Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
6 octobre 2017

Le Nobel de la paix 2017 décerné à la campagne antinucléaire Ican

ican

La campagne internationale pour Abolir les armes nucléaires ICAN (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons) vient de recevoir le prix Nobel de la paix 2017.

Selon le comité Nobel, les puissances nucléaires doivent entamer des «négociations sérieuses» pour éliminer l'arme atomique.

«Nous vivons dans un monde où le risque que les armes nucléaires soient utilisées est plus élevé qu'il ne l'a été depuis longtemps. Certains pays modernisent leurs arsenaux nucléaires, et le danger que plus de pays se procurent des armes nucléaires est réel, comme le montre la Corée du Nord», a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen.

Un combat acharné depuis 10 ans

L'ICAN, une coalition internationale réunissant dans une centaine de pays des centaines d'organisations humanitaires, environnementales, de protection des droits de l'homme, pacifistes et pour le développement, tire la sonnette d'alarme depuis dix ans pour demander «l'élimination» des armes nucléaires. Ce combat acharné a permis à l'organisation de remporter une importante victoire en juillet à l'ONU, lorsqu'une cinquantaine de pays ont lancé la signature d'un traité bannissant l'arme atomique.

Sa portée reste encore symbolique en raison du boycott du texte par les neuf puissances nucléaires (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, Israël et Corée du Nord), qui possèdent au total environ 15 000 armes nucléaires.

Mais la porte-parole d el'ONU à Genève, Alessandra Velluci a estimé que ce Nobel est «un bon signe (...) pour que le traité soit signé et surtout ratifié».

ican01

Publicité
6 octobre 2017

Kazuo Ishiguro, un Nobel à la mémoire longue

Par Florence Noiville

L’Académie suédoise a décerné le prix de littérature à l’écrivain britannique auteur des « Vestiges du jour ».

En couronnant Kazuo Ishiguro – « Ish » comme l’appellent ses amis –, dix ans après Doris Lessing (1919-2013), l’Académie suédoise récompense à nouveau un écrivain britannique. Mais le plus japonais d’entre eux – ou l’inverse. Né à Nagasaki en 1954, Ishiguro s’est installé au Royaume-Uni avec sa famille à l’âge de 5 ans, et ce n’est qu’en 1982 qu’il a acquis la nationalité britannique.

A 63 ans, il se vit encore comme le produit de deux cultures éloignées, mais qui n’excluent pas des points communs – l’impassibilité et le self-control en particulier. Une impénétrabilité qu’il semble cultiver, lorsque, tout de noir vêtu, il sourit en silence derrière ses lunettes d’intellectuel.

Succès oblige, pour nombre de lecteurs, Ishiguro, c’est d’abord l’auteur des Vestiges du jour (Christian Bourgois, 1990 ; réédition Gallimard, 2010), prix Booker et best-seller international. En réalité, il avait déjà été remarqué pour Lumière pâle sur les collines (Presses de la renaissance, 1984) puis Un artiste du monde flottant (prix Whitbread, Christian Bourgois, 1990 ; réédition Gallimard, 2009). Mais Les Vestiges du jour consacre son talent.

Comment oublier le majordome Stevens et Miss Kenton, tous deux responsables du domaine de Darlington et observateurs privilégiés des dessous de la politique étrangère du Royaume-Uni, à la veille de la seconde guerre mondiale ? En 1993, l’adaptation du livre à l’écran par James Ivory est huit fois nominée aux Oscars. Anthony Hopkins y incarne un majordome glacial, hanté par le devoir et l’honneur de servir, aux côtés d’une Emma Thompson irrésistible en gouvernante de charme.

« L’encre de la mémoire »

C’est dans les bagages de son père, un océanographe venu explorer les champs pétrolifères au large de l’Ecosse, que le petit Ishiguro arrive en Royaume-Uni en 1960. En théorie, la mission est temporaire, mais la famille ne rentrera jamais au Japon.

« Ce choc émotionnel, cette césure brutale expliquent que j’aie conservé tant de souvenirs de Nagasaki, nous confiait Ishiguro, à Londres, en 2010. Je me rappelle nettement notre maison, mes jouets, les films qu’on m’emmenait voir et qui m’effrayaient. Enfant, je me repassais ces images en boucle. Peu à peu, tout ça s’est mélangé à un Japon fictionnel qui rôdait dans ma tête. Jusqu’à ce que je sente qu’il était urgent de fixer ces émotions, réelles ou inventées, avant qu’elles ne s’effacent à jamais. »

C’est ce qu’il fera dans ses deux premiers ouvrages, écrits dans la foulée de ses études de lettres et de philosophie à l’université du Kent, et de son passage par le cours de creative writing d’East Anglia, où ses maîtres s’appellent Angela Carter et Ray Bradbury. Trempant sa plume dans l’« encre de la mémoire » – comme l’écrit Paul Veyret dans son essai sur ce singulier « Nippon blanc » (Presses universitaires de Bordeaux, 2005) –, Ishiguro, qui n’est « ni un Anglais très anglais ni un Japonais très japonais », s’enracine d’emblée dans cet espace paradoxal « où la mémoire collective et historique n’appartient à personne, mais où la mémoire intime appartient à tous par le biais de la fiction ».

Dès lors, l’écrivain aura beau se renouveler sans cesse dans les choix de ses thèmes, il aura beau montrer une époustouflante habileté à changer de technique et de décor – allant jusqu’à flirter avec la science-fiction en imaginant une colonie de clones élevés pour donner leurs organes, dans Auprès de moi toujours (Les Deux Terres, 2006) ou explorant une sorte d’entre-deux de l’histoire britannique, à la fin de l’Empire romain dans Le Géant enfoui (Les Deux Terres, 2015) –, ce fil conducteur de la mémoire, lui, sera toujours là.

Un style musical

« Je suis un drogué de la mémoire », confiait Ishiguro à propos du Géant enfoui. « Je cherche à comprendre comment les sociétés (et non plus les individus) décident d’oublier. Quand il est plus approprié pour une communauté de faire remonter les épisodes traumatiques de son histoire et quand il est préférable de les maintenir enterrés pour ne pas tomber dans la guerre civile ou la désintégration. »

Cette question le hante depuis la dislocation de la Yougoslavie et le génocide rwandais. « Je me suis demandé comment le souvenir de haines passées pouvait être réactivé pour mobiliser de nouvelles vagues de violence. C’est la mémoire donc, mais aussi sa manipulation délibérée qui m’intéressent. »

Pour épouser la « flexibilité » du souvenir, la phrase d’Ishiguro a toujours un côté un peu flouté, comme sur une photo bougée. Cela lui permet, d’une phrase à l’autre, d’associer les pensées de ses personnages comme dans un collage. De jouer sur le doute : « Tout ce qui est supposé vrai peut devenir irréel et vice versa. »

Fluide, son style est aussi musical. Ce n’est pas un hasard. A 15 ans, le jeune Kazuo se rêvait en musicien. Il ne vivait que pour la guitare. Aujourd’hui, à côté de ses livres, où la musique joue souvent un rôle-clé, comme dans Cinq nouvelles de musique au crépuscule (Les Deux Terres, 2010 ; réédition Gallimard, 2011), il écrit aussi des chansons, notamment pour la chanteuse de jazz américaine Stacey Kent. Mais, après Bob Dylan, ce nouveau « Nobel-écrivain-musicien » sera sans nul doute beaucoup plus consensuel.

6 octobre 2017

Save the date...

Teaser de Tout nous sépare réalisé par Thierry Klifa avec Catherine Deneuve, Diane Kruger, Nekfeu, Nicolas Duvauchelle.
Le 8 novembre au cinéma

6 octobre 2017

Extrait d'un shooting - salopette

DSC_1695

DSC_1707

DSC_1748

DSC_1755

DSC_1759

DSC_1760

DSC_1769

DSC_1771

DSC_1786

DSC_1800

6 octobre 2017

Si à 11 ans on a pas un sweat Supreme, c’est qu’on a raté sa vie

supreme-ss17-editorial-preview-01-1200x800

Par Caroline Rousseau - Le Monde

Ils n’ont pas même passé le brevet des collèges, mais sont hyper affûtés quand il s’agit de mode. Ces jeunes achètent ou revendent à prix d’or tee-shirts ou sweats issus de collaborations entre marques de streetwear pointues et grands noms du luxe.

En 2017, il arrive que des gosses de 12 ans qu’on habille encore chez H&M et Decathlon demandent un matin devant leur bol de céréales : « C’est quoi déjà, maman, la marque avec le cœur et les yeux ? » S’ils posent la question, c’est souvent que maman sait de quoi il retourne ; en l’occurrence, la ligne Play de la marque japonaise Comme des Garçons.

Ce qui ne l’empêche pas de s’étrangler avec sa tartine, car maman sait aussi que 90 % des gens de sa propre génération ignorent qui est Rei Kawakubo – la créatrice à succès de Comme des Garçons, icône discrète à la veille de ses 75 ans –, et que cette culture de mode-là est réservée à une bande de snobinards urbains qui pour moitié ont découvert la griffe il y a dix ans sans avoir jamais entendu parler de l’école japonaise des années 1990 et de sa révolution stylistique…

C’est peut-être à ce moment précis, en répondant à l’amateur de Chocapic prépubère que « c’est une marque fantastique mais très chère » (cardigan en laine noire à logo cœur rouge brodé = 450 €), qu’il faut commencer à s’inquiéter. Car il y a fort à parier que la prochaine étape sera la suivante…

supreme-ss17-editorial-preview-02-961x1200

Cinq heures de queue

Le 30 juin, pour commercialiser les pièces créées en collaboration avec la marque de skate new-yorkaise Supreme, et présentées lors des défilés de janvier (puis largement relayées par les réseaux sociaux), Louis Vuitton ouvrait un magasin éphémère au numéro 10 de la rue Boucher à Paris ainsi que dans de nombreuses villes étrangères. Mais l’exemple français reste unique : prévu pour durer un mois, le pop-up store fermera ses portes quarante-huit heures plus tard, totalement dépassé par son succès. Dans la queue interminable, des branchés avec sac à dos et capuche, quelques filles et, surtout, de très jeunes gens… Une présence en masse qui illustre l’inéluctable et récent rapprochement des adolescents et du luxe.

« Certains avaient campé la veille pour avoir un ticket [et revenir le lendemain avec le sésame pour pénétrer dans la boutique], d’autres ont mis leur réveil à 5 heures le jour J…, raconte Luca, 15 ans. Moi, je l’ai fait sonner à 7 h 30, j’y suis allé avec ma marraine. On est arrivé à 9 heures et j’ai eu un ticket pour le jour même. Y avait beaucoup de sécurité et de monde. C’est tellement long… On a le temps de se rendre compte que c’est ridicule de faire cinq heures de queue. »

Deux mois et demi après l’événement, Luca est là, chez lui. On a calé un rendez-vous un lundi après la sortie du lycée et avant l’arrivée du prof particulier. « Vous voulez que je vous montre ? », demande le garçon sans fanfaronner. Dans l’appartement familial du 15e arrondissement, le chat s’éclipse quand il pose sur la table les « items » qu’il a réussi à acheter ce fameux jour de juin.

Le packaging est celui de Vuitton. Les deux boîtes en carton safran impérial contiennent l’une un portefeuille en cuir Épi (l’un des classiques de la maroquinerie maison) frappé du mot Supreme et l’autre un petit foulard monogrammé LV X Supreme. Luca a aussi gardé son ticket, le no 272, presque aussi précieux que le reste de son butin.

La revente ? Un jeu d’enfant !

Les produits sont neufs. Les boîtes ont encore leur ruban. Il explique qu’il s’intéressait déjà à Supreme, marque culte du streetwear américain, avant que l’ouverture de leur première boutique à Paris, rue Barbette, dans le 3e arrondissement, ne fasse le buzz l’année dernière. « Mais avant j’achetais pour porter, maintenant j’achète pour revendre. Je me demande si j’ai pas trop tardé là, mais, bon, le portefeuille je l’ai payé 475 euros et je pensais en tirer 2 000. Le foulard à 200 euros, peut-être 700. »

supreme-ss17-editorial-preview-03-1200x800

Pour la revente généralement (« resell » dans le jargon, ou « flip », pour bien signifier la bascule), cela se fait directement à la sortie du pop-up store, sur le trottoir, ou un ou deux jours plus tard par l’intermédiaire de groupes Facebook spécialisés ou encore dans une boutique de dépôt-vente comme Afterdrop, rue Tiquetonne, à Paris. Les plus vieux préfèrent les sites comme Vestiaire Collective, sur lequel on a tout de même vu passer des pulls, gilets, sweats Louis Vuitton × Supreme à 10 500 euros. On peut attendre aussi, comme Luca, que les autres fassent leur business et sortir du bois plus tard. Ça a l’air simple. Un vrai jeu d’enfant.

« LE PORTEFEUILLE JE L’AI PAYÉ 475 EUROS ET JE PENSAIS EN TIRER 2 000. LE FOULARD À 200 EUROS, PEUT-ÊTRE 700. » LUCA, 15 ANS

Des enfants, d’ailleurs, il y en avait plein, dimanche 10 septembre, au salon Sneakerness, l’événement de street culture qui tourne dans les grandes villes du monde. On y vend et achète des baskets collector, de grosses parkas et des sweat-shirts à capuche de seconde main en écoutant des DJ mixer et en buvant un cool drink sous un faux palmier. Là, même s’il y a du monde, pas besoin de faire cinq heures de queue. Au sous-sol de la Cité de la mode et du design, où se tenait cette « convention », il suffisait de répondre à la question posée sans préambule : « carte ou espèces ? », et de s’acquitter de 9 euros pour obtenir son bracelet d’entrée.

À l’intérieur, des gamins par grappes de deux ou trois courent dans les allées comme s’ils allaient louper l’affaire du siècle face à des pros qui ont pignon sur rue (les resellers se multiplient dans les grandes villes et sur le Web) ou face à des brocanteurs nouvelle génération venus écouler leur stock de collectionneurs éclairés. Vendeurs et acheteurs ont entre 35 et… 11 ans bien tassés. De grands et de très jeunes enfants qui semblent dealer des sneakers et du textile en fins connaisseurs un peu blasés.

« Un hoodie et des baskets, c’est jeune ou c’est vieux ? »

Chaï Boun, 26 ans, petit bonnet bleu, lunettes rondes et banane portée en bandoulière bien serrée en travers du torse a le sourire. Il est venu donner un coup de main à un ami qui tient un stand. L’ex-étudiant de l’Institut français de la mode (IFM), promotion 2016, dont le mémoire s’intitulait « Sport : une révolution pour la mode ? », adore tout ça… Les fringues, la mode, le luxe, le streetwear.

« Hier, sur le stand, on avait un tee-shirt Supreme, le classique, sauf que le box logo [grand rectangle imprimé sur la poitrine avec la marque inscrite à l’intérieur] n’était pas rouge et blanc mais avait les couleurs de Gucci. Un garçon de 13 ans le voulait. Il n’a pas demandé le prix, alors je lui ai quand même dit qu’il était à 1 500 euros. Il avait les sous », raconte Chaï, pas plus surpris que ça au milieu de centaines de tee-shirts de la marque new-yorkaise soigneusement glissés sous des housses en plastique de pressing et vendus entre 150 et 500 euros la pièce contre une quarantaine d’euros l’unité en boutique. Eh oui ! ce modèle-là, on ne le trouve plus nulle part…

« HIER, SUR LE STAND, ON AVAIT UN TEE-SHIRT SUPREME. UN GARÇON DE 13 ANS LE VOULAIT. JE LUI AI QUAND MÊME DIT QU’IL ÉTAIT À 1 500 EUROS. IL AVAIT LES SOUS. » CHAÏ BOUN, EX-ÉTUDIANT DE L’INSTITUT FRANÇAIS DE LA MODE

Que les gosses cherchent à se distinguer, à exister en portant quelque chose de cool ou d’original, à prendre confiance en eux en étant reconnus par leurs pairs, à appartenir à une chapelle grâce à un logo ou un signe graphique fort… c’est vieux comme la mode. Qu’ils soient surinformés grâce aux réseaux sociaux (merci Instagram), cela se conçoit aussi. Mais que les jeunes qui s’intéressent à toutes ces marques pointues ou inabordables n’aient pour la plupart pas encore passé le brevet des collèges est un phénomène assez récent.

Devant un Coca et un smoothie au cassis, un expert du secteur, qui observe les transformations de la mode depuis trente ans, accepte d’évoquer le sujet, uniquement sous couvert d’anonymat. « Il n’y a plus de silhouette de jeune ou de vieux. Un hoodie et des baskets, c’est jeune ou c’est vieux ? Les lycéens portent des pantalons de costard et les banquiers des baskets… Jeff Koons l’artiste en costume, Zuckerberg le patron en claquettes et tee-shirt. Certaines marques de mode masculine font aujourd’hui la plus grande part de leur chiffre d’affaires grâce aux baskets », explique ce spécialiste du secteur. Il démontre avec force arguments que ce qu’on appelait le streetwear ne sert plus à rien en tant que style distinctif, que c’est devenu le basique du vestiaire. Le luxe s’y est mis depuis pas mal de temps maintenant.

supreme-ss17-editorial-preview-04-961x1200

Les 13-18 ans, un nouveau continent

À la base, le but des grandes maisons était de vendre un vestiaire plus décontracté aux quadras dont les goûts évoluaient. Elles ont aussi embauché des designers d’à peine 30 ans. En rajeunissant leur staff et leur style, elles ont par ricochet intéressé les étudiants, puis les lycéens et maintenant les collégiens. Et sont en ce moment en train de se rendre compte de l’enjeu. Cette cible adolescente devient un nouveau marché.

« Avant, la croissance du luxe était possible grâce à une conquête géographique : la Chine, la Russie, le Moyen-Orient, le Brésil étaient dans le viseur avec des succès contrastés, mais c’était le moyen de faire grossir le chiffre. On a atteint les limites de cette expansion géographique, la conquête, désormais, est démographique. »

Le nouveau continent, ce sont les 13-18 ans, qui n’intéressaient pas trop le luxe jusque-là, car il était entendu que cette population dépendait financièrement de ses parents. « Faux !, poursuit notre expert. Aujourd’hui, et depuis l’arrivée d’eBay (comme par hasard partenaire de Sneakerness), ils revendent leurs livres, leurs jeux, les vêtements qu’ils ne mettent plus… Ils ont trouvé une source de revenus. »

Et le moyen de la faire fructifier en faisant la queue des heures pour un tee-shirt un peu rare qu’ils revendront le triple. L’économie parallèle de la « seconde main » est leur terrain de jeu favori. Une économie que certains comparent au deal de cannabis par son aspect « commun » ou au marché de l’art par son côté « averti », au courant de la cote de chaque créateur.

La pénurie, une stratégie

« Tous les six mois, on dit que Supreme n’est plus cool, mais tu peux passer devant le magasin. Ils sont tous là à attendre en espérant entrer », fait remarquer Chaï Boun. La marque lancée en 1994 a trouvé comment faire de ses molletons et jerseys des pièces aussi précieuses que des cachemires numérotés : elle les distribue au compte-gouttes – très peu d’exemplaires par modèle et de nouveaux arrivages chaque jeudi à midi, « sachant qu’à 12 h 01 y a plus rien, explique Luca, tout part en trente secondes, y en a même qui utilisent des bots (logiciels qui permettent d’acheter à leur place) ». Elle génère elle-même la pénurie, donc le manque, donc l’envie, donc la surenchère.

S’aventurer un dimanche en fin de journée rue Barbette, second magasin Supreme à avoir ouvert en Europe après Londres, est une expérience en soi. Derrière un cordon de sécurité, dans cette rue déserte du Marais, neuf personnes s’agglutinent, quinze minutes avant la fermeture du magasin, autour du videur-vigile-vendeur en tendant leurs portables avec sur l’écran la photo de la pièce qu’elles sont venues chercher.

Aussi aimable que le physionomiste d’une boîte branchée, il répond en français et en anglais : « Non, on l’a plus, non celui-là non plus. Il ne reste que du vert de toute façon. Today, green, only in green. Mais là on va fermer, on ne rentre plus. »

Un peu en retrait, un père (anglais ? américain ?) regarde si ses deux filles d’à peine 18 ans parviennent à leurs fins. L’une des deux obtient un « yes, this one, we got it ». Elle sautille et sera la seule à pouvoir entrer une fois que papa aura sorti sous le nez du vigile-vendeur deux billets de 200 euros prouvant qu’elle a les moyens de ses ambitions.

Tout le monde se déteste

Si Supreme est passé maître dans l’art de gérer sa rareté et ses collaborations, elle n’est pas la seule marque à trouver grâce aux yeux des jeunes gens. Inutile de donner une liste précise de celles qu’ils adulent, elle serait obsolète au moment de la parution, mais les solides Nike, Adidas, Champion, The North Face, Carhartt, Fila tiennent bien le choc face à Comme des Garçons, Gosha Rubchinskiy, Vetements, Pigalle, Hood by Air (que son créateur Shayne Oliver vient d’arrêter pour prendre la direction artistique de Helmut Lang), ou les tauliers du streetwear que sont Thrasher, Bape, Palace (enfin, ça dépend des semaines), etc. Du pointu, du cool, du style en barre.

Enfin, si les fringues le sont (cool), l’ambiance, elle, ne l’est pas toujours… Difficile de se faire confirmer les rumeurs de gamins rackettés à la sortie du pop-up store Vuitton. Mais Luca a bien senti la tension pendant qu’il faisait le pied de grue avec sa marraine.

« Le stress et l’énervement montent très vite, côté vigiles comme côté clients, dit-il. Le problème, c’est que certains revendaient le ticket qu’ils avaient fini par obtenir. Mais ceux qui les achetaient, et qui poireautaient quand même, se faisaient refouler car ton numéro est associé à ton identité sur iPad ; donc, si t’as pas le passeport qui correspond au ticket, tu rentres pas. En plus, les vendeurs ont fait une pause-déjeuner alors que 1 000 personnes attendaient sous la pluie… Franchement, ils auraient pu sauter le repas ou se faire remplacer, quoi ! »

À Sneakerness, quelques participants lâchent en baissant la voix que, dans ce petit milieu de la street culture, tout le monde se déteste, se méfie, craint d’être volé par plus cool et plus malin que soi. En gros, si jadis on avait peur d’entrer dans une boutique de l’avenue Montaigne, maintenant on flippe en arrivant chez Supreme. « On est mal traité, reconnaît Luca, dont le constat est corroboré par les commentaires des clients sur le site de la marque. Y a une personne sympa à l’intérieur ; c’est la seule qui te répond quand tu dis bonjour. Moi, je suis un peu négatif sur Supreme, mais comme y a des rappeurs et des célébrités qui en portent… Si j’en prends, j’ai de la marque connue sur moi, c’est bien. Pour 150 euros maximum en prix boutique, ça va. »

« Le rock d’aujourd’hui, c’est le rap »

Le prof particulier est arrivé. Il patiente avec le père de Luca dans la cuisine en sirotant un café pendant que son élève parle TVA, frais de port, prix « retail ». Grâce à Instagram, le lycéen est au courant de tout ce qui sort et du moindre bout de tissu porté ou lancé par les rappeurs ou modeux Kanye West, Virgil Abloh ou Travis Scott. C’est à celui qui sera le plus vite au courant de qui fait quoi et quand…

Pourtant, toutes les marques qui ont la cote auprès de ces collégiens, lycéens et étudiants vendent les mêmes produits. Au doigt mouillé, on est tenté de penser que rien ne ressemble plus à un sweat-shirt blanc à capuche qu’un autre sweat-shirt blanc à capuche.

Les quadras et quinquas se rappelleront peut-être que, lorsqu’ils étaient adolescents, le placard d’un amateur de new wave ne ressemblait pas du tout à celui d’un fan de ska. Aujourd’hui, être à la mode pour un garçon de 14 ans, c’est forcément porter les mêmes fringues que son voisin de cantine (la panoplie sweat-shirt - tee-shirt - baskets) en se distinguant uniquement par le logo, la marque, le graphisme du tee-shirt, la couleur et le modèle de baskets.

La faute à la musique dont s’inspire toujours la mode. « Le rock d’aujourd’hui, rappelle Chaï, c’est le rap » ; donc un seul style musical et vestimentaire prévaut désormais, celui qui vient de la rue, de la musique, du sport : celui des rappeurs. Ces grands mecs un peu bégueules qui fricotent avec les maisons de luxe, quand ils ne s’appellent pas comme elles (cf. Gucci Mane), et depuis peu avec les créateurs ultrapointus dont certaines rédactrices de mode ont encore du mal à épeler le nom.

Le mariage du luxe et du rap

On retrouve Chaï au lendemain de Sneakerness, à la terrasse d’un café de la rue du Temple. Il a demandé si son ami Moriba-Maurice Koné, 30 ans, lui aussi diplômé de l’IFM (promotion 2012), avec un mémoire titré « Le blogging de mode comme pont entre streetwear et couture », et qui a depuis lancé sa propre marque, Applecore, pouvait se joindre à la conversation. Ils font ça souvent tous les deux : parler du rap et du hip-hop comme vecteurs de mode et comparer à l’infini les apports de Hiroshi Fujiwara, Pharrell Williams, Kanye West, Virgil Abloh, Hood by Air ou Verbal au streetwear d’aujourd’hui.

À les écouter, ce rapprochement de la mode pointue, du luxe et du rap (comme style vestimentaire) doit beaucoup à A$AP Rocky. « Il a fait le grand écart comme peu de gens avant lui », certifie Moriba. Un pied chez Dior, l’autre chez Gucci, le rappeur-producteur, beau gosse né à Harlem en 1988, a, dans son album Long. Live. A$AP, en 2013, fait paraître le titre « Fashion Killa », dans lequel, selon les deux passionnés, il « valide » les créateurs et les marques « rien qu’en les citant ». Anna Wintour, la rédactrice en chef du Vogue américain, peut prendre sa retraite.

S’il fait rimer Nirvana avec Dolce & Gabbana, sa shopping-list ne se limite pas aux enseignes connues et démontre une connaissance assez fine des calendriers des Fashion Weeks… Damir Doma, Thom Browne, Rick Owens, Raf Simons… Le gamin connaît bien sa leçon de mode. Après ça, on a vu Pharrell Williams traîner dans les ateliers des métiers d’art de Chanel et Travis Scott chanter High Fashion tout en fréquentant assidûment les premiers rangs des défilés et en portant (hormis ses maillots Supreme) du Versace, du Vetements, du JW Anderson ou du Helmut Lang.

Mais, à force de fricoter avec le luxe dans des collaborations qui parfois frôlent le mariage de la carpe et du lapin, des voix s’élèvent contre l’institutionnalisation du streetwear qui revendiquait il y a peu d’être l’enfant illégitime du coton et du bitume… Pas celui de la soie et des tapis rouges.

Le grand détournement

Quand Supreme s’adressait à quelques skateurs new-yorkais ou Palace aux cool kids londoniens, c’était plus subversif, regrettent les jeunes qui commencent à avoir un peu d’expérience du haut de leurs 25 ans. Maintenant tout est sous contrat, sous contrôle, y a des copyrights sur les détournements. « Les marques installées mettent toujours un peu de temps à sentir que leur bateau prend l’eau, après elles s’agitent pour raccrocher les wagons, quitte à se dédire ; ce serait un peu exagéré de parler de mode mainstream, mais une chose est sûre, le streetwear n’est plus underground. Qu’on le veuille ou pas, les marques de luxe récupèrent aujourd’hui des tendances qui les répugnaient hier », analyse Chaï Boun.

Des exemples récents donnent raison au jeune homme. Vuitton a poursuivi en justice Supreme il y a quelques années pour utilisation non autorisée de son logo sur des planches de skate avant de conclure un pacte avec son ex-pilleur. Dapper Dan a lui aussi été rejeté, conspué, accusé de vol caractérisé par les maisons de luxe dont il détournait les produits et monogrammes avant de redevenir le roi de la sape pour ces géants du luxe qui désormais lui « rendent hommage » (défilé croisière de Gucci en avril) et collaborent officiellement avec lui (toujours Gucci).

Le détournement est aujourd’hui constitutif de la mode. Et les jeunes excellent à ce jeu-là dans une époque où ce qui est drôle, transgressif, informé et référencé fait souvent mouche. « C’est comme si désormais le luxe, qui pensait n’avoir besoin de personne à part lui-même, écoutait davantage ce que la rue et les jeunes proposent en termes de look ; les rapports ont changé », constate Chaï.

Un article des Inrockuptibles citait récemment Svet Chassol, le manageur des quatre Parisiennes du Gucci Gang, qui racontait que ces jolies gamines, promues par Instagram en icônes de style alors qu’elles avaient à peine 15 ans, étaient depuis plusieurs mois approchées par toutes sortes de marques pour des demandes très variées. Des shootings, alors qu’elles ne sont pas mannequins, ou un travail sur l’image, du stylisme. « On leur demande leur avis, on vient les chercher pour leur univers et leur vision de la mode », rapportait l’hebdomadaire.

Ils sont ainsi plusieurs à distiller leurs conseils auprès de quelques belles maisons désireuses de faire entrer un peu d’air frais dans leurs collections, communication ou carnet d’adresses… Ou à devenir de vraies sources d’inspiration, à l’instar du petit Britannique Leo « Gully Guy » Mandela, âgé de 14 ans, qui vaut son pesant de cacahuètes et de followers. Comme si ces minots qui devaient jusque-là la boucler et filer dans leur chambre étaient désormais autorisés à parler à table.

Les photos sont de Terry Richardson

Publicité
6 octobre 2017

Vu dans la vitrine d'une galerie d'art - rue de Rivoli

DSCN6801

DSCN6802

DSCN6803

6 octobre 2017

Nécrologie : La romancière et actrice Anne Wiazemsky est morte

Par Raphaëlle Leyris, Mathieu Macheret - Le Monde

Agée de 70 ans, elle était la petite-fille de François Mauriac et fut la muse et épouse de Jean-Luc Godard.

Elle n’avait aucune nostalgie de sa jeunesse, mais le dernier visage d’Anne Wiazemsky aura été celui de ses 20 ans. Dans Le Redoutable, le rôle de celle qui, en 1968, était la muse et l’épouse de Jean-Luc Godard est tenu par la comédienne Stacy Martin – le film est à l’écran depuis le 13 septembre. L’adaptation par Michel Hazanavicius de ses livres Une année studieuse et Un an après (Gallimard – comme toute son œuvre –, 2012 et 2015) avait amusé l’ancienne comédienne devenue écrivaine et réalisatrice.

anne

Mais en se concentrant sur « JLG », le film ne disait rien d’une part essentiel de ses romans, qui racontaient comment l’amour avait émancipé la jeune femme de son milieu, et comment elle avait ensuite réussi à s’émanciper de cet amour, frondeuse sacrément déterminée derrière sa pâleur rousse, ses yeux ronds et son abord timide – phrases courtes et heurtées. Anne Wiazemsky est morte le 5 octobre des suites d’un cancer. Elle avait 70 ans.

Son œuvre raconte largement son histoire, celle des siens. A commencer par ses parents, qui se sont rencontrés à Berlin en 1945 (Mon enfant de Berlin, 2009) : sa mère, Claire Mauriac, fille de l’écrivain François Mauriac, s’était engagée dans la Croix-Rouge et travaillait au service des personnes déplacées, dont l’un des officiers était Yvan Wiazemsky, d’ascendance russe et princière, immigré après la révolution de 1917.

Anne Wiazemsky naît dans la ville allemande le 14 mai 1947. Elle et son frère Pierre (le futur dessinateur Wiaz, de deux ans son cadet) passent une jeunesse nomade, notamment à Genève et Caracas, dans les pas de leur père diplomate. Ils reviennent en France peu avant la mort de ce dernier, en 1962. La veuve s’installe avec ses enfants chez François Mauriac. Une immense affection lie la jeune fille à son grand-père, entretenue par des discussions sur « la littérature, le bien, le mal », racontera-t-elle, mais pas « la religion », sujet de discorde depuis qu’Anne a perdu la foi.

Sept films avec Godard

Eduquée chez les sœurs de Sainte-Marie de Passy à Paris, elle rencontre le cinéma en 1965, quand Florence Delay, qui a joué Jeanne d’Arc pour Robert Bresson, lui présente le réalisateur. Il lui confie le rôle d’une petite paysanne dans Au hasard Balthazar (1966), attiré par son inexpérience et son jeu d’une « blancheur » intense. C’est pendant le tournage qu’elle rencontre Jean-Luc Godard, tête brûlée de la Nouvelle Vague qui n’oubliera pas de sitôt son visage juvénile et sa présence butée.

Anne Wiazemsky devient, après Anna Karina, la nouvelle muse de Godard, qu’elle épouse en juillet 1967, accompagnant le virage militant de son cinéma dans le sillage de mai 1968. Parmi les sept films qu’ils tourneront ensemble en 1967, puis entre 1968 et 1972 au sein du groupe Dziga Vertov, elle sera tour à tour étudiante maoïste (La Chinoise, où elle brandit face caméra le petit livre rouge), icône révolutionnaire (Sympathy for the Devil, 1969) ou ouvrière en grève (Tout va bien, 1972).

Après ces débuts sous l’égide d’ogres radicalement novateurs, Anne Wiazemsky ne quitte plus la galaxie d’un cinéma moderne, exigeant, intellectuel, à forte teneur politique. Elle est sollicitée par les auteurs italiens les plus subversifs du moment, rencontrant la révolte de Pier Paolo Pasolini (Théorème, 1968 ; Porcherie, 1969), l’insolence de Marco Ferreri (La Semence de l’homme, 1969) ou le baroque halluciné de Carmelo Bene (Capricci, 1969).

En France, elle poursuit sa carrière de comédienne avec les « petits frères » de la Nouvelle Vague, comme Philippe Garrel (L’Enfant secret, 1979) ou André Téchiné (Rendez-vous, 1985), mais se prête aussi au jeu d’expériences purement poétiques, avec Marcel Hanoun (La Vérité sur l’imaginaire passion d’un inconnu, 1974) ou Adolfo Arrieta (Grenouilles, 1981). Elle apparaît également dans les œuvres à portée féministe de Michèle Rosier (Mon cœur est rouge, 1977) et Delphine Seyrig (Sois belle et tais-toi, 1981).

Une femme « étrangère à la nostalgie »

Au mitan des années 1980, ses rôles au cinéma se raréfiant, la comédienne, passée par le cours de théâtre d’Andréas Voutsinas, se tourne un temps vers les planches, jouant pour la scène Les Larmes amères de Petra Von Kant (de Rainer Werner Fassbinder) ou Penthésilée (d’Heinrich von Kleist). Un détour par la télévision, notamment dans Le Pain noir, de Serge Moati (1974), l’encourage, trente ans plus tard, à passer de l’autre côté de la caméra, pour réaliser ses propres documentaires, consacrés à des figures féminines admirées, comme celle, unique en son genre, de la productrice Mag Bodard (2005), ou celle, tutélaire, de Danièle Darrieux (2007).

En même temps qu’aux scènes de théâtre, Anne Wiazemsky passe à l’écriture, la petite-fille de Mauriac s’autorisant, la quarantaine venue, cette « transgression » – « la vraie », dira l’ex- égérie mao. Grande lectrice de Colette, elle érige en devise cette phrase de La Naissance du jour : « Imagine-t-on à me lire que je fais mon portrait ? Patience, c’est seulement mon modèle. » Elle puise dans son enfance et son adolescence la matière de Des filles bien élevées, son premier recueil de nouvelles (1988), comme des romans Mon beau navire (1989), ou Marimé (1991).

Si elle confie qu’il lui semble « toujours bizarre » de se dire écrivain, la reconnaissance lui arrive rapidement. Canines (1993), qui raconte le monde du théâtre, lui vaut le prix Goncourt des lycéens ; Hymnes à l’amour (1996), où elle revient sur son enfance mais aussi sur des passions vécues par ses parents, est couronné du Grand Prix RTL-Lire. En 1998, Une poignée de gens, qui évoque le pan russe de sa famille, remporte le Grand Prix de l’Académie française.

Contrairement aux êtres qu’elle dépeint dans ce livre, il n’y a rien de passéiste dans les textes d’Anne Wiazemsky – « Je suis étrangère à la nostalgie », dit-elle. Quand elle revient sur un épisode de son passé, c’est avec le constant souci d’y retrouver les sensations de l’instant, de restituer la vie même, et pas son regret. Elle y parvient admirablement dans Jeune fille (2007), sur ses débuts dans le cinéma, comme dans Une année studieuse et Un an après, qui replongent dans l’effervescence des années 1960 sans se placer en position de surplomb par rapport à leurs personnages – mais, pas sans témoigner d’une vraie malice.

Ces romans livrent au passage un beau portrait de François Mauriac, ce « Bon Papa » dont elle donne une image merveilleusement espiègle et lucide. De lui, elle disait au Monde, en 2012 : « Il m’a toujours aidée à tourner le dos au conformisme. » Toute sa vie, Anne Wiazemsky a continué d’observer ces leçons de liberté.

Dates :

14 mai 1947 Naissance à Berlin

1966 « Au hasard, Balthazar », de Robert Bresson

1967 « La Chinoise », de Jean-Luc Godard

1968 « Théorème », de Pasolini

1979 « L’Enfant Secret », de Philippe Garrel

1988 « Des filles bien élevées » (Gallimard)

1993 « Canines », prix Goncourt des lycéens

1998 « Une poignée de gens », prix de l’Académie française.

2007 « Jeune fille »

5 octobre 2017 Mort

6 octobre 2017

Académie Fratellini -hier soir

IMG_2484

IMG_2485

IMG_2497

IMG_2505

IMG_2498

IMG_2501

Photos : J. Snap

Présentation de la saison 2017-2018 et spectacle sous le grand chapiteau - "Le fil sous la neige" par les Colporteurs.

Les Colporteurs ont choisi l'Académie Fratellini pour revenir sur 20 ans de création, de prouesses, de poésie et d'émotions partagées avec le public. Les 7 funambules accompagnés des 3 musiciens du « Wildmini Antigroove Syndicate » rejouent pour 3 représentations exceptionnelles ce spectacle phare au succès planétaire. Une chorégraphie hors sol, mise en scène par Antoine Rigot, où poésie et virtuosité rivalisent pour débusquer le merveilleux attaché à notre destin. 

Du 5 au 8 octobre 2017 - Grand chapiteau de l'Académie Fratellini (St-Denis, 93)

6 octobre 2017

Coco de Mer

coco346

coco555

coco647

coco873

coco987

5 octobre 2017

En Suède, des puces électroniques dans la peau

Par Yves Eudes - Le Monde

Les implants high-tech sous-cutanés, utilisés depuis des années pour les animaux, commencent à se répandre chez les hommes.

Un après-midi d’automne, à la gare centrale de Stockholm. Pour vérifier les billets électroniques sur les téléphones des passagers, la contrôleuse du train de 14 h 20 pour Linköping utilise son smartphone, fourni par SJ, la compagnie de chemin de fer. Quand elle arrive devant Jens Tangefjord, un quadragénaire élégant, celui-ci lève la main droite et lui explique que son billet se trouve dans une puce électronique implantée sous la peau, entre le pouce et l’index.

Il suffit à la contrôleuse de poser son appareil sur la main tendue : le transmetteur NFC (Near Field Communication), qui équipe les nouveaux téléphones, lira la puce, et le billet s’affichera sur l’écran.

La contrôleuse n’est pas surprise : « C’est la deuxième fois que je vois ça. La fois précédente, ça n’avait pas marché, mais le passager avait l’air sincère, je l’ai cru. » Après plusieurs essais, ça fonctionne : elle voit apparaître le nom du voyageur, sa destination, son code de réservation, son numéro de siège. Jens Tangefjord, analyste dans un bureau d’études dans l’industrie, prend ce train presque tous les jours. « Je me sers de la puce depuis quatre mois, explique-t-il. Aujourd’hui, les contrôleurs sont habitués, mais, très souvent, les passagers autour de moi me demandent ce qui vient de se passer. »

Les puces électroniques sous-cutanées, utilisées dans le monde entier pour le bétail et les animaux domestiques, commencent à se répandre chez les humains. En Suède, elles se sont diffusées au-delà du milieu pionnier des adeptes du piercing pour toucher les « start-upeurs » de la high-tech et les cadres des grandes entreprises.

Un grain de riz dans le corps

L’implantation, qui se fait grâce à une seringue spéciale dotée d’une grosse aiguille creuse, est presque indolore et dure à peine trois secondes. Officiellement, en Suède, seuls les professionnels certifiés ont le droit de poser un tel implant, pour un prix de 1 000 à 1 500 couronnes (environ de 110 à 160 euros).

Jowan, tatoueur-pierceur et patron de la société Biohax, qui importe ses puces de Chine, affirme avoir déjà implanté plus de 3 000 personnes. Son concurrent Chai en est à 1 500. Par ailleurs, des puces et des seringues sont en vente libre sur Internet. Certains fabricants, notamment chinois et américains, produisent des modèles « conçus pour les humains », plus résistants et mieux stérilisés.

Les modèles actuels, des cylindres de la taille d’un gros grain de riz, contiennent un numéro d’identification permanent ainsi qu’un espace mémoire capable de stocker près de mille caractères – une carte de visite, une adresse Web, un message… Pour charger le texte, il suffit de le taper sur un smartphone et de le transférer sur la puce grâce à une application NFC de « tag writing » (« écriture d’étiquette »).

A elle seule, une puce peut en théorie remplacer toute une panoplie d’objets : badges d’ouverture de portes, cartes d’abonnement pour le métro ou les magasins, claviers pour débloquer un ordinateur ou un téléphone, clés de voiture ou d’antivol, carte bancaire…

On ne peut pas la perdre ni l’oublier, elle n’encombre ni les poches ni les sacs et permet d’accomplir une large gamme de tâches d’un même geste intuitif et naturel. Seule contrainte : le signal ne porte qu’à 2 cm, ce qui oblige à presser la main sur le lecteur. Mais cette limite est présentée comme un avantage : en l’état, les puces en vente dans le commerce ne peuvent pas être pistées à distance à l’insu du porteur.

« Implant parties »

Pour la compagnie de chemin de fer SJ, l’initiative du programme « chip-ticket » (« billet-puce ») revient à Lina Edstrom, directrice du service des ventes aux entreprises. L’idée lui est venue en avril, lors d’un événement organisé par Epicenter, un immeuble luxueux du centre-ville qui abrite à la fois des start-up et des laboratoires de recherche de grandes entreprises. Sous l’impulsion de l’un de ses responsables, Hannes Sjoblad, passionné de longue date par le « biohacking », Epicenter s’est lancé dans la promotion intensive des puces sous-cutanées.

Depuis 2015, Hannes Sjoblad a organisé une vingtaine d’« implant parties » – des événements festifs avec musique et bière à volonté, auxquels sont invités des pierceurs, qui apportent leur matériel et proposent aux invités de se faire implanter sur le champ. Dans ses locaux, Epicenter a installé des lecteurs NFC sur les portes, les photocopieuses, les imprimantes, les distributeurs de boissons. Aujourd’hui, sur les 3 000 personnes fréquentant l’immeuble, environ 200 sont implantées, depuis le directeur général jusqu’au cuisinier de la cafétéria.

Après une visite à Epicenter, Lina Edstrom, toujours à la recherche d’innovations pour séduire la clientèle haut de gamme, va demander à son service informatique si un billet-puce est envisageable : « Ils m’ont répondu que ce serait facile à mettre en place, et très rapide – le temps d’écrire une petite mise à jour pour les appareils des contrôleurs. »

SJ crée aussi sa propre application pour smartphone, à l’intention des détenteurs d’abonnements et de forfaits, pour qu’ils chargent eux-mêmes leur numéro d’abonné dans leur puce. L’appareil du contrôleur le lit, et va chercher le billet dans le serveur central de la compagnie. Le programme est lancé en mai. Cinq mois plus tard, près de 2 000 clients l’ont adopté.

Le club de gym s’y met

SJ fait aussi la promotion des puces en interne. Lina Edstrom s’en est fait poser une et encourage les employés de la compagnie à en faire autant – elle a même convaincu le président de SJ, âgé de 70 ans. En plus de leur numéro SJ, beaucoup de cadres ont chargé dans leur puce une carte de visite ou un lien vers leur profil sur un réseau social : lors des rencontres professionnelles, ils peuvent ainsi les transférer directement dans les téléphones de leurs interlocuteurs.

Comme chez Epicenter, SJ a fait installer dans certains de ses bureaux des lecteurs sur les portes et les imprimantes. Ida Thermaenius, une collaboratrice de Lina Edstrom, s’est fait implanter une puce par « discipline », parce que c’était la nouvelle politique de l’entreprise. Mais, très vite, elle s’est prise au jeu : « J’ai fait installer un lecteur de puce chez moi, sur ma porte d’entrée. Ça m’a coûté 2 000 couronnes. Plus besoin de chercher mes clés dans mon sac, j’ouvre ma porte en tendant la main. Mon mari hésite, il a peur des piqûres, mais je crois qu’il va le faire. »

A travers Stockholm, d’autres entreprises ont suivi l’exemple d’Epicenter. Le réseau de clubs de gym SATS, fréquenté par les jeunes cadres, a modifié ses lecteurs de cartes pour accepter les puces. L’animateur du club SATS de la place Hotorget, dans le centre-ville, a remarqué que deux ou trois de ses clients assidus étaient implantés. Mais il n’y fait plus attention – pour lui, c’est entré dans les mœurs.

Séduire l’ensemble de la population

Non loin de là, la filiale suédoise de l’agence média internationale Mindshare a équipé ses locaux de lecteurs NFC pour ses employés porteurs d’une puce – huit sur soixante. A présent, elle incite ses grands clients – Nike, Volvo, Ford, Lufthansa, Unilever…  – à en faire autant. Pour Clara Grelsson, directrice du département solutions de Mindshare et porteuse d’une puce dans la main gauche, il s’agit d’un choix stratégique : « C’est essentiel pour notre image, nos clients comptent sur nous pour leur apporter les dernières innovations. Nous devons être à l’avant-garde de ces technologies qui facilitent la vie des employés et accroissent leur productivité. »

Fin 2016, lors d’un événement organisé pour ses grands comptes, Clara Grelsson a invité le pierceur-tatoueur de Biohax, Jowan : « Tout le monde a posé des tas de questions, et une vingtaine de participants ont franchi le pas », y compris le patron de Mindshare Suède, Kenneth Danielsson, qui a tenu à être implanté sur la tribune, devant toute l’assistance. Clara Grelsson a répété l’opération en mars, et prévoit d’autres événements.

Elle se dit persuadée que les puces vont bientôt séduire l’ensemble de la population. « Il paraît que le métro de Stockholm étudie la question, poursuit-elle. S’il adopte ce système, tout le monde va s’y mettre. » Elle remarque aussi que les banques suédoises viennent d’adopter la carte NFC sans contact, ce qui pourrait faciliter une transition vers la puce comme moyen de paiement. A terme, elle souhaite même que les Suédois mettent dans leur puce leur « numéro personnel », un matricule unique attribué à la naissance à tous les citoyens et utilisé pour toutes les démarches avec l’administration et de nombreuses entreprises.

Déjà, des sociétés ont entrepris de propager les puces en dehors de la capitale. La start-up Fillit gère des programmes de fidélité pour les boutiques de centre-ville des bourgades provinciales – en Suède comme ailleurs, les commerces de proximité sont en train de mourir. L’objectif est d’inciter les habitants à dépenser leur argent près de chez eux, en leur offrant des cadeaux et des remises. Pour comptabiliser les achats, Fillit distribue aux commerçants des lecteurs NFC, et aux clients, des petits badges.

« Le marché va exploser »

Or la patronne de la start-up, Sofia Abjornsson, constate que le système fonctionne mal, car les clients perdent souvent leur badge ou le laissent chez eux. Aussi, dès qu’elle entend parler des puces implantées, elle comprend qu’elles représentent la solution à son problème. Pour donner l’exemple, elle se fait poser une puce dans la tranche de la main : « Vu la forme de nos lecteurs, c’est plus pratique qu’entre le pouce et l’index. » Quatre de ses employés l’ont imitée. Elle va bientôt inviter ses clients à Stockholm pour une « implant party » : « Je compte aussi faire venir des journalistes des villes concernées et les convaincre de se faire poser une puce. »

Sur leur élan, les Suédois ont déjà entrepris d’exporter cette technologie. Hannes Sjoblad et Jowan organisent des « implant parties » dans toute l’Europe. Quant à Clara Grelsson, elle a contacté la filiale de Londres pour inciter ses collègues britanniques à lancer un programme de pose de puces. Biohax a même fait une incursion aux Etats-Unis.

La société informatique Three Square Market, basée dans le Wisconsin, était intervenue en début d’année pour aider Epicenter à équiper ses distributeurs de boissons de lecteurs de puces. Peu après, le patron de Three Square Market avait décidé de proposer à son tour à ses 80 employés de se faire poser une puce. Lorsqu’une quarantaine se sont dit intéressés, l’entreprise a sollicité Biohax, qui a envoyé un pierceur dans le Wisconsin.

En septembre, Three Square Market a annoncé qu’elle comptait se lancer dans la vente de puces sur le marché américain. Une concurrence que Jowan, le tatoueur-pierceur, accueille avec philosophie : « Le marché va exploser, il y aura de la place pour les nouveaux venus. Je reçois des dizaines de demandes de gens qui veulent devenir pierceurs, revendeurs ou distributeurs. » A Stockholm, des infirmières et des médecins vont se procurer un certificat de pierceur professionnel afin de proposer cette prestation à leurs patients.

Publicité
<< < 10 20 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 > >>
Publicité