reculoir.

Remonté contre les « distorsions » du droit d’asile, le chef de l’Etat a revendiqué devant les parlementaires, lundi soir, le fait d’enfourcher le sujet de l’immigration au nom des « classes populaires ». « La question est de savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas. Les bourgeois n’ont pas de problèmes avec ça : ils ne les voient pas. Les classes populaires vivent avec », a-t-il estimé. Des propos qui rejoignent ceux que le président de la République tient, en privé, depuis plusieurs semaines.

« Les bourgeois de centre-ville, eux, ils sont à l’abri ! »

« On aurait tort de considérer que parce qu’on parle de social et d’écologie, les questions régaliennes ne seraient pas une préoccupation des Français », avait déjà déclaré le chef de l’Etat, le 4 septembre, devant le gouvernement réuni en séminaire à l’Elysée.

La lutte contre la délinquance, les agressions, les cambriolages ou l’immigration illégale relèveraient même, selon lui, d’un « enjeu social » pour les quartiers défavorisés. « Les bourgeois de centre-ville, eux, ils sont à l’abri ! », a-t-il souligné devant ses ministres, appelant chacun à se défier des « bons sentiments ».

La veille, lors du dîner de la majorité, M. Macron avait déjà manifesté sa volonté de monter au créneau sur l’immigration. Un participant rapporte que le chef de l’Etat aurait notamment émis, en des termes parfois crus, son souhait d’augmenter les expulsions d’Albanais sans-papiers. « Le président était très remonté ce soir-là, c’était du Sarkozy qui avait branché le Kärcher ! », témoigne cette source.

Côté sécurité, deux chantiers sont sur la table. Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, doit lancer des consultations, fin septembre, pour rédiger un livre blanc sur le sujet, dont les conclusions pourraient être rendues début 2020. La ministre de la justice, Nicole Belloubet, a engagé quant à elle une réforme du code pénal des mineurs. « La séquence des “gilets jaunes” a installé l’idée que l’Etat régalien pouvait ne pas tenir sur le maintien de l’ordre, donc il faut démontrer le contraire », estime un ministre.

Sur l’immigration, l’exécutif entend surtout se montrer à l’offensive en ce qui concerne l’asile. « Le président a beaucoup évolué depuis 2015 et son soutien à [la chancelière] Angela Merkel dans l’accueil des migrants. A l’époque, il était sur une ligne très humaniste, constate un cadre de la majorité. Lors de la campagne présidentielle, il avait déjà évolué vers une position plus équilibrée. Mais depuis 2018, il s’est refermé, il pense que la société est plus dure que les politiques sur cette question. »

A l’issue du conseil des ministres, le 11 septembre, la porte-parole du gouvernement, Sibeth N’Diaye, a résumé les choses sans ambages. « Nous savons que, dans le futur, l’évolution du monde, l’existence de zones de conflit, le réchauffement climatique, conduiront à ce que de nouvelles vagues migratoires aient lieu. Nous devons armer notre pays », a-t-elle clairement indiqué. « L’enjeu est de savoir si la France peut résister à l’afflux d’un million de personnes venues du Maghreb en cas de crise dans l’un des pays de la région. La réponse est non », estime un ministre. La situation algérienne, où une élection présidentielle est prévue, le 12 décembre, se trouve en particulier dans le viseur du chef de l’Etat.

Affronter la question de l’immigration

Conscient de la sensibilité de sa majorité sur le sujet, déjà échaudée par le projet de loi asile-immigration, voté en 2018, l’exécutif a décidé de mener une « campagne de conviction ». Elle doit commencer avec un débat (sans vote) à l’Assemblée nationale, le 30 septembre, sur « la politique migratoire de la France et de l’Europe », qui sera précédé d’une déclaration du gouvernement. Objectif : « rebâtir un patriotisme inclusif », comme l’avait expliqué Emmanuel Macron à l’issue du grand débat national, en avril. « Tout est ouvert, tous les sujets pourront être abordés », assure une source au sein de l’exécutif à propos de ce débat, qui a vocation à se reproduire chaque année.

Bien que venant de la droite, le premier ministre Edouard Philippe montre un enthousiasme mesuré au moment d’entrer dans ce débat. « Dans ce domaine, Edouard considère qu’il faut avoir un verbe mesuré mais des actions fortes », explique un proche du chef du gouvernement, précisant que, « sur ces sujets, il n’est pas de la droite qui a passé son temps à lever le ton sans avoir de résultats ». Contrairement à un certain Nicolas Sarkozy, donc, qui avait enflammé les esprits avec le débat sur l’identité nationale et un discours incandescent sur l’immigration, à Grenoble, en 2010.

MM. Macron et Philippe s’étaient déjà opposés sur le sujet, en décembre 2018, lors de la préparation du grand débat national. A l’époque, le premier voulait faire de l’immigration un thème à part entière de la consultation ; le locataire de Matignon avait obtenu que le sujet soit inclus dans une thématique plus large, celle de la citoyenneté.

« Je veux que nous mettions d’accord la nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration. Il nous faut l’affronter », avait déclaré le président de la République, lors de son allocution de décembre 2018 pour présenter le grand débat imaginé en réponse à la crise des « gilets jaunes ». « Edouard Philippe, lui, est soucieux de ne pas trop bousculer une petite frange de la majorité traumatisée par le texte asile-immigration. Il est de par sa position plus en prise avec les députés », décrypte un membre de la majorité.

Endiguer la poussée de l’extrême droite

Dans l’entourage même du chef de l’Etat, cela ferraille entre les partisans d’une ligne humaniste et d’une ligne plus dure. « En gros, Philippe Grangeon [conseiller spécial] et l’aile gauche de la majorité freinent, tandis que [le ministre de l’action et des comptes publics] Gérald Darmanin et les sarkozystes poussent », décrypte un familier de l’Elysée. La République en marche (LRM) doit pour sa part consacrer son bureau exécutif du 23 septembre spécialement à cette question.

En menant cette offensive, le pouvoir entend répondre aux attentes de l’électorat de droite, qu’il convoite, et endiguer la poussée de l’extrême droite. « Vous n’avez qu’un opposant sur le terrain : c’est le Front national. Il faut confirmer cette opposition, car ce sont les Français qui l’ont choisie », a défendu M. Macron, lundi soir, devant sa majorité. « Si on n’a pas le courage de traiter ces sujets, c’est porte ouverte au Rassemblement national ! », prévient un député.

Selon l’étude annuelle « Fractures françaises », réalisée pour Le Monde par Ipsos Sopra-Steria, 64 % des Français assurent ne plus « se sentir chez [eux] comme avant » et 66 % estiment que « les immigrés ne font pas d’effort pour s’intégrer en France ». « L’immigration est un sujet majeur pour les Français. C’est comme les rochers en bord de mer : on ne les voit pas à marée haute, mais ils sont toujours là ! », souligne Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion publique à l’IFOP.

Au-delà des municipales, Emmanuel Macron a surtout dans viseur la présidentielle de 2022. Un député qui a ses entrées à l’Elysée renvoie ainsi au souvenir des années Lionel Jospin à Matignon (1997-2002) qui, bien que marquées par une embellie économique, se sont achevées par la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle à l’issue d’une campagne concentrée sur le thème de l’insécurité. « Comme à l’époque, on connaît une période de croissance, de baisse du chômage et d’augmentation du pouvoir d’achat, avec en même temps une hausse des cambriolages », souligne cet élu, qui plaide pour préparer un nouveau temps du quinquennat : « l’emploi, c’est fait, l’environnement, c’est aujourd’hui, et le régalien, c’est demain. » Et déjà un peu aujourd’hui, donc.

19 août 2019

Rentrée Politique

macron rentrée

27 juillet 2019

Donald Trump menace le vin français en rétorsion à la taxe GAFA

vin

En réaction de l’adoption par Paris de la taxe sur les géants américains du numérique, le président des Etats-Unis a dénoncé « la stupidité » d’Emmanuel Macron.

Donald Trump est monté au créneau vendredi 26 juillet contre la France et sa taxe sur les géants américains du numérique, dite « taxe GAFA ». Le président des Etats-Unis a dénoncé « la stupidité » de son homologue Emmanuel Macron et menacé de rétorsions le vin français, l’un des produits d’exportation tricolores les plus emblématiques.

« La France vient d’imposer une taxe du numérique à nos grandes entreprises technologiques américaines. Si quelqu’un devait les taxer, cela devrait être leur pays d’origine, les Etats-Unis », a tweeté Donald Trump. « Nous annoncerons bientôt une action réciproque substantielle après la stupidité de Macron. J’ai toujours dit que le vin américain était meilleur que le vin français ! », a ajouté l’hôte de la Maison Blanche, qui ne boit pas d’alcool.

De l’autre côté de l’Atlantique, la réaction n’a pas tardé : « La France mettra en œuvre ses décisions nationales », a réagi le ministre de l’économie Bruno Le Maire. Le Parlement français avait définitivement adopté le 11 juillet l’instauration de cette taxe sur les géants du numérique, faisant de la France un pays pionnier en matière d’imposition des GAFA (acronyme désignant Google, Apple, Facebook et Amazon) et autres multinationales accusées d’évasion fiscale.

L’administration Trump avait annoncé, la veille de cette décision, qu’elle lançait une enquête pour mesurer les effets d’une telle taxe sur les entreprises américaines. Puis, lors du G7 en France la semaine dernière, Paris et Washington avaient semblé réduire leur contentieux, les ministres des finances évoquant alors des progrès vers un accord mondial sur la taxation du numérique.

« La taxation universelle des activités numériques est un défi qui nous concerne tous. Nous souhaitons parvenir à un accord sur ce sujet dans le cadre du G7 et de l’OCDE », a souligné vendredi Bruno Le Maire.

« Discrimination »

Cette décision unilatérale « démontre le peu d’engagement de la France dans les négociations en cours avec l’OCDE », a pourtant jugé, depuis Washington, un porte-parole de la Maison Blanche, Judd Deere.

« Le gouvernement Trump a toujours affirmé qu’il ne resterait pas les bras croisés et ne tolérerait aucune discrimination à l’encontre des entreprises américaines. »

La taxe GAFA crée une imposition des grandes entreprises du secteur non pas sur leur bénéfice, souvent consolidé dans des pays à très faible fiscalité comme l’Irlande, mais sur le chiffre d’affaires, en attendant une harmonisation des règles au niveau de l’OCDE.

Plus tôt, le principal conseiller économique de la Maison Blanche, Larry Kudlow, avait qualifié cette taxe de « très, très grosse erreur ». « Nous ne sommes pas contents que la France soit allée de l’avant avec cette sorte d’impôt sur le numérique », avait-il dit sur la chaîne CNBC.

Droits de douane supplémentaires

La taxe GAFA impose ces entreprises à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires réalisé en France, notamment sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plates-formes. Cette solution a vocation à n’être que temporaire dans l’attente d’un aboutissement de négociations internationales.

En juin, Donald Trump avait déjà laissé entendre qu’il pourrait infliger des taxes douanières supplémentaires au vin français. Mais il invoquait alors ces droits pour corriger une concurrence jugée « déloyale ».

« La France taxe beaucoup le vin et nous taxons peu le vin français », avait alors dénoncé le président des Etats-Unis au cours d’un long entretien sur CNBC. Le vin français est réputé pour être « très bon », avait aussi commenté l’hôte de la Maison Blanche. Mais les viticulteurs américains se plaignent du fait qu’il entre sur le territoire « pour rien ». « Ce n’est pas juste, nous allons faire quelque chose pour ça », avait-il alors asséné.

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17 juillet 2019

La démission de François de Rugy prend de court l’exécutif

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Par Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié, Manon Rescan - Le Monde

Son départ intervient alors que « Mediapart » s’apprêtait à publier de nouvelles révélations le concernant. Le ministre a déposé plainte contre le site pour diffamation.

La pression aura été trop forte. Une semaine après les premières révélations du site Mediapart concernant des dépenses effectuées dans son logement de fonction au ministère et lors de dîners fastueux donnés lorsqu’il présidait l’Assemblée nationale, François de Rugy a finalement fait le choix, mardi 16 juillet, de démissionner de son poste de ministre de la transition écologique et solidaire.

Une décision qui a pris de court l’exécutif, qui avait décidé de soutenir le numéro deux du gouvernement et diligenté une enquête interne pour tenter de faire retomber la pression.

« La mobilisation nécessaire pour me défendre fait que je ne suis pas en mesure d’assumer sereinement et efficacement la mission que m’ont confiée le président de la République et le premier ministre », a écrit François de Rugy sur son compte Facebook.

Cette démission intervient alors que Mediapart s’apprêtait à publier de nouvelles révélations le concernant. Dans un article mis en ligne en début d’après-midi, et sur lequel le successeur de Nicolas Hulot à la transition écologique avait été interrogé la veille au soir, le site assure que François de Rugy, lorsqu’il était député de Loire-Atlantique, a utilisé son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour payer une partie de ses cotisations à Europe Ecologie-Les Verts (EELV) en 2013 et 2014. Or, non seulement cette indemnité ne peut pas être utilisée pour payer une cotisation à un parti politique, mais l’élu avait déduit ce versement du calcul de son impôt sur le revenu, alors que l’IRFM est déjà défiscalisée.

« Depuis le début de la semaine dernière, Mediapart m’attaque sur la base de photos volées, de ragots, d’approximations, d’éléments extérieurs à ma fonction », s’est plaint François de Rugy sur Facebook, assurant être « soumis à un feu roulant de questions nouvelles et contraint de parer sans cesse à de nouvelles attaques ». Selon lui, « la volonté de nuire, de salir, de démolir, ne fait pas de doute » et c’est pour cette raison qu’il a annoncé avoir déposé « une plainte pénale en diffamation » contre le site d’investigation.

« Un été meurtrier tous les ans ! »

Emmanuel Macron a accepté la démission de son ministre, présentée par l’Elysée comme une « décision personnelle ». Une version accréditée par plusieurs responsables de la majorité, selon lesquels ce ministre fragilisé aurait plié sous la pression.

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« François de Rugy est en saturation sur le plan personnel. Il est à bout car ce qu’il vit depuis une semaine est violent », observe la porte-parole des députés La République en marche (LRM), Olivia Grégoire. Pour justifier sa décision, il a lui-même mis en avant « les attaques et le lynchage médiatique dont [s]a famille fait l’objet ».

Rien ne laissait pourtant présager une telle volte-face de la part de celui qui disait encore, mardi matin dans Ouest France, vouloir rester à tout prix à son poste. Au contraire : après plusieurs jours de flottement, où certains ministres et députés LRM n’hésitaient pas à l’accabler, l’exécutif et la majorité semblaient bien décidés à faire bloc derrière lui. Le chef de l’Etat avait lui-même lancé lundi une mise en garde contre la « République de la délation » et dit refuser de prendre des décisions « sur la base de révélations » et non de faits, en marge d’un voyage officiel en Serbie.

Selon nos informations, l’exécutif avait même demandé aux membres de la majorité de serrer les rangs derrière le ministre. « Le mot d’ordre, c’est solidarité interne face à la délation », expliquait un poids lourd du groupe LRM à l’Assemblée nationale, lundi soir.

Même si la polémique autour de son train de vie n’a pas été appréciée, l’exécutif ne semblait pas vouloir laisser tomber le soldat Rugy. Au risque de donner une victoire à la presse. « La première volonté, c’était de ne pas céder à la pression de Mediapart », confiait un ministre, juste avant l’annonce de la démission.

Mais à partir du moment où cette affaire virait au feuilleton, la position de François de Rugy devenait de plus en plus intenable. « On n’a pas besoin de se faire un été meurtrier tous les ans ! », s’agace un député LRM.

Comme lui, plusieurs élus macronistes craignaient que l’épisode ne dégénère en regrettable série estivale, comme cela a été le cas un an auparavant avec l’affaire Benalla. Et ils préconisaient, en conséquence, de ne « pas laisser pourrir l’affaire ». « Il ne faut pas que cela dure car cela fait beaucoup de tort », estimait ainsi un membre du gouvernement, mardi midi. Surtout, comment François de Rugy, si fragilisé par les accusations contre lui, aurait-il pu être crédible pour porter l’ambition écologique de l’exécutif ?

Crainte d’un retour du « tous pourris »

La démission du numéro deux du gouvernement n’en reste pas moins un nouveau coup dur pour l’exécutif car elle ouvre une nouvelle période d’instabilité au ministère de l’écologie, onze mois après la démission fracassante de Nicolas Hulot. De quoi compliquer la tâche du chef de l’Etat, qui veut faire de la préservation de l’environnement un des marqueurs de l’acte II de son quinquennat. « Malgré cette affaire, il faut absolument qu’on reste audible et crédible sur l’écologie », souligne un ministre. Un défi ardu.

A l’Assemblée nationale, la démission a suscité des réactions contenues mardi après-midi. Damien Abad, député Les Républicains (LR) de l’Ain, a salué une « décision sage qui était devenue inéluctable ». « Sa mission à la tête de son ministère devenait difficile à cause du décalage, au même moment, entre les efforts demandés par l’exécutif aux Français (assurance chômage, aides au logement, réforme des retraites) et l’image renvoyée par ce ministre d’une France qui va bien », a ajouté Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste. Quant au député de la Somme François Ruffin, élu sous la bannière de La France insoumise, il s’est seulement arrêté pour asséner que cette démission est « superficielle » par rapport à l’urgence du dérèglement climatique.

La relative sobriété des réactions s’explique aussi par une crainte, qui plane depuis une semaine au-dessus du Palais-Bourbon : celle du retour du « tous pourris ».

« Quand il y a une affaire de ce type, ce n’est pas le gouvernement et la majorité qui sont perdants, on est tous perdants », commente un élu socialiste. Ces derniers jours, les députés ont constaté à quel point les photos des dîners fastueux à l’Hôtel de Lassay se sont durablement installées dans l’opinion. « J’ai fait un déplacement avec une ministre hier, on ne me parlait que de homards », se désole un député LRM.

Ces craintes se doublent d’une gêne. « On le fait démissionner sur des allégations, des affirmations. C’est la porte ouverte à toutes les dérives ! », fustige le député (LR) de la Manche Philippe Gosselin. Des mots que la majorité n’aurait pas reniés, mardi après-midi.

« Le temps médiatique est devenu le temps de la justice pour les politiques. Mis en cause, vous avez à peine le temps de vous défendre que vous êtes déjà coupable », déplore un député macroniste. « On a l’impression d’être dans une chasse à l’homme, c’est à vous dégoûter d’être ministre ! », s’emporte un autre. En deux ans de mandat, les macronistes ont appris à se méfier de l’un des mots d’ordre, sur lesquels ils ont été élus : l’exemplarité en politique.

Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié et Manon Rescan

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Elisabeth Borne nommée ministre de la transition écologique et solidaire, en remplacement de François de Rugy. Mme Borne gardera également le portefeuille des transports, sans pour autant prendre le titre de ministre d’Etat de son prédécesseur, a précisé l’Elysée. « La confiance que m’accordent le président de la République et le premier ministre est un immense honneur », a-t-elle réagi sur Twitter. « Déterminée à poursuivre ce combat essentiel qu’est la transition écologique et solidaire. Au travail dès demain », a-t-elle ajouté. La nomination de Mme Borne, dont le portefeuille était déjà placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique, « est une évidence », a commenté la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.

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15 juillet 2019

Affaire Rugy : "Je prends des décisions sur la base de faits

 Affaire Rugy : "Je prends des décisions sur la base de faits (...), sinon cela devient la République de la délation", déclare Emmanuel Macron

C'est la première fois que le président s'exprime sur les révélations de Médiapart concernant notamment les dîners fastueux à l'hôtel de Lassay, du temps où François de Rugy était président de l'Assemblée nationale.

Le président de la République Emmanuel Macron et le ministre de la Transition écologique François de Rugy lors du premier Conseil de défense écologique, le 23 mai 2019 à l\'Elysée.Le président de la République Emmanuel Macron et le ministre de la Transition écologique François de Rugy lors du premier Conseil de défense écologique, le 23 mai 2019 à l'Elysée. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"J'ai demandé au Premier ministre d'apporter toute la clarté." Pour la première fois, le président de la République s'est exprimé sur l'affaire François du Rugy, le ministre de la Transition écologique accusé par Médiapart d'avoir notamment organisé des dîners luxeux payés avec de l'argent public du temps où il était président de l'Assemblée nationale.

"Je ne prends pas de décisions sur la base de révélations, mais de faits (...), sinon cela devient la République de la délation", a déclaré Emmanuel Macron, lors d'une conférence de presse à Belgrade (Serbie). 

15 juillet 2019

Reportage - Longue journée sur les Champs-Elysées, des « gilets jaunes » aux supporteurs de l’Algérie

Par Cédric Pietralunga, Léa Sanchez, Christophe Ayad

A Paris, plus de 170 personnes ont été interpellées en marge du défilé du 14-Juillet, avant que l’avenue ne soit envahie dans la soirée par les fans des Fennecs.

A la veille du dimanche 14 juillet, les forces de l’ordre redoutaient surtout les suites d’une éventuelle victoire de l’Algérie en demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) le soir, mais ce sont les « gilets jaunes » qui ont créé la surprise dès le début de la journée.

Plusieurs dizaines d’entre eux ont tenté de profiter du défilé militaire pour conspuer Emmanuel Macron qui a présidé la cérémonie après avoir remonté la célèbre avenue à bord d’un « command car ». Fait inédit, des sifflets nourris ont été entendus au passage de son véhicule, mêlés aux applaudissements.

Les forces de l’ordre, présentes en masse, ont rapidement interpellé plusieurs figures du mouvement présentes dans la foule : Maxime Nicolle (alias Fly Rider), Jérôme Rodrigues et Eric Drouet. Tous trois ont passé plusieurs heures en garde à vue avant d’être relâchés, les deux premiers pour « organisation d’une manifestation illicite », le troisième pour « rébellion ».

Le restaurant Le Fouquet’s, qui avait ouvert le jour même pour la première fois depuis son incendie partiel et son saccage, le 16 mars, date de la dernière incursion des « gilets jaunes » sur les Champs-Elysées, a vite mis en place un important dispositif de protection peu après le défilé militaire, dont le clou a été la démonstration d’un « homme volant » sur une planche turbo propulsée.

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Barricades et gaz lacrymogènes

Peu après la fin du défilé, plusieurs petits groupes de « gilets jaunes » et de black blocs ont investi le haut de l’avenue et les rues adjacentes, dressant des barricades avec des barrières métalliques et incendiant des poubelles.

Quelques vitrines et un abribus ont été endommagés. En fin d’après-midi, les forces de l’ordre étaient venues à bout des troubles en dispersant les manifestants à coups de gaz lacrymogènes et en procédant à 175 interpellations.

« On s’attendait à quelques manifestations », reconnaît un proche du premier ministre Edouard Philippe. Mais pas question de donner de l’importance à l’événement. « Les manifestants n’étaient pas nombreux, même s’ils ont fait beaucoup de bruit », assure-t-on à l’Elysée. « Ce que veulent ces gens, c’est qu’on parle d’eux, ils en ont perdu le sens même de la fête nationale », a encore réagi Matignon. « Ceux qui voulaient empêcher ce défilé devraient avoir un peu honte (…) la nation, il faut la respecter », a renchéri Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur.

Quelques heures plus tard, un peu avant 23 heures, les Champs-Elysées étaient à nouveau envahis par les nombreux supporteurs de l’équipe d’Algérie venus fêter la qualification des Fennecs en finale de la CAN.

Des « gilets jaunes » se joignent à la liesse

Pendant que le traditionnel feu d’artifice du 14-Juillet était tiré au-dessus du Champ-de-Mars, de l’autre côté de la Seine, un nouveau défilé, mais cette fois-ci composé de voitures et de scooters pavoisés aux couleurs de l’Algérie, empruntait la célèbre avenue. La place de l’Etoile, théâtre de nombreux tirs de feux d’artifice artisanaux et de pétards, était moins fréquentée par les supporteurs venus en famille. Des « gilets jaunes » restés sur place se sont joints à la liesse, même si un fan des Fennecs tenait à préciser : « Eux et nous, on vient pas pour la même chose. »

Même ambiance festive et assourdissante au carrefour Barbès-Rochechouart, où les supporteurs ont afflué dès le coup de sifflet final et le coup franc miraculeux de Riyad Mahrez qui a envoyé l’Algérie en finale de la CAN.

Ali en a presque les larmes aux yeux : « La dernière fois qu’on était en finale, c’était en 1990, j’avais 2 ans. Après, tout s’est gâté au pays. J’espère que ça ne va pas recommencer avec cette belle révolution qu’on est en train de faire. »

Comme la plupart des jeunes hommes hurlant leur joie, torse nu, enveloppés dans des drapeaux algériens, il est un « blédard » parlant à peine français : il travaille au noir et vit sans papiers. Peu à peu, les familles, des bébés aux grands-parents, rejoignent la gigantesque fiesta. La police se tient à distance et ne s’approche que lorsque les pétards sont trop forts.

Klaxon enfoncé sans discontinuer

Inès est venue de Boulogne : « D’habitude, les blédards nous regardent de travers, nous les “beurs”, parce qu’ils nous trouvent trop Français et nous, on les trouve mal éduqués, rigole-t-elle. Mais c’est pas grave, tout ce qui nous permet de fêter et de nous rassembler est bon à prendre. » Pour sa sœur Saliha, « la violence de la joie de la jeunesse est à la mesure de la force de son désespoir. Ces jeunes mettent dans le foot toutes leurs frustrations. Leur vie est violente et ils célèbrent violemment. C’est ça que les Français ne peuvent pas comprendre. »

Des drapeaux tunisiens, marocains, soudanais et même égyptiens se joignent à la liesse. Trois jeunes tiennent en équilibre sur un feu tricolore. Tous les automobilistes sont là pour célébrer, klaxon enfoncé sans discontinuer. Les filles sont en amazone à la portière des voitures. Un jeune assis sur le toit d’une voiture crie « Vive la France ! » en direction des gendarmes. Le conducteur passe la tête par la fenêtre : « Mais qu’est-ce que tu racontes ? » « T’inquiète, je dis ça pour les racistes ! », rigole l’autre.

Une femme en niqab filme par la fenêtre entrouverte de sa voiture pendant que son mari salafiste slalome entre les piétons. Astou, une jeune Sénégalaise venue fêter la qualification de son équipe en finale aussi, décide de rentrer : « Le problème des Algériens, c’est qu’ils n’ont pas de limites. »

Un bus veut passer pour rentrer au dépôt, coincé par la foule. Rapidement, un petit groupe lui dégage la voie et finir par faire la circulation sous l’œil goguenard des gendarmes. Sur les Champs-Elysées, la liesse s’est terminée à 3 heures du matin, lorsque la police a dispersé les derniers fêtards qui incendiaient deux poubelles et ont endommagé une voiture. Pas de quoi impressionner les « gilets jaunes ».

Christophe Ayad, Cédric Pietralunga et Léa Sanchez

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Des scènes de liesse et des échauffourées à Lyon et à Marseille. Des milliers de supporteurs de l’équipe de football d’Algérie ont explosé de joie dimanche 14 juillet au soir à Lyon et à Marseille. Des scènes de liesse ont parfois laissé la place à des tensions ou à des incidents. Dans la cité phocéenne, des jeunes ont entrepris de démolir méthodiquement des abribus. Alors que plusieurs feux de poubelles étaient pris en charge par les marins-pompiers de Marseille, les forces de l’ordre ont été bombardées de projectiles, des bouteilles et des pierres notamment, à proximité du bâtiment du conseil régional. Plusieurs personnes ont été interpellées. Pour se fournir en munitions, de jeunes manifestants ont été vus brisant des blocs en béton utilisés pour tenir les barrières des chantiers. A Lyon, les scènes de joie des fans des Fennecs ont été suivies par des heurts avec les forces de l’ordre. Selon la préfecture et les pompiers, de nombreux véhicules ont été incendiés, dans le centre de Lyon mais aussi dans les villes voisines de Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Bron ou Villeurbanne.

4 juillet 2019

Entretien - Le général Pierre de Villiers : « Il y a une crise d’autorité »

Par Nathalie Guibert

L’ancien chef d’état-major des armées revient sur l’état de la France et considère qu’« on manque de chefs parce qu’on manque de vision ».

Deux ans après avoir démissionné de son poste de chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, devenu consultant, sillonne la France. Il remplit des salles en parlant de l’autorité et de la gouvernance, thèmes de son deuxième livre, Qu’est-ce qu’un chef ? (Fayard, 2018). L’ouvrage a été vendu à 140 000 exemplaires, après Servir (Fayard) paru en 2017, à 180 000 exemplaires. Chaque semaine, le général reçoit entre cinquante et cent demandes d’interventions de la part d’entreprises de toute taille, de grandes écoles ou d’associations. Dans ses rencontres deux questions lui reviennent : Que pense-t-il d’Emmanuel Macron ? Quand se lancera-t-il en politique ?

Vous avez déjà fait plusieurs tours de France pour des conférences ou des dédicaces, comment cela se passe-t-il ?

La nouvelle mission que je me suis fixée est de transmettre ce que j’ai appris durant quarante-trois années au service des armées.

Dans les entreprises ou auprès des jeunes, j’ai vu que mon discours sur l’exercice de l’autorité était apprécié par les Français, et demandé. Partout, j’ai été surpris par l’affluence, des centaines de personnes. Je ne pensais pas que le thème du rôle du chef intéresserait autant nos concitoyens. Je rencontre un grand enthousiasme pour parler de ces sujets : comment être un dirigeant aujourd’hui ? maîtriser la pression qui pèse sur les responsables ? conduire la transformation nécessaire de la société ?

Mon message central, qui est de remettre la personne au centre des décisions, est celui qui est attendu, il est espéré. Dire qu’il faut écouter les préoccupations de la nation plutôt que de conduire l’Etat rencontre un vif intérêt, même si les attentes du quotidien sont différentes entre les habitants des métropoles, des territoires plus isolés et des banlieues.

Dans quel état trouvez-vous le pays ?

En parcourant la France, j’ai constaté que se creusait en accéléré un fossé entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent.

Il existe une crise de confiance et une crise d’autorité, qui concernent toute la société : les entreprises, la politique, le sport, les associations, la culture. J’ai trouvé une désespérance. Une inquiétude sur l’avenir du monde, l’état de la France, son avenir.

Il est positif de voir que ce que je dis rencontre un écho, et le fait que des gens aux idées et aux origines très différentes attendent un discours d’humanité est un vrai signe d’espérance. Mais il est préoccupant de voir que l’on est dans un tel vide au niveau des réponses. Je ne devrais pas avoir de telles demandes. Je pense que je comble une partie du vide.

Comment expliquez-vous l’inquiétude de nos concitoyens ?

Il y a d’abord une inquiétude géostratégique ; le monde devient dangereux, plus instable avec le terrorisme islamiste et les Etats puissance qui font peser de l’ambiguïté entre la paix et la guerre. Les attentats ont rappelé que cette instabilité n’était pas une abstraction.

Ensuite le temps presse, stresse. Les gens se sentent sous pression, perdent le sens de la stratégie, même si j’ai trouvé des patrons qui pensent leur entreprise à dix ans, et savent que c’est leur planche de salut. Les révolutions technologiques (l’intelligence artificielle, la robotisation…) se multiplient. Elles pourraient laisser croire que le progrès amènera le bonheur, mais l’homme, s’il n’y prend garde, pourrait bien organiser sa propre éviction.

L’éloignement du pouvoir, autre facteur, fait que les gens n’arrivent plus à se situer dans ce monde hypercomplexe : « Et moi, dans tout ça ? » On me dit souvent : « Mon général on marche sur la tête. » Enfin, l’individualisme se répand. On est dans une « mondialisation de l’indifférence », selon la belle formule du pape François.

Comment se construit la crise de l’autorité ?

Deux pelleteuses creusent cette crise de l’autorité : la bureaucratie tatillonne, plus importante malgré la digitalisation. Et le juridisme, qui complique la vie des citoyens et des chefs d’entreprises. Quand il existe un problème, on fait une loi, mais elle ne règle rien. Et les gens se demandent : « Où va-t-on ? Y a-t-il un pilote dans l’avion ? » Je ne sens pas diminuer cette crise, qui s’est manifestée notamment par les « gilets jaunes ».

L’Etat est là pour organiser la vie de la cité, au service de la nation, d’une communauté d’hommes et de femmes qui acceptent de vivre avec des valeurs communes, sur un territoire qui s’appelle la patrie. L’Etat n’est pas la finalité, il est là pour organiser. Le droit, la finance sont des moyens, pas des objectifs. Or parfois, la nation peut avoir l’impression de n’être qu’un simple codicille.

N’est-il pas préoccupant de voir les citoyens d’une démocratie réclamer de l’autorité ?

Les gens demandent de la confiance entre ceux qui ont l’honneur de diriger et ceux qui exécutent. C’est un effort entre l’ensemble des protagonistes, mais ils sont dans un cercle vicieux où la confiance ne peut pas régner.

Et l’autorité n’est pas l’autoritarisme, une pression du haut vers le bas – « Je décide, il exécute ». L’auctoritas, c’est faire croître et grandir : c’est un ascenseur qui doit fonctionner du bas vers le haut. Dans les entreprises ou ailleurs, les gens veulent qu’on leur fiche la paix pour exercer leur responsabilité à leur niveau, et que le chef à son niveau décide. Ils demandent pour cela l’humanité et la fermeté.

Il manque l’un et l’autre, notamment chez les jeunes des cités que je vais souvent rencontrer. Avec eux, on n’est pas assez rigoureux dans la fermeté face à l’illégalité. Et ils suivront d’autant plus le cadre qu’ils se sentiront aimés. L’humanité n’est pas l’assistance.

Que vous disent ces jeunes ?

Ils me disent qu’ils me respectent parce que j’ai été un homme d’autorité, chef d’état-major des armées. Ils savent très bien ce qu’elles sont : leurs camarades sont engagés et le retour qu’ils en ont est excellent. L’armée n’est pas un modèle transposable mais un laboratoire. Ils y ont trouvé une forme de justice : « Ici on me dit ce que je vaux, on me récompense si je suis bon, on me punit si je suis mauvais. » Il faut de la clarté. Je n’ai pas de solution miracle. Mais ces jeunes apprécient dans nos discussions que les choses soient claires.

On vous demande d’entrer en politique.

Ceux qui font des conjectures ont tort. Ce n’est ni ma volonté ni ma mission. Je suis là pour conseiller, au service des entreprises et de la jeunesse. Je ne ferai pas de politique politicienne. Je me situe dans une approche plus globale et je rencontre des élus de tous bords. On peut dire que je fais de la politique en parlant de l’autorité, mais de la politique avec un grand « P ». On manque de chefs parce qu’on manque de vision, il y a un besoin : ce n’est une critique contre personne de le dire.

Le président de la République a dit lui-même en pleine crise des « gilets jaunes » : « Je n’ai pas réussi à réconcilier les Français avec leurs dirigeants. » La critique est aisée mais l’art est difficile. J’ai par exemple beaucoup d’admiration pour les hommes politiques locaux au contact des difficultés du quotidien.

Je travaille à des solutions, en praticien. Je déteste la polémique. J’ai été élevé au biberon de l’unité, du rassemblement. Ma culture, c’est : on prend tous les Français, on les met devant le drapeau et on est capable ensemble d’aller jusqu’au sacrifice suprême. Ce n’est pas la petite phrase, ce à quoi on assiste trop souvent en politique et qui ne donne pas envie.

Il semble difficile de mettre en place le service national universel…

Sur le principe, je ne peux que me réjouir d’une initiative qui vise la reconstitution du creuset national. Il faudra surmonter les difficultés d’infrastructures, de budget et d’encadrement. Car le vrai sujet est d’aller chercher, puis d’encadrer, les 80 000 jeunes qui sont en dehors du système éducatif et étatique. Ce sont ces jeunes en difficulté qui posent problème au creuset national. Dans les cités, nous avons une gouvernance quasi-autonome en terme social et économique : les caïds sont dans certains endroits seuls maîtres à bord, avec un voisinage de plus en plus proche, les salafistes.

9 juin 2019

Soixante-douze élus locaux issus de la droite et du centre signent une tribune de soutien à Macron

politique22

Par Yves Tréca-Durand, Angers, correspondant

Des maires et un président de conseil départemental officialisent ou confirment leur soutien à l’exécutif dans un texte publié dans le « JDD ».

Dans une tribune mise en ligne ce samedi soir par le Journal du dimanche, 71 maires et un président de conseil départemental (François Goulard, pour le Morbihan) issus de 35 départements et 12 régions, annoncent la création d’une « République des maires et des élus locaux ». Un texte qui officialise ou confirme leur soutien au président de la République, Emmanuel Macron, alors que l’exécutif cherche à attirer les maires de la droite et du centre après le faible score du parti Les Républicains (LR) aux élections européennes du 26 mai (8,48 %).

L’initiative est partie de Christophe Béchu, maire divers droite d’Angers et ancien porte-parole d’Alain Juppé pendant la primaire de la droite en 2016, et elle a séduit les maires de villes moyennes comme Orléans, Tourcoing (Nord), Deauville (Calvados), Niort, Amiens, Valenciennes, Vannes, Nancy, Sète (Hérault) ou Albi. Parmi eux, des élus de droite et du centre, issus de l’UDI, du parti Les Républicains (LR), des Radicaux, du Nouveau Centre ou d’Agir.

« Mais bien plus de la moitié ne sont nulle part », précise au Monde le maire d’Angers qui décrit « des gens qui globalement refusent l’opposition systématique au gouvernement et souhaitent sa réussite » sans pour autant être « dans une démarche d’allégeance ». Une partie d’entre eux avait déjà lancé le mois dernier un appel à voter en faveur de la liste de Nathalie Loiseau aux élections européennes.

Soutien clair au président de la République

Le texte de cette tribune est sans ambiguïté avec le pouvoir actuel. « Nous sommes de ceux qui souhaitent la réussite impérative de la France, c’est pourquoi nous voulons la réussite du président de la République et du gouvernement car rien ne se construira sur leur échec », écrivent-ils en rappelant en préambule que « le grand débat voulu par le Président de la République a révélé les aspirations légitimes de Français qui se sentent délaissés, éloignés, relégués. Il a également souligné le rôle pivot des maires et des élus locaux dans notre République. »

Forts de ce constat, ces derniers relèvent que « les Français semblent coupés en deux, entre une Europe des solutions et une Europe des problèmes, entre un avenir prometteur et des lendemains incertains ». Et ils estiment « qu’il n’est pas trop tard pour redonner au plus grand nombre confiance en l’avenir et en l’action politique. Le succès rencontré par le grand débat et le regain d’intérêt marqué pour les européennes nous obligent. »

Ils n’en doutent pas, l’avenir passe par eux : « Nous sommes la République des Maires et des élus locaux. La République des propositions. La République des solutions. » Persuadés que « l’essentiel des réformes se construit au local dans l’écoute, la co-construction et la réponse concrète aux attentes de nos concitoyens. »

Et de préciser : « Nous souhaitons valoriser et transmettre ce qui a fonctionné dans nos villes, sur nos territoires, ce que nos concitoyens ont adopté et qui bénéficie au plus grand nombre. Pas à un camp, mais à tous. Le temps n’est plus aux querelles de chapelles ou aux écuries présidentielles. Le temps ne peut pas être à l’opposition systématique qui in fine ne fait que desservir nos concitoyens. »

S’appuyer sur les initiatives locales

Christophe Béchu cite en appui de sa démonstration le cas des journées citoyennes organisées dans différentes communes. « C’est l’idée de Fabian Jordan, qui est maintenant le président de l’agglomération de Mulhouse et qui l’a lancée comme maire de Berrwiller (Haut-Rhin). Ça n’a jamais fait l’objet d’une loi, d’un amendement, d’un règlement et pourtant aujourd’hui 2 000 communes en organisent une en France – avec 4 000 personnes à Angers cette année. C’est un élan de générosité qui répond à la crise du vivre ensemble. Cette association, c’est la volonté de faire entre nous un club d’échanges de bonnes pratiques, dans lequel on va valoriser des initiatives qui ont été prises par des maires pour qu’elles se propagent. »

Le maire d’Angers a préalablement averti le président de la République de cette initiative « pour qu’elle ne soit pas mal comprise ». Sans surprise, Emmanuel Macron ne l’a pas « découragé ». Idem pour Edouard Philippe, ex-juppéiste comme lui, qui l’a convié à déjeuner cette semaine. Mais, insiste-t-il, « ce n’est pas un coup médiatique, ni une tribune d’un dimanche, c’est le lancement d’une initiative qui va ensuite se structurer, faire l’objet de statuts et qui a vocation à prendre place dans le débat public. »

De là à suggérer que l’opération aurait été en réalité téléguidée par l’Elysée ou Matignon, la question hérisse l’intéressé : « Vous pensez ce que vous voulez mais je ne pense pas que ce qui me caractérise, ce soit l’obéissance aux consignes. Et j’ai une jalousie par rapport à mon indépendance que j’ai manifestée par le passé. »

Cette association n’aurait pas non plus vocation à se transformer un parti politique pile au moment où Les Républicains – dont il a démissionné fin 2017 – vivent une crise profonde. « On n’est absolument pas là-dedans. Il n’y a aucune arrière-pensée partisane, se défend M. Béchu. Je précise que la décision de tout ça a été prise avant la démission de Laurent Wauquiez et qu’il n’y a aucun lien. Il y a une concordance des temps qui est malheureuse. »

Un texte publié au terme de deux semaines d’offensive

La publication de cette tribune arrive pourtant après deux semaines d’offensive de l’exécutif contre la droite. Dans différents médias, plusieurs ministres, comme celui des collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, celui des comptes publics, Gérald Darmanin, celui de la culture Franck Riester, ou encore eurodéputé Gilles Boyer ont exhorté les élus LR à s’éloigner de leur parti pour soutenir Emmanuel Macron et ainsi être protégés lors des prochaines élections. L’initiative de M. Béchu offre une nouvelle porte de sortie à ces maires de droite.

Malgré ce contexte de recomposition, la République des maires et des élus locaux continue pourtant à se dire au-dessus de la mêlée. « On se dit que l’opposition systématique a deux inconvénients. Le premier, c’est qu’elle hystérise le débat politique. Et le deuxième, c’est que si vous dites que tout est mal au lieu de dire que c’est bien quand ça l’est, le jour où il y a un point sur lequel il faudrait obtenir un amendement ou une co-construction législative, vous n’êtes plus un partenaire crédible pour le faire », dit encore M. Béchu.

Le succès « inattendu » de cette tribune étonne ce dernier qui assure : « On n’a pas cherché à faire nombre en allant chercher des adjoints, des conseillers départementaux et régionaux alors même qu’un certain nombre d’entre eux se sont proposés. » Il pense désormais que la barre des 100 signataires devrait être rapidement dépassée.

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