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Jours tranquilles à Paris
17 janvier 2020

«VIVEZ COMME UN RÊVE» UNE NOUVELLE HISTOIRE VISUELLE DE RYAN HATTAWAY {NSFW / ÉDITORIAL EXCLUSIF}

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Le photographe Ryan Hattaway est un directeur créatif qui travaille dans les secteurs du luxe, de la mode et du divertissement depuis plus de 15 ans. Son approche distinctive de la marque, du design et des médias numériques lui a permis de travailler avec certaines des plus grandes marques de luxe, de mode et de divertissement au monde.

https://www.instagram.com/ryanhattaway/

http://ryanhattaway.com/

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16 janvier 2020

Le Livret A a-t-il encore un intérêt ?

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Ce sera 0,5 % au 1er février : le taux du Livret A va atteindre son plus bas niveau. Ce produit d’épargne a-t-il encore un intérêt ? Ou faut-il se tourner vers d’autres choix ?

1 Pourquoi le taux du Livret A va-t-il baisser ?

À partir du 1er février, le taux du Livret A va passer à 0,5 %, contre 0,75 % actuellement. Jamais le rendement de ce placement n’était descendu si bas. Après un gel du taux depuis plus de deux ans, Bercy a donc décidé d’appliquer la formule de calcul mise en place en 2016. Une formule qui prend en compte le niveau de l’inflation et les taux d’intérêt bas pratiqués par la Banque centrale européenne.

Maintenir le taux à 0,75 % ? « Ce serait irresponsable et incohérent par rapport à notre politique de diversification des placements », s’est justifié Bruno Le Maire, dans une interview au Parisien. À quelques semaines des municipales et en plein conflit sur les retraites, le sujet est pourtant sensible. Au final, « cela représente une perte d’un euro d’intérêts par mois pour qui détient 4 800 euros sur son Livret A », a tenté de minimiser le ministre de l’Économie. La perte sera évidemment plus importante pour ceux qui ont atteint le plafond de 22 950 euros. Ce nouveau taux s’appliquera également au Livret de développement durable et solidaire .

 2 Reste t'il attractif ?

« Oui, si on en fait un bon usage », s’accordent les experts. « Malgré un taux de rendement faible, le Livret A permet aux Français de se constituer un bas de laine pour répondre aux imprévus, comme la panne d’une voiture », explique Maxime Chiroy, directeur général de Money Vox. « Avec un taux de 0,75 % ou de 0,5 %, on ne fait de toute façon pas de rendement », ajoute Philippe Crevel, le directeur du Cercle de l’épargne.

Ce produit a des atouts : on peut y déposer et retirer son argent à tout moment, les dépôts sont garantis et les gains sont complètement exonérés d’impôt. La formule séduit les Français. On compte aujourd’hui 55 millions de Livret A en France avec toutefois de fortes inégalités. 40 % d’entre eux contiennent moins de 150 euros alors que les 20 % les plus dotés représentent près de 80 % des encours. Au final, à la fin novembre, près de 300 milliards d’euros étaient placés sur le livret. « Mais si le but est de gagner de l’argent, le Livret A n’est pas le bon placement », remarque Maxime Chiroy.

3 Vers quels produits d’épargne se tourner ?

Avant de placer son argent, il faut regarder plusieurs critères, conseille Maxime Chiroy : « La durée du placement - autrement dit combien de temps peut-on mettre de l’argent de côté sans y toucher ? - et la part de risque que l’on souhaite prendre ».

Aussi sûr que le Livret A, le Livret d’épargne populaire (LEP) offre un meilleur rendement. Lui aussi sera revu à la baisse au 1er février : 1 %, contre 1,25 %. Le gouvernement souhaite simplifier l’accès à ce produit, réservé aux plus modestes. La feuille d’imposition ne sera ainsi plus nécessaire pour ouvrir un compte.

« Pour tous les épargnants, il existe aussi les livrets fiscalisés. Comme leur nom l’indique, les intérêts sont imposables mais le rendement proposé et les primes offertes à l’ouverture permettent d’obtenir une meilleure rémunération que le Livret A », relève Maxime Chiroy.

Si le rendement des PEL (Plan épargne logement) ne bouge pas, à 1 % pour ceux ouverts après 2016, ce produit peut redevenir attractif. « Surtout, ne fermez pas vos PEL, même si votre banquier vous le conseille », estime Maxime Chiroy. Ce produit, dont le rendement moyen atteint aujourd’hui 2,25 %, coûte, en effet, cher aux banques : sept milliards d’euros par an.

Enfin, reste l’assurance-vie, même si le rendement baisse lui aussi. « L’assurance-vie est un placement à long terme, nous expliquait récemment Gérard Bekerman, président de l’Afer. « En ouvrant le plus tôt possible son compte, on peut moduler les placements, les panacher et les équilibrer ».

16 janvier 2020

Une île sur ARTE - 2ème partie - avec Laetitia Casta, ce soir

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16 janvier 2020

Notre intestin, cet organe qui sait tout de nous

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DER SPIEGEL (HAMBOURG)

Le neuroscientifique irlandais John Cryan explique dans cet entretien donné à l’hebdomadaire allemand Spiegel à quel point notre flore intestinale reliée à notre cerveau  influence nos goûts, notre humeur et favorise même certaines maladies.

DER SPIEGEL : Professeur, que savez-vous de votre intestin ?

JOHN CRYAN : Pas grand-chose, je dois l’avouer. J’ai jusqu’à présent résisté à la tentation d’analyser ma flore intestinale. Bien sûr, je sais qu’il y vit toute une communauté de bactéries mais je suis plutôt le genre de propriétaire qui ne surveille pas ses locataires en permanence tant qu’ils semblent aller bien.

N’êtes-vous pas curieux ? Le microbiote, ces microbes qui peuplent notre organisme, est votre domaine de recherche après tout.

Cela peut vous surprendre mais je ne vois pas très bien ce que je pourrais faire concrètement des informations sur mon microbiote. Ça vous donne une idée de la situation de ce domaine de recherche. Il est de plus en plus clair que les bactéries intestinales jouent un rôle considérable dans notre santé comme dans de nombreuses maladies mais nous ne le comprenons pas encore vraiment.

Vous avez publié un livre sur le microbiote. Vous y décrivez celui-ci comme une structure d’une complexité inouïe qui se livre à des échanges permanents avec le tissu intestinal, le système immunitaire et le cerveau. Qu’est-ce à dire ? Le microbiote est-il un organe qui est passé inaperçu de la médecine pendant longtemps ?

Oui, il y en a certains qui parlent d’un organe. À mes yeux le microbiote est même quelque chose de bien plus grand. Car il ne faut pas oublier que les bactéries étaient là avant nous, nous ne sommes arrivés que bien plus tard. Nous avons tendance à nous imaginer que les bactéries se sont installées dans notre corps mais en fait c’est exactement le contraire : c’est nous qui nous sommes installés dans leur monde.

Et comment les occupants de notre intestin communiquent-ils avec nous ?

On commence à peine à le comprendre. Beaucoup des mécanismes nous sont encore inconnus mais on sait que les bactéries interagissent d’abord directement avec le mucus qui recouvre les parois internes de l’intestin. Ensuite elles communiquent avec les cellules épithéliales, c’est-à-dire la couche de cellules qui tapisse l’intérieur de l’intestin. Ce qu’il faut maintenant, c’est trouver quelles substances elles excrètent.

John Cryan enseigne les neurosciences à l’University College Cork, en Irlande.John Cryan enseigne les neurosciences à l’University College Cork, en Irlande.

Ces bactéries sont comme de minuscules usines qui fabriquent tout un tas de substances prodigieuses que notre corps ne peut produire sans elles. Quand la paroi intestinale fuit ou est modifiée d’une façon ou d’une autre, elles peuvent pénétrer dans le tissu et activer le système nerveux entérique, ce qu’on appelle le deuxième cerveau, qui entoure notre intestin comme une chaussette. Et ce deuxième cerveau envoie alors ses signaux jusqu’au système nerveux central.

Vous vous intéressez en particulier à l’influence des bactéries sur notre santé mentale. Quand avez-vous remarqué qu’elles avaient une influence là-dessus ?

À l’origine j’étudiais le stress. Je me suis donc intéressé aux effets du stress sur notre système immunitaire et sur la façon dont celui-ci communique avec notre cerveau. Il y a quinze ans, nous avons commencé un projet de recherche sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Personne n’en connaissait la cause exacte. Nous avons remarqué qu’un nombre incroyablement élevé de patients avait subi un stress quand ils étaient bébé ou petit enfant. Nous avons donc mis au point un modèle animal de stress de la petite enfance : nous avons séparé des souriceaux de leur mère quelques jours après leur naissance. Cela a des effets non seulement sur le cerveau, mais aussi sur le système immunitaire et l’intestin. Une MICI est donc un exemple classique d’une perturbation de la communication entre l’intestin et le cerveau.

Et que viennent faire les microbes là-dedans ?

Oui, c’est justement là que cela devient passionnant. Après une étude attentive de la flore intestinale de ces sujets, nous avons constaté qu’elle était peu diversifiée – même chez ceux qui étaient adultes depuis longtemps.

Une perturbation vécue dans la petite enfance avait donc modifié leur microbiote à vie.

Pouvez-vous vraiment être sûr que c’est dû au fait d’avoir été séparé de leur mère ?

Vous avez raison. Ça ne prouve pas encore qu’il y a une relation de cause à effet. Mais en étudiant la littérature sur la question, nous sommes tombés sur les travaux révolutionnaires de collègues japonais. Ils avaient étudié des souris qui avaient grandi dans un environnement stérile et dont l’intestin était donc stérile. Il est apparu que ces animaux étaient extrêmement sensibles au stress. Nous avions montré que le stress avait un effet sur le microbiote ; ils avaient montré que le microbiote avait un effet sur la réaction au stress. On dirait bien qu’il y a une interaction, vous ne trouvez pas ?

Et en quoi consiste cette interaction ? Comment les bactéries de l’intestin savent-elles que le cerveau, là-haut, est stressé ?

C’était l’étape suivante. Nous avons sectionné le nerf vague des sujets, il part du cerveau et va jusqu’à la périphérie, y compris l’intestin. Et nous avons ainsi interrompu la communication. Ce nerf est donc la voie par laquelle cerveau et microbiote échangent des informations.

Il y a des décennies que les chercheurs étudient l’interaction entre système nerveux, système immunitaire et système hormonal. Pourquoi est-on passé à côté du rôle des bactéries ?

Comme souvent, c’est l’évolution des technologies qui ont permis d’accéder à ces connaissances. Il y a vingt ans, on n’avait tout simplement pas les possibilités d’étudier le microbiote. On ne percevait l’effet des bactéries qu’en cas d’infection pathologique et l’effet du système immunitaire que quand une réaction inflammatoire devenait hors de contrôle. Ce n’est que maintenant qu’on dispose des moyens techniques pour étudier la communication quotidienne, non pathologique.

Vous avez inventé le terme “psychobiotique.” Qu’est-ce qu’il signifie ?

Le sens de ce terme a changé au cours des dernières années. Actuellement nous entendons par là, toute intervention sur le microbiote nécessaire à notre santé mentale. Nous voulions remettre en question la conception courante de la psychopharmacopée. La science des psychobiotiques cherche à nous pousser à envisager notre santé mentale autrement, en prenant en compte également l’alimentation et d’autres facteurs environnementaux.

Avez-vous le sentiment que la communauté scientifique est d’accord ?

Il y a beaucoup de scepticisme et c’est très bien. Car le scepticisme nous fait aller de l’avant. Nous avons fait de grands progrès. Aujourd’hui tout congrès de neurosciences comprend une séance consacrée au microbiote. Ç’aurait été impensable il y a dix ans.

De quoi parle-t-on lors de ces séances ?

Essentiellement d’alimentation. Cette question est en train de prendre de plus en plus d’importance en psychiatrie. Ce que nous mangeons fait prospérer certaines bactéries dans notre intestin. Et elles envoient certains messages au cerveau.

Quelle est la précision de ces messages ? Dans votre livre, vous affirmez que les bactéries intestinales pourraient même commander concrètement une pizza au cerveau, là-haut…

… ce qui ne me semble pas si aberrant. Nous avons pu montrer que le cerveau est influencé à presque tous les égards par les changements du microbiote : que l’on prenne l’isolation électrique des fibres nerveuses, la naissance de nouveaux neurones, la ramification des cellules nerveuses – les bactéries y contribuent. Ils contribuent à la croissance du cerveau, à son développement et à son vieillissement. Il n’y a que très peu de domaines des neurosciences dans lesquels on ne peut démontrer aucune influence du microbiote. Quant à nos préférences alimentaires, il n’y a aucune raison de supposer qu’elles ne dépendent pas des signaux envoyés par les bactéries.

Mais il n’y a pas de preuve ?

Si, du moins pour les mouches du vinaigre. Des chercheurs de Lisbonne ont pu démontrer que la présence de certaines bactéries déterminait si une mouche préfère la levure ou le sucre. Mais une chose est sûre : il nous faudra encore bien plus de données pour mieux comprendre comment les bactéries pilotent nos goûts alimentaires.

Dans votre livre, vous allez même encore plus loin : d’après vous, les microbes présents dans notre intestin ont non seulement une influence sur ce que nous mangeons, mais aussi sur notre comportement social. Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

C’est une question que je trouve particulièrement fascinante et j’ai hâte de voir si nous parviendrons à assembler les pièces du puzzle.

Il est évident que notre comportement social a une influence sur les bactéries qui vivent en nous

: le fait de se réunir facilite la vie des microbes parce qu’ils peuvent plus facilement passer d’un hôte à l’autre. Mais est-ce que ça marche aussi dans l’autre sens ? Je vais vous expliquer les constatations que nous avons faites dans nos expériences : si vous privez une souris de ses locataires bactériens, elle adopte un comportement étrangement différent. Elle ne recherche plus la compagnie de ses congénères et ne s’intéresse plus aux souris qu’elle ne connaît pas. Des chercheurs de Californie et du Texas ont montré qu’il suffisait d’administrer une certaine souche de lactobacille pour atténuer le déficit social de certaines souris.

Vous recommandez donc de prescrire un lactobacille contre l’autisme ?

On n’en est pas encore là. Mais vous avez raison : une partie importante de nos recherches visent effectivement l’autisme et d’autres troubles du comportement social – troubles anxieux, certains aspects de la schizophrénie, mais aussi la timidité ou tout simplement la question de savoir si on est plutôt introverti ou extraverti. Toutes ces choses pourraient être liées à la communication entre le cerveau et les bactéries.

 Dessin de Willis, Tunisie.Dessin de Willis, Tunisie.

Vous n’en êtes encore qu’au début, comme vous le disiez. Mais pouvez-vous déjà faire des recommandations aux praticiens en psychiatrie ?

Tout à fait. Ils peuvent commencer par pousser leurs patients à réfléchir à ce qu’ils mangent. Une étude réalisée en Australie a montré de façon flagrante que la nutrition pouvait améliorer l’état des dépressifs de façon significative. Le plus important, ce sont les fibres, ce qui en gros veut dire : beaucoup de légumes. De plus, il faut éviter certains aliments – par exemple les sucres et les émulsifiants. Sinon, on peut aussi tirer des conseils pratiques de nos recherches. Nous savons par exemple que l’aérobic est bonne pour le microbiote et le manque de sommeil mauvais.

Tout cela n’est pas très précis. Quelle que soit la pathologie dont on souffre quand on va consulter un psychiatre, les recommandations sont toujours : bouger, manger des légumes et dormir suffisamment.

Comme je l’ai dit, nous n’en sommes encore qu’au tout début. Le point négatif, c’est que pour le moment nous ne savons pas du tout de quoi à l’air un microbiote normal, sain. Nous ne savons donc pas vers quoi nous diriger. D’un autre côté, le point positif, c’est que les patients peuvent eux-mêmes contribuer à leur guérison, ce qui a un effet très positif sur le moral.

Le nombre de diagnostics psychiatriques augmente dans le monde entier. Cette augmentation serait-elle due à des perturbations du microbiote ?

À mon avis, c’est possible. Notre mode de vie a connu des changements drastiques au cours des cinquante à soixante dernières années – et essentiellement des changements qui ont un effet négatif sur notre microbiote. Prenez l’augmentation considérable de la prescription d’antibiotiques, l’arrivée des plats tout prêts et des aliments transformés. Plus le stress du quotidien. Tout cela a provoqué un appauvrissement du microbiote. La plupart des bactéries qui vivaient dans l’intestin de nos ancêtres ont disparu du nôtre.

Comment le savez-vous ?

Parce que des collègues ont étudié le microbiote de peuples primitifs de Tanzanie, du Malawi et du Venezuela. Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a chez eux pratiquement pas de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, pas de sclérose en plaques. On peut dire de façon très générale qu’on constate chez eux une incidence bien plus faible de presque tout ce qui a trait à l’inflammation. Et si, comme je le suppose, la dépression est également liée à un processus inflammatoire, du moins jusqu’à un certain point,

il n’est pas difficile d’imaginer qu’il y a une relation entre la disparition de certains microbes et l’augmentation des dépressions.

Il y a un autre facteur qui pourrait avoir un effet nocif sur notre microbiote dans notre société moderne : l’augmentation des césariennes. En cas de naissance par les voies naturelles, les bactéries présentes dans le vagin de la mère s’installent chez le bébé, alors que ce n’est pas le cas en cas de césarienne. Cela provoque-t-il un changement durable du microbiote ?

Beaucoup de signes indiquent que la réponse est oui. Il existe toute une série d’études qui montrent que l’effet dure pendant au moins six mois. Des collègues de Cork ont pu récemment constater qu’il y avait encore des différences entre le microbiote d’enfants nés par césarienne et celui d’enfants nés par les voies naturelles quatre ans après la naissance.

Et comment saurez-vous si ces différences ont des effets sur la santé ?

Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est la question de la fenêtre critique…

… c’est-à-dire de savoir si les bactéries interviennent dans le développement d’un enfant à des moments précis ?

Exactement. Si le microbiote est modifié tout de suite après la naissance, ça veut dire que le système immunitaire qui est en train de se développer reçoit d’autres signaux. Et effectivement, les études épidémiologiques établissent clairement que le risque de maladies dues à des perturbations du système immunitaire, par exemple les allergies et le diabète de type 1, est plus élevé pour les enfants nés par césarienne. Il est possible que ce soit la même chose pour le cerveau, même si cette question a été moins bien étudiée jusqu’à présent.

Vous pensez donc que l’absence des bactéries maternelles chez les bébés nés par césarienne pourrait augmenter le risque de troubles du développement nerveux ?

C’est justement cette question que nous sommes en train d’étudier. Nous avons constaté chez des souris nées par césarienne des modifications durables du comportement – et ce bien que le microbiote du sujet adulte ne se distingue plus de celui des sujets nés par les voies naturelles. Cela montre que l’important ce ne sont pas forcément les bactéries qui vivent aujourd’hui dans votre intestin mais celles qui y vivaient quand vous étiez bébé.

Vous ne l’avez démontré que pour les souris ? Qu’en est-il pour l’homme ? Avez-vous des conclusions ?

Oui. Nous sommes en train de rédiger la publication. Après avoir soumis des étudiants en médecine à des tests de stress, nous avons constaté que les réactions tant immunologiques que psychologiques étaient plus fortes chez ceux qui étaient venus au monde par césarienne.

Et vous pensez que cela pourrait être dû à l’influence des microbes dans la petite enfance ? N’est-ce pas un peu tiré par les cheveux ? La flore intestinale peut-elle vraiment avoir une influence sur le développement du cerveau ?

C’est établi dans l’expérimentation animale. Les recherches que nous avons réalisées sur des souris qui ont grandi dans un milieu stérile montrent sans aucun doute que les microbes sont nécessaires au développement normal du cerveau. Il n’y a pratiquement pas de données en ce moment pour l’homme. Les neuropédiatres découvrent à peine la question. Vous pouvez vous imaginer qu’elle suscite un vif intérêt chez les fabricants de lait pour bébé.

Est-ce qu’on pourrait ensemencer le microbiote des bébés nés par césarienne avec un frottis vaginal de leur mère et leur transmettre ainsi la flore bactérienne de celle-ci ?

Cela a déjà été fait. Et ça a effectivement permis de remédier au déficit microbien de ces bébés. Mais l’Association américaine des gynécologues et des obstétriciens s’est fermement exprimée contre cette pratique – à cause du risque d’infection à streptocoques et autres germes dangereux. Nous préférons donc miser sur l’alimentation. Nous avons démontré sur des animaux qu’on pouvait éviter les suites durables de la césarienne en administrant très tôt du bifidus aux bébés. Nous travaillons maintenant avec l’industrie à trouver la bonne préparation pour les bébés humains.

Où en êtes-vous ?

Ça avance. Ce qui m’a vraiment stupéfié, c’est l’énorme complexité des sucres que nous avons trouvés dans le lait maternel humain. Le plus étonnant, c’est que ce sont des sucres que le nourrisson lui-même ne peut décomposer. La mère nourrit donc avec ces molécules uniquement les bactéries qui sont présentes dans l’intestin de son bébé. Et celles-ci font office d’usine pharmaceutique naturelle : elles transforment les sucres du lait maternel en substances utiles à l’organisme du bébé, par exemple en acide sialique, qui est très important pour le développement du cerveau. Cela pourrait expliquer l’effet positif du lait maternel sur le QI et les capacités cognitives.

Vous dites que la mère envoie des signaux pour le développement mental de son enfant par le biais du microbiote. Est-ce qu’on n’a pas là un tout nouveau vecteur de l’hérédité, que la science n’avait pas vu jusqu’à présent ?

C’est un sujet très sensible. Il y a beaucoup de recherches sur la question de savoir si certaines caractéristiques peuvent se transmettre d’une génération à l’autre par d’autres moyens que la génétique. En général, elles portent sur l’épigénétique, c’est-à-dire les modifications chimiques du matériel génétique. On ne s’est pratiquement pas intéressé au rôle du microbiote jusqu’à présent. Nous sommes cependant convaincus qu’il joue bien un rôle.

Quelle est la variabilité du microbiote au cours de notre vie ?

Il est relativement stable une fois qu’il est constitué. C’est ce que montre par exemple une étude d’Eric Alm, du MIT, à Boston. Ses postdocs ont pris un échantillon de leurs selles chaque jour pendant un an et noté exactement ce qui s’était passé. Leur microbiote est resté largement inchangé pendant cette période. Sauf quand Eric a suivi un traitement par antibiotiques. Là, paf, le nombre de bactéries a chuté. Et quand un postdoc a eu une intoxication alimentaire lors d’un congrès à Bangkok, il y a eu aussi un gros changement. Mais même dans ces cas, le microbiote a récupéré rapidement.

Comment se comporte-t-il lors d’une cure d’antibiotiques ? Si les bactéries ont vraiment un effet aussi fort sur notre cerveau, comme vous l’affirmez, une coupe claire dans notre intestin devrait nous saper le moral ? Je n’ai pourtant rien ressenti de tel quand j’ai dû prendre des antibiotiques à titre préventif après des soins dentaires.

Très bonne question. Malheureusement, nous n’avons aussi que trop peu d’études sur ce sujet. La plupart des études sur les antibiotiques ont été réalisées sur des sujets malades. Chez eux, ça ne veut naturellement pas dire grand-chose si leur moral n’est pas bon. Donc vous avez raison, il serait intéressant d’étudier des personnes qui prennent des antibiotiques à titre préventif. Le fait que vous n’ayez rien remarqué n’est pas significatif. On aurait peut-être dû vous exposer à un stress ou à certaines conditions d’expérience précises pour pouvoir constater des modifications subtiles de votre moral, dont vous n’aviez peut-être même pas conscience.

Le titre de votre livre promet une “révolution”. Quand devrait-elle se produire ?

Elle a déjà commencé. Il faut prendre ce terme dans le contexte de ce qui s’est fait en matière de santé mentale depuis trente ans : à savoir pratiquement rien. Nous comprenons les maladies mentales à peine mieux qu’il y a trente ans, et quant à la pharmacopée, nous avons maintenant la kétamine, mais c’est tout. Les gens sont de plus en plus conscients que notre mode de vie, notre alimentation et notre environnement peuvent avoir un effet thérapeutique sur notre santé mentale. Avec nos recherches sur les psychobiotiques, nous voulons donner un fondement biologique à cette idée. Et je pense que c’est un message très important.

Propos recueillis par Johann Grolle (août 2019)

16 janvier 2020

Milo Moiré et la banane...

banane

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15 janvier 2020

Enquête - Hong Kong : Rester ou partir, le dilemme des expats

SOUTH CHINA MORNING POST (HONG KONG)

En proie à une crise sans précédent, Hong Kong n’est plus le pays d’expatriation idéal pour le business. Pour les Français sur place, la question se pose : faut-il quitter le pays ?

Les manifestations antigouvernementales ont convaincu une expat installée de longue date à Hong Kong – elle souhaite rester anonyme afin que son nom ne soit pas associé aux manifestations – de faire une liste des affaires à emporter au cas où la situation tournerait au vinaigre. Elle a recensé tous les objets à réunir au cas où elle aurait à fuir rapidement, a rangé cette liste dans le tiroir de son bureau, et y a trouvé un certain réconfort.

“Ce n’est pas long, comme liste, explique-t-elle. Les bijoux de ma mère, mon passeport et quelques photos, c’est à peu près tout.” Mais le fait de coucher cette liste sur le papier, confie-t-elle, lui a donné l’impression d’être à peu près préparée au cas où le conflit la pousserait à fuir la ville où elle a posé ses valises voilà 28 ans.

Elle fait partie de ces étrangers qui représentent près de 10 % des 7,5 millions d’habitants de Hong Kong. Beaucoup jaugent en ce moment les risques de rester dans une ville jusque-là connue pour sa stabilité et désormais la proie des troubles depuis des mois.

Plans d’urgence et lignes jaunes

Pour autant, on ne relève jusqu’à présent aucun signe d’exode. Les chiffres de l’immigration donnent 731 082 étrangers installés à Hong Kong en novembre 2018. Un an plus tard, ce chiffre s’élève à 726 032. Il comprend les aides ménagères, originaires pour la plupart des Philippines et d’Indonésie, soit environ 400 000 personnes, selon les statistiques des services de l’immigration.

Les étrangers qui travaillent dans le secteur de la finance ou qui dirigent des entreprises à Hong Kong se posent des questions sur leur sécurité et celle de leurs enfants à l’heure où les gaz lacrymogènes, les briques, les balles en caoutchouc et les cocktails Molotov remplacent le tourisme et le lèche-vitrines dans les rues de la ville.

Les plans d’urgence et les “lignes jaunes” divergent d’une personne et d’une famille à l’autre, mais beaucoup reconnaissent avoir eu des discussions animées avec un conjoint ou la famille restés au pays au sujet de la meilleure décision à prendre depuis que les manifestations globalement pacifiques de juin contre un projet de loi sur l’extradition ont dégénéré en batailles rangées entre la police et des manifestants radicaux.

Un banquier de 33 ans originaire de Nouvelle-Zélande, qui souhaite également rester anonyme, n’a pas établi de liste mais a amplement discuté avec sa femme, et tous deux ont décidé d’aller chercher du travail ailleurs, après quatre années passées dans la ville. “On constate que Hong Kong a changé radicalement, ce n’est plus le centre d’affaires que c’était”, relève-t-il.

Il y a les confiants…

Un autre expat, un courtier originaire de Corée du Sud, témoigne : partir ne fait pas partie des options pour ce trentenaire et sa famille. Son épouse, hongkongaise, et lui viennent d’avoir un bébé qu’ils ont bien l’intention d’élever à Hong Kong. Mais si la ville est plus intéressante pour lui professionnellement, il n’en a pas moins une ligne jaune.

L’histoire de la Corée du Sud est émaillée de mouvements antigouvernementaux lancés par les étudiants, par exemple dans la ville de Gwangju en 1980, où l’usage de la force par l’armée s’était soldé par la mort de plusieurs centaines de personnes : “Sauf événement grave de cette ampleur, je resterai à Hong Kong, même si le risque est toujours là – on sait tous que la Chine peut prendre des mesures radicales”, observe-t-il, réclamant à son tour l’anonymat en échange de son témoignage.

… et les nostalgiques

Les qualités qui séduisent les étrangers à Hong Kong – la sécurité, la stabilité et les loisirs – ont du plomb dans l’aile. Hong Kong est un des principaux centres financiers du globe, mais l’instabilité et la violence contrebalancent désormais la perspective de salaires juteux et de carrières alléchantes.

“On attend de voir. Ça dépendra de ce qui se passe à Noël ; beaucoup de gens retourneront voir leurs familles et se demanderont ce qu’ils vont faire”, remarque Tara Joseph, présidente de la chambre de commerce américaine à Hong Kong.

“Les gens se demandent s’ils ont pris la bonne décision”

Certains ont déjà décision prise. Un ancien militaire américain installé à Hong Kong explique qu’il n’a pas envie de vivre dans une ville où “la violence [est] tolérée” et prévoit d’émigrer à Singapour. “Je ne veux pas que mon enfant et ma femme vivent dans la peur”, justifie ce cadre américain de 39 ans, né à Hong Kong. “Quand vous avez deux régimes politiques différents, il y aura forcément une fusion, mais ça va prendre du temps. Personnellement, je n’ai pas le temps d’y prendre part… Ce n’est pas mon combat.”

La plupart des étrangers que j’ai interrogés disent comprendre l’opposition au projet de loi sur l’extradition et soutenir les appels à la démocratie lancés par les manifestants, mais dénoncent la violence et le vandalisme. D’autres s’inquiètent de la gestion des troubles par l’État et la police. Tous sont dans le flou.

Président du Forum des travailleurs indiens de Hong Kong, Anurag Bhatnagar s’y est installé en 1995, et ce n’est pas le premier mouvement social d’envergure auquel il assiste. “Ce qui m’a surpris, quand même, c’est la violence – que les choses aient pu déraper comme ça”, confie-t-il, précisant qu’il s’agit ici de son opinion personnelle, et non de celle de son organisation.

Ce négociant en matières premières et fondateur d’une société technologique explique que beaucoup de gens, dans son entourage, s’inquiètent du tour que prennent les manifestations et déplorent le manque de volontarisme du gouvernement. “Finalement, tous les expats qui se sont installés à Hong Kong y sont venus pour des raisons à la fois professionnelles et personnelles. Quand l’avenir devient flou, politiquement, les gens se demandent s’ils ont pris la bonne décision”, fait-il remarquer.

Des devis de déménagements en hausse

Si beaucoup d’entreprises sont impactées, les sociétés de déménagement observent quant à elles une multiplication des demandes de devis et s’attendent à une année 2020 chargée. Dans la plupart des cas, les manifestations ne sont que l’élément déclencheur du déménagement, et non la cause profonde, observe Lars Kuepper, directeur commercial de la société de déménagement Relosmart :

Ce n’est pas vraiment à cause des manifestations, même si elles ont servi d’élément déclencheur – ce sont des gens qui envisageaient de déménager depuis un certain temps à cause du coût de la vie et des frais de scolarité pour les enfants, et les derniers événements ont précipité leur prise de décision.”

L’entreprise a assuré 125 déménagements en octobre, soit deux fois plus que l’année précédente, dont près de la moitié pour des expatriés, précise-t-il. “C’est du sept jours sur sept en ce moment”, poursuit Lars Kuepper.

Les employeurs tranchent

Si on ne voit aucun signe d’exode, on constate en revanche un ralentissement du recrutement international. Certaines banques et multinationales cherchent également à répartir le risque en délocalisant certaines activités hors de Hong Kong.

“Ça ne veut pas dire qu’elles vont délocaliser l’ensemble de leurs activités, mais elles font une liste et voient ce qui doit impérativement rester à Hong Kong et ce qu’elles pourraient éventuellement mettre ailleurs”, constate Stephen West, directeur commercial du cabinet de conseil Quartermain Alpha à Hong Kong.

Il précise qu’il n’est pas inhabituel que les entreprises revoient leur stratégie de maîtrise du risque, mais qu’une fois installées ailleurs les chances de retour sont faibles.

Selon une enquête publiée [en novembre 2019] par la chambre de commerce et d’industrie japonaise à Hong Kong, plus d’un tiers des 270 entreprises qui y ont répondu envisageaient de rapatrier au Japon les familles de leurs employés sur place, ou l’avaient déjà fait. Seize entreprises faisaient savoir qu’elles relocaliseraient l’ensemble de leurs effectifs au Japon avant la fin 2019, et 90 autres disaient l’envisager. En revanche, d’autres marquaient leur intention de rester sur place.

Des entreprises restent optimistes

Tara Joseph, de la chambre de commerce américaine, assure ainsi que bon nombre de grandes entreprises américaines “tiennent absolument à rester”. Une étude conduite par la chambre de commerce, publiée en octobre, montre que moins d’un quart des entreprises membres envisagent de réduire la voilure ou de quitter Hong Kong.

Le président de la chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, Jörg Wuttke, s’est également dit “frappé” par l’optimisme des entreprises étrangères au vu des événements en cours.

Beaucoup d’étrangers installés de longue date ont tissé avec la ville un lien qui n’est pas uniquement financier, mais aussi personnel, et ont hâte de voir Hong Kong se relever de cette épreuve. Bhim Prasad Kafle, vice-président de la chambre de commerce népalaise de Hong Kong, confirme : “[Les deux camps] doivent s’asseoir autour de la table des négociations et trouver une solution. Il le faut, c’est la seule option”, tranche-t-il.

Bhim Prasad Kafle, qui s’est installé à Hong Kong voilà 24 ans pour y faire des études dans l’industrie hôtelière, observe une baisse de 30 % de l’activité de son groupe de restauration situé dans le célèbre quartier [gastronomique] de Soho. Mais il n’en reste pas moins optimiste sur la capacité de la ville à rebondir. “Hong Kong a toujours été comme ça : quand [l’activité] redémarre, c’est sur les chapeaux de roue”, dit-il.

La fin d’une ère idyllique pour les expatriés ?

Le redressement de Hong Kong dépendra des enjeux clés qui ont fait descendre des millions de personnes dans la rue cette année : comment la ville se définira-t-elle dans sa relation au continent ? “Il va falloir que les politiques déploient des trésors de créativité pour redresser la barre et dessiner un projet pour Hong Kong”, prévient Michael Pepper, un avocat d’affaires installé dans la ville depuis plus de vingt ans.

“Il faut vraiment qu’on comprenne dans les cinq ans ce qui nous attend au-delà de 2047”, poursuit-il, faisant référence à la date où prendra fin le principe du “Un pays, deux systèmes” institué par la Déclaration sino-britannique qui définissait les termes de la rétrocession de Hong Kong à la Chine le 1er juillet 1997. L’indépendance du pouvoir judiciaire de Hong Kong avait permis à la ville de se poser en intermédiaire de confiance entre les entreprises étrangères et la Chine continentale.

Tara Joseph, de la chambre de commerce américaine, reconnaît que les troubles qui agitent en ce moment Hong Kong amènent à sérieusement s’interroger sur l’avenir :

Il faut se poser la question honnêtement, et dès maintenant : il y a eu l’époque coloniale, puis la rétrocession voilà de ça vingt ans… et les choses n’ont pas vraiment changé, les expats ont toujours plus ou moins les mêmes privilèges. Peut-être qu’on est on en train d’entrer dans une troisième ère, où les expats resteront sur place, mais avec un niveau de risque accru, où il n’y aurait plus cette coexistence des deux régimes… Ça a été une année riche en émotions. Tout le monde va essayer de digérer tout ça, y compris moi.”

Et vous, où placeriez-vous votre ligne jaune ?

Simone McCarthy

Cet article a été publié dans sa version originale le 27/12/2019.

Source

South China Morning Post

HONG KONG http://www.scmp.com/

15 janvier 2020

Vu sur internet - j'aime beaucoup

jaime88

15 janvier 2020

Enquête - Le vélo, une révolution urbaine

Par Olivier Razemon

Les cyclistes n’ont jamais été aussi nombreux dans les grandes villes touchées par les grèves et édiles et industriels se félicitent. Mais l’appétence pour les déplacements urbains à bicyclette pourrait n’être qu’un trompe-l’œil : dans les régions rurales et périurbaines, la petite reine recule, au profit de la voiture.

Imaginons une ville, une grande ville, peuplée et dense, mais dépourvue de transports en commun. Que se passerait-il ? Chacun se déplacerait comme il le pourrait. Les routes seraient saturées, les carrefours encombrés, les places de parking introuvables. Les automobilistes, stressés d’avance, se lèveraient très tôt ; le bruit deviendrait incessant et la pollution invivable. Sur les trottoirs, des citadins marcheraient, loin, longuement. D’autres enfin, enfourcheraient un vélo, le moyen le plus sûr de parvenir rapidement à bon port, sans fournir trop d’efforts ni s’engluer dans les embouteillages.

Le paragraphe ci-dessus ne décrit pas Lagos ni Djakarta, mais Paris et son agglomération par temps de grève. Depuis le 5 décembre 2019, date du début du mouvement social qui paralyse les métros et les trains, les Franciliens n’ont jamais eu autant recours au vélo. Les comptages publiés jour après jour à Paris comme en banlieue montrent que la pratique a plus que doublé par rapport à une période normale.

En réalité, cet engouement pour la bicyclette est antérieur à la défaillance des transports publics et ne se limite pas à la région parisienne. En septembre 2019, la fréquentation des grands axes parisiens avait progressé de 54 % par rapport à l’année précédente, à la suite de la matérialisation des pistes cyclables promises par la majorité municipale. A Bordeaux, sur le pont de Pierre, soustrait au trafic automobile depuis 2017, près de 10 000 cyclistes pédalent chaque jour, un chiffre en constante augmentation. Selon Eco Compteur, une société qui installe des boucles de comptage sur les grands axes, Lille et Lyon font partie des villes du monde où la pratique du vélo a le plus progressé entre 2017 et 2018.

L’industrie du cycle bénéficie de la tendance

A l’automne 2019, la deuxième édition du Baromètre des villes cyclables, un questionnaire conçu par la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) pour noter la qualité des déplacements à vélo, a enregistré près de 185 000 réponses, davantage que son équivalent en Allemagne, où il existe depuis 1998. Le palmarès des villes les plus « cyclables » sera opportunément dévoilé en février, un mois avant le premier tour des élections municipales.

L’industrie du cycle bénéficie logiquement de la tendance, comme le constate Boris Wahl, président et fondateur de Cyclable, un réseau de 54 magasins spécialisés dans le vélo urbain. « En 2019, le volume des ventes de vélos classiques a gagné 30 % par rapport à 2018, le vélo à assistance électrique 25 %, le vélo pliant 39 % et le cargo (doté d’un baquet) 135 % », observe-t-il.

Les boutiques de la proche banlieue de Lyon, Lille ou Toulouse ont enregistré les plus fortes progressions. En novembre et décembre, la grève a même entraîné une hausse des ventes de 79 % en Ile-de-France, hors Paris. « Cela se comprend. Les centres urbains bénéficient d’offres de transport public satisfaisantes, alors qu’en première couronne, le vélo se transforme en arme magique contre la congestion », commente M. Wahl.

Limiter la pollution atmosphérique

La promotion de la bicyclette constitue une politique publique depuis le lancement du « plan vélo » par le premier ministre, Edouard Philippe, en septembre 2018. Des financements ont été dégagés au bénéfice des collectivités locales – 50 millions d’euros par an – et un objectif chiffré a été fixé : 9 % des déplacements en 2024. Pour l’heure, la « part modale » du vélo, sa part de marché en quelque sorte, ne dépasse pas les 3 à 4 %, et la France demeure en queue du peloton européen, derrière les Pays-Bas ou le Danemark, mais aussi l’Italie ou la Pologne.

En visant davantage de trajets à vélo et moins en voiture, les pouvoirs publics entendent limiter la pollution atmosphérique et réduire les impacts du réchauffement climatique, mais aussi maîtriser les encombrements et faciliter l’accès aux commerces de proximité. Aujourd’hui, la moitié des déplacements de moins de 5 km mobilisent une voiture, une distance aisément parcourable à vélo en moins d’une demi-heure.

L’exercice physique est en outre excellent pour la santé. « La réduction du trafic motorisé permet de limiter le nombre de décès prématurés résultant de la pollution. Mais, si ces trajets, au lieu d’être effectués en voiture, le sont sur un vélo, l’impact sur la santé est sept fois plus élevé », explique Audrey de Nazelle, enseignante-chercheuse à l’Imperial College de Londres, citant des études réalisées à Barcelone et à Londres.

Un gage de qualité de vie

Enfin, la politique du guidon devient, pour les grandes villes, un gage de qualité de vie. Les résultats de l’édition 2017 du Baromètre de la FUB ont constitué, en juin 2019, l’un des critères du classement annuel des « 70 villes les plus attractives » publié par l’hebdomadaire Le Point. Les maires des grandes villes, d’Anne Hidalgo à Paris, en passant par Martine Aubry (PS) à Lille, Nicolas Florian (LR) à Bordeaux ou Eric Piolle (EELV) à Grenoble, se félicitent tous de voir un nombre croissant de leurs administrés se déplacer sur une selle.

Mais cette incontestable appétence pour les déplacements urbains à bicyclette pourrait n’être qu’un trompe-l’œil, prévient Nicolas Mercat, chef de projet pour le consultant Inddigo, auteur d’une étude sur l’impact économique de l’usage du vélo commandée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et le ministère de l’économie. « L’augmentation du nombre de trajets domicile-travail dans les grandes agglomérations s’est encore accélérée ces dernières années. Mais à l’inverse, la pratique du vélo baisse, au profit de la voiture, dans les régions rurales et périurbaines. Or, c’est justement autour des villes que la population augmente le plus », détaille le spécialiste, qui a compilé de nombreuses enquêtes statistiques.

Par ailleurs, tout le monde ne pédale pas encore. Si l’usage séduit les cadres et professions intermédiaires, « il diminue chez les ouvriers, demeure très faible chez les chômeurs et baisse dans la population en âge d’être scolarisée », regrette M. Mercat. Le vélo ressemble de ce point de vue au ski : quand on ne pratique pas enfant, on est moins enclin à s’y mettre à l’âge adulte.

Succès du vélo à assistance électrique

Ainsi, compte tenu de ces décalages sociologiques et géographiques, « il est probable que la pratique du vélo, à l’échelle de la France, continue de baisser », prévient le spécialiste, qui ne craint pas de désespérer les militants les plus enthousiastes. Il semble en tout cas difficile de parvenir à l’objectif gouvernemental de 9 % de part modale en 2024.

Mais tout espoir n’est pas perdu. Depuis quelques années, le succès du vélo à assistance électrique (VAE) modifie considérablement la portée des déplacements. Les ventes, dopées par des primes octroyées par les collectivités locales, progressent d’année en année, confirme l’organisation professionnelle Union sport et cycle. L’analyse des 270 000 bénéficiaires de la prime de 200 euros accordée par l’Etat entre février 2017 et janvier 2018 montre que c’est en périphérie des grandes agglomérations, dans les villes moyennes et dans les conurbations multipolaires que les VAE se vendent le mieux. Dans ces territoires, les distances parcourues sont plus longues, et l’usage du vélo moins répandu. Ainsi, le VAE peut aisément remplacer la voiture pour de nombreux trajets.

C’EST AU NIVEAU MUNICIPAL ET INTERCOMMUNAL QUE SE PREND L’ESSENTIEL DES DÉCISIONS D’INVESTISSEMENT

Mais à condition que les cyclistes bénéficient d’infrastructures fiables. Pendant des années, les municipalités ont cru qu’elles pouvaient se contenter de mettre à disposition des citadins des vélos en libre-service. Ces systèmes, très coûteux, n’ont toutefois pas suffi à convaincre les usagers, qui cherchent avant tout à se sentir en sécurité. Les villes ont alors construit, sous la pression des associations, des pistes cyclables séparées de la circulation, des carrefours sécurisés ou des arceaux de stationnement, parfois protégés des vols. Le Baromètre de la FUB et les recensements de l’Insee montrent qu’à Bordeaux ou Grenoble, équipées d’un réseau cyclable convenable, on pédale davantage qu’à Marseille ou à Perpignan, où tout cela fait défaut.

La France est loin du compte

La généralisation de ces aménagements, en ville mais aussi en proche périphérie, permettrait d’accroître significativement la pratique. Aux Pays-Bas, où le vélo constitue le principal mode de déplacement pour 36 % de la population, les pouvoirs publics consacrent 30 euros par an et par habitant aux infrastructures cyclables et ce, depuis cinquante ans.

La France est loin du compte. Seules certaines villes investissent jusqu’à 15 ou 20 euros par an et par habitant. A l’échelle nationale, en additionnant la construction de pistes, la matérialisation de voies de cyclotourisme, les parkings à vélo dans les gares, les systèmes en libre-service, ou encore les primes à l’achat, le cabinet Inddigo parvient à un total de 549 millions d’euros en 2018, investis par l’Etat et les collectivités locales. Cela correspond à 8 euros par habitant et à 1,3 % des dépenses publiques consacrées aux transports.

C’est au niveau municipal et intercommunal que se prend l’essentiel des décisions d’investissement. Or, observe M. Mercat, « dans la campagne électorale qui s’amorce, on discutera de la pertinence de la gratuité des transports publics pour les usagers ». Selon lui, « il serait bien plus efficace de promouvoir le vélo ». Les aménagements cyclables coûtent en effet bien moins cher que les routes ou les transports publics, et ne transportent pas nécessairement moins de monde. Le Grand Chambéry consacre, par exemple, 250 euros par an et par habitant aux transports en commun, pour une proportion des trajets, 3 %, équivalant à celle du vélo.

Vers un paysage urbain plus apaisé

La société Inddigo estime le coût d’un kilomètre de piste cyclable à 150 000 euros en milieu urbain peu dense, 270 000 euros en banlieue dense et 800 000 euros en cœur de ville, où il importe de prendre en considération les remarques des architectes des bâtiments de France, des opérateurs de transports et des pompiers. Le coût de l’aménagement varie en outre selon le type de voirie. « Lorsqu’on se contente de supprimer une file de stationnement automobile pour la remplacer par une piste dotée d’une bordure, le coût ne dépasse pas les 200 000 euros le kilomètre », indique M. Mercat. Enfin, 80 % des coûts des infrastructures cyclables sont dépensés en investissement, contre 20 % en fonctionnement, une proportion exactement inverse de celle qui prévaut pour les transports publics, bien plus coûteux à entretenir.

Dans les grandes villes, mais pas seulement, le sujet pourrait être tranché par les prochaines élections municipales. Mais les associations pro-vélo ne se contentent pas de réclamer des pistes cyclables. Elles insistent également sur la limitation du trafic motorisé, en particulier dans les rues tranquilles des quartiers résidentiels.

A terme, une politique en faveur du vélo révélera un paysage urbain plus apaisé, assez différent de celui que l’on connaît aujourd’hui. « C’est la ville des courtes distances, plus humaine, plus agréable à vivre », disent, en utilisant presque les mêmes mots, Nicolas Samsoen, maire (UDI) de Massy (Essonne), et Pierre Garzon, candidat (PCF) à Villejuif (Val-de-Marne). Ou comment le vélo finit par changer la ville.

15 janvier 2020

Nobuyoshi ARAKI

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14 janvier 2020

Sortie en salles demain : "1917"

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