Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
politique
20 mai 2020

Tollé après les propos de Macron sur l’absence de rupture de masques

menteur

Dans un documentaire diffusé, lundi soir, sur BFMTV, intitulé

« Au cœur de l’Élysée, face à la crise », Emmanuel Macron a nié toute « rupture » de masques en France. « Ce qui est vrai, c’est qu’il y a eu des manques, des tensions, c’est ce qu’il faudra regarder pour le corriger et prévenir »,

a-t-il seulement admis. Une déclaration qui a choqué, à droite comme à gauche, et valu de vives critiques au chef de l’État. « Comment le Président peut-il oser dire cela, alors que son gouvernement a MENTI sur l’utilité même des masques justement pour cacher la pénurie ? », s’est offusquée

la présidente du Rassemblement national, Martine Le Pen, sur Facebook. « Il a osé ! », a tweeté

le député LR Éric Ciotti, alors que pour Nicolas Dupont-Aignan, « ceux qui étaient en première ligne apprécieront ». « C’est au-delà des mots, de l’entendement », a, pour sa part, réagi la députée de La France insoumise, Danièle Obono, là où le Parti communiste a dénoncé un « déni présidentiel ».

Publicité
19 mai 2020

Un nouveau groupe à l’Assemblée : ces frondeurs de LREM qui défient Macron

La constitution d’un neuvième groupe au palais Bourbon, ce mardi, avec des Marcheurs dissidents, est une mauvaise nouvelle pour le chef de l’Etat. Et elle pourrait faire perdre à LREM la majorité absolue.

macron de gaul

Emmanuel Macron, le 17 mai à La-Ville-aux-Bois-lès-Dizy (Aisne) pour le 80e anniversaire de la bataille de Montcornet. AFP/pool

Par Olivier Beaumont - Le Parisien

« Il a le calme des chefs qui se retrouvent face à une vaguelette. Et là… ça n'est pas autre chose qu'une vaguelette », commente sobrement un proche d'Emmanuel Macron, pour minimiser la portée politique du départ d'Aurélien Taché de la République en marche (LREM). Dimanche, le député issu de l'aile gauche de la macronie, et Marcheur historique, a pourtant claqué la porte du mouvement, en regrettant, dans le Journal du Dimanche, que « l'ouverture » ne se soit « faite que vers la droite » depuis le début du quinquennat. Pire, il va rejoindre le nouveau groupe autonome à l'Assemblée nationale − baptisé Ecologie, démocratie, solidarité − qui doit être officiellement lancé ce mardi 19 mai dans la matinée, et composé pour grande partie de nombreux dissidents de LREM, notamment Matthieu Orphelin. Un véritable bras d'honneur au chef de l'Etat, que l'Elysée n'a pas souhaité lundi commenter de manière officielle.

Pour le président de la République, qui appelle dans tous ses récents discours à « l'union » et à « l'unité nationale », la nouvelle intervient néanmoins au pire moment. « Ça le replonge dans les petites tambouilles partisanes alors que le pays traverse une crise sans précédent et qu'il cherche un second souffle pour la fin de son mandat, enchaîne un parlementaire. Et surtout, ça rappelle une fois de plus que LREM reste un colosse aux pieds d'argile ».

groupe lrem

18 mai 2020

Remaniement, référendum, dissolution… Le casse-tête de Macron pour l’après

Par Cédric Pietralunga - Le Monde

Différents scénarios institutionnels agitent le sommet de l’Etat pour légitimer auprès des citoyens un éventuel changement de sa politique par le président de la République.

Depuis son arrivée à l’Elysée, il y a trois ans presque jour pour jour, Emmanuel Macron le répète à l’envi : il a été élu pour appliquer son programme. Un mantra destiné à le distinguer de ses prédécesseurs, accusés d’avoir peu ou prou renié leurs promesses, mais aussi à lui éviter les godilles de l’exercice du pouvoir. « En aucun cas, je ne changerai de politique, assurait encore le chef de l’Etat en septembre 2018. Je me suis engagé à procéder aux transformations que notre pays, depuis des décennies, avait évitées par le petit jeu du tic-tac de droite et de gauche ou par les lâchetés. (…) Notre priorité n’est pas de durer, mais de faire. »

Dix-huit mois plus tard, Emmanuel Macron doit le constater : le programme de 2017 est tout ou partie caduc, bousculé par l’épidémie due au coronavirus et ses conséquences. La réforme des retraites a été suspendue, celle des institutions est à l’arrêt, l’équilibre budgétaire n’est plus qu’un vœu pieux… Le chef de l’Etat l’a dit lors de ses dernières allocutions : il va changer. « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, a-t-il expliqué le 12 mars. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture. » « Beaucoup de certitudes, de convictions sont balayées. (…) Le jour d’après (…) ne sera pas un retour au jour d’avant », a-t-il ajouté le 16 mars, promettant de tirer « toutes les conséquences » de la crise du coronavirus.

Mais que se passe-t-il quand on change de programme en cours de mandat ? L’onction de l’élection précédente suffit-elle ? Faut-il légitimer par un autre moyen le virement de bord ? Depuis quelques semaines, ces questions agitent le pouvoir. « Si on sort de la crise par un virage keynésiano-environnemental, le président aura un problème de légitimité et devra repasser par le peuple », estime un proche du chef de l’Etat. Pour le moment, aucune décision n’a été prise. Mais Emmanuel Macron y travaille. « Le déconfinement étant engagé, le président va commencer à empoigner pleinement l’anticipation et se projeter sur l’après, y compris politique », assure l’Elysée.

« Prendre son risque »

Sur le papier, le président dispose de plusieurs solutions institutionnelles. La plus évidente est la dissolution de l’Assemblée et de nouvelles élections législatives. Certains élus y voient l’occasion de renforcer la majorité, émoussée par les départs, et de donner une assise à l’acte III. Mais la plupart l’envisagent avec réticence. « Dans un moment où on appelle les partis à la responsabilité, ouvrir une période électorale, c’est figer le pays », estime un poids lourd de la majorité. « Il y a déjà quatre élections prévues d’ici à 2022 [le second tour des municipales, les départementales, les régionales et les sénatoriales]. Difficile d’en ajouter une autre à moins d’être en campagne permanente », met en garde Roland Lescure, député La République en marche (LRM) des Français de l’étranger.

« HORS COHABITATION, AUCUN PRÉSIDENT N’A JAMAIS ÉTÉ RÉÉLU SOUS LA VE RÉPUBLIQUE. IL NE FAUT PAS ÉCARTER CETTE SOLUTION », POINTE UN MINISTRE

Le précédent de 1997, qui avait vu Jacques Chirac perdre les élections législatives après avoir dissous l’Assemblée, l’obligeant à une cohabitation de cinq ans avec Lionel Jospin, est aussi dans les esprits. « Le souvenir de Villepin est un repoussoir, il y a un côté apprenti sorcier », reconnaît un proche du chef de l’Etat. D’autres, plus radicaux, y voient au contraire une opportunité pour 2022. « Aucun président n’a jamais été réélu sous la Ve République hors période de cohabitation. Il ne faut pas écarter cette solution », pointe un ministre, tout en reconnaissant qu’Emmanuel Macron n’est « pas d’un tempérament à cohabiter ». « Le président est capable de prendre son risque, c’est ce qui fait sa force », note Marie Lebec, députée (LRM) des Yvelines.

Plus classique, un remaniement du gouvernement est évoqué avec insistance. Pour l’aile gauche de la majorité, ce serait l’occasion de débarquer Edouard Philippe, jugé trop à droite. Mais à la condition de raconter une autre histoire. « Si on met Bruno Le Maire à Matignon, cela change quoi pour les Français ? », s’interroge un élu. « Un remaniement n’est qu’une demi-solution car il n’y a pas de légitimité du peuple. Ou alors il faudrait que le virage soit vraiment incarné », abonde un proche du locataire de l’Elysée. Les noms de Yannick Jadot et de Xavier Bertrand sont évoqués parmi d’autres. « Mais le président pourrait tout aussi bien faire tout son mandat avec Philippe, tout va dépendre du projet défini à la sortie de la crise », relativise un autre.

Le risque d’une « nouvelle vague dégagiste »

L’idée d’un gouvernement de coalition, réunissant des membres de chaque famille politique hors le Rassemblement national, est toujours portée par certains élus. « Notre pays mérite cela, estime Matthieu Orphelin, député (ex-LRM) de Maine-et-Loire. Se mettre d’accord sur un projet clair de coalition pour deux ans, quelque chose à l’allemande, permettrait de réembarquer les citoyens. Et cela n’empêcherait pas chacun de présenter ses options en 2022. » Daniel Cohn-Bendit, qui échange avec M. Macron, travaille à cette hypothèse. Mais l’idée semble difficile à mettre en œuvre tant les oppositions y sont hostiles.

Troisième solution, le référendum. Dès avant le Covid-19, Emmanuel Macron l’avait envisagé, pour que les Français s’expriment sur les propositions de la convention citoyenne pour le climat. L’idée prendrait d’autant plus de sens pour dessiner l’acte III. Le hic ? La Constitution ne permet pas de poser n’importe quelle question. « Il faut que cela porte sur un objet juridiquement ciblé. On ne peut pas faire approuver une politique générale », précise l’entourage de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale. De même, impossible de poser des questions à plusieurs réponses, comme le font les Suisses lors des votations.

Mais c’est surtout la nature plébiscitaire du référendum qui fait hésiter le pouvoir. Depuis la démission du général de Gaulle en 1969, après une consultation où le « non » l’avait emporté, les politiques se méfient de cet objet. « Les Français ont pris l’habitude de répondre à une question qui ne leur était pas posée. Cela peut être le prétexte à une nouvelle vague dégagiste », craint un stratège de LRM, évoquant l’échec de Matteo Renzi, obligé de démissionner en 2016 après que les Italiens ont refusé de réduire le nombre de parlementaires, sujet pourtant consensuel.

Réunir le Congrès à Versailles ?

Reste une quatrième hypothèse, moins spectaculaire mais moins risquée : réunir les députés et les sénateurs en Congrès à Versailles, où le chef de l’Etat prononcerait un grand discours sur l’après. C’était la solution choisie par Nicolas Sarkozy en 2009, lors de la crise financière, et par François Hollande en 2015, après les attentats de Paris. Lors de son élection, Emmanuel Macron avait promis de se rendre chaque été devant les parlementaires, pour rendre compte de son action. Mais sa dernière visite remonte au 10 juillet 2018, celle prévue l’an dernier ayant été annulée à la suite du grand débat.

« RÉPONDRE À LA CRISE PAR UN MECCANO INSTITUTIONNEL, JE NE SUIS PAS SÛR QUE CE SOIT CE QUE LES FRANÇAIS ATTENDENT », MET EN GARDE UN MACRONISTE

Cette solution a l’avantage pour l’exécutif de rester en terrain connu et de gagner du temps. « Cela permettrait de dire où nous voulons aller, avant que les Français partent en vacances, tout en se donnant quelques mois pour les décisions », confie un soutien. Seul bémol : la Constitution ne permet pas au Parlement d’approuver par un vote un discours de politique générale du président. Seuls les sujets constitutionnels peuvent donner lieu à consultation. « Répondre à la crise par un meccano institutionnel, je ne suis pas sûr que ce soit ce que les Français attendent », met en garde un macroniste. « Une déclaration de politique générale du premier ministre suivie par un vote à l’Assemblée, serait déjà une première étape », avance Roland Lescure.

En l’absence de consensus sur l’outil institutionnel, certains préconisent de multiplier les débats au Parlement, en s’appuyant sur l’article 50-1 créé par la réforme constitutionnelle de 2008. Utilisé lors de la présentation du plan de déconfinement, il permet au gouvernement de faire une déclaration à l’Assemblée ou au Sénat, suivie d’un débat et éventuellement d’un vote, sans engager sa responsabilité. « C’est un format collectif qui permet de faire vivre le débat, d’associer davantage les oppositions, on est moins dans le vertical », énumère un conseiller, qui parie sur une prolifération de 50-1 dans les prochaines semaines. « On peut avoir des débats suivis d’un vote sur des sujets non législatifs, comme la rénovation énergétique des bâtiments, cela permettrait de créer du consensus », veut croire Roland Lescure.

A moins que le chef de l’Etat ne sorte de son chapeau une solution inédite, comme l’a été le grand débat au moment de la crise des « gilets jaunes ». « Cela avait été une façon pour le président de légitimer une évolution de sa politique, une réussite », se félicite l’Elysée. « On pourrait imaginer quatre ou cinq débats avec des citoyens, des élus, des associations… Un format plus resserré, pour se projeter sur l’après, où le président viendrait convaincre les Français », suggère Marie Lebec. « Le président aime penser “out of the box” [hors des sentiers battus], une autre solution pour se légitimer par le bas n’est pas à exclure », acquiesce un proche. Seule condition : se décider vite. Car le temps presse.

14 mai 2020

Macron en quête de « dépassement » pour l’après-Covid

Par Cédric Pietralunga

Le chef de l’Etat espère rebondir après la crise liée au coronavirus, avec le concept de « majorité de projet », brandi lors de la campagne de 2017 puis abandonné.

Officiellement, il n’est pas question de se projeter dans « l’après ». Ou en tout cas pas encore. Alors que le déconfinement vient de commencer et que l’opposition guette le moindre faux pas de l’exécutif, Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de focaliser toute son attention sur les aspects opérationnels de cet exercice inédit. « Le virus a reculé. Mais il est toujours là », a lui-même mis en garde le chef de l’Etat, dimanche 10 mai sur Twitter. « Il est trop tôt pour parler du monde d’après, les pièces du puzzle sont trop éparses », estime-t-on à l’Elysée.

Le président de la République en est persuadé : il n’aura d’avenir politique qu’à la condition que le pays recouvre un semblant de vie normale. Mais, il sait aussi qu’il doit préparer la suite. Dans les coulisses du pouvoir, une autre partition est donc déjà en cours d’écriture, celle de l’« acte III » du quinquennat, qui doit permettre à Emmanuel Macron de se projeter vers la prochaine élection présidentielle. Parmi les multiples options disposées sur la table émerge un concept en vogue lors de la campagne de 2017 mais remisé au placard depuis : celui de la « majorité de projet », c’est-à-dire le rassemblement d’élus issu de différents horizons mais capables de s’entendre sur un projet qui dépasse les clivages traditionnels. Un outil idoine pour sortir de la crise du Covid-19 tout autant qu’une arme de destruction massive des oppositions en vue de 2022.

« On a un peu oublié le dépassement »

Le premier à l’avoir évoqué est Stéphane Séjourné, député européen La République en marche (LRM) et ancien conseiller politique du chef de l’Etat. « Nous allons devoir créer une nouvelle majorité de projet : la majorité de l’après-crise. C’est une refondation. Cela doit être d’abord une méthode qui rassemble. C’est ce que le candidat Macron avait fait pendant l’élection présidentielle : rassembler en dépassant les clivages politiques », a expliqué, dans un entretien au Point fin avril, celui qui a quitté l’Elysée fin 2018 mais continue d’œuvrer en coulisses pour Emmanuel Macron.

Ce concept de « majorité de projet » fait partie du bréviaire de tous les macronistes. En 2016 et 2017, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat d’En marche ! l’avait évoqué à plusieurs reprises. « La situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui est inédite : il y a une fracturation de la vie politique. Il faut donc construire une majorité de projet pour la renouveler », avait-il expliqué en mars 2017. Il en avait même fait son slogan lors de la présentation de la campagne de recrutement de ses candidats pour les législatives : « Construire une majorité de projet », avait-il écrit en tête de son discours, dans lequel il expliquait vouloir « s’affranchir des jeux d’appareils ».

« QUAND VOUS DISPOSEZ DE LA MAJORITÉ ABSOLUE, VOUS N’ÊTES PAS INCITÉ À ÉLARGIR VOTRE SOCLE. CELA A ÉTÉ TROP ÉPISODIQUE DEPUIS 2017 », REGRETTE SACHA HOULIÉ, DÉPUTÉ (LRM) DE LA VIENNE

Au final, le concept s’était avéré un formidable argument de campagne, permettant à Emmanuel Macron de rassurer ceux qui doutaient de sa capacité à disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale pour soutenir sa politique. Pour autant, il avait été ensuite abandonné. Le parti présidentiel étant majoritaire, il ne lui était plus nécessaire de trouver des alliés, même de circonstance, pour faire adopter ses textes. « Quand vous disposez de la majorité absolue, vous n’êtes pas incité à élargir votre socle. Cela a été trop épisodique depuis 2017 », regrette Sacha Houlié, député (LRM) de la Vienne. « On a un peu oublié le dépassement, abonde un élu proche de l’Elysée. C’est cela qu’il nous faut retrouver, cette envie de construire des terrains d’entente. La crise du coronavirus nous oblige à rebattre les cartes comme le président avait su le faire lors de sa campagne. »

Pour y parvenir, la majorité se dit prête à mettre sur la table un certain nombre de propositions. « Il nous reste peu de temps pour construire quelque chose d’ici à 2022, il va nous falloir concentrer l’action sur quelques thèmes et essayer d’obtenir le consensus le plus large sur ces dossiers prioritaires », explique Gilles Le Gendre, président du groupe LRM à l’Assemblée nationale. Sur les boucles WhatsApp de la majorité, plusieurs suggestions reviennent avec insistance, comme celle de « réarmer » le système de santé ou de lancer un grand plan dépendance, avec la prise en charge d’un cinquième risque par la Sécurité sociale. Certains verraient bien l’écologie devenir la ligne directrice de l’action gouvernementale, quand d’autres voudraient faire de la souveraineté, notamment industrielle, le nouveau mantra. « Sans culture et sans nature, on ne s’en sortira pas », plaide le député (ex-LRM) de Maine-et-Loire, Matthieu Orphelin.

Rigorisme budgétaire

A ce petit jeu, de nombreux élus issus de l’aile gauche comme de l’aile droite de la majorité tentent de faire pencher la balance de leur côté. « Le président doit retrouver un espace politique plus grand, avec une vision et une ligne politique qui parlent à ses électeurs de centre gauche de 2017 », estime Pierre Person, député (LRM) de Paris et numéro deux du parti présidentiel. « On doit garder l’électorat de droite conquis depuis 2017, croit au contraire un parlementaire réputé proche d’Edouard Philippe. On part de trop loin pour espérer remonter la pente sur le plan environnemental ou social. Il faut solidifier notre socle de centre droit pour espérer passer le premier tour en 2022. »

« LE PRÉSIDENT DOIT RETROUVER UN ESPACE POLITIQUE PLUS GRAND, AVEC UNE VISION ET UNE LIGNE POLITIQUE QUI PARLENT À SES ÉLECTEURS DE CENTRE GAUCHE DE 2017 », ESTIME PIERRE PERSON, DÉPUTÉ (LRM) DE PARIS ET NUMÉRO DEUX DU PARTI PRÉSIDENTIEL

Seule certitude, ce n’est qu’une fois ce travail programmatique effectué que la question des éventuels partenaires avec lesquels s’entendre doit être abordée, expliquent les stratèges de la Macronie. Comprendre : pas question de composer un nouveau gouvernement sans savoir quelle politique mener. « Si on commence par parler de casting, on n’y arrivera pas, estime Stéphane Séjourné. Il faut d’abord analyser les conséquences de la crise, voir ce que cela change pour nous, discuter avec nos partenaires, et élaborer des propositions pour les deux ou trois ans qui viennent. » « Les rumeurs autour de l’arrivée d’untel ou d’untel au gouvernement n’ont aucun sens, les choses ne sont pas décantées », abonde un proche d’Emmanuel Macron. « Si on décide de décaisser à tout-va à l’issue de la crise, il faudra poser la question à ceux qui dirigent aujourd’hui s’ils se sentent à l’aise avec ça », nuance pour autant Sacha Houlié, évoquant sans le citer le rigorisme budgétaire des équipes de Matignon.

La difficulté ? Les oppositions n’entendent pas se laisser une nouvelle fois détrousser par Emmanuel Macron, qui avait lui-même qualifié de « hold-up » son élection de 2017. Depuis le début de la crise du coronavirus, la droite comme la gauche ne ménagent pas l’exécutif, multipliant les déclarations critiques et les demandes de commissions d’enquête. Malgré les pressions et les procès en irresponsabilité, le plan de déconfinement du gouvernement n’a pas été voté par le Sénat, où le parti présidentiel est minoritaire. « On sent que tout le monde pense déjà à 2022 et qu’on ne nous fera pas de cadeau », s’inquiète un stratège de la majorité, qui dit ne pas croire à un hypothétique gouvernement d’union nationale.

« Clivages forts »

Pour tenter de forcer la main de leurs oppositions, les macronistes comptent s’appuyer sur l’opinion, qui pousserait aux compromis. « La situation va rendre difficile les positions idéologiques tranchées, calcule Gilles Le Gendre. Les Français feront payer très cher toute attitude qui n’irait pas vers l’efficacité. » « Le président de la République doit prendre les Français à témoin sur le dépassement, car certains ne voudront pas jouer le jeu en vue de 2022 », ajoute Stéphane Séjourné.

Seul bémol, la situation d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle de 2017. A l’époque, Emmanuel Macron était en position de force, face à un Parti socialiste usé par le mandat de François Hollande et une droite empêtrée dans les costumes de François Fillon. Aujourd’hui, le chef de l’Etat se trouve dans une position plus fragile. « Bien souvent, les opposants ne veulent pas servir de béquille ou de caution à un pouvoir qu’ils jugent en bout de course, décrypte Chloé Morin, spécialiste de l’opinion auprès de la fondation Jean-Jaurès. Début 2016, on avait vu la tentative de [Manuel] Valls de tendre la main à [Jean-Pierre] Raffarin sur l’emploi. Mais le pouvoir était alors trop faible pour réussir à forcer des oppositions, qui avaient déjà 2017 en ligne de mire, à venir à son secours… »

Il n’est d’ailleurs pas certain que cette idée de « majorité de projet » soit encore désirée par l’opinion. « Dans nos études, 61 % des Français se disent favorables à une union nationale, ce qui n’a rien d’un plébiscite, et seulement 51 % pensent que cela pourrait être efficace. L’idée d’une majorité de projet n’a pas beaucoup de résonance aujourd’hui. Les clivages n’ont au contraire jamais été aussi forts », pointe Bernard Sananès, président de l’institut Elabe. Dans son allocution du 13 avril, regardée par 37 millions de Français, Emmanuel Macron a assuré que c’est « avec toutes les composantes de notre nation » qu’il entendait « dessiner ce chemin » de « l’après ». Reste à savoir qui a envie de cheminer à ses côtés.

Plus de 60 plaintes déposées contre des membres du gouvernement. Soixante-trois plaintes contre des membres du gouvernement ont été déposées jusqu’ici auprès de la Cour de justice de la République (CJR) pour dénoncer leur gestion de la crise liée au coronavirus, selon un décompte annoncé, mardi, par le procureur général François Molins sur RTL. Cette commission, composée de dix hauts magistrats, peut « décider soit le classement sans aucune suite soit la transmission au procureur général qui serait alors tenu de saisir la commission d’instruction qui agira finalement comme un juge d’instruction », a-t-il expliqué. Ces plaintes concernent le plus souvent le premier ministre, Edouard Philippe, les deux ministres de la santé qui se sont succédé, Agnès Buzyn et Olivier Véran, ainsi que leurs homologues de la justice, Nicole Belloubet, du travail, Muriel Pénicaud, et de l’intérieur, Christophe Castaner.

14 mai 2020

Macron-Philippe : la règle du jeu

alain duhamel

Par Alain Duhamel

Les relations souvent conflictuelles entre président et Premier ministre de la Ve, surtout si ce dernier a des ambitions présidentielles, conduisent à se demander si un régime aussi présidentiel ne fonctionnerait pas mieux sans Premier ministre…

En France, il n’y a pas de tandem politique heureux au sommet de l’Etat. C’est la malédiction de la dyarchie qui nous gouverne, quelle que soit la couleur politique, quelles que soient les circonstances : les tensions entre le président de la République et le Premier ministre sont inévitables. Dans les régimes parlementaires européens où le chef de l’Etat n’a qu’un rôle modeste et où le chef du gouvernement détient l’essentiel du pouvoir exécutif, les relations sont en général apaisées. Les difficultés viennent plutôt des rapports entre partenaires au sein des coalitions. Ici, avec notre régime néoprésidentiel, les tiraillements, les crispations, voire les orages entre l’Elysée et l’Hôtel de Matignon affleurent ou s’affichent éternellement. Le couple Macron-Philippe a beau être l’un des plus soudés, comme le furent ceux que formaient le général De Gaulle et Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre ou encore François Mitterrand et Pierre Mauroy, il n’échappe pas à la règle. Edouard Philippe est la loyauté même, Emmanuel Macron le consulte sans cesse, leurs rapports sont directs, cordiaux, bien moins protocolaires qu’à la génération précédente, cela n’empêche en rien les désaccords. Qu’ils s’agissent des gilets jaunes, des retraites ou du coronavirus, chaque crise provoque des divergences : Macron est plus fluctuant, Philippe est plus raide. Le Président aime le risque, le Premier ministre préfère la méthode. L’un choisit de s’exposer, l’autre préfère exposer. La hiérarchie est toujours respectée mais la décision n’en est pas moins partagée. Le Président est créatif, voire téméraire, le Premier ministre est réaliste, voire vétilleux. Les modalités de l’entrée en confinement n’avaient pas évité les couacs, le déconfinement relatif ne les évite pas plus. Le duumvirat n’est pas un chemin tranquille. Il ne l’a jamais été.

Le Général et Michel Debré, même si le second éprouvait une passion politique absolue pour le premier, se sont durement affrontés sur l’Algérie. Le Général et Georges Pompidou, quelle qu’ait été la force de leurs liens, ont franchement divergé en mai 1968. Le président Pompidou et Jacques Chaban-Delmas, deux gaullistes gaulliens, ont divorcé avec fracas. Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, que tout distinguait, ont rompu violemment. Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre, que tout rapprochait, ont mal vécu leurs dernières années communes. François Mitterrand et Pierre Mauroy, si proches, n’ont pas eu les mêmes réflexes lors de la grande crise monétaire de 1983. Avec Laurent Fabius, son dauphin de cœur, l’homme de Latche a plus d’une fois grincé. Avec Michel Rocard, il a formé le pire couple de gauche. Le tandem Chirac-Villepin a été ponctué d’éclats incessants. Nicolas Sarkozy a asservi François Fillon. François Hollande et le fidèle Jean-Marc Ayrault se sont opposés sur la réforme fiscale. Avec Manuel Valls, les crispations se sont peu à peu durcies. Sous la Ve République, entre le président et le Premier ministre, la règle du jeu est l’alliance conflictuelle.

Avec néanmoins deux versions, selon qu’émerge ou pas une ambition présidentielle chez le Premier ministre. Si oui, l’entente se disloque. Si non, les tensions se supportent. Entre Pompidou et le Général, la confiance s’est érodée lorsque le meilleur Premier ministre de la Ve a commencé à songer, tout l’y poussait, à l’Elysée. Même chose avec Chaban-Delmas qui piaffait, puis Chirac qui ruait. En revanche, pas d’objectif présidentiel chez Pierre Messmer, Raymond Barre (en 1981) ou Pierre Mauroy, donc des tensions ou des crispations beaucoup plus maîtrisables. Les cohabitations (Mitterrand-Chirac, Mitterrand-Balladur, Chirac-Jospin) ont, elles, par principe, opposé deux logiques présidentielles et ont donc été tumultueuses. Michel Rocard, Premier ministre de François Mitterrand sous son second septennat, n’était pas un rival direct puisque le Président n’allait pas se représenter en 1995 mais son ambition présidentielle assumée aigrissait ses rapports déjà difficiles avec un chef de l’Etat qui le soupçonnait de ne songer qu’à sa popularité personnelle. De même, si Chirac terminait lui aussi son second mandat et s’il avait plus d’amitié pour Villepin que Mitterrand pour Rocard, l’appétit présidentiel du Premier ministre rendit plus ambigus les rapports entre les deux hommes. Un chef de gouvernement qui regarde fixement en direction de l’Elysée est un Premier ministre à problèmes. Emmanuel Macron et Edouard Philippe n’en sont pas là. Même si l’extrême instabilité, l’extrême imprévisibilité de la période actuelle interdit d’exclure quelque hypothèse que ce soit, le Président et le Premier ministre ne se situent pas jusqu’ici en position de rivalité. Leurs dissentiments relèvent beaucoup plus, outre leurs profondes différences de tempérament, de la fatalité des tensions entre deux têtes pour un seul pouvoir. Ce qui incite à se demander, comme l’a fait Hollande, si un régime officiellement présidentiel, donc sans Premier ministre, n’est pas dans la logique de la Ve République, a fortiori depuis l’instauration du quinquennat.

Publicité
13 mai 2020

Autonomie sanitaire, revenu universel, télétravail : les propositions citoyennes pour « le jour d’après »

Par Audrey Garric, Alexandre Lemarié

Les résultats de la consultation citoyenne lancée par 66 parlementaires de tous bords, de la majorité et de l’opposition, sont publiés mercredi.

Ce fameux « monde d’après », qu’ils ont eu le loisir d’imaginer pendant les huit semaines de confinement, les Français le souhaitent plus écologique, plus solidaire, plus sobre et plus démocratique. Voilà ce qui ressort de la consultation citoyenne « Le Jour d’après », lancée par 66 parlementaires de tous bords, de la majorité et de l’opposition, dont les résultats sont publiés mercredi 13 mai. Une démarche qui s’inscrit dans un foisonnement d’initiatives participatives, visant à réfléchir collectivement à un vaste plan de transformation de la société et de l’économie pour sortir de la crise du Covid-19.

Créée sous la houlette des députés Matthieu Orphelin et Paula Forteza (ex-La République en marche) et du « marcheur » Aurélien Taché, la plate-forme a enregistré, depuis le 4 avril, 26 000 inscriptions de citoyens mais aussi de syndicats et d’associations, qui ont déposé 8 700 propositions.

Plafonner les hauts salaires

Parmi les 50 propositions qu’ils ont le plus votées, les citoyens se prononcent d’abord en faveur d’une autonomie sanitaire et d’une réorientation « vers une société du care » : ils appellent notamment à relocaliser la production de matériels et de produits stratégiques de santé (gel, masques, etc.) et à revaloriser les salaires du personnel médical. Concernant le travail, ils souhaitent massivement mettre en place un revenu universel à partir de 18 ans, développer le télétravail, valoriser les « métiers essentiels » (santé, agriculture, recherche, etc.) et plafonner les hauts salaires.

Les citoyens ont également voté pour une « végétalisation d’ampleur » de l’alimentation en restauration collective publique et privée, un soutien aux circuits courts, la création d’un enseignement obligatoire au climat et à l’environnement ou encore le développement du vélo. Enfin, concernant le financement de cette reconstruction, ils sont favorables à l’abandon des subventions publiques aux énergies fossiles, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières ou encore la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales.

« Il y a une volonté des citoyens que la sortie de crise ne soit pas qu’une relance économique mais un véritable changement de modèle de société », analyse Paula Forteza, députée (non-inscrite) des Français de l’étranger.

L’hôpital, une priorité nationale

A partir de ces propositions citoyennes, les parlementaires du « Jour d’après » ont élaboré 30 mesures autour de la santé, de la sobriété, de la solidarité et de la souveraineté, qu’ils s’engagent à porter politiquement via des propositions de loi et des amendements. Ils veulent par exemple faire de l’hôpital une priorité nationale, revaloriser de 200 euros par mois le salaire des soignants, ouvrir 200 000 postes supplémentaires en trois ans dans les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les services d’aide à domicile, mettre en place un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments ou encore « aller vers le revenu universel » en commençant par élargir le revenu de solidarité active (RSA) aux 18-25 ans.

Officiellement, les responsables de la majorité disent accueillir de manière positive le travail de fond mené par « Le Jour d’après ». « Je ne vois pas d’un mauvais œil de formuler des propositions pour l’après », estime le délégué général de La République en marche (LRM), Stanislas Guerini. « La légitimité de cette démarche, je ne la conteste en aucun cas », abonde le patron des députés LRM, Gilles Le Gendre, en se disant prêt à « intégrer » au logiciel macroniste des idées issues du collectif.

Mais cela ne les empêche pas de formuler de sérieuses réserves vis-à-vis de cette initiative. Aux yeux de M. Guerini, le diagnostic du « Jour d’après » n’est pas réaliste. « Je suis réservé sur l’idée qu’il y aurait une bascule dans le monde de l’après-crise, décorrélée du contexte actuel. Comme si on arrivait dans un monde sans contrainte et qu’on pouvait repartir d’une feuille blanche », observe le patron des marcheurs, qui préconise de « partir du réel pour ne pas paraître déconnecté ». Une manière polie de dire que les propositions formulées par le collectif lui paraissent quelque peu utopiques.

Création d’un neuvième groupe à l’Assemblée

M. Le Gendre, lui, estime que « des arrière-pensées politiques existent » chez les promoteurs du « Jour d’après », en lien avec le projet de création d’un neuvième groupe à l’Assemblée nationale. « Il y a des intersections » entre les deux initiatives, selon lui. Le lancement du « Jour d’après » étant perçu comme une manière de structurer le nouveau groupe en préparation au Palais-Bourbon, qui regrouperait des marcheurs dissidents, tels Guillaume Chiche, Aurélien Taché, Barbara Pompili ou Emilie Cariou. Les cadres de la majorité auraient préféré, enfin, que cette initiative soit coordonnée à l’intérieur de la majorité, plutôt qu’en dehors.

Au-delà des logiques partisanes, le politologue Loïc Blondiaux voit dans l’initiative une tentative de relégitimation d’un travail parlementaire plus que jamais contesté. « En recréant un espace de dialogue avec les citoyens, il s’agit de montrer que le Parlement continue de faire un vrai travail de représentation et pas seulement de chambre d’enregistrement », juge le professeur de science politique à la Sorbonne (Paris I).

Si le public est au rendez-vous, c’est que dans le même temps une partie croissante de la population désire s’exprimer sur les politiques publiques. « Beaucoup de citoyens ont le sentiment qu’un changement de société ne pourra passer que par un changement radical des règles du jeu démocratique », avance-t-il, alors que les citoyens du « Jour d’après » soutiennent par exemple l’expérimentation du tirage au sort dans les institutions représentatives ou la mise en place de référendums d’initiative citoyenne.

D’où la multiplication des plates-formes prenant le pouls des citoyens − « Notre nouvelle vie », « Nous les premiers », « Demain est près de chez vous », « reCOVery », etc. − ainsi que leur succès : la consultation « Comment inventer tous ensemble le monde d’après ? », lancée le 10 avril par la Croix-Rouge française, le WWF France, Make.org et le Groupe SOS, dont les résultats seront publiés le 29 mai, a par exemple réuni 100 000 participants, qui ont déposé 20 000 propositions appelant essentiellement à protéger l’environnement et à repenser les modes de production et de consommation.

Si elles témoignent d’une vitalité démocratique, ces nombreuses consultations citoyennes interrogent quant à leur capacité à être traduites en actions politiques, d’autant plus qu’elles coexistent avec la Convention citoyenne pour le climat, qui a proposé 50 propositions de sortie de crise mi-avril. Loïc Blondiaux voit plusieurs limites à leur portée politique : le manque de représentativité des contributeurs dont « tout laisse à penser qu’il s’agit de citoyens plus éduqués et urbains que la moyenne » et « la polyphonie et l’horizontalité des opinions qui, faute de synthèse, empêche de peser efficacement en politique ».

« Ces démarches, très intéressantes, masquent les clivages politiques (gauche-droite) et sociaux qui persistent dans la société sur le soutien à la transition écologique », ajoute Maxime Gaborit, sociologue et doctorant à l’université Saint-Louis de Bruxelles. Il juge en outre que contrairement à la Convention citoyenne pour le climat, le format des consultations en ligne, plus participatif que délibératif, « rend difficile l’élaboration de mesures articulées les unes avec les autres qui permettraient d’avoir une véritable rupture ».

12 mai 2020

Chronique : « Au lieu de galvaniser les Français, les interventions d’Emmanuel Macron semblent accroître leur inquiétude »

Par Françoise Fressoz, Editorialiste au « Monde »

Plus le président de la République invite son peuple à l’optimisme, plus il semble l’enfoncer dans le malheur. Dénouer cette situation suppose de retrouver le moyen de s’accorder, collectivement, sur un diagnostic, analyse dans sa chronique Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».

« Les Jours heureux ». Ainsi se nommait le programme que le Conseil national de la Résistance avait élaboré à partir du milieu de l’année 1943, et qui fut mis en œuvre à compter de septembre 1944. On lui doit quelques grandes nationalisations, comme celles de Renault, des chemins de fer, du gaz, de l’électricité et, surtout, la mise sur pied de la Sécurité sociale telle que nous la connaissons encore aujourd’hui.

Dans l’imaginaire collectif, ce programme reste comme un moment mythique, celui de l’oubli de la drôle de guerre et de la collaboration, celui de la communion nationale autour de l’Etat reconstructeur. Fortement inspiré par les communistes, avalisé par l’homme du 18 juin, il a, de fait, contribué à forger les acquis sociaux du XXe siècle, même si, politiquement, ce moment de concorde nationale a été de courte durée. Dès janvier 1946, le général de Gaulle décidait en effet de se retirer, vaincu par le retour des caciques de la IIIe République qu’il avait contribué à réinstaller.

Depuis que l’épidémie provoquée par le coronavirus a précipité le pays dans une triple crise sanitaire, économique et sociale dont nul ne peut prédire la durée ni l’ampleur, Emmanuel Macron est contraint, une nouvelle fois, de réinventer son quinquennat. Il le fait à sa manière, avec force mots et sans jamais se départir de l’optimisme qui avait fait sa force durant la campagne présidentielle de 2017. Après avoir décrété l’état de guerre, le 16 mars, le président de la République a fait miroiter, dans son discours du 13 avril, la perspective de « jours meilleurs », de « jours heureux » en se fixant pour mission « dans les prochaines semaines » de dessiner « avec toutes les composantes de la Nation » le « chemin qui rend cela possible ».

Mais au lieu de galvaniser les Français, ses interventions semblent au contraire accroître leur inquiétude. Au point que celui qui rassure au sein de l’exécutif est désormais le premier ministre, devenu plus populaire que le président, ce qui n’est jamais bon signe pour la pérennité du couple. A la veille d’un déconfinement à haut risque, les Français avaient le choix entre deux discours. L’un, ultra-volontariste, d’Emmanuel Macron, mercredi 6 mai, consistant à proclamer qu’« il faut enfourcher le tigre, le dompter » ; l’autre, beaucoup plus prudent, d’Edouard Philippe, prévenant le lendemain « qu’on ne peut pas faire le malin avec le virus ». Nul besoin d’un dessin pour comprendre dans lequel ils se sont reconnus.

Absence de perspective

En révélant les défaillances de l’Etat protecteur, celui-là même que le Conseil national de la Résistance avait contribué à construire il y a soixante-seize ans, la crise du coronavirus a amplifié le malheur français et, ce faisant, creusé un peu plus le fossé entre les Français et leur président. De tous les Européens, ce sont eux les plus sévères à l’égard de leurs dirigeants, indiquent tous les sondages.
Dans une interview à L’Express (8 mai), l’historien et philosophe Marcel Gauchet recense avec une précision d’horloger « les démons » français qui, « un moment mis en sourdine » ont resurgi comme un diable à l’occasion de cette épreuve collective : « la défiance » endémique envers les gouvernants ; la judiciarisation « qui fournit à une société vindicative un instrument de contestation indéfini de toute autorité publique par les individus » ; ou encore « les démagogies de tous ordres, notamment autour de la dépense publique, supposée pouvoir tout financer ». « En forçant le trait, constate-t-il avec malice, cela donne le nouveau programme de la gauche radicale : le salaire à vie, sans travail, pour tout le monde ! »
Certes, beaucoup d’erreurs ont été commises par l’exécutif ces derniers mois. La plus grave a été de n’avoir pas dit la vérité sur l’état calamiteux des stocks de masques au moment du déclenchement de l’épidémie. La plus excusable a été de n’avoir pas tenu un langage parfaitement clair, mais qui peut y prétendre face à une maladie que personne ne sait encore dompter ?

Cependant, ces erreurs n’expliquent pas, à elles seules, l’ampleur du pessimisme français qui se nourrit depuis des années de la peur d’un triple déclassement social, européen et mondial. La comparaison peu flatteuse avec l’Allemagne n’a fait qu’accentuer le trouble, si bien que tous les ingrédients de la crise politique qui préexistaient à l’élection d’Emmanuel Macron et avaient contribué à la rendre possible demeurent. La gauche ne s’est toujours pas relevée de son échec de 2017. La droite, trop éclatée, n’a pas encore réussi à faire émerger un leader et Marine Le Pen campe toujours en embuscade. A ce stade, aucun prétendant n’est jugé plus crédible que le chef de l’Etat pour gérer la crise.

Cette absence de perspective rend la situation actuelle particulièrement complexe. Les chefs des partis de l’opposition refusent de se laisser enfermer dans le piège de l’unité nationale, car ils font le pari qu’Emmanuel Macron sera battu en 2022, voire dans l’incapacité de se représenter. Cependant, aucun d’entre eux n’est en mesure d’imposer son jeu ou de forcer le calendrier.

D’ici à 2022, il reste deux années que le pays ne peut se permettre de perdre au regard de la somme des défis qui l’attendent. Certains l’ont compris, comme Nicolas Hulot qui s’exaspère des jeux politiciens et croit en la possibilité de faire émerger, comme en 1944, un monde nouveau, à la faveur de cette crise.

Mais pour qu’un travail commun puisse s’engager, encore faut-il s’accorder sur le diagnostic. Tout l’enjeu de la reconstruction repose sur la légitimité de l’instance qui sera chargée, le moment venu, de raccorder les points de vue. Pour l’heure, le pays souffre de deux superlatifs : il a un président beaucoup trop optimiste et un peuple complètement neurasthénique.

9 mai 2020

Risque de fracture au sein de LRM

LRM

Alexandre Lemarié et Cédric Pietralunga - Le Monde

Une cinquantaine de députés « marcheurs » et élus attachés à l’écologie envisagent de créer un groupe autonome pour porter leur « ligne sociale »

L’idée est un vrai serpent de mer au sein de la majorité. Depuis plusieurs mois circule le projet de la création d’un neuvième groupe à l’Assemblée nationale, composé de députés de l’aile gauche de La République en marche (LRM), qui risquerait de menacer l’unité de l’édifice macroniste au Palais-Bourbon. Ce scénario serait sur le point d’aboutir.

Selon des informations des Echos, confirmées au Monde, 58 députés de toutes obédiences s’organisent pour former ce nouveau groupe, autonome de celui de LRM, afin d’être opérationnels le 1er juin. « Ecologie démocratie solidarité » pourrait agglomérer des élus comme l’ex-LRM Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot ; les « marcheurs » Aurélien Taché, Guillaume Chiche et Emilie Cariou, issus du PS ; l’écologiste Delphine Batho ; ou encore Cédric Villani, exclu du parti mais toujours membre du groupe LRM de l’Assemblée. La plupart, élus en 2017 sous les couleurs macronistes, se montrent mal à l’aise avec la ligne impulsée par l’exécutif, jugée « trop à droite ». Mais pas au point de rompre avec leur camp d’origine. « Notre groupe est indépendant, ne se situant ni dans la majorité ni dans l’opposition », est-il écrit dans leur manifeste.

Reste à savoir combien d’élus LRM figureront réellement dans cette échappée, parmi les 58 potentiels frondeurs. Les dirigeants du groupe les évaluent entre « dix et vingt », « vingt max ». Les principaux initiateurs de ce groupe étaient injoignables jeudi pour détailler les contours de leur opération. « Ils ne veulent pas communiquer car la sortie de l’information n’est pas de leur initiative, explique un élu au cœur de la manœuvre. Le projet de monter le groupe, c’est acté. Mais ils ne voulaient pas l’annoncer maintenant. Tout n’est pas encore calé. » Plusieurs sources au sein de la majorité évoquent « une fuite orchestrée » pour « torpiller l’initiative », trois jours avant le déconfinement. Un tempo susceptible de refroidir certains, à l’instar de Claire Pitollat. Membre du collectif social-démocrate au sein de LRM, elle se dit favorable à l’émergence d’« un groupe social et écologiste » mais ne juge « pas opportun » ce lancement, « en plein déconfinement ».

Si la date de création reste inconnue, l’annonce suscite déjà des frayeurs en macronie pour sa portée symbolique : elle fait peser le risque de faire perdre la majorité absolue au groupe LRM. Après la récente exclusion de Martine Wonner, seule élue LRM à avoir voté contre la stratégie de déconfinement, les députés macronistes et apparentés comptent en effet 296 membres – contre 314 au début de la législature – à seulement sept unités de la majorité absolue. L’annonce d’une division de ses troupes, en outre, intervient à un moment délicat pour Emmanuel Macron, qui doit piloter un épineux déconfinement du pays.

Dissuader les participants

L’urgence, dès lors, est de dissuader les potentiels participants. « Une telle initiative, si elle se confirmait, constituerait une double rupture de confiance de la part de leurs auteurs : avec le président de la République, sans qui nous n’aurions probablement pas été élus ; et avec les électeurs, qui nous ont choisis pour former la majorité qui soutient son action », écrit le chef de file des députés LRM, Gilles Le Gendre, dans un message envoyé à ses troupes jeudi, que Le Monde a pu consulter. Dénonçant une « tentative de division », il prévient : « Il vaut mieux appartenir à la majorité pour orienter l’action du gouvernement que siéger dans l’opposition. »

Un scénario jugé « inéluctable » au sein de la majorité, tant la création de ce groupe a été évoquée ces derniers mois. En particulier au moment de la réforme des retraites ou du recours au 49.3. Les divisions au sein de la majorité autour de la question du traçage numérique ont précipité les choses. « La gestion catastrophique du groupe, la séquence sur StopCovid… On a donné de beaux prétextes pour leur permettre de partir », regrette un élu légitimiste, proche de l’Elysée.

Le député de l’Eure Bruno Questel, dénonce, lui, « l’irresponsabilité » de ses collègues sur le départ, dont « certains ont vu en 2017 en Emmanuel Macron non pas une chance pour la France mais une opportunité pour eux-mêmes ».

Certains veulent voir « une clarification utile » de la part de députés « qui ne s’étaient pas habitués au dépassement ». D’autres raillent le positionnement flou de ce groupe « de bric et de broc pour essayer d’exister ». « “Ni dans la majorité ni dans l’opposition”, c’est une formule qui promet de faire des étincelles à un moment où la France a précisément besoin de prendre des décisions », se moque la députée de Paris Olivia Grégoire.

Un proche d’Emmanuel Macron tente de positiver, en soulignant que LRM pourra toujours s’appuyer sur l’allié du MoDem pour faire adopter les textes du gouvernement. A Matignon, on juge que « la majorité demeure solide avec le MoDem et la confiance est là ». Un fidèle du chef de l’Etat s’efforce même d’y voir un moyen d’initier un « élargissement » de la majorité, pouvant permettre d’« aller chercher vers la gauche ».

7 mai 2020

Macron cherche à apaiser les inquiétudes sur l’école

macron masqué

Mardi, le chef de l’État a échangé avec quelques enfants de personnels indispensables, scolarisés à l’école élémentaire Pierre-Ronsard de Poissy. Photo AFP

C’est une des grandes inconnues du déconfinement : masque « grand public » sur le visage, Emmanuel Macron est venu mardi dans une école des Yvelines tenter d’apaiser les inquiétudes sur la périlleuse rentrée qui s’annonce en pleine épidémie de coronavirus.

Mardi, le chef de l’État a échangé avec quelques enfants de personnels indispensables actuellement scolarisés à l’école élémentaire Pierre-Ronsard, de Poissy (Yvelines), notamment autour des mesures de protection qui menacent de virer au casse-tête insoluble selon nombre de maires et d’enseignants.

À quelques jours du début du déconfinement, le 11 mai, il a également échangé en visioconférence avec des maires et directeurs d’école du département des Yvelines, prônant « bon sens » et souplesse face aux particularités locales.

Car alors que le bilan de l’épidémie a franchi, lundi, la barre des 25 000 morts, ce retour en classe inquiète parents, enseignants et élus locaux, particulièrement en région parisienne. Beaucoup de maires refusent de rouvrir les écoles dès la semaine prochaine, ou alors a minima. Ce qui entraînerait des répercussions en cascade, notamment sur la garde des enfants.

« Je comprends leurs angoisses, leurs questions, leurs inquiétudes », a lancé le Président. Et de plaider pour un « retour progressif et concerté », avec pour objectif que « tous les enfants qui ont besoin de revenir à l’école (…) puissent trouver une école ouverte avec un temps aménagé ».

Car alors que plusieurs pays voisins de la France entament, ces jours-ci, leur déconfinement, l’exécutif insiste sur l’urgence de remettre le pays en marche, après le confinement inédit de millions de Français pendant près de deux mois.

Les détails pratiques présentés jeudi

Édouard Philippe, qui doit présenter jeudi les détails pratiques du déconfinement, a également qualifié la fermeture des écoles de « catastrophe pour les plus vulnérables des enfants et des adolescents », le décrochage scolaire étant selon lui « probablement une bombe à retardement ».

Un protocole sanitaire très strict doit encadrer la réouverture des écoles : lavage de mains à répétition, bureaux espacés d’au moins un mètre, port du masque obligatoire ou conseillé selon les circonstances… Un vrai casse-tête pour les communes chargées de préparer cette rentrée à hauts risques.

Les élus sont aussi inquiets sur leur responsabilité pénale si la sortie du confinement devait mal se passer. « Nous sommes mobilisés, déterminés pour réussir le déconfinement, mais nous n’accepterons pas de le faire sans garanties », a ainsi prévenu le sénateur LR Philippe Bas.

6 mai 2020

LE PARISIEN - L'ÉDITO de Charles de Saint Sauveur

Drôle d’anniversaire à l’Elysée         

Voilà un anniversaire qui est passé à l’as. Jeudi, cela fera donc trois ans jour pour jour qu’Emmanuel Macron emportait la mise, au terme d’un monumental « strike » qui mettait au tapis Républicains et socialistes. Trois ans plus tard, c’est toute sa présidence qui se retrouve chamboulée par la pandémie de Covid-19. Jusque dans son essence même : « La République en Marche ! » stoppée net dans son élan par le confinement, quel cruel symbole ! Avouons que ce 7 mai 2017 nous paraît très lointain. Un président de 39 ans paré de toutes les audaces, y compris de langage, prêt à libérer le pays de toutes ses pesanteurs… Présider la France n’est pas une sinécure, mais le chef de l’Etat ne s’attendait sans doute pas à pareil chemin de croix. Outre les habituelles tempêtes politiques, il a eu droit à son tsunami surprise, comme Nicolas Sarkozy (la crise de 2008) et François Hollande (les attentats de 2015). On passera vite sur le destin de ses deux prédécesseurs dont le quinquennat est resté sans lendemain. Emmanuel Macron, lui, est confronté à un autre problème : le coronavirus balaie totalement son logiciel, celui d’une économie libérée profitant à tous, et d’une confiance résolue en l’avenir. La croissance, la décrue du chômage, les investissements : tous les gains amassés en trois ans de quinquennat sont désormais envolés. Pendant les deux ans qui lui restent, il devra affronter une récession sans précédent, et répondre à toutes les souffrances, toutes les revendications, qui viendront frapper à sa porte. Défi impossible ? A première vue, oui, même si l’homme est un phénix qui a déjà su se renouveler, comme il l’a prouvé en pleine crise des Gilets jaunes, avec le lancement de son Grand débat national. Cette fois, il lui faudra beaucoup plus qu’un « coup » politique pour repartir de l’avant et rassurer le pays. Se « réinventer », comme il l’a lui-même dit, en se payant peut-être de mots. Une chose est sûre : il entre, et avec lui le pays, dans l’inconnu le plus total.   

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 > >>
Publicité