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Jours tranquilles à Paris
societe
16 mars 2020

Coronavirus : l’exécutif réfléchit à confiner les Français

Dimanche, le confinement total de l’ensemble de la population et l’annulation du second tour des élections municipales ont été envisagés.

Par Cédric Pietralunga et Alexandre Lemarié Publié - Le Monde

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Place de la République à Paris, le 15 mars. MARLENE AWAAD POUR « LE MONDE »

C’était le 6 mars, mais c’est comme si c’était il y a un siècle. Après avoir visité une maison de retraite à Paris, Emmanuel Macron s’était ce jour-là rendu avec sa femme, Brigitte, au Théâtre Antoine (10e arrondissement), pour y assister à une représentation de la pièce Par le bout du nez. On était alors au début de l’épidémie due au coronavirus SARS-CoV-2, et le chef de l’Etat voulait montrer que « la vie continue ».

« Il ne faut pas, sauf pour les populations fragiles, modifier les habitudes de sortie », avait alors déclaré M. Macron, selon des propos rapportés par le producteur Jean-Marc Dumontet, un très proche du couple présidentiel.

Dix jours plus tard, le temps n’est plus à l’innocence. Après avoir décidé, jeudi 12 mars, de fermer tous les établissements scolaires, puis, samedi 14 mars, les restaurants, bars, discothèques, cinémas, le chef de l’Etat envisage désormais de confiner tous les Français chez eux, comme l’ont déjà décidé l’Italie ou l’Espagne.

« Des Parisiens qui font comme si de rien n’était »

Une mesure jamais appliquée en France en temps de paix, mais qui pourrait être la seule façon de ralentir l’épidémie, qui ne cesse de s’étendre et prend des proportions qui effraient jusqu’au sommet de l’Etat.

Dimanche soir, le bilan était officiellement de 5 423 cas de Covid-19 en France, soit plus de 900 supplémentaires en vingt-quatre heures, et de 127 morts liés à la maladie. Un bilan que tous les médecins s’accordent à dire sous-estimé, tous les patients n’étant plus testés.

Moyen efficace d’enrayer l’escalade, le confinement de l’ensemble de la population a été évoqué lors d’une réunion téléphonique, dimanche après-midi, entre les directeurs de cabinet du gouvernement. Durant cette discussion, la liste des options possibles pour freiner la propagation du virus a été passée en revue, dont celle du confinement total. Une issue jugée désormais possible au sommet de l’Etat, au vu « des images des Parisiens qui font comme si de rien n’était », indique Matignon.

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Le long des quais de Seine à Paris, le 15 mars. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

« Si les Français ne respectent pas les mesures barrières comme on l’a vu dimanche sur les quais de Seine, aux Buttes-Chaumont ou au parc du Luxembourg, on va vers un modèle “à l’italienne”. C’est-à-dire un confinement total, hors courses nécessaires et activités de soignants, sécurité… », indique une source gouvernementale. « En fonction du degré d’appropriation de la distanciation sociale, on verra s’il est nécessaire d’aller plus loin », a reconnu la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, dimanche soir sur RTL.

Abstention record au premier tour des municipales

Lors de cette réunion, une annulation du second tour des élections municipales a également été étudiée. L’exécutif a confirmé, dimanche soir, qu’il demanderait leur avis aux autorités sanitaires sur l’opportunité de tenir le scrutin, prévu le 22 mars.

Le chef du gouvernement, Edouard Philippe, a annoncé qu’il réunirait « à nouveau en début de semaine » les experts scientifiques et « les représentants des forces politiques » afin de prendre une décision. « Sans doute mardi », a précisé le ministre de la santé, Olivier Véran, sur France 2. « Mais les choses évoluent à une telle vitesse qu’il faut être prudent », nuance-t-on à Matignon. Le premier tour du scrutin, qui s’est déroulé dimanche, a été marqué par un taux d’abstention record estimé entre 53,5 % et 56 %.

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Bureau de vote à l’école Maurice-Korsec à Marseille, le 15 mars. FRANCE KEYSER / MYOP POUR « LE MONDE »

Parmi les personnalités politiques, le report du second tour des municipales ne fait en tout cas guère de doute. « Compte tenu [des] circonstances exceptionnelles et d’un éventuel confinement national à venir, le report d’un deuxième tour (…) me semble être plus prudent », a déclaré Damien Abad, le président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale. « Le second tour n’aura manifestement pas lieu, compte tenu de l’aggravation prévisible de l’épidémie. Il faut considérer acquises les élections de premier tour et reporter les autres dans quelques mois », a demandé la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, lors d’une allocution dimanche. « Face à l’urgence sanitaire, relayée par de nombreux médecins, le président doit prononcer dès demain l’annulation du second tour », a abondé Carole Delga, présidente (PS) de la région Occitanie.

Selon un sondage Harris Interactive publié dimanche, 54 % des Français disent ne pas comprendre la décision du gouvernement d’avoir maintenu le premier tour du scrutin.

Malaise de la majorité

Durant le week-end, l’exécutif s’était pourtant échiné à convaincre les Français que la démocratie serait plus forte que le Covid-19. Dimanche midi, Emmanuel Macron a lui-même justifié le maintien du premier tour au nom de « la vie démocratique » du pays. « Il est important de voter dans ces moments-là », a-t-il déclaré, après avoir glissé un bulletin dans l’urne au Touquet (Pas-de-Calais), tout en appelant les Français à respecter les consignes de prévention. « Les opérations de vote se dérouleront demain comme prévu et je sais que les Français démontreront à cette occasion leur calme, leur civisme et leur capacité à respecter les règles que nous avons édictées pour leur sécurité », avait aussi vanté Edouard Philippe samedi soir, lors de l’annonce de la fermeture de tous les commerces hors alimentaire.

Un ton péremptoire qui cache mal le malaise de la majorité face à la décision de l’exécutif d’organiser coûte que coûte ce scrutin. Tout l’après-midi de samedi et jusque tard dans la soirée, c’est une « bataille de titans » qui s’est jouée entre les partisans de l’annulation et ceux du maintien, selon un habitué de l’Elysée. Une sorte de répétition des débats qui s’étaient déjà tenus, jeudi, alors que le chef de l’Etat avait hésité à reporter le scrutin.

D’un côté, le président du MoDem, François Bayrou, et plusieurs députés importants de la majorité ont plaidé en faveur d’un report. « Dès jeudi, étant donné l’aggravation de la situation sanitaire, j’ai soutenu l’idée d’une annulation et d’un report des élections. Une conviction renforcée après les déclarations du premier ministre samedi soir. La situation pose beaucoup de questions pour le second tour », confie M. Bayrou, candidat à sa réélection comme maire de Pau.

A l’Elysée, le secrétaire général de la présidence, Alexis Kohler, aurait poussé dans le sens inverse, tout comme le directeur du cabinet d’Edouard Philippe, Benoît Ribadeau-Dumas. Une position également défendue, selon plusieurs sources, par le premier ministre lui-même. « Remettre en cause des élections n’est pas un acte anodin dans une démocratie », explique un conseiller au fait des discussions.

« Chantage inacceptable »

Mais la gravité de l’intervention du chef du gouvernement, samedi soir, a semé le trouble. Immédiatement après sa prise de parole, un sentiment de panique avait envahi le sommet du pouvoir : comment faire appliquer les consignes de confinement, tout en appelant 47,7 millions de Français aux urnes ? Comment justifier une telle décision, dans un contexte où la France vient de passer au stade 3 de la gestion de l’épidémie ?

« A vrai dire, je ne sais plus… », soufflait un ministre, samedi soir. Sur les coups de 23 heures, certains membres du gouvernement se demandaient encore si un conseil des ministres extraordinaire n’allait pas être convoqué avant minuit pour prendre un décret annulant la convocation des élections.

Redoutant que l’exécutif soit tenu responsable d’une accélération de la propagation de l’épidémie, plusieurs soutiens de M. Macron ont alors tenté de faire reposer le choix de maintenir le scrutin sur l’opposition, en chargeant en particulier le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, et celui de l’Association des maires de France, François Baroin, qui auraient fait pression de tout leur poids sur Emmanuel Macron, jeudi, pour que ce dernier renonce à annoncer un report.

« Larcher et Baroin on fait du chantage inacceptable en criant à la dictature », accusait samedi soir Stéphane Séjourné, aujourd’hui chef de file des eurodéputés macronistes

« Larcher et Baroin on fait du chantage inacceptable en criant à la dictature. En réalité, ils avaient en tête de protéger leurs intérêts électoraux », accusait, samedi soir, l’ex-conseiller de M. Macron, Stéphane Séjourné, aujourd’hui chef de file des eurodéputés macronistes. Un argumentaire repris par le patron de La République en marche (LRM), Stanislas Guerini, dimanche soir, sur France 2 : « Les formations politiques ont été réunies à deux reprises autour du premier ministre. A ce moment-là, pas une formation politique n’a demandé le report des élections. »

Une attaque jugée irrecevable par l’opposition, en particulier par le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, Julien Bayou, soulignant que « le premier ministre a rigoureusement écarté l’option de reporter les municipales », jeudi, lorsqu’il a reçu l’ensemble des responsables politiques à Matignon.

« Un jour, un bilan devra être tiré des décisions prises et surtout non prises », a attaqué de son côté Marine Le Pen, dimanche soir, en dénonçant les « atermoiements », « retards », ou encore « les choix idéologiques et contradictoires » de MM. Macron et Philippe. « Il y a un vrai risque que ça retombe sur le gouvernement », redoute un ministre.

Président « concentré » et « déterminé »

Des accusations balayées au sommet de l’Etat. « La vérité, c’est que nous avons une méthode : nous suivons les recommandations des scientifiques, explique un proche d’Edouard Philippe. Jeudi comme samedi, ils nous ont dit que le premier tour des élections municipales pouvait se tenir. C’est pour cela qu’on a maintenu le scrutin. On ne pouvait pas ajouter une crise politique à la crise sanitaire en prenant une décision unilatérale. »

Dans l’entourage du premier ministre, on observe d’ailleurs que « le consensus républicain évolue » sur la question d’un report du second tour. « Les déclarations de ce dimanche soir ne sont pas les mêmes que celles de jeudi dernier », analyse un conseiller.

Reste que la décision d’un confinement de l’ensemble de la population ne sera pas facile à prendre, tant les conséquences sur la vie quotidienne mais aussi l’économie seraient importantes.

Pour le moment, les proches d’Emmanuel Macron décrivent un président « concentré » et « déterminé ». « Il a le sentiment d’être d’une cohérence absolue, il n’a aucune envie de tomber dans la politique politicienne. Il doit à chaque étape embarquer le pays et toutes ses forces, sans effet de panique », observe un habitué du palais, qui échange nuit et jour avec lui.

Seule certitude, M. Macron devait tenir, lundi, une réunion par visioconférence avec les chefs d’Etat du G7, dont l’américain, Donald Trump. Objectif : faire le point sur l’avancée de la recherche et coordonner la réponse économique à l’épidémie. De son côté, Edouard Philippe devait de nouveau rencontrer, « en tout début de semaine », les responsables de parti et des associations d’élus, pour recueillir leur avis et les informer des décisions de l’exécutif. « On n’est qu’au début de la crise, le pic épidémiologique n’est pas encore en vue, souffle un conseiller de l’exécutif. On doit tenir sur la longueur. »

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10 mars 2020

Masque chirurgical ou en dentelle : le coronavirus, un tue-l'amour dans les clubs libertins à Paris ?

libertins

Si l’OMS a multiplié les conseils de prudence au quotidien face au Covid-19, l'institution n'a rien formulé au sujet des relations sexuelles. Alors que les contacts corporels peuvent susciter des inquiétudes, quelles conséquences a l’épidémie dans les milieux échangistes ?

Le Coronavirus, un tue-l'amour ? Pour pouvoir accéder aux alcôves du Mask, un club libertin de la capitale, il est en temps normal demandé de se munir d'un masque, de préférence en dentelle ou de style vénitien. Mais dans le contexte d’épidémie de Covid-19, la version hôpital fait aussi bien l'affaire. "On a mis du gel hydroalcoolique et des masques chirurgicaux à l'entrée. La fermeture n'est pas à l'ordre du jour", explique cet établissement échangiste.

Depuis une semaine, le Mask connaît ceci dit une baisse de 30 % de sa fréquentation, avec la multiplication des cas de Français contaminés par le nouveau coronavirus. A l'Éclipse, un sauna échangiste parisien, la situation est bien différente : malgré la moiteur et la promiscuité physique, "les clients baignent dans l'eau, le chlore et le savon", explique l’établissement.

Si l'OMS a multiplié les conseils de prudence, sur les situations les plus concrètes du quotidien, jusqu'au soin à apporter à ses animaux de compagnie, l'institution n'a rien formulé au sujet des relations sexuelles.

"Il y a quand même des risques plus importants, que le coronavirus, non ?"

Mais parce qu'il est désormais déconseillé à travers la planète de se serrer la main et de se faire la bise pour se saluer, les baisers langoureux et les échanges de fluides peuvent forcément susciter des inquiétudes.

Au bout de la nuit, samedi, avant que tombe l'interdiction de rassemblement de plus de 1 000 personnes en France, l'heure était au brassage à la Monarch, soirée "libertaire" où cohabitent "la techno et le charnel". Plusieurs centaines de jeunes clubbers, des hommes en harnais, étudiants en rasta et maîtresses dominatrices en vinyle, s’étaient retrouvés.

Installés stratégiquement près des toilettes du club, les bénévoles du stand de prévention de l'association "Fêtez clair" préparaient leur matériel : ni masque, ni gel hydroalcoolique, mais des préservatifs, des gants de latex et des pailles à usage unique en cas de consommation de produits stupéfiants. La distribution vise avant tout à permettre au public de se protéger des MST, à commencer par le sida. L'obsession actuelle autour du Covid-19 a ainsi de quoi agacer un bénévole : "Il y a quand même des risques plus importants, que le coronavirus, non ?".

libertins20

4 mars 2020

Russie. Poutine propose d’interdire le mariage homosexuel dans la Constitution

avec AFP.

Vladimir Poutine prépare une réforme de la Constitution russe, avec une partie largement institutionnelle. Pour concerner les électeurs, des amendements ont été ajoutés sur des questions de société : la foi en Dieu serait dans la Constitution, ainsi qu’une définition du mariage comme uniquement entre un homme et une femme.

Le président russe Vladimir Poutine a soumis au Parlement de nouveaux amendements constitutionnels, introduisant la mention de Dieu dans la Constitution et fixant le principe qu’un mariage n’est possible qu’entre un homme et une femme.

Vladimir Poutine a annoncé en janvier que la Russie allait amender sa Constitution de 1993, une initiative largement considérée comme visant à organiser l’après-2024, année où s’achève son quatrième et dernier mandat présidentiel.

Ces amendements constitutionnels ont été adoptés à l’unanimité par les députés en première lecture mais Vladimir Poutine a soumis 24 pages supplémentaires d’amendements avant la seconde lecture, la plus importante, prévue le 10 mars, a annoncé lundi le président de la Douma, Viatcheslav Volodine.

Le mariage mixte seulement

Les amendements du président sont le résultat de son dialogue avec les représentants de toutes les factions et de la société civile, a-t-il indiqué dans un communiqué publié par la Douma, la chambre basse du Parlement russe.

Ces amendements prévoient que la mention de la foi en Dieu des Russes soit introduite dans la Constitution et stipulent qu’un mariage est l’union d’un homme et d’une femme, a précisé le vice-président du parlement, Piotr Tolstoï.

Je pense que la plupart des propositions qui ont été discutées ont été prises en compte, a-t-il déclaré.

Crimée et îles Kouriles

Ces nouveaux amendements interdisent aussi que des portions de territoire russe soient données à des États étrangers et rendent illégal tout appel ou action en ce sens.

Selon l’acteur Vladimir Machkov, membre du groupe de travail formé par le Kremlin pour plancher sur la réforme constitutionnelle, cet amendement permettrait de garantir que la péninsule ukrainienne de Crimée, annexée en 2014, ou les îles Kouriles disputées avec le Japon, restent russes même après le départ de Vladimir Poutine.

Le président russe avait évoqué l’idée de fixer le principe de l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe mi-février, lors d’une rencontre avec un groupe de travail chargé de plancher sur les changements.

Réformes constitutionnelles

La majorité des amendements votés par la Douma en première lecture étaient de nature plus institutionnelle, visant notamment à renforcer les pouvoirs présidentiels. Un vote populaire aux contours encore flous doit être organisé le 22 avril pour adopter ces changements.

La semaine dernière, entre 10 500 personnes selon la police et 22 000 selon une ONG ont manifesté en mémoire de l’opposant assassiné il y a cinq ans Boris Nemtsov, mais aussi pour protester contre ces réformes constitutionnelles.

Selon un récent sondage du centre indépendant Levada, seuls 25 % des Russes sont prêts à voter en faveur des changements constitutionnels, tandis que 65 % disent ne pas comprendre ce qu’ils signifient. Les personnes interrogées sont divisées sur l’avenir du président : 44 % veulent le voir quitter le pouvoir après 2024, 45 % le voir rester.

Pour des analystes, les changements sociétaux que le président propose d’introduire dans la Constitution sont un moyen de convaincre les Russes de prendre part au scrutin.

24 février 2020

Pourquoi la vente de sex-toys explose au Japon

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Au Japon, l’usage des sex-toys est en pleine expansion. S’il témoigne d’une reconnaissance du plaisir féminin, il est aussi l’indice d'une sexualité nipponne en berne. Rencontre à Tokyo avec des acteurs majeurs du secteur.

Dans les années 1980, le sex-toy japonais était ce drôle d'appareil de massage pour la nuque vendu au rayon électroménager des grands magasins, planqué entre les sèche-cheveux et les humidificateurs d'air. Officiellement, tout le monde connaissait son usage et savait qu'il n'était pas destiné à être manipulé sur le cou, mais les apparences étaient sauves, la discrétion assurée dans ce packaging qui ne laissait rien transparaître de sa fonction réelle. Le marché du sex-toy, c'était aussi quelques produits importés d'Europe ou des Etats-Unis, disponibles en magasins spécialisés. Mais là non plus, le succès n'était pas au rendez-vous. Qualifiés de grotesques, ces vibromasseurs venus d'ailleurs, surdimensionnés et aux couleurs flashy, avaient la réputation d'être peu confortables et désagréables, voire douloureux. Et puis, il y avait la honte de les acheter, la crainte de passer en caisse avec ça dans son panier. "A l'époque, c'était tabou. Les sex-toys représentaient un secteur de niche complètement underground", se souvient Sanae Takahashi, 57 ans, prêtresse du monde du jouet pour adultes au Japon.

Nous sommes à Akihabara, en plein cœur du "quartier électrique de Tokyo". Surnommé ainsi pour l'étourdissant choix de grands magasins dédiés au matériel électronique et informatique que l'on y trouve, c'est le lieu de la culture geek par excellence, avec des jeux vidéo à foison et des cafés où de jeunes femmes habillées en poupées mangas affirment être nées sur une autre planète. C'est au milieu de cette frénésie assourdissante, des enseignes clinquantes et des hordes de touristes surexcités que trône le Love Merci, un magasin de cinq étages exclusivement réservé aux sex-toys. Dans les rayons, plus de 10 000 références sont présentées. Tout est décliné, du vibromasseur aux vulves pénétrables, en passant par le cosplay, les poupées en silicone, les plaisirs fétiches, les coussins troués, les plugs anaux, les poitrines en latex.

Le vibromasseur Orgaster, l'un des deux articles les plus vendus du magasin Love Merci, Akihabara, Tokyo. Eric Rechsteiner/Panos Pictures

Cette boutique est la vitrine de la célèbre marque fondée par Sanae Takahashi, et c'est ici que se trouvent les bureaux de l'entreprise. Son téléphone rose bonbon vissé à l'oreille, la patronne, toute de noir vêtue, entre dans son bureau d'un pas décidé. Du haut de sa tour, elle est incontestablement la maîtresse des lieux et le staff lui obéit au doigt et à l'œil. Elle court, Sanae Takahashi, sept jours sur sept. Le mot "vacances", elle ne connaît pas. Sitôt posé sur la table, le portable sonne à nouveau. En quelques minutes, elle valide la confection de plusieurs milliers de sex-toys pendant qu'un de ses employés pose un jus d'orange avec une paille devant elle. Sa force de caractère et son assurance apparentes n'ont d'égal que la gentillesse qui émane d'elle.

Un vibromasseur conçu à partir d'une étude pointue du corps des femmes

Sanae Takahashi est celle qui a inventé, entre autres, deux sex-toys féminins que l'on trouve aujourd'hui dans un nombre incalculable de magasins et de love hotels au Japon, le Fairy et l'Orgaster. Un stimulateur clitoridien et un vibromasseur conçus il y a une quinzaine d'années et qui ont révolutionné l'approche réservée au plaisir féminin au Japon. Ils sont aujourd'hui toujours aussi plébiscités.

"Quand je me suis lancée dans le sex-toy, il y a trente ans, il n'était pas aussi démocratisé. C'était un milieu dominé par les hommes, j'ai dû faire ma place et cela n'a pas été facile", sourit-elle. Alors salariée d'une entreprise qui conçoit des jouets pour enfants, elle perd son emploi, "délocalisé en Chine où les frais de production étaient moins élevés". Elle réfléchit à un "moyen de gagner de l'argent" avec son savoir-faire. Un soir, alors qu'elle boit des verres avec un ami gynécologue, elle imagine un vibromasseur conçu à partir d'une étude pointue du corps des femmes. Elle s'associe avec un ami et peaufine ses modèles. Faire accepter l'objet n'était pas gagné puisque l'on ne parlait pas de plaisir sexuel à l'époque, encore moins de celui des femmes. Il faut replacer l'objet dans son contexte : pour la gent féminine japonaise, faire l'amour, c'était avant tout satisfaire son partenaire.

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"Il faut garder en tête qu'acheter des sex-toys reste une source de honte pour de nombreuses femmes"

Dans les derniers produits à l'étude dans le labo de Sanae Takahashi, "un vibromasseur qui sera fixé à une ceinture afin de pouvoir l'utiliser sans les mains" et un stimulateur clitoridien qu'elle promet "révolutionnaire". Son business n'oublie pas les hommes puisque la marque fut aussi pionnière dans le marché des vulves pénétrables. Malgré la notoriété de sa gamme pour femmes et la présence d'un staff à 50 % féminin dans le magasin, elle n'oublie pas que 80 % des clients du Love Merci restent des hommes, qui n'aiment pas être dérangés lorsqu'ils font leurs emplettes, "deux étages sont à la disposition des messieurs et interdits d'accès aux femmes".

La masturbation resterait malgré tout l'affaire des hommes dans ce pays classé 110e sur 149 par le Forum économique mondial en matière d'égalité des sexes. "Pour les femmes de ma génération, le plaisir sexuel reste un tabou insurmontable, assène Sanae Takahashi, devenue malgré elle une figure de cette révolution du sex-toy japonais. Mais pour les jeunes générations, les verrous sautent. Le fait de pouvoir acheter en ligne a modifié les comportements et changé les pratiques. On l'observe dans le magasin : les clients viennent majoritairement pour regarder. Ils jettent un œil, puis rentrent chez eux et commandent via internet." Elle ajoute : "Si les mentalités évoluent, il faut garder en tête qu'acheter des sex-toys reste une source de honte pour de nombreuses femmes, même aujourd'hui."

Un constat également dressé par Minori Kitahara, qui a ouvert le tout premier sex-shop du Japon en 1996. Un lieu qu'elle voulait conçu pour et par des filles, "le premier et seul sex-shop féministe du pays". Après des études supérieures où elle s'intéresse à l'éducation sexuelle, l'égalité des genres mais aussi à l'économie, elle s'interroge sur le rôle de la femme dans la société japonaise. Lorsqu'elle quitte l'université, elle se met à écrire pour un média et découvre "tout ce qui pouvait exister hors du Japon en matière de lutte pour les droits des femmes mais aussi d'épanouissement sexuel. Si le féminisme existe au Japon depuis plus de cent cinquante ans, il est différent de ce qui peut se faire hors de l'archipel."

Le sex-toy comme symbole d'affirmation de soi

Elle lance son affaire "dans une démarche militante. J'ai vu ce type de sex-shops à New York, et je m'en suis inspirée." Avec Love Piece Club, elle offre un espace unique à de nombreuses clientes. Elle invente également quelques modèles de sex-toys plus adaptés "que les gros pénis ou les vibromasseurs en forme de dauphins. Il fallait de nouveaux produits, avec lesquels les femmes auraient du plaisir et se sentiraient bien et en sécurité en les utilisant. Aujourd'hui, on vend surtout des vibromasseurs, des lotions : on a aussi une réflexion plus poussée sur le corps et on parle un peu plus facilement d'orgasme par exemple."

Minori Kitahara est sans doute l'une des figures féministes majeures du pays aujourd'hui. Elle est l'une des instigatrices des Flower Demo, ces manifestations qui brisent le silence à propos des violences sexuelles et exigent une révision du Code pénal pour une meilleure reconnaissance des victimes. Pour elle, le sex-toy est un symbole d'affirmation de soi, mais son succès particulièrement écrasant est aussi révélateur d'un mal-être, "celui de l'écart qui ne cesse de se creuser entre les hommes et les femmes de ce pays. Il y a un véritable problème de communication entre les sexes : à Tokyo, les hommes passent l'essentiel de leur temps avec leurs collègues ou dans leurs entreprises, les femmes font leur vie de leur côté, ils ne partagent rien. C'est d'une tristesse…"

Sanae Takahashi partage ce point de vue alarmant : "La situation ne va faire qu'empirer. Les jeunes gens sont captifs de leurs écrans, ne se rencontrent plus, essaient de se satisfaire autrement. Nos ventes n'augmentent pas forcément mais il y a toujours de nouvelles variétés, des références inédites." La quête de plaisir se fait volontiers seul.

Les filles d'un côté, les garçons de l'autre. Des étages de magasins réservés aux hommes ou encore ce bar conçu uniquement pour les femmes, le Vibe Bar Wild One. Direction le quartier des oiseaux de nuit, Shibuya. Pensé comme un parc à thème du plaisir féminin, ce showroom est une sorte de galerie du sexe très kitsch où les hommes sont admis, à condition d'être accompagnés. Derrière la porte noire capitonnée, une installation en forme de vulve fait office d'entrée. Sur les murs de l'établissement, des reproductions de shunga, ces célèbres estampes érotiques.

Du mobilier jusqu'aux toilettes, des objets artistiques représentent le sexe, avec un goût plus ou moins sûr. Sur les étagères, 350 sex-toys sont disposés. Le bar est une sorte de sex-shop déguisé où l'on vient regarder, manipuler les objets (avec les mains) puis passer commande si on le souhaite. Le tout à l'abri des regards.

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Petit à petit, le sex-toy est sorti des sex-shops

Le succès du sex-toy pose inévitablement la question de son influence sur la vie sexuelle des Japonais. Est-il révélateur d'une sexualité en berne ? Selon une enquête menée en 2005 par Durex, les Japonais font l'amour moins d'une fois par semaine, soit un peu moins de cinquante fois par an, ce qui correspond à la moitié de la moyenne annuelle réalisée sur un panel de vingt et un pays, et dévoilée par ce même sondage.

Une autre enquête indique que le recours à la masturbation dépasse désormais le nombre de rapports sexuels des Japonais, et ce à tous les âges de la vie. Les 20-29 ans ont par exemple recours à la masturbation à 100 % pour un peu moins de 60 % de rapports sexuels par an. Sur la même tranche d'âge, on recense deux rapports sexuels par mois pour dix recours à la masturbation. "La faible fréquence des rapports sexuels des Japonais a pour conséquence un plus grand recours à la masturbation, confirme Koichi Nagao, professeur d'urologie à la faculté de médecine de Toho. Les sex-toys sont utiles, aussi bien pour les hommes que pour les femmes, s'ils concourent à une amélioration de la vie sexuelle."

Petit à petit, le sex-toy est sorti des sex-shops et a pris place dans les magasins généralistes. Supermarchés Don Quijote, boutiques de gadgets Village Vanguard, où même pharmacies, drug stores et librairies lui ont ouvert leurs rayonnages. L'été dernier, pour la première fois, un grand magasin annonçait la mise en place d'une large sélection de sex-toys féminins dans un corner temporaire. Derrière cette initiative, un paquebot du sex-toy nippon, Tenga, dont un produit se vend toutes les trois secondes dans le monde.

Tenga, c'est la Onacup, cette petite boîte rouge qui ressemble à une canette de soda et qui abrite une vulve pénétrable. Pour moins de 10 euros et à usage unique, elle promet aux hommes des sensations différentes selon le modèle. Le modèle original, en forme de sablier, procure une compression serrée au moment du passage du pénis au centre du sex-toy et donne une forte sensation d'aspiration. Parmi les quatre autres variantes, le Soft Tube qui permet de contrôler la pression et la force de la stimulation ou le Rolling Head qui possède une partie nervurée.

"Comme si la masturbation était quelque chose de sale et d'obscène"

En 2018, une enquête révélait que 89 % des Japonais âgés de 20 à 40 ans connaissaient les sex-toys estampillés Tenga et 33,5 % en avaient déjà utilisé un. La marque plaît autant aux hommes qu'aux femmes puisqu'elle s'est également lancée, en 2013, à la conquête de ce marché avec sa collection Iroha. "Il y a encore dix ans, les magazines féminins japonais titraient : 'Comment plaire à un homme ?' Aujourd'hui, on lit : 'Comment vous sentir bien et vous faire plaisir ?' Il n'est plus question de plaire mais bien d'être soi-même", se félicite Koichi Matsumoto, pdg de Tenga.

L'histoire de cet homme est une véritable success story. A 30 ans, il est mécano dans le domaine des voitures vintage lorsqu'il ambitionne de changer de vie. Il raconte une période difficile de sa vie, qu'il qualifie volontiers de "déprimante". Il plaque tout et reprend à zéro. Un jour, alors qu'il se rend dans un magasin pour adultes, il constate que "des sex-toys étaient vendus entre deux DVD pornos". Pas d'identité, pas de marques. "C'était il y a vingt-cinq ans, on avait alors l'impression de devoir acheter cela sous le manteau : comme si la masturbation était quelque chose de sale et d'obscène." C'est là que Tenga naît.

"Avoir recours à la masturbation et aux sex-toys peut être une alternative aux comportements toxiques de certains"

Koichi Matsumoto explique alors sa vision : "Le sexe fait partie de nos besoins biologiques naturels et il est nécessaire de les assouvir au même titre que manger, boire ou dormir. Lorsque l'on est célibataire, la masturbation peut répondre à cela. Elle ne remplace ni le sexe ni la connexion profonde que l'on peut avoir avec un ou une partenaire, mais elle peut être pratiquée lorsqu'elle devient nécessaire et il n'y a pas de mal à cela." Il va plus loin : "Je vois parfois des comportements d'hommes qui me révoltent... Les femmes ne sont pas des objets et ne sont pas faites pour répondre aux besoins sexuels des hommes. Avoir recours à la masturbation et aux sex-toys peut aussi être une alternative aux comportements toxiques de certains." Un discours inattendu de la part de ce patron qui a fait fortune avec le plaisir solitaire masculin.

Avec Tenga (que l'on peut traduire par "correct" et "élégant"), Koichi Matsumoto avait envie de sortir le sex-toy de cette "sphère underground. L'idée était de lancer un nouveau genre de produit, de qualité supérieure, avec une identité, un design soigné, que l'on peut acheter n'importe où et sans complexe". Après trois ans d'essais et de prototypes, Koichi Matsumoto aboutit à la première Onacup, qui connaît dès sa première mise en vente, en 2005, un succès immédiat. Tous produits confondus, l'enseigne compte aujourd'hui 256 références et continue d'innover.

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Fidèle à sa démarche – l'accès au plaisir pour tous –, Tenga a lancé un programme avec des maisons de retraite de jour. Il y a quelques années, les équipes se penchaient sur un sondage selon lequel 79 % des Japonais âgés de 60 à 69 ans et 81 % des 70 à 79 ans ont exprimé l'envie d'un rapport sexuel, au moins une fois par an. "Nous avons proposé aux vingt-neuf centres de la chaîne Iki-Iki Life Spa, que l'on trouve partout au Japon, une sélection de sex-toys à prix réduits pour leurs pensionnaires." Un projet sur lequel la marque ne fait quasiment pas de profit mais qui se heurte à un obstacle de taille. "Au Japon, beaucoup de personnes âgées vivent avec leurs enfants. Ils n'ont parfois pas de chambre à eux et souffrent d'un manque d'intimité." Certaines familles ont également confié ne pas comprendre cette initiative et nient par la même occasion les besoins sexuels de leurs aînés.

Le débat sur les sexualités envahit de plus en plus l’espace public nippon. Sanae Takahashi participe à des séminaires en ce sens. Tout comme Minori Kitahara qui, parmi ses actions, siège dans un groupe

de lutte contre la pornographie. Elle rappelle avec inquiétude que “les sex-toys qui se vendent le plus au Japon aujourd’hui, ce ne sont pas les Tenga mais les lolicon, pour les hommes”. “Lolicon”, raccourci de “Lolita complex”, soit des produits (porno, figurines, coussins troués, cosplay, etc.) à l’effigie d’adolescentes. L’image de la jeune fille en fleur fait vendre et inquiète également Human Rights Watch qui révèle dans une étude que le matériel pédopornographique serait toujours commercialisé, malgré la loi votée en 2015, qui criminalise l’acte.

Le sex-toy n’est pas toujours synonyme de positivité du corps, il est aussi objet de fantasme. Dans des pratiques extrêmes, il adopte des dimensions XXL, des formes surprenantes. Dans le Love Merci, on aperçoit aussi des appareils qui produisent des décharges électriques en tout genre, des coussins pénétrables sur lesquels sont imprimés des motifs d’héroïnes d’anime ou encore le fameux sex-toy moulé à partir de la main de Taka Kato, acteur porno surnommé Goldfinger, qui se vante d’avoir découvert huit zones érogènes dans le sexe féminin avec seulement deux doigts.

22 février 2020

Nudes, dick pics et revenge porn : les pratiques des Français.es

Le retrait de la candidature de Benjamin Griveaux suite à la diffusion d'images intimes remet sur la table une question qui se pose depuis la commercialisation de téléphones munis d'une caméra et des applications de partage de contenus : doit-on envoyer des photos dénudées (nudes, pour les djeun's) ? Qu'en faire ? Doit-on les supprimer directement après visionnage ? Quelles sont les pratiques des Français.es dans ce domaine ?

Un scandale équivaut à un sondage pour l'Ifop qui, pour le compte des sites CAM4 et Hot Vidéo (qui laissent peu de place au doute quant à leur cœur de métier) a réalisé une enquête auprès des Français.es pour en savoir plus sur leurs pratiques digitalo-sexuelles.

Des rituels sexuels pimentés par le digital

Qu'aurait dit Marie-Antoinette si Louis XIV, éperdu de sa personne et en quête de rapprochement physique, lui avait transmis une carte postale sur laquelle figurait son ithyphalle * fièrement dressé ? Si son émoi n'est pour l'heure pas connu, les Français et les Françaises ont intégré de nouvelles pratiques érotiques liées à l'apparition des nouvelles technologies. Un petit lexique s'impose. Le revenge porn, qui a dernièrement fait les gros titres, renvoie selon le Cambridge Dictionary à « des images ou vidéos privées à connotation sexuelle mises en ligne impliquant un(e) ancien(ne) partenaire sexuel(le) dans le but de le/la punir ou le/la blesser ». En amont de cet acte, on trouve la dick pic, la simple "photo de bite" prise par un individu et la sextape, une vidéo prise par un ou plusieurs individus les montrant en plein acte sexuel.

L'ifop a mené une enquête auprès d'un échantillon national représentatif de 1 000 Français, montrant que le fait de se filmer tout en envoyant des messages érotiques est une pratique bien répandue parmi les Gaulois.es, et que les conséquences sont également appréhendées par ceux qui s'y sont déjà adonnés. Dans l'ensemble, si l’excitation entre partenaires via SMS, photos, vidéos ou webcam est une pratique minoritaire chez l’ensemble des Français (22 %), elle s’avère beaucoup plus courante chez les jeunes de moins de 30 ans (46 %) et notamment chez les hommes de cette génération où ce genre de jeux sexuels est une pratique majoritaire (53 %).

Avant, on vous prévenait que l'oiseau allait sortir, désormais tout le monde prend en photo son petit oiseau : 35 % des moins de 30 ans ont déjà envoyé à quelqu'un une image d’eux à connotation sexuelle (photo, vidéo, live via webcam). Mais parmi ces pratiques à risque, l’envoi de photos ou de vidéos de soi-même nu ou dénudé (nude) s’avère beaucoup plus répandu (30 % chez les moins de 30 ans) que celle à laquelle se serait livré Benjamin Griveaux, à savoir la diffusion de son sexe (dick pic) sous forme de photo (15 %) ou de live via webcam (11 %).

L'envoi de dick pics, une pratique qui reste marginale

Sans grande surprise, la diffusion de dick pic au sens strict reste en revanche une pratique marginale (9 %), à forte dominante masculine (13 % des hommes s’y sont adonnés contre 5 % des femmes) et homosexuelle (38 % chez les gays et les bis). Et côté webcam, les Spielberg de la verge restent rares : seuls 7 % des Français ont déjà exhibé leurs organes sexuels devant une webcam.

Vous avez envoyé des clichés olé-olé et avez peur qu'ils refassent surface ? Vous n'êtes pas seul.e.s : un jeune sur deux de moins de 25 ans (46 %) admet avoir peur d’être victime un jour de revenge porn (30 %) sur Internet ou les réseaux sociaux. Pourtant, rares sont les Français.e.s à admettre s’être déjà livrés au revenge porn : 4 % des Français âgés de 18 à 69 ans avouent avoir déjà contribué à la diffusion non consentie de vidéos et photos à caractère sexuel, soit une proportion qui a doublé en une demi-douzaine d’années (2 % en 2014). Et cette pratique – condamnée par la loi – reste toujours une pratique essentiellement masculine chez l’ensemble des Français (5 % des hommes, contre 1 % des femmes) comme chez les jeunes de moins de 25 ans (8 % des garçons, contre 3 % des filles). Peur irrationnelle ou lâcheté des auteur.e.s ? Le mystère reste entier.

En tout cas, malgré tous les conseils que vous pouvez recevoir (du style, ne pas faire de nudes), un seul marchera à tous les coups : assumez vos corps de dieux et de déesses, au Bonbon, on vous désire ardemment avec ou sans casseroles sexuelles.

* (Antiquité) Représentation du phallus en érection, que l'on portait en procession aux fêtes de Dionysos (chez les Grecs) et Bacchus (chez les Romains). (Antiquité) (Par extension) Chants ou danses pratiquées lors de ces fêtes. (Antiquité) (Par extension) Participant à ces fêtes. (Antiquité) (Figuré) Débauché.

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20 février 2020

Femme, fabrique ton corps

Par Noémie Rousseau, correspondante à Strasbourg

femme fabrique ron corps

Photo issue de la série «Thing I Imagined» (2019) de Romy Alizée. Photo Romy Alizée

Une nouvelle version française du livre culte «Notre Corps, nous-mêmes» vient de paraître. Ecrit par un collectif de femmes d’âges, d’origines et d’orientations sexuelles différents, l’ouvrage, qui traite de sexualité, de travail, de santé ou d’autodéfense, est tout à la fois un outil et une arme, pour se connaître et riposter.

Femme, fabrique ton corps

«Si vous doutez de ce que vous pouvez mettre dans votre vagin, demandez-vous d’abord si vous pouvez le mettre dans votre bouche.» Simple, jouissif, émancipateur. Souvenir ému d’une lecture adolescente, celui de Marie Hermann. Cofondatrice des éditions Hors d’atteinte, la maison qui publie aujourd’hui une version entièrement réactualisée de Notre Corps, nous-mêmes, elle est une des neuf auteures. A l’époque, sa mère n’arrive pas à lui parler «de tout ça», alors elle met entre les mains de Marie Hermann ce classique du féminisme datant de 1977, écrit par et pour les femmes. Le volume est déjà une adaptation de l’original américain, publié pour la première fois en 1973 par le Collectif de Boston pour la santé des femmes, Our Bodies, Ourselves. Un bouquin culte, qu’on trouve encore dans certains plannings familiaux. Dans la vie des femmes, il fut souvent un tournant. «Je commençais tout juste à prendre conscience de mon corps, et le discours ambiant très normatif était violent : l’âge de chaque transformation physique, des premiers rapports sexuels, la manière dont cela devait se passer, ce qu’il fallait dire, faire ou pas, se souvient Marie Hermann. Dans ce livre-là, je pouvais me projeter, tant il y avait de voix différentes. Personne ne me faisait sentir que je n’étais pas normale, différente, ou que j’avais mal fait les choses. Tout était ouvert.»

Sa mère garde jalousement son exemplaire. Alors Marie Hermann s’en procure un d’occasion, le relit. Il a vieilli. L’idée de le réactualiser germe. Elle réunit ses copines, elles parlent de règles, du rapport à leurs mères… mais l’aventure tourne court : les filles sont happées par leurs études.

Plus tard, Marie Hermann fera une fausse couche. Au traumatisme s’ajoute le désarroi. Aucune amie n’a vécu cette expérience. Elle ne sait vers qui, vers quoi se tourner. Internet est larmoyant, religieux ou culpabilisateur. Il faudrait pleurer beaucoup ou s’en remettre, et vite. «Je n’avais rien qui me donne des mots, un imaginaire pour surmonter ça, me raccrocher.»

Groupes de parole

Il fallait réécrire Notre Corps, nous-mêmes. Cette fois, l’idée chemine dans les cortèges en pleine mobilisation contre la loi travail, et elle prend. Sans doute ne mesuraient-elles pas dans quelle entreprise périlleuse et fastidieuse elles s’embarquaient. Les premières réunions débutent à l’hiver 2016, chaque femme en invite d’autres, mue par le souci de former un collectif le plus hétérogène et représentatif possible afin de s’adresser à toutes. La blogueuse afro féministe Nana Kinski, étudiante de 23 ans, rejoint le projet. Elle apporte son regard sur les sujets de construction du genre, de racisme, de voile. Elle participe en douce, «je viens d’une famille très traditionnelle, centrée sur la religion. Le féminisme, c’est tabou à la maison», dit-elle. L’expérience l’a changée, «ce fut un apprentissage. Le féminisme, pour moi, c’était Simone de Beauvoir, quelque chose d’institutionnalisé, universaliste, qui ne me touchait pas du tout. J’ai découvert la sororité, être écoutée, soutenue, sans que son vécu soit remis en question».

Ainsi, neuf femmes, âgées de 20 ans à 70 ans, d’origines et d’orientations sexuelles différentes, se sont mises à écrire ce livre, «avec fierté, colère et détermination», disent-elles en introduction. Toutes ont vécu des mycoses à répétition, connu des violences, certaines ont eu des enfants, d’autres non… Elles se sont réunies régulièrement, se sont racontées, confiées, disputées. Suivant la même méthode que les féministes américaines un demi-siècle auparavant, elles ont mis en commun leurs travaux et leurs réflexions, se sont relues, corrigées, fatiguées.

Partant de leurs propres échanges comme matière première, elles ont organisé des groupes de parole dans la France entière et conduit des entretiens individuels. La collecte est colossale et intense, parfois douloureuse. Quatre cents femmes ont témoigné. «Quelle que soit la thématique abordée, même les plus légères, la violence rejaillissait en permanence, qu’on parle de travail, de sexualité, de médecine… Il suffit d’ouvrir un espace de parole. C’était très troublant et précieux aussi. On a mesuré leur envie de participer, de libérer la parole, de confronter leurs expériences dans un cadre bienveillant, une pratique perdue et que certaines veulent poursuivre.»

Perdue notamment avec la «confiscation du savoir féminin par le corps médical», relatée dans l’ouvrage qui est aussi un manuel d’autosanté, visant une autonomie des femmes par rapport au pouvoir médical, encore très masculin et paternaliste en France. «On ne parle pas du corps seulement dans son aspect scientifique et médical», insiste Marie Hermann. La santé des femmes est abordée comme un levier d’émancipation, «le sexisme est une oppression vécue partout, dans la rue, au travail, à Pôle Emploi comme chez le médecin, et il passe par le corps, c’est une violence éprouvée à laquelle on veut donner les moyens de répondre.»

Ecrire la sensation

La couverture de la première version américaine montrait des femmes en train de manifester. Elle a été remplacée par une mosaïque de portraits de femmes de couleurs et d’origines différentes sur la dernière édition outre-Atlantique. «Comme une pub Benetton, dépolitisée : on insiste sur la diversité pour ne plus poser la question politique de la lutte pour l’égalité», ajoute-t-elle. C’est que les Américaines se sont «déjà émancipées depuis longtemps du corps médical, le discours d’opposition n’est plus nécessaire, analyse plutôt le médecin Martin Winckler. Vous ne voulez pas voir un médecin, vous assumez les risques et responsabilités de vos décisions. Plus le corps médical est proche du pouvoir et plus il véhicule son idéologie. En France, les médecins continuent de sortir de la haute bourgeoisie et se comportent comme l’élite politique : on sait ce qui est bon pour vous, il n’y a pas à discuter.»

Et la référence, c’est le corps de l’homme avec son «fonctionnement binaire : malade ou pas malade», poursuit Winckler, un des premiers soutiens du collectif de Françaises, dans Tu comprendras ta douleur (avec Alain Gahagnon, Fayard, 2019), pointant les préjugés qui biaisent la prise en charge de la douleur. «Le corps des femmes, c’est des bouleversements constants, la puberté, le cycle menstruel, la grossesse, la ménopause qui sont considérés comme pathologiques. Si la physiologie féminine servait de référence, on enseignerait qu’il n’y a pas de normes, seulement des variantes. Et c’est aux femmes de dire si elles sont acceptables ou pas.» Et de rappeler que les douleurs des femmes sont moins bien soulagées que celles des hommes : «On les croit moins et à même niveau de douleur exprimé, elles ont moins d’antalgiques.»

Les auteures ont collaboré avec plusieurs médecins pour s’assurer de la fiabilité des informations. Avec Notre Corps, nous-mêmes, le vécu des femmes, leur expression, rencontre la science. «Ce qui est novateur, et l’était dès la parution de la première édition, c’est d’articuler une perception que la femme peut avoir de son propre corps avec une connaissance biologique, hormonale, sexuelle. Il s’agit de faire le lien entre ce qui arrive physiologiquement dans le corps vivant et la perception qu’une femme peut en avoir», relève le philosophe du corps Bernard Andrieu, auteur de la Langue du corps vivant (Vrin, 2018). Comment écrire la sensation pour pouvoir la partager, la transmettre ? Avec quels mots ? Une fréquence cardiaque ne dit rien de l’expérience sensorielle interne d’un cœur qui s’emballe. «Le corps vivant est inconscient par rapport au corps vécu. Il a mal avant que vous ayez mal, il jouit avant que vous vous disiez "ça y est je suis en train de jouir". Il est en avance sur notre perception. On le connaît par l’émersion, tous ces signaux incontrôlés qui remontent : la faim, la douleur, le plaisir, les rêves… Nous sommes informés par notre corps vivant, cela arrive à la conscience, je songe que j’ai mal ou joui, mais c’est déjà une représentation culturelle, je suis déjà dans le corps vécu.»

Corps «bioculturel»

Charnel et politique, le corps est «bioculturel», selon l’expression d’Andrieu. «Les gender studies nous ont enseigné que le genre était culturel, le corps des femmes l’est aussi. Avoir ses règles au Japon ou en Angleterre, ce n’est pas pareil, cela dépend des représentations. Ce type d’ouvrage nous rappelle que le corps des femmes n’est pas totalement culturel.» Et, surtout, il s’agit d’un corps rassemblé, unique, entier. Le philosophe souligne l’approche holistique du projet : «Le livre évoque l’ensemble des expériences de la femme dans la société, c’est un corps unifié qui se transforme, vieillit, alors que les politiques publiques sur la contraception, la grossesse, la famille, le harcèlement au travail, parcellisent le corps vivant de la femme en autant d’objets de prévention.» On coupe la femme en tranches, selon ses âges, ses rôles. Des tranches comme des parts de marché. «Avoir une réflexion globale est toujours délicat, car c’est risquer de proposer un modèle», souligne-t-il.

Mais dans Notre Corps, nous-mêmes, le projet politique d’émancipation «repose sur un savoir indigène, produit par les actrices elles-mêmes, enrichi par la communauté. Tout l’inverse d’un Laurence Pernoud, "je vous donne un modèle et suivez-le".» Les femmes du collectif n’en sont pas vraiment sorties indemnes. «On ne détruit pas le patriarcat en écrivant un livre», disent-elles en conclusion. L’écriture fut une épreuve, elles confient en être sorties transformées, bousculées jusque dans leurs lits.

L’anti-Instagram

«Si Notre Corps, nous-mêmes a détruit des pans de patriarcat dans nos vies, alors certaines batailles sont gagnées. Encore faut-il que ce qui s’est passé en nous puisse se rejouer auprès de nos lectrices.» On le feuillette, on y plonge et on y pioche. Il est déstabilisant et libérateur. On y revient comme on retrouve ses copines après le travail. Et, désormais, il est là. Il nous manquait mais on ne le savait pas encore. «Mon corps m’appartient.» Oui mais comment ? Notre Corps, nous-mêmes, c’est comme si on avait enfin la notice. Le livre est tout à la fois un outil et une arme, pour se connaître et se défendre. On a envie de le prêter à sa mère comme à sa fille ; on a autant envie d’essayer l’autocontrôle du col de l’utérus que de demander une augmentation. Foisonnant sans être bordélique. Rigoureux sans être chiant. Intime sans être voyeur.

La question de l’enfant, en avoir ou pas, est traitée dans le chapitre «Produire et se reproduire», reliée au travail, rémunéré ou non. La violence va avec l’autodéfense, et les techniques pour riposter, se relever, voire se venger. Les règles vont avec la ménopause. Les récits, tantôt drôles tantôt graves, sont parfois tel un haïku, d’autres fois, ils coulent sur plusieurs pages. Ce n’est jamais empathique, c’est délicat. L’intime sans la mise en scène de soi, et qui se raconte à la première personne du pluriel. Subjectivité assumée et collective qui nous épargne la peine de l’écriture inclusive pour lui préférer l’écriture «non sexiste», sorte de ripolinage grammatical finement mené. Côté illustration, c’est l’anti-Instagram. Toutes les photos sont des contributions qui alternent avec des schémas anatomiques ou des gros plans de vulves, qui permettent de comprendre précisément de quoi on parle. C’est un peu flou, plutôt mal cadré et souvent en bazar. Elles se parlent, traînent en pyjama, se baignent, marchent, jouent avec des gosses, partent en vacances, travaillent, accouchent, rient, mangent. Tout un monde de routines débarrassé des normes. Qui est-ce ? Elles sont petites filles ou vieilles dames, tatouées, rondes, noires, trans… Rien n’est légendé.

Notre Corps, nous-mêmes, collectif, éd. Hors d’atteinte, 384 pp., 24,50 €.

12 février 2020

500 vendeurs à la sauvette “évincés” par la police autour de la tour Eiffel

vendeur sauvette

La préfecture de police de Paris met en avant l’interpellation de 42 vendeurs à la sauvette et 30 voleurs à la tire ces deux dernières semaines dans le secteur du célèbre monument. « 150 kg de matériel » auraient été saisis.

Par France 3 PIDF

Il ne fait pas bon vendre des tours Eiffel miniatures et des porte-clés aux touristes au pied de la Dame de fer ces derniers jours, si l’on en croit la Préfecture de police de Paris. La PP a en effet annoncé lundi avoir lancé « un dispositif de sécurisation renforcé » dans le secteur pour lutter contre les ventes à la sauvette.

A #Paris7, secteur Tour Eiffel, @prefpolice a mis en place un dispositif de sécurisation renforcé pour lutter efficacement contre les ventes à la sauvette. Depuis 2 semaines :

➡️42 vendeurs et 30 voleurs à la tire interpellés

➡️500 vendeurs évincés

➡️150kg de matériel saisi 

Depuis deux semaines, la police affirme ainsi avoir arrêté « 42 vendeurs et 30 voleurs à la tire », avec au total « 150 kg de matériel » au cours des opérations. Toujours d’après la PP, 500 vendeurs en tout auraient été « évincés » du secteur de la tour Eiffel, située dans le 7e arrondissement de la capitale. Une zone largement fréquentée par les vendeurs à la sauvette, parmi tant d’autres secteurs à Paris

5 février 2020

À lui tout seul, un artiste crée des embouteillages monstres - 28 minutes - ARTE

Excellent !

2 février 2020

Société - La “solitude du week-end”, ou comment ne parler à personne pendant deux jours

solitude

THE GUARDIAN (LONDRES)

Pour de nombreuses personnes, la fin de la semaine est synonyme d’isolement social et de solitude. Ce quotidien britannique a enquêté sur ce phénomène dont on parle peu, et qui touche pourtant tous les segments de la population.

Samedi matin, Peter s’est levé et est allé au supermarché. Il a rapporté ses courses à la maison et s’est occupé de la lessive et du repassage. L’après-midi, il a fait quelques boutiques de disques puis s’est préparé à dîner, toujours quelque chose d’aventureux le samedi soir. Ensuite il s’est branché sur Netflix. Et pendant toutes ces heures, comme beaucoup de ses samedis, sans parler des dimanches, Peter n’a eu aucune interaction digne de ce nom avec un autre être humain.

La seule personne à qui j’ai parlé, confie-t-il, c’est la dame qui est passée vérifier mes bouteilles de bière à la caisse automatique du supermarché.”

Pendant la semaine, Peter, 62 ans, est trop occupé pour se sentir seul. Il habite à Brighton mais travaille à Londres, et sa vie professionnelle est un “tunnel” dans lequel il entre le lundi et où il ne voit pas la lumière du jour avant le vendredi. Sauf que, dès qu’il en sort, il est saisi par un énorme sentiment de solitude. Loin de lui procurer un répit dans le stress de la vie de bureau, la possibilité de retrouver famille et amis, le week-end représente un vaste désert émotionnel et social qu’il doit traverser avant de reprendre le travail.

Peter redoute les week-ends. Et il est loin d’être le seul. Il est l’une des 200 personnes, de Falmouth à Djakarta, à avoir partagé en ligne leur solitude du week-end à la demande du Guardian. La plus jeune avait 16 ans, la plus âgée plus de 70. Toutes parlaient de souffrance et d’isolement.

L’impression d’être “une paria isolée”

Le phénomène de la solitude du week-end est pourtant à peine étudié. “Il n’y a aucune étude sur la question”, déclare Pamela Qualter. Professeure de psychologie de l’éducation à l’université de Manchester, elle a dirigé la “Loneliness Experiment”, [une étude sur la solitude] réalisée par la BBC l’année dernière. “Il n’y a, semble-t-il, pas un moment de la journée [ni] une saison où les gens se sentent particulièrement seuls, mais nous n’avons pas demandé pour le week-end.”

À quoi ressemble la solitude du week-end, qui en souffre et que peut-on faire pour la soulager ?

Liz, 41 ans, vit dans le Somerset. Elle a un travail gratifiant, de la famille à proximité, mais elle a deux vies. “Pendant la semaine, je suis une personne satisfaite, épanouie. Le week-end, j’ai l’impression d’être une paria isolée”, confie-t-elle. Elle se trouve de plus en plus en décalage avec son groupe social. Elle a une entreprise de formation qu’elle dirige de chez elle, les jours ouvrés sont donc bien remplis. Or c’est exactement à ce moment-là que ses amies mariées veulent se retrouver autour d’un café pour “se lamenter sur leur mari”.

Liz aimerait bien les voir aussi le week-end, mais quand arrive le samedi, “ce n’est pas dit, mais c’est comme si elles me fermaient la porte au nez”, confie-t-elle.

Le week-end, c’est pour les couples. Il n’est pas question de m’inviter à un dîner, parce que je suis célibataire. Je me réveille le samedi avec le moral à zéro. J’ai du mal à sortir du lit si je n’ai rien de prévu.”

Comme si on avait deux personnalités

“Les psychologues parlent du ‘soi miroir’ [looking glass self], explique Pamela Qualter. Votre façon de vous voir est influencée par la façon dont vous pensez que les autres vous voient. L’espace public change, est occupé par d’autres gens… ce n’est plus votre espace. Vous vous sentez mal à l’aise parce que vous n’y avez plus votre place.”

“J’entends beaucoup ça, déclare Sally Brown, qui est coach de vie et conseillère. C’est comme si les gens avaient deux personnalités. La personnalité de la semaine est active et sûre d’elle, mais celle du week-end est perdue et vulnérable.”

Quelqu’un qui entre seul dans un espace public est souvent perçu comme à laisser seul. Mark, 32 ans, est récemment revenu à Londres après deux ans passés à voyager. Un week-end, il est allé au pub pour regarder un match de football et s’est assis à une table de six vide. Le pub s’est rapidement rempli, mais Mark est resté seul pendant vingt minutes avant quelqu’un ne lui demande s’il pouvait s’asseoir à l’une des cinq chaises vides autour de lui. Il déclare avec ironie :

Je suppose que les gens pensent que vous attendez d’autres personnes ou que vous êtes bizarre.”

En décalage avec ses proches

Sally Brown a plusieurs clients dans la trentaine et la quarantaine. Pour elle, cette déconnexion est “liée à une période de transition où votre groupe de pairs est passé à un stade que vous n’avez pas encore atteint”. Et ne souhaitez peut-être pas atteindre. Comme les amis de Liz, la plupart de ceux de Mark sont en couple.

Kate, 61 ans, vit un changement différent de celui de Mark et Liz. Elle est en train de passer de la vie de mère de famille à celle de célibataire. Elle emploie le mot “transition” en particulier quand elle se rappelle, les samedis soir où elle se sent seule, qu’elle a bien élevé ses filles et que la solitude n’est qu’un autre défi à surmonter.

Kate vit à Cardiff. Elle a deux filles adultes qu’elle a élevées seule. Ses semaines sont bien remplies par le travail et les amis, et parfois ses enfants, si elles sont dans les parages, mais ses week-ends, comme ceux de Peter, sont “très longs et très calmes”.

Je ne me sers pas de ma voix pour parler avec un autre être humain avant le lundi.”

Au cours de l’heure et demie qu’a duré la conversation, Kate a expliqué sept fois que faire part de sa solitude à ses enfants leur “pèserait”. Le mot paraissait plus lourd à chaque fois.

Si ce silence protège ses filles et leur permet de maintenir l’image qu’elles ont d’elle, et qu’elle a d’elle-même, “une personne forte et capable, quelqu’un à qui on peut parler”, il renforce son isolement. Même si elle échange des messages sur WhatsApp avec ses filles pendant le week-end, ceux-ci n’ont manifestement aucun effet sur son isolement global.

La retraite, horrible perspective

Au moment où Peter s’installe devant son dîner aventureux, prend ses couverts et se sent instantanément seul, malgré ses efforts en cuisine, Kate repousse son assiette.

Elle se situe à l’opposé de Peter sur l’échiquier culinaire. “L’un de mes plats rapides préférés, c’est deux œufs à la coque avec du pain grillé”, confie-t-elle. C’est un classique pour se remonter le moral et elle s’en fait régulièrement. Cependant le week-end dernier, elle s’est assise, a ouvert un œuf et s’est dit : “Je ne peux pas.” “Je m’étais fait ça tellement souvent que je ne pouvais pas le manger.” Elle a tout jeté à la poubelle.

Kate approche de la retraite.

Mais l’idée de la retraite est horrible – tous les jours seront comme les week-ends.”

Que peut-elle donc faire, que peut-on faire, pour mettre un terme à la solitude du week-end ?

C’est exactement ce que se demande Sarah, 44 ans, qui vit dans le Surrey. “Que peut-on faire pour lutter contre la solitude ? On a tous des difficultés. Tous les gens que je connais ont moins d’argent à dépenser.” Elle aussi est mère célibataire et, à mesure que sa fille, âgée de 18 ans, devient plus indépendante, elle se sent de plus en plus seule le week-end.

Ce qui accentue la solitude, c’est que je suis quelqu’un de très sociable.”

Elle se tient toujours prête pour des invitations de dernière minute. “C’est bien d’être considéré comme quelqu’un qui dira oui – comme ça, on refera appel à vous. J’ai la chance d’avoir été le remplacement d’urgence à plusieurs reprises”, confie-t-elle. Elle a bien conscience que tout le monde ne jugera pas que c’est une chance.

Notre conversation se déroule un samedi après-midi. Si elle n’était pas en train de me parler, m’explique-t-elle, elle écrirait un courriel ou ferait le ménage. Elle a une positivité naturelle et une voix claire qui masquent la tristesse qu’elle ressent la plupart des week-ends. Si sa fille va à l’université l’année prochaine, les week-ends et la semaine seront encore plus calmes. Comme Kate et Peter, elle a conscience que sa vie va changer.

Seule solution : prendre l’initiative

“L’important, c’est de garder les lignes de communication ouvertes et de prendre l’initiative”, explique Sally Brown. Certains de ses clients ont résolu la question de cette fracture dans leur vie en structurant leurs week-ends.

La solitude engendre la passivité dans les amitiés. “On se dit : ‘Je ne peux rien faire… il faut que les choses m’arrivent’”, si bien que les personnes qui se sentent seules sont moins enclines à faire des efforts. Sally Brown demande à certains clients de détailler leurs cercles sociaux sur une feuille de papier. “C’est étonnant le nombre de gens qu’ils trouvent.”

Autre “méthode proactive” : fréquenter régulièrement certains lieux (quand on se retrouve au milieu d’habitués, on peut avoir l’impression d’être avec des amis) et se trouver des clubs ou des groupes par le site Meetup. Sally Brown prévient :

On peut se sentir encore plus seul si on se retrouve dans un groupe qui ne nous va pas.”

“L’important, c’est d’avancer, ajoute-t-elle. Si vous n’êtes toujours pas à l’aise au bout de deux semaines, passez à autre chose.”

La solitude est complexe. “Elle peut toucher des personnes qui rêvent d’avoir du temps pour elles après le travail.” La compagnie devient alors à la fois un remède et un obstacle.

Peter, par exemple, a fait du bénévolat. “Mais ça me prenait une partie du peu de temps que j’avais le week-end”, confie-t-il, ce qui me fait supposer que, même s’il a envie de voir des gens, il aime aussi passer du temps seul. “On parle de la différence entre être seul et se sentir seul, ajoute-t-il. Je suis pile entre les deux.”

Paula Cocozza

Source

The Guardian

LONDRES www.theguardian.com

L’indépendance et la qualité caractérisent ce titre né en 1821, qui abrite certains des chroniqueurs les plus respectés du pays. The Guardian est le journal de référence de l’intelligentsia, des enseignants et des syndicalistes. Orienté au centre gauche, il se montre très critique vis-à-vis du gouvernement conservateur.

Contrairement aux autres quotidiens de référence britanniques, le journal a fait le choix d’un site en accès libre, qu’il partage avec son édition dominicale, The Observer. Les deux titres de presse sont passés au format tabloïd en 2018. Cette décision s’inscrivait dans une logique de réduction des coûts, alors que The Guardian perdait de l’argent sans cesse depuis vingt ans. Une stratégie payante : en mai 2019, la directrice de la rédaction, Katharine Viner, a annoncé que le journal était bénéficiaire, une première depuis 1998.

31 janvier 2020

Retraites : syndicats et patronat ont trois mois pour trouver 12 milliards d’euros

L’Etat et les partenaires sociaux ouvrent jeudi la conférence chargée jusqu’à fin avril de trouver les moyens de ramener le système de retraite à l’équilibre financier d’ici à 2027.

La « conférence » chargée de ramener le système de retraite à l’équilibre financier d’ici à 2027 commence jeudi 30 janvier avec un calendrier serré : Etat et partenaires sociaux doivent en effet trouver, d’ici à la fin du mois d’avril, un accord pour combler un déficit estimé à terme à 12 milliards d’euros.

Un tour de chauffe avant la course aux fonds : la « conférence sur l’équilibre et le financement des retraites », annoncée par le chef du gouvernement Edouard Philippe, sera officiellement lancée à 15 heures au Conseil économique, social et environnemental. Le premier ministre « installera » solennellement cette instance, accompagné de trois membres de son gouvernement – Agnès Buzyn (santé et solidarités), Laurent Pietraszewski (retraites) et Olivier Dussopt (fonction publique) – puis il s’exprimera à l’issue de cette rencontre. Comme souvent, ce premier rendez-vous aura surtout pour but d’établir un calendrier et une méthode de travail, avant d’entrer dans le vif du sujet.

L’objectif est déjà gravé dans le projet de loi présenté le 24 janvier en conseil des ministres : « atteindre l’équilibre financier de l’ensemble des régimes de retraite de base en 2027 ». Quel que soit le résultat de cette « conférence », il est déjà prévu que le gouvernement prenne, dans les trois mois suivant le vote de la loi, une ordonnance « pour rétablir cet équilibre ».

« Mesure d’âge »

A cette fin, le texte autorise l’exécutif à modifier certains « paramètres » : l’âge légal de départ, les conditions pour une pension à taux plein (âge, durée de cotisation, décote et surcote), les ressources supplémentaires pour l’assurance-vieillesse et l’utilisation du Fonds de réserve des retraites.

Mais pas question de toucher au « pouvoir d’achat des retraités » ni d’augmenter le « coût du travail », a prévenu par avance le premier ministre. Une gageure, alors que le système de retraite est déjà en déficit et qu’il « se creusera dans les prochaines années, pour atteindre un montant de l’ordre de 12 milliards d’euros en 2027 », souligne-t-il dans un courrier adressé mardi au chef des députés Les Républicains, Damien Abad.

Dans ces conditions, le patronat ne voit qu’une solution : « l’essentiel des économies sera apporté par une mesure d’âge », a prédit Geoffroy Roux de Bézieux mercredi au cours d’une audition à l’Assemblée nationale. Anticipant un possible échec des négociations, le président du Medef a prévenu : « Si on n’arrive pas à un accord dans trois mois, nous comptons bien sur le gouvernement pour mettre en place cette mesure d’âge. »

Une position aux antipodes de celles des syndicats, qui viennent d’obtenir le retrait de « l’âge pivot » que le gouvernement entendait créer dès 2022, pour le porter à 64 ans en 2027, avec un « bonus-malus » de 5 % par an.

Nouvelles revendications de la CFDT

La CFDT, qui avait réclamé l’organisation de cette « conférence de financement » afin d’étudier des scénarios alternatifs, a pour sa part formulé des nouvelles revendications. « Il faut d’abord qu’on réponde aux exigences de justice sociale, c’est une condition sine qua non pour avancer », a affirmé son secrétaire général Laurent Berger, mercredi, lors d’une conférence de presse.

Le premier syndicat français, favorable de longue date au principe d’un « système universel » de retraite, attend « des avancées concrètes très rapidement » dans les concertations en cours dans divers ministères (travail, santé, retraites, fonction publique). « Nous discuterons après avoir eu des assurances en termes de pénibilité, de retraite progressive, de minimum contributif et de transitions pour les agents publics », a précisé M. Berger.

De quoi ménager encore un peu le suspense, alors que les députés doivent examiner le projet de loi en commission spéciale dès lundi, puis en séance publique à partir du 17 février, en vue d’un premier vote début mars.

Trop tôt pour intégrer les propositions des partenaires sociaux, qui pourraient cependant arriver pendant le débat au Sénat, le premier ministre souhaitant « qu’elles puissent être prises en compte avant le vote en seconde lecture », prévu au plus tard début juillet.

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