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Jours tranquilles à Paris
21 août 2019

G7 ce week-end

g7bia

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20 août 2019

Crise à Hongkong : Pékin a utilisé Twitter et Facebook contre les manifestants

hong99

Le gouvernement chinois a créé de nombreux comptes pour discréditer et diviser le camp prodémocratie. L’impact de cette propagande reste difficile à évaluer.

Les autorités chinoises ont utilisé près d’un millier de comptes Twitter, et dans une moindre mesure des pages Facebook, à des fins de propagande, ont indiqué lundi 19 août les deux réseaux sociaux. Twitter a suspendu 936 comptes « coordonnés dans le cadre d’une opération soutenue par l’Etat » chinois pour « miner la légitimité et les positions politiques » des manifestants, affirme le réseau social dans un post de blog.

« Nous avons identifié de larges ensembles de comptes qui se comportaient de façon coordonnée de manière à amplifier les messages concernant les manifestations à Hongkong », souligne le groupe californien. Facebook, informé par Twitter, a indiqué pour sa part avoir supprimé, pour les mêmes raisons, sept pages, cinq comptes et trois groupes du réseau social, eux aussi « liés à des individus associés au gouvernement de Pékin ».

Non sans ironie, Twitter rappelle qu’il est banni de Chine continentale par le régime de Pékin, dont les agents ont dû en grande partie faire appel à un VPN (un réseau virtuel permettant de contourner des restrictions géographiques par exemple). D’autres ont avancé moins masqué en utilisant des adresses IP débloquées pour l’occasion.

Twitter a suspendu 200 000 comptes

Au total, Twitter indique avoir suspendu 200 000 comptes avant qu’ils ne soient réellement actifs sur le réseau. Facebook – également interdit en Chine continentale – a précisé qu’environ 15 500 comptes suivaient l’une ou plusieurs des pages désormais supprimées de sa plate-forme. Mais Twitter et Facebook ne disent rien de l’impact qu’ont pu avoir ces comptes.

Ce nombre de comptes de propagande ou de désinformation pilotés par les autorités de Pékin reste relativement limité, le gouvernement disposant de nombreux leviers à Hongkong pour influencer l’opinion publique et exerçant un contrôle très sévère de l’information en Chine continentale même.

Selon Rachel Lao, une avocate proche des manifestants prodémocratie, « le parti communiste chinois est très habile à créer la confusion parmi le public en Chine et à dénigrer ces mouvements ».

Les manifestations prodémocratie qui durent maintenant depuis plusieurs mois à Hongkong ont suscité la diffusion sur Internet d’innombrables rumeurs, de fausses informations et de théories du complot venant en soutien à l’une ou l’autre partie.

20 août 2019

Analyse - Hongkong : l’échec de Xi Jinping

Par Frédéric Lemaître, Pékin, correspondant

Le numéro un chinois a beau défendre officiellement l’idée « un pays deux système », dans les faits sa gestion de la crise dans l’archipel est en totale contradiction avec ce principe. Et la contestation ne cesse de grandir.

Analyse. Les manifestations organisées maintenant depuis plus de deux mois à Hongkong constituent le premier échec majeur de Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2012. Difficile en effet de faire porter au président chinois la responsabilité de la guerre commerciale déclenchée, pour de multiples motifs, par Donald Trump. En revanche, Pékin est clairement responsable des événements dans le territoire semi-autonome.

Cependant, lors du dernier congrès du Parti communiste, en octobre 2017, le numéro un chinois était on ne peut plus clair. « Après le retour de Hongkong et de Macao dans le giron de la patrie, la mise en pratique du principe “un pays, deux systèmes” a été une grande réussite universellement reconnue, expliquait-il. Les faits ont prouvé que ledit principe était la meilleure solution pour régler la question, léguée par l’histoire, de Hongkong et de Macao, de même que le meilleur régime pour y maintenir la prospérité et la stabilité à long terme. Dans ce but, il faut appliquer dans leur intégralité et avec précision les principes dits “un pays, deux systèmes” “administration de Hongkong par les Hongkongais”, “administration de Macao par les Macanais”, et le principe d’un haut degré d’autonomie. »

Explosion de colère

Pourtant, moins de deux ans plus tard, c’est justement parce qu’ils ont le sentiment que ce principe n’est pas respecté que les Hongkongais se révoltent contre Pékin. Comment en est-on arrivé là ?

Manifestement, ni Xi Jinping ni ses représentants locaux n’ont été capables de percevoir les signes avant-coureurs de cette crise. En mars, Han Zheng, premier vice-premier ministre, se montre confiant : « L’atmosphère politique à Hongkong change, et pour le meilleur. » Décryptage : avec les années, le souvenir de la révolution des parapluies de 2014 s’estompe.

En fait, c’est exactement l’inverse qui se produit. La frustration et la rancœur des Hongkongais contre le pouvoir ne fait que croître. Non seulement la Chine de Xi Jinping ne leur accorde pas le suffrage universel auquel ils aspirent mais elle rogne leurs libertés dès qu’elle le peut, n’hésitant pas à utiliser des subterfuges pour invalider l’élection de députés d’opposition, à enlever à Hongkong des opposants que l’on retrouve ensuite dans les prisons chinoises, ou à expulser un journaliste britannique qui a eu le malheur de présider une conférence de presse avec un leader politique indépendantiste. Face à un pouvoir chinois liberticide et à un pouvoir exécutif local qui défend moins les intérêts de Hongkong qu’il n’exécute les ordres de Pékin, il suffit d’une étincelle pour que la colère explose.

Une erreur dans l’erreur

Ce sera le projet de loi déposé en urgence – une erreur dans l’erreur – permettant les extraditions de Hongkongais mais aussi d’étrangers vers la Chine continentale. Pour les Hongkongais, cette réforme remet en cause le fondement même de l’identité de leur ville, le respect de l’Etat de droit, le fameux « rule of law » britannique à laquelle ils sont si attachés. A leurs yeux, cette réforme est la preuve que Pékin, malgré le discours de Xi Jinping, n’entend pas attendre 2047, comme la Chine s’y est engagée lors de la rétrocession de la mégalopole par Londres en 1997, pour y imposer sa loi et mettre fin au principe « un pays, deux systèmes ».

A moins d’être cynique et d’imaginer que Xi Jinping a provoqué la crise actuelle ou entend l’exploiter pour accélérer la reprise en main de cette ville rebelle, la gestion de cette crise est un modèle de décisions absurdes. A force de ne rien obtenir malgré son évident succès populaire, le mouvement de protestation devient explicitement anti-Pékin et la revendication du suffrage universel, qui n’apparaissait pas lors des premières manifestations en juin, constitue désormais l’une des cinq demandes officielles. Résultat : un projet de loi mineur, sans doute élaboré par une poignée de bureaucrates myopes, s’est transformé en deux mois en une crise majeure pour la deuxième puissance mondiale.

La propagande met l’accent sur les violences

Et ce n’est pas fini. Après un mois de tergiversations, Pékin a présenté sa riposte la semaine du 5 août. Soutien à Carrie Lam, la présidente de l’exécutif local, appel aux hommes d’affaires, aux « patriotes » et aux politiciens locaux à rentrer dans le rang, feu vert à une répression policière accrue et à une justice expéditive, et menaces explicites à l’égard des entreprises et des Hongkongais qui participent ou qui même se contentent de soutenir les manifestations anti-Pékin.

Par ailleurs, la propagande qui jusque-là minorait la contestation l’amplifie désormais. Les médias audiovisuels chinois se mettent même à produire des « fake news » dignes de Russia Today. Il ne faut surtout pas que les Chinois puissent s’identifier aux Hongkongais. L’accent est donc mis sur les violences – en réalité mineures –, sur la prétendue volonté des Hongkongais de proclamer l’indépendance, et sur un complot occidental derrière tout cela.

Peu importe que le président américain, Donald Trump, n’ait que mépris pour ceux qu’il qualifie d’« émeutiers ». Si cette propagande semble efficace auprès de la population chinoise, elle ne fait que renforcer le ressentiment des Hongkongais à l’égard de la Chine. Non seulement le fossé n’a sans doute jamais paru aussi large entre Pékin et Hongkong, mais il n’a cessé de se creuser ces dernières semaines. Alors que Xi Jinping affirme vouloir « construire une communauté de destin pour l’humanité », la crise de Hongkong révèle au contraire un dirigeant incapable de construire une communauté de destin pour les Chinois.

19 août 2019

Hongkong continue de défier Pékin avec une nouvelle manifestation géante

Par Frédéric Lemaître, Hongkong, envoyé spécial

Le centre de l’île a été bloqué sur plusieurs kilomètres, dimanche, par des centaines de milliers de protestataires, comme le 16 juin. Mais le mouvement fait désormais le choix de la non-violence.

Pari à nouveau gagné, dimanche 18 août, pour le mouvement pro-démocratique qui s’est emparé de Hongkong il y a dix semaines. Malgré les violences des précédents rassemblements, malgré les menaces de la police et de Pékin, malgré une pluie torrentielle, les Hongkongais ont été une fois de plus extrêmement nombreux à répondre à l’appel des organisateurs et à braver l’interdiction de manifester. Combien ? 1,7 million selon le pointage des bénévoles. Un chiffre bien plus réaliste que les 128 000 participants annoncés par la police.

Comme le 16 juin où 2 millions de Hongkongais (sur 7,4 millions) étaient déjà descendus dans la rue, le centre de l’île de Hongkong a été à nouveau bloqué sur plusieurs kilomètres durant environ huit heures par des flots incessants de manifestants. Mais le 16 juin, l’ambiance était grave, les Hongkongais silencieux. Ce n’est que lorsqu’ils se sont aperçus de l’importance historique de leur marche qu’ils ont laissé éclater leur joie.

Rien de tel ce dimanche. Dès le début du rassemblement, un cri puissant s’est élevé au-dessus d’une mer de parapluies : « Libérer Hongkong, révolution de notre temps. » Le slogan d’un mouvement qui se bat désormais pour le retrait total du projet de loi sur les extraditions vers la Chine, pour une enquête sur les violences policières, pour la libération des 700 manifestants arrêtés ces dernières semaines et plus globalement pour l’élection au suffrage universel des responsables politiques locaux en grande partie nommés par Pékin.

Depuis une dizaine de jours, la propagande chinoise affirme que Hongkong vit sous la menace d’un petit groupe de « presque terroristes » qui veulent l’indépendance et ne représentent qu’eux-mêmes. Dimanche, les Hongkongais, de tous âges et de toutes conditions sociales, ont puissamment démontré le contraire. Ils ont clos de manière impressionnante un week-end qui avait démarré le vendredi soir de façon émouvante.

« Protégeons la génération suivante »

Des milliers de manifestants avaient notamment entendu par vidéo le jeune Brian Leung, aujourd’hui réfugié à l’étranger, leur expliquer pourquoi le 1er juillet il faisait partie de ceux qui avaient envahi le Parlement local, à visage découvert. « Une communauté ne peut émerger que si nous faisons nôtre la souffrance de chacun et si chaque sacrifice est fait pour nous tous », a notamment déclaré ce jeune homme charismatique écouté dans un silence religieux par une foule réunie dans Chater Garden, au pied des gratte-ciel de la finance.

C’est également là que, samedi, bravant eux aussi la pluie, des milliers d’enseignants, réunis sous le slogan « Protégeons la génération suivante, laissons notre conscience parler », avaient apporté leur soutien aux étudiants.

Mais le territoire semi-autonome est divisé. « Dans chaque famille, il y a ceux qui soutiennent les étudiants et ceux qui sont contre », témoigne une jeune manifestante. D’ailleurs, dans le jardin qui jouxte le Parlement, samedi après-midi, des dizaines de milliers de manifestants – 108 000 selon la police, plus de 476 000 selon le quotidien chinois Global Times – ont, eux, dénoncé la violence et apporté leur soutien aux forces de l’ordre.

Un rassemblement qu’il serait facile de caricaturer. Avec d’innombrables policiers en civil qui prennent les journalistes en photo durant les interviews et une bonne partie des participants dont l’accent trahit qu’ils n’habitent pas Hongkong. Mais les gros sabots de Pékin ne doivent pas faire oublier qu’il y a aussi des Hongkongais que les violences inquiètent réellement.

« Ils sont en train de détruire Hongkong »

« Je ne suis pas contre les jeunes, mais ils sont en train de détruire le Hongkong que ma génération a construite. Ils doivent arrêter, ça devient ridicule », explique un homme âgé. « Ils croient qu’ils se battent pour leur avenir mais ils sont au contraire en train de le ruiner. Hongkong devient un fardeau pour Pékin. La Chine va nous abandonner. Bien sûr que le régime communiste a fait des erreurs dans le passé. Mais les démocraties aussi en font. Regardez le Brexit. Hongkong est devenu un champ de bataille entre les Etats-Unis et la Chine. C’est comme la Syrie, la guerre en moins. C’est malheureux à dire mais parfois je souhaite une intervention de l’armée chinoise pour que l’ordre revienne », nous déclare Annie Chan, une jeune retraitée du Crédit agricole Hongkong qui nous donne son nom sans la moindre hésitation.

En évitant cette fois de provoquer la police, les manifestants pro-démocratiques ont prouvé dimanche qu’ils ont entendu le message : la violence est contre-productive. Qu’en pense Pékin ? Ces dernières heures, plusieurs voix laissent entendre que « Hongkong ne sera pas Tiananmen » et donc que l’armée chinoise n’interviendra pas.

La réponse de la Chine sera plus subtile. Dimanche, durant la manifestation, les médias chinois annonçaient que le gouvernement avait un nouveau plan pour développer Shenzhen, qui fait face à Hongkong. Cette mégapole va se voir doter de nouveaux privilèges juridiques – mais aussi politiques, paraît-il – pour attirer les investisseurs étrangers. Hongkong la rebelle doit savoir que, d’une façon ou d’une autre, elle sera punie.

19 août 2019

Aung San Suu Kyi, Lady disgrâce

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Par Arnaud Vaulerin — 15 août 2019 à 19:06

Aung San Suu Kyi prononce un discours à Pékin, en République populaire de Chine, le 1er décembre 2017, en pleine crise des Rohingyas chassés de l’Etat Rakhine. Photo Fred Dufour. AP 

Star déchue. Prix Nobel de la paix en 1991, la dirigeante birmane a longtemps suscité l’admiration de l’Occident. Mais son manque d’empathie pour les Rohingyas a fait s’effondrer le mythe.

Aung San Suu Kyi, Lady disgrâce

Le moment était inédit et réjouissant. Après des décennies de plomb et d’isolation, le pays s’ouvrait. La peur reculait. Les gens parlaient. Les journaux florissaient. La Birmanie était en effervescence comme jamais. Incroyable signe des temps, le portail de la sinistre prison d’Insein, dans le nord de Rangoun, s’était entrouvert un après-midi de janvier 2012. Parfois hagards, le teint pâle, l’allure frêle et flottante dans leur chemise blanche, les prisonniers politiques retrouvaient l’air libre par dizaines. Les amis et les familles les attendaient dans la cohue, les portaient dans la poussière et la chaleur sèche, au milieu des cafés et des gargotes de rue.

Sur des pancartes, des tee-shirts ou encore les vitres des taxis qui emmenaient vers la liberté les bannis d’hier, une effigie s’affichait en majesté : la Lady. Ce code utilisé par les Birmans pour qualifier celle dont le nom était proscrit par les généraux n’était pourtant plus nécessaire. Libérée treize mois plus tôt de sa résidence surveillée, Aung San Suu Kyi n’était plus l’opposante honnie d’une junte cadenassée qui s’essayait à une transition très maîtrisée. Elle était l’élue, la vénérée, la promesse. Elle n’avait pas encore failli. L’aura n’avait pas pâli.

Lors de tournées marathon, suivie dans la liesse par des foules de dizaines de milliers de personnes, elle sillonnait alors le pays, professant l’unité nécessaire entre les ethnies birmanes, appelant de ses vœux l’établissement d’une réelle démocratie, vantant les réformes à venir. Les Birmans saluaient aussi bien le réel courage de «Mother Suu» sacrifiant sa liberté et sa famille - elle a été privée de ses enfants pendant dix ans, son mari est mort sans qu’elle puisse le revoir - que sa droiture inflexible, sa résistance à toute épreuve malgré plus de quinze années d’assignation à résidence et d’emprisonnement.

Grâce et fragilité

C’est l’époque où la Ladymania devient démesurée. «Il y avait un pathos surdimensionné, une émotion déraisonnée pour un responsable politique, un peu comme avec la Philippine Cory Aquino ou la Pakistanaise Benazir Bhutto en leur temps», raconte un diplomate qui souhaite rester anonyme. Certes, depuis les années 90, le culte de la dame de Rangoun se portait déjà bien : le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, le Nobel de la paix, le titre d’«ambassadrice de conscience» d’Amnesty, les unes des magazines, des livres, une chanson de U2 ont notamment forgé la légende de la madone de la démocratie en gracile brindille de liberté. Dans sa soif d’idoles, l’Occident entre encore plus en adoration de l’icône incarnant seule, avec grâce et fragilité, la démocratie face à une brochette de généraux âgés, râblés et verrouillés dans leur capitale bunker de Naypyidaw.

Au 54, University Avenue, la résidence d’Aung San Suu Kyi à Rangoun, les ministres, chefs de gouvernement, diplomates se succèdent à qui mieux mieux. Un matin ensoleillé de janvier 2012, sur la terrasse tournée vers le lac Inya, Alain Juppé est l’un d’eux. Droit comme un «i», presque ému d’être au côté de la Lady. Restée si longtemps inaccessible, elle parlait et souriait, des fleurs blanches dans les cheveux. Devant la ferveur, elle met en garde : «Je ne suis pas une icône, encore moins un symbole. Je suis réelle.»

A peine élue députée au printemps 2012, elle entame une nouvelle vie en visitant des capitales, comme une rock star en tournée. A Londres, le président de la Chambre des communes, John Bercow, la proclame «conscience d’un pays et héroïne pour l’humanité». Elle est gratifiée d’une standing ovation, comme jadis en leur temps De Gaulle ou Mandela, avant d’être célébrée à Oxford où elle a fait ses études en sage et disciplinée fille de diplomate.

A Paris, avec les honneurs dus à une cheffe d’Etat, elle est accueillie à l’Elysée par un François Hollande tout sourire. A la mairie, Bertrand Delanoë salue avec extase et emphase une «femme de paix et d’amour». Et dans son sillage parisien, des journalistes béats l’applaudissent, boivent ses paroles, la félicitent. Des militants d’ONG sont en quasi-lévitation christique. Le vertige avant la chute.

Premier reflux

Les sommets tutoient parfois les abîmes. Le décrochage est rapide pour la Dame de Rangoun, qui perd peu à peu les attributs du sublime en Occident. «C’est l’effet gueule de bois, la fin d’un long malentendu, constate l’historien et spécialiste de la Birmanie Gabriel Defert. Il s’avère que celle que l’on pensait merveilleuse ne l’est pas.»

Un premier reflux est perceptible à partir de la mi-2012. Une redoutable flambée de violences envers les musulmans embrase le centre du pays. Pogroms, incendies, propos haineux sur les réseaux sociaux, le feu religieux se propage au reste de la Birmanie. La pacifiste de jadis, adepte de la non-violence qui se réclame de Gandhi et de Mandela, reste silencieuse. Maung Zarni, l’un des activistes birmans les plus véhéments, l’accuse alors de se ranger du côté des groupes «racistes antimusulmans, très bien organisés». Même silence éloquent quand la représentante de l’ONU pour les droits de l’homme en Birmanie, Yanghee Lee, est traitée de «chienne» et de «pute» par Ashin Wirathu, moine bouddhiste et prédicateur de la haine.

Et il y a ces incompréhensions. Fin 2015, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de la cheffe de l’opposition exclut les candidatures de musulmans pour les premières législatives libres depuis 1990. La même année, ferme et cassante, la Lady chapitre les fonctionnaires et les diplomates étrangers pour qu’ils n’emploient plus le mot «Rohingya». Pour qualifier cette communauté musulmane apatride et persécutée depuis des décennies dans l’Ouest birman, elle recommande de parler de «personnes qui croient en l’islam dans l’Etat Rakhine». C’est une «formulation qui leur refuse une identité ethnique distincte et donc une revendication de la citoyenneté birmane», analyse Andrew Selth, professeur à l’université Griffith de Brisbane, en Australie.

«Autoritaire», «intransigeante», «cynique», «retorse» sont alors des qualificatifs que l’on entend de plus en plus souvent, y compris dans la bouche de proches d’Aung San Suu Kyi ou de diplomates raisonnés qui naviguent en Asie. Gare aux traîtres. La «femme guerrière», comme l’ont surnommée des féministes, «montre parfois plus de compréhension envers d’anciens militaires qu’envers ses ex-partenaires», expliquait à Libération un haut fonctionnaire en 2012. Fille du général Aung San, héros national et père de l’indépendance assassiné en 1947, elle n’a jamais caché son respect pour l’armée. Gabriel Defert va jusqu’à parler de «consanguinité couleur kaki» entre la Tatmadaw et la dame de Rangoun.

«Elle revendique un goût pour l’ordre et la sécurité. N’oublions pas qu’elle a fondé la LND avec d’anciens généraux, dont Tin Oo, le brutal ministre de la Défense de l’ex-dictateur Ne Win, poursuit le chercheur. Sa vision du pays est restée celle d’une société dirigée par des élites bouddhistes, appartenant à l’ethnie majoritaire bamar qui se méfie des minorités ethniques. Et quinze ans d’isolement forgent un profil psychologique, renforcent le sentiment d’avoir raison.»

Madone vilipendée

Puis l’opposante véhémente est rattrapée par l’exercice du pouvoir. Le sacro-saint principe de réalité va écorner l’icône. Après le raz-de-marée de la LND aux législatives de 2015, l’ex-opposante historique est nommée conseillère d’Etat, Première ministre de facto en avril 2016. Six mois plus tard éclatent les premières escarmouches entre un groupuscule rohingya et les forces de sécurité, prises pour cible dans l’Ouest enclavé. A la fin août 2017, une seconde offensive rohingya, plus musclée, déclenche une contre-offensive massive dont les populations civiles font les frais. Milices, militaires et policiers se livrent à des viols, des destructions et des exécutions sommaires. Plus de 700 000 personnes fuient l’Etat Rakhine vers le Bangladesh dans un état de dénuement extrême.

Aung San Suu Kyi se refuse à parler de «nettoyage ethnique» qui ne fait pourtant aucun doute. Fustige un «énorme iceberg de désinformation». Et ne montre aucune empathie pour la souffrance des Rohingyas qui indiffère, il est vrai, une large part des Birmans. La conseillère d’Etat est en «cohabitation avec les militaires, seuls responsables des questions de sécurité, de frontière et de défense, rappelle un diplomate joint par Libération. Pour le pouvoir, cette crise s’inscrit dans un ensemble de phénomènes de violence, comme dans le nord et l’est du pays. Aung San Suu Kyi a nié l’ampleur de la violence contre les Rohingyas et a sous-estimé la réaction internationale et la banalisation du terme de génocide.» Pour ne rien arranger, elle brandit le droit pour valider l’emprisonnement de deux journalistes de Reuters condamnés après avoir révélé un massacre en 2017.

L’ex-madone est vilipendée pour ses reniements vis-à-vis des engagements qui ont légitimé son aura et consacré son intégrité sacrificielle. Des Nobel l’interpellent et en appellent à l’ONU. Desmond Tutu est sans doute le plus éloquent : «Si le prix politique de votre ascension à la plus haute fonction de la Birmanie est votre silence, il est sûrement trop cher payé.» Des chefs d’Etat et de gouvernement l’étrillent. Elle annule des visites à l’étranger par peur de manifestations. Ses anciens zélateurs se sentent trahis, appellent à sa démission. Dans une pétition, près de 350 000 personnes exigent que le prix Nobel lui soit repris. Impossible. Des villes, des institutions décrochent son portrait et lui retirent sa citoyenneté d’honneur ou son titre d’ambassadrice. Il y a deux ans, au micro de la BBC, Aung San Suu Kyi se campait en «politicienne» : «Je ne suis pas tout à fait comme Margaret Thatcher. Mais d’un autre côté, je ne suis pas non plus mère Teresa.»

A 74 ans, elle «reste populaire en Birmanie où les habitants parlent d’elle avec respect et attendent des résultats», conclut le diplomate. Elle a quitté son piédestal. Sa parole s’est raréfiée. Sur les clichés, le visage s’est creusé et fermé. La Lady de fer n’a pas désarmé. Plus «réelle» que jamais.

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17 août 2019

RELATIONS FRANCO-RUSSES - Entre Macron et Poutine, l’amorce d’un réchauffement

Le président français reçoit son homologue russe lundi 19 août à Brégançon, à cinq jours du sommet du G7, pour souligner l’importance d’un « dialogue franc » avec Moscou

Résidence estivale des chefs de l’Etat de la Ve République, le fort de Brégançon, dans le Var, est un cadre moins solennel que le palais de l’Elysée. Le choix de ce lieu pour une visite de travail de Vladimir Poutine, lundi 19 août en fin d’après-midi, vise une nouvelle fois à donner un caractère plus personnel à cette rencontre, la troisième après celle de Versailles en mai 2017 puis la visite d’Emmanuel Macron à Saint-Pétersbourg un an plus tard – sans compter les entretiens en marge de sommets du G20 à Osaka fin juin ou à Buenos Aires en décembre 2018.

La date choisie fait sens à cinq jours de l’ouverture à Biarritz, sous présidence française, du sommet du G7 réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement des principales puissances économiques démocratiques (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Canada, Japon). Le président français veut ainsi souligner l’importance de consultations sur les grands dossiers internationaux avec la Russie, sans pour autant la réintégrer dans cette instance dont elle avait été exclue en 2014 après l’annexion de la Crimée et son soutien aux rebelles de l’est de l’Ukraine.

Rien n’a jamais été simple dans les relations entre les deux présidents. Le contexte politique intérieur russe, avec le durcissement du régime face aux protestations de l’opposition contre l’exclusion de ses candidats pour l’élection à la mairie de Moscou, ne facilite pas les choses.

Pourtant, jamais autant qu’aujourd’hui leurs relations n’ont été aussi « indispensables », selon les mots de l’Elysée, sur fond de tensions croissantes entre Washington et Téhéran sur le programme nucléaire iranien et de reprise de l’offensive en Syrie par les forces de Bachar Al-Assad, appuyées par Moscou, contre Idlib, la dernière enclave de l’opposition. La désescalade en Ukraine sera un autre sujet majeur des discussions, alors que le nouveau président, Volodymyr Zelensky, appelle à reprendre les négociations avec Moscou sous le parrainage de Paris et Berlin afin de mettre fin au conflit dans le Donbass.

« Ce n’est pas un entretien, quel qu’il soit et quelle qu’en soit l’intensité, qui permet de régler des questions aussi compliquées que l’Iran, la Syrie ou l’Ukraine », reconnaît la présidence française, tout en insistant sur l’importance « d’un dialogue exigeant, franc, qui permette de mieux nous comprendre, de trouver des terrains d’entente et de converger sur l’essentiel ». Ce sont les euphémismes du langage diplomatique. La rencontre des deux chefs d’Etat risque d’être aussi vive que les précédentes. Elle devrait néanmoins poser de nouveaux jalons dans le processus de réchauffement Paris-Moscou amorcé depuis quelques mois.

« Double approche »

« Emmanuel Macron a l’espoir d’être celui qui fait bouger Poutine, même si ses tentatives précédentes n’ont pas forcément été concluantes, analyse Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales. A court terme, il a besoin de lui sur l’Iran. A long terme, il veut empêcher que la Russie ne dérive vers la Chine. C’est une double approche : diplomatique, qui passe nécessairement par Poutine ; géopolitique, qui inscrit la relation à la Russie dans la durée. Elle se fait en prenant le risque d’être à contretemps d’un régime qui a érigé son pragmatisme international en idéologie anti-occidentale. »

M. Gomart rappelle néanmoins que « la vraie difficulté va au-delà de la relation personnelle Macron-Poutine, car la Russie raisonne en termes de générations et que nous pensons en termes de quinquennat ». C’est un pari. Avec toutes ses inconnues, rappelées par ceux qui s’inquiètent de la caution donnée ainsi à l’homme fort du Kremlin. « Quel intérêt y a-t-il à introniser à nouveau un pays dont le but avoué est la destruction de l’ordre international et le ralliement de toute l’Europe à son régime militaro-policier ? », s’indignaient l’écrivaine Galia Ackerman et l’historienne Françoise Thom dans une tribune publiée dans Le Monde le 2 août.

Les tensions entre les Occidentaux et le Kremlin ont été récurrentes depuis l’annexion de la Crimée, avec notamment les menaces toujours plus explicites d’une Russie redevenue une actrice majeure sur la scène internationale, notamment au Moyen-Orient, après son intervention militaire en Syrie à l’automne 2015. Le PIB russe est équivalent à celui de l’Italie, mais l’homme fort du Kremlin sait intelligemment utiliser la force et surtout profiter des faiblesses des Occidentaux. Et ce d’autant plus qu’il se sait toujours plus incontournable.

« Il est absurde d’un point de vue stratégique d’avoir avec la Russie des rapports beaucoup plus stériles et conflictuels que ceux que nous avions avec l’URSS dans la dernière décennie de la guerre froide, relève l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine. L’URSS était pourtant beaucoup plus menaçante que la Russie d’aujourd’hui et s’ingérait encore plus, même si de façon plus fruste, dans la vie politique de pays occidentaux. » Et de souligner « qu’il faut tenter cette carte de relations plus réalistes avec Moscou avant que Donald Trump ne le fasse à sa façon ».

« Sortir de l’alignement »

L’ancien patron du Quai d’Orsay rappelle que « les torts sont partagés ». « Nous avons mal joué pendant le premier mandat de Poutine, qui affichait alors une certaine disponibilité vis-à-vis des Européens. L’élargissement de l’OTAN a été en outre très mal géré, car s’il était justifié pour les pays baltes, les gesticulations sur l’Ukraine ont rendu presque inévitable une réaction russe et l’annexion de la Crimée afin de conserver la grande base de Sébastopol », explique M. Védrine.

Le débat entre les tenants d’une diplomatie des valeurs et les adeptes du réalisme est récurrent notamment à propos de la Russie. « Nous voulons sortir de l’effet d’alignement et marquer un décalage. C’est la vocation de la diplomatie française », résume une source élyséenne, n’hésitant pas à parler « d’un certain retour gaullien », même si le contexte est très différent.

Depuis son élection, Emmanuel Macron s’est lancé dans un délicat exercice, montrant sa volonté de dialogue avec Moscou tout en rappelant les fondamentaux et en dénonçant les ingérences russes. Alors que la chancelière allemande, Angela Merkel, est politiquement affaiblie et que le Royaume-Uni se concentre sur le Brexit, le président français est – même si en partie par défaut – l’interlocuteur naturel au nom des Européens. Un rôle d’autant plus crucial que le président américain est toujours plus imprévisible. Emmanuel Macron « est le représentant d’un Occident collectif », résume un haut diplomate russe.

La première rencontre d’Emmanuel Macron, moins d’un mois après son élection, avec Vladimir Poutine s’est tenue à Versailles, fin mai 2017, à l’occasion d’une exposition célébrant les trois cents ans de la visite de Pierre Le Grand. « Ce tsar est le symbole de cette Russie qui veut s’ouvrir à l’Europe et en tirer tout ce qu’elle a de grand et de fort », déclara alors le président français, qui n’hésita pas lors de la conférence de presse commune à marteler aussi les choses qui fâchent sur la Syrie, les droits humains ou la manipulation des médias.

Mais M. Macron disait aussi ce que souhaitait entendre son hôte, en affirmant « accepter le rôle renforcé que se donne la Russie dans sa région ainsi qu’(…) au Moyen-Orient » et en évoquant « les incompréhensions, parfois les erreurs de ces vingt-cinq dernières années ». Poutine, lui, s’était abstenu de battre sa coulpe.

La différence d’attitude était encore plus frappante un an plus tard, lors du forum économique de Saint-Pétersbourg. Emmanuel Macron jouait la séduction, tutoyant le président russe et l’appelant « cher Vladimir ». Il citait Dostoïevski, Tolstoï et Soljenitsyne, insistant sur son souhait d’ancrer la Russie dans l’Europe. Face à lui, l’homme fort du Kremlin, courtois mais impassible, le vouvoyait. « Nous évoquons un dialogue dans la fermeté, mais celui-ci est resté sans effet côté russe, analyse Thomas Gomart. Vladimir Poutine est très goguenard vis-à-vis des dirigeants européens, y compris Emmanuel Macron, estimant avoir désormais le rapport de force en sa faveur. »

Quelque chose bouge néanmoins dans les relations entre Paris et Moscou. « Dans le dialogue entre les démocraties libérales et celles qui peuvent revendiquer de l’être moins, on peut construire beaucoup », lançait ainsi le président français à Osaka à son interlocuteur russe qui, dans une longue interview au Financial Times, avait clamé son rejet des valeurs de la démocratie libérale. Les signes d’un réchauffement sont nombreux. Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, s’est rendu au Havre le 24 juin, où il a rencontré son homologue Edouard Philippe. La France a, en outre, soutenu la réintégration de la Russie au Conseil de l’Europe, saluée par la presse du régime comme une « victoire » de Moscou.

« Des efforts à faire »

La vision macronienne se veut ambitieuse. « L’Europe dans cet ordre multilatéral que je défends a besoin de rebâtir une nouvelle grammaire de confiance et de sécurité avec la Russie et ne doit pas passer exclusivement par l’OTAN », expliquait le chef de l’Etat le 11 juin dans une interview à la Radio-Télévision suisse, déclarant vouloir « réenclencher une dynamique » avec la Russie et reprendre « un dialogue stratégique ».

M. Macron reconnaissait toutefois que la Russie avait encore « des efforts à faire ». En premier lieu sur l’Ukraine et la mise en œuvre des accords de Minsk, parrainés par Paris et Berlin en février 2015, instaurant un fragile cessez-le-feu entre Kiev et les rebelles. « Sans cela, pas de reformation du G8 », avec réintégration au G7 de la Russie, insiste l’Elysée.

La priorité à Brégançon reste le dossier iranien. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie est l’une des signataires de l’accord de juillet 2015 sur le programme nucléaire iranien. Elle est aussi son alliée. Emmanuel Macron voudrait que Vladimir Poutine presse à ses côtés le régime iranien pour qu’il renonce à enfreindre ses obligations, ce qui ouvrirait un espace pour une désescalade, voire une médiation entre Téhéran et Washington.

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Le fort de Brégançon, un théâtre diplomatique peu utilisé par les présidents

Olivier Faye

Deux hélicoptères se posent à proximité du fort de Brégançon (Var), avec à leur bord François Mitterrand et Helmut Kohl. Des badauds en slip de bain scrutent la scène avec des jumelles. Le 24 août 1985, le président de la République et le chancelier d’Allemagne de l’Ouest se retrouvent pour parler de sécurité. La guerre froide n’est pas finie. « La sécurité de l’un intéresse la sécurité de l’autre », lâche le Français d’un ton morne devant les caméras. Le cœur n’y est pas. Il est davantage préoccupé par l’affaire du Rainbow-Warrior, ce navire de l’ONG Greenpeace coulé par les services secrets français en juillet 1985. Son invité, lui aussi, a la tête ailleurs – il est inquiet de l’espionnage de son pays par l’Allemagne de l’Est. On a connu plus grandiose pour une première.

Avant 1985, la résidence présidentielle, lieu de vacances officiel des chefs de l’Etat depuis 1968, n’avait encore jamais accueilli de rendez-vous diplomatique. Il n’y en aura pas beaucoup d’autres. Cela rend d’autant plus particulière l’invitation en ces lieux lancée à Vladimir Poutine par Emmanuel Macron, lundi 19 août. Exigu, le fort n’est pas vraiment adapté aux grands raouts. Mais il abrite un hectare de jardin de superbe réputation qui, conjugué au soleil de la Méditerranée, offre des conditions idéales à une rencontre bilatérale au caractère informel.

Patrimoine national

Le 16 août 2004, Jacques Chirac avait utilisé cet environnement pour renouer les liens entre la France et l’Algérie. Les propos du président Abdelaziz Bouteflika, quelques semaines plus tôt, qualifiant les harkis de « collabos », avaient en effet jeté un froid.

D’abord invité à participer à la cérémonie du 60e anniversaire du débarquement allié en Provence, le chef de l’Etat algérien avait ensuite eu les honneurs d’un déjeuner long de quatre heures avec son homologue français à Brégançon. Le « climat », rapportait alors l’Elysée, y était « excellent » et l’ambiance « chaleureuse ». Ce qui n’a pas empêché les caméras d’être tenues à l’écart.

Quatre ans plus tard, en août 2008, le style se voulait bien différent : caméras partout, intimité nulle part. Nicolas Sarkozy recevait alors la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, pour évoquer le conflit géorgien. Le président français s’efforçait d’éviter la partition du pays et une invasion russe. Une fois les discussions achevées, il embarquait son invitée dans un bain de foule en toute décontraction, sans cravate.

Emmanuel Macron, qui a certes tombé la veste au moment de recevoir Theresa May à l’été 2018, ne s’était pas risqué au même exercice. La scène aurait pu être interprétée durement outre-Manche. Le chef de l’Etat était alors dépeint comme le dirigeant européen le plus hostile au nouveau plan sur le Brexit de la première ministre britannique…

Dans l’esprit du président français, le patrimoine national doit jouer un rôle diplomatique à part entière. Après la pompe du château de Versailles, en 2017, le chef de l’Etat donne aujourd’hui à voir à Vladimir Poutine l’intimité de ce lieu républicain. « C’est une visite de travail sur le lieu de travail du président de la République », relativise-t-on à l’Elysée, comme si la proximité des touristes qui bullent sur la Côte d’Azur pouvait laisser penser que l’heure est à la détente. Recevoir le maître du Kremlin en ces lieux représente néanmoins, à quelques jours du G7 de Biarritz – dont M. Poutine est exclu –, un moyen d’essayer de réchauffer les relations avec ce « grand voisin ».

« Brégançon est un symbole de la puissance de la France, a expliqué une proche du chef de l’Etat au journaliste Guillaume Daret, dans le livre Le Fort de Brégançon. Histoire, secrets et coulisses des vacances présidentielles (L’Observatoire, 2018). Or, Emmanuel Macron est très sensible à la dimension quasi psychologique des relations qu’il entretient avec ses homologues étrangers. » Il faut bien ça pour accueillir un ancien officier du KGB.

17 août 2019

Hongkong : les guerres commerciales et la crise politique signent la fin d’un âge d’or économique

Par Frédéric Lemaître, Hongkong, envoyé spécial

Le ralentissement, qui avait débuté avant le mouvement de protestation, s’aggrave. Et une éventuelle remise en cause du statut de la ville par Pékin pourrait déstabiliser son modèle de développement.

A l’image de Hongkong, la compagnie aérienne Cathay Pacific s’enfonce dans la crise et la Chine en est la première responsable. C’est en effet la télévision publique chinoise CCTV qui a révélé, vendredi 16 août, la « démission » de Rupert Hogg, le patron du transporteur. Du jamais vu à Hongkong, quatrième Bourse mondiale, dont Cathay est l’une des valeurs vedettes même si Air China détient 29,9 % de son capital.

Ecartelé entre une bonne partie de ses 27 000 salariés qui soutiennent voire participent aux protestations anti-Pékin et un gouvernement chinois qui veut interdire à ces mêmes salariés de poser un pied en Chine voire de survoler son territoire, le patron de Cathay Pacific a officiellement jeté l’éponge. A moins que Pékin ne l’ait jugé trop complaisant avec les grévistes et ait voulu envoyer un message aux milieux d’affaires.

Son successeur, Augustus Tang, 60 ans, un vétéran du principal actionnaire, le groupe Swire, aura la tache d’autant moins facile que Hongkong est peut-être en train d’entrer en récession. Au deuxième trimestre, la croissance n’a été que de 0,5 % sur un an mais elle a reculé de 0,4 % par rapport au trimestre précédent, a-t-on appris vendredi. Si elle recule encore au troisième trimestre, le territoire sera techniquement en récession. Jeudi, le gouvernement a révisé ses prévisions à la baisse, estimant que la croissance devrait être comprise entre 0 % et 1 % en 2019. Le pire chiffre depuis dix ans.

Vendredi 9 août, Carrie Lam, la chef de l’exécutif local, avait en grande partie attribué les difficultés actuelles aux manifestations, parfois violentes, qui secouent la ville depuis le 9 juin. A tort. « La croissance ne cesse de se réduire depuis le premier trimestre de 2018 », a reconnu, jeudi 15 août, Paul Chan, le secrétaire aux finances. En 2018, elle avait été de 3 % : la chute est donc brutale.

Chute des importations et des exportations

Cette ville de 7,4 millions d’habitants souffre essentiellement de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, du ralentissement chinois et, tout récemment, de la chute du yuan. Comment pourrait-il en être autrement ? Avant même la rétrocession de Hongkong à Pékin, en 1997, les Etats-Unis avaient accepté qu’elle continue de bénéficier d’un traitement économique différent de celui de la Chine.

Hongkong dispose de sa propre monnaie (le HK dollar), de son propre système juridique hérité de la « rule of law » (Etat de droit) britannique et est membre à part entière de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En raison de cette autonomie, la hausse des droits de douane imposée par le président américain Donald Trump aux produits chinois ne concerne pas Hongkong.

Néanmoins, la réduction des échanges entre les deux principales puissances mondiales l’affecte de plein fouet. Au deuxième trimestre, les importations ont chuté de 7 % et les exportations de 5,4 %. Un phénomène qui semble s’accélérer. En juin, les exportations ont baissé de 9 % par rapport au même mois de 2018.

La récente chute du yuan chinois ne fait pas non plus l’affaire de Hongkong dont la monnaie est liée au billet vert. Depuis 1983, 1 dollar des Etats-Unis vaut 7,8 HK dollars. Résultat : quand le yuan baisse, les touristes de Chine continentale souffrent. Or, sur les 65 millions de visiteurs qui ont admiré, en 2018, l’une des plus belles baies du monde, 51 millions sont venus de Chine.

Les chefs d’entreprise sommés de choisir leur camp

Evidemment, les manifestations désormais relayées voire amplifiées par les médias communistes ne peuvent qu’inciter les Chinois à aller dépenser leurs yuans ailleurs. Le nombre de touristes chinois en groupe était en hausse de 34 % au premier semestre. En juillet, elle n’était plus que de 1,6 % et, durant la première semaine d’août, la baisse a atteint 40 % par rapport au même mois de 2018.

Tous les secteurs sont concernés. Les commerces et le transport aérien bien sûr mais aussi, par exemple, l’assurance. Nombre de Chinois achètent en effet des assurances-vie ou souscrivent des contrats d’assurance-santé ou de retraite à Hongkong. Ainsi, en 2016, année record, ces contrats y représentaient 39 % du marché de l’assurance aux particuliers. Aujourd’hui, les 90 000 courtiers du territoire attendent le client et font grise mine.

Ils ne sont pas les seuls. Le quotidien South China Morning Post raconte qu’en ces temps agités, CK Assets, un des principaux promoteurs immobiliers de Hongkong, a préféré reporter à des jours meilleurs la vente de plus d’une centaine d’appartements de luxe (d’une valeur d’environ 14 millions d’euros chacun). « Nous aurons des difficultés à les vendre en ce moment », reconnaît le directeur général Justin Chiu, expliquant ce report par la guerre commerciale et les manifestations en ville.

Autre souci lié au mouvement anti-Pékin : les chefs d’entreprise sont sommés de choisir leur camp. Le 7 août, les milieux d’affaires de Hongkong ont été « invités » par le gouvernement chinois à soutenir sans réserve la chef de l’exécutif Carrie Lam. Pourtant, au départ, nombre d’entre eux étaient hostiles au projet de loi d’extradition vers la Chine et donc favorables aux manifestants.

Le « un pays, deux systèmes » vole en éclats

Mais le vent a tourné, et désormais les chefs d’entreprise ont intérêt à faire allégeance à Pékin s’ils ne veulent pas connaître le sort du désormais ex-patron de Cathay Pacific. Le problème est que ni leurs salariés ni les manifestants ne l’entendent de cette oreille. Sur les réseaux sociaux, des applications appellent au boycott d’entreprises « pro-Pékin ».

Du café du coin à Disney, chacun est concerné. Dernière victime en date : la star de la nouvelle version de Mulan, Liu Yifei, une Américaine d’origine chinoise qui soutient la police. A l’inverse, Versace, Gucci et Coach dont des inscriptions sur des t-shirts laissaient entendre que Hongkong, Macao et Taïwan n’étaient pas des territoires chinois, se sont fait rappeler à l’ordre par Pékin.

A court terme, les difficultés de Hongkong ne sont pas tragiques. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant (48 000 dollars) reste l’un des plus élevés au monde. Il dépasse très largement celui de la Chine (9 600 dollars) mais aussi celui du Royaume-Uni (42 000 dollars). De plus, les caisses sont pleines. La dette publique est quasi-nulle et les excédents budgétaires cumulés s’élèvent à plus de 120 milliards d’euros, soit 40 % du PIB. Le gouvernement local n’aura donc aucun mal à financer le plan de soutien aux PME, aux ménages modestes et aux étudiants de 19,1 milliards de HK dollars (2,19 milliards d’euros), qu’il a annoncé jeudi.

Mais si environ 1 500 multinationales ont décidé d’y implanter leur filiale Asie, c’est justement parce que Hongkong offre un accès privilégié au marché chinois sans les inconvénients de celui-ci. Or ce principe « un pays, deux systèmes » qui devait rester en vigueur jusqu’en 2047 est en train de voler en éclats.

Que l’armée ou la police chinoise intervienne ou pas, Pékin veut reprendre Hongkong en mains. Au-delà de Cathay Pacific, c’est donc bel et bien toute la place financière qui entre dans une zone de turbulences.

16 août 2019

Hong Kong. Les protagonistes de la crise

Article de Jean-Michel Signor

Alors que l’intervention des troupes chinoises semblait imminente, le mouvement de contestation à Hong Kong ressemblait, jeudi, à un imbroglio politique dans lequel émergent cinq protagonistes.

1. Carrie Lam au cœur des tensions.Cheffe de l’exécutif de Hong Kong depuis 2017, Carrie Lam, 62 ans, cristallise toutes les tensions. C’est elle qui est à l’origine du projet de loi d’extradition qui a mis le feu aux poudres. Très décrié, ce texte prévoyait l’extradition des justiciables hongkongais vers la Chine continentale. Un projet jugé liberticide et menaçant l’indépendance judiciaire de l’ex-colonie britannique. Après la suspension du projet de loi sous la pression des manifestants, Carrie Lam s’est arc-boutée dans une position inflexible, refusant toute « concession » politique aux manifestants.

Catholique pratiquante et conservatrice, cette bosseuse déterminée et efficace a le soutien de Pékin. Mais ses origines modestes et son éducation à la dure ne l’ont pas rapprochée des Hongkongais qui espéraient beaucoup d’elle. Au contraire, elle n’a de cesse de multiplier des déclarations alarmistes. S’exprimant après une réunion avec les milieux d’affaires, la dirigeante a récemment indiqué que l’impact économique du mouvement social pourrait être pire que celui de l’épidémie du Syndrome respiratoire aigu (SRAS) de 2003. Les manifestants hongkongais demandent désormais sa démission et veulent que son successeur soit élu au suffrage universel direct, et non désigné par Pékin, comme c’est le cas actuellement.

2. Xu Luying, chantre de la fermeté.

Avec son homologue Yang Guang, Xu Luying illustre les indéfectibles relais politiques et bureaucratiques sur lesquels s’appuient les autorités chinoises dans le territoire semi-autonome de Hong Kong. La porte-parole du bureau des affaires de Hong Kong et de Macao à Pékin - l’agence gouvernementale chinoise chargée de ces territoires - multiplie depuis des semaines les déclarations martiales, évoquant la « colère extrême » de la Chine et comparant les manifestations à de « quasi-actes de terrorisme ». « Les manifestants radicaux ont franchi le seuil de la loi, de la morale et de l’humanité », a-t-elle déclaré. « Ceux qui jouent avec le feu périront par le feu », avait averti, quelques jours plus tôt, Yang Guang, au lendemain d’une grève générale.

3. Xi Jinping en coulisses.

Totalement silencieux depuis la crise, Xi Jinping se garde bien de faire apparaître au grand jour la mainmise de Pékin sur ce dossier ultra-sensible. Le président chinois est pourtant omnipotent dans les affaires de Hong Kong, mais il préfère laisser Carrie Lam, la cheffe de l’Exécutif, occuper le devant de la scène. Tel un filet de sécurité, cette « prise de distance tactique » avec les événements lui permet de rester en retrait et de dissimuler l’inflexibilité de Pékin. De plus, cette agitation politique ne pouvait pas plus mal tomber pour le régime chinois, au lendemain du 30e anniversaire de la répression sanglante de Tienanmen et à la veille des célébrations des 70 ans de la fondation de la République populaire de Chine.

4. Donald Trump tonitruant.

À l’inverse du président chinois, Donald Trump s’invite sans scrupules dans le dossier hongkongais. Dans une nouvelle salve de tweets déroutants, le président américain a soufflé le chaud et le froid, mêlant deux dossiers déjà brûlants : le diplomatique (la crise à Hong Kong) et l’économique (les négociations commerciales). « En Chine, des millions d’emplois disparaissent pour aller dans des pays qui ne sont pas sujets aux taxes douanières. Des milliers d’entreprises quittent le pays. Bien sûr que la Chine veut passer un accord commercial. Qu’ils travaillent avec humanité avec Hong Kong d’abord ! », a-t-il mis en garde. Mais dans un autre tweet à la tonalité plus apaisée, il suggère que le dirigeant chinois rencontre « en personne » les contestataires. Coup de com’ ou coup de bluff d’un président en campagne électorale ?

5. Joshua Wong, visage de la contestation.

Figure de proue de la révolution des parapluies en 2014, le leader étudiant Joshua Wong est l’un des visages de la contestation des jeunes Hongkongais. Arrêté et condamné à plusieurs reprises, ce militant de la première heure (dès ses 14 ans) fait preuve d’un aplomb qui galvanise les manifestants et déroute les autorités. « Ici, le gouvernement sert simplement les intérêts de Pékin », déplore-t-il en évoquant l’accord sur le statut de région semi-autonome de l’île, lors de la rétrocession de 1997. « Le principe "un État, deux systèmes" n’est pas respecté, dénonce-t-il. Pour le moment, nous avons un État et un système et demi ». Coutumier des déclarations chocs, il n’a pas hésité à comparer la répression des manifestants à la Shoah. Une manœuvre grossière pour provoquer une réaction des chancelleries occidentales. En vain.

15 août 2019

Crise à Hong Kong: Pékin dénonce des actes «quasi-terroristes», Trump interpelle Xi

DIPLOMATIE Le président américain a suggéré une rencontre avec son homologue chinois

Alors que la rhétorique de Pékin s’envenime, Donald Trump tente, dans son style, de jouer l’apaisement. La Chine a dénoncé mercredi des agressions « quasi-terroristes » contre ses ressortissants durant des affrontements la veille à Hong Kong, une nouvelle escalade dans une crise que Xi Jinping « peut résoudre avec humanité », a affirmé Donald Trump.

Le président américain, dans un style tranchant avec celui de son administration qui s’était dite « très préoccupée » par « les mouvements paramilitaires chinois » à la frontière avec Hong Kong, a également proposé une rencontre avec son homologue chinois. « Je n’ai aucun doute que si le président Xi veut résoudre rapidement et avec humanité le problème à Hong Kong, il peut le faire », a estimé, sur Twitter le locataire de la Maison Blanche avant d’ajouter : « Rencontre en personne ? », semblant s’adresser directement au dirigeant chinois.

Pression américaine

Aux Etats-Unis, les critiques se sont multipliées contre le dirigeant républicain pour son apparente bienveillance à l’égard de Pékin, avec qui Washington est impliqué dans d’importantes – et ardues – négociations commerciales. Plus tôt dans la journée, un porte-parole de la diplomatie américaine avait appelé Pékin à « respecter le haut degré d’autonomie » de l’ex-colonie britannique.

« Les Etats-Unis exhortent fermement Pékin à respecter ses engagements contenus dans la déclaration conjointe sino-britannique afin de permettre à Hong Kong d’exercer un haut degré d’autonomie », a-t-il indiqué dans une déclaration transmise à l’AFP. La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, s’est dite elle aussi mercredi « profondément attachée au respect intégral » des garanties apportées par ce statut d’autonomie de Hong Kong.

« Actes quasi-terroristes »

Ces déclarations interviennent après que la Chine eut haussé d’un cran ses mises en garde après les incidents de la veille : « Nous condamnons avec la plus grande fermeté ces actes quasi-terroristes », avait déclaré dans un communiqué Xu Luying, porte-parole du Bureau des affaires de Hong Kong et de Macao du gouvernement chinois.

Mardi, deux Chinois du continent ont été passés à tabac au cinquième jour d’une mobilisation sans précédent à l’aéroport de Hong Kong, où le trafic a été particulièrement perturbé lundi et mardi. C’est la deuxième fois cette semaine que la Chine cherche à assimiler les manifestations à du « terrorisme », avec des avertissements de plus en plus inquiétants qui font craindre une répression militaire alors que le mouvement en est à sa dixième semaine.

kong321

Hong Kong. Des forces chinoises rassemblées près du territoire (AFP)

Un rassemblement de forces chinoises a été constaté, ce jeudi matin, dans un stade situé aux portes de Hong Kong.

Des forces chinoises, appartenant apparemment à la police militaire, étaient rassemblées ce jeudi dans un stade de Shenzhen, la métropole située aux portes du territoire autonome de Hong Kong, a constaté un journaliste de l’AFP.

Les hommes rassemblés étaient entourés de camions et de blindés de transport de troupes. Le journaliste de l’AFP a vu les hommes défiler en rangs serrés et s’entraîner à la course à pied, alors que d’autres circulaient à moto à l’extérieur du stade, situé à moins de 7 km de la frontière hongkongaise. La raison de leur présence au stade n’était pas connue.

Menaces accrues de Pékin

Après deux mois de manifestations à Hong Kong en faveur de la démocratie, Pékin a laissé planer ces derniers jours le spectre d’une intervention pour rétablir l’ordre dans l’ex-colonie britannique. Des vidéos de convois militaires se dirigeant vers Shenzhen ont été diffusées par les médias d’Etat.

Alors que certaines manifestations ont pris un tour violent, le régime communiste a accusé mercredi des contestataires honkgongais de commettre des actes « quasi-terroristes ».

Hong Kong a été restitué à la Chine en 1997 mais le territoire de 7 millions d’habitants conserve un statut spécial, avec un gouvernement en principe autonome et une monnaie différente du yuan chinois.

L’armée chinoise, qui dispose d’une garnison de plusieurs milliers d’hommes à Hong Kong, n’est pas censée se mêler des affaires du territoire mais elle peut être amenée à le faire sur demande des autorités locales.

15 août 2019

Crise à Hong Kong: Pékin dénonce des actes «quasi-terroristes», Trump interpelle Xi

DIPLOMATIE Le président américain a suggéré une rencontre avec son homologue chinois

Alors que la rhétorique de Pékin s’envenime, Donald Trump tente, dans son style, de jouer l’apaisement. La Chine a dénoncé mercredi des agressions « quasi-terroristes » contre ses ressortissants durant des affrontements la veille à Hong Kong, une nouvelle escalade dans une crise que Xi Jinping « peut résoudre avec humanité », a affirmé Donald Trump.

Le président américain, dans un style tranchant avec celui de son administration qui s’était dite « très préoccupée » par « les mouvements paramilitaires chinois » à la frontière avec Hong Kong, a également proposé une rencontre avec son homologue chinois. « Je n’ai aucun doute que si le président Xi veut résoudre rapidement et avec humanité le problème à Hong Kong, il peut le faire », a estimé, sur Twitter le locataire de la Maison Blanche avant d’ajouter : « Rencontre en personne ? », semblant s’adresser directement au dirigeant chinois.

Pression américaine

Aux Etats-Unis, les critiques se sont multipliées contre le dirigeant républicain pour son apparente bienveillance à l’égard de Pékin, avec qui Washington est impliqué dans d’importantes – et ardues – négociations commerciales. Plus tôt dans la journée, un porte-parole de la diplomatie américaine avait appelé Pékin à « respecter le haut degré d’autonomie » de l’ex-colonie britannique.

« Les Etats-Unis exhortent fermement Pékin à respecter ses engagements contenus dans la déclaration conjointe sino-britannique afin de permettre à Hong Kong d’exercer un haut degré d’autonomie », a-t-il indiqué dans une déclaration transmise à l’AFP. La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, s’est dite elle aussi mercredi « profondément attachée au respect intégral » des garanties apportées par ce statut d’autonomie de Hong Kong.

« Actes quasi-terroristes »

Ces déclarations interviennent après que la Chine eut haussé d’un cran ses mises en garde après les incidents de la veille : « Nous condamnons avec la plus grande fermeté ces actes quasi-terroristes », avait déclaré dans un communiqué Xu Luying, porte-parole du Bureau des affaires de Hong Kong et de Macao du gouvernement chinois.

Mardi, deux Chinois du continent ont été passés à tabac au cinquième jour d’une mobilisation sans précédent à l’aéroport de Hong Kong, où le trafic a été particulièrement perturbé lundi et mardi. C’est la deuxième fois cette semaine que la Chine cherche à assimiler les manifestations à du « terrorisme », avec des avertissements de plus en plus inquiétants qui font craindre une répression militaire alors que le mouvement en est à sa dixième semaine.

kong321

Hong Kong. Des forces chinoises rassemblées près du territoire (AFP)

Un rassemblement de forces chinoises a été constaté, ce jeudi matin, dans un stade situé aux portes de Hong Kong.

Des forces chinoises, appartenant apparemment à la police militaire, étaient rassemblées ce jeudi dans un stade de Shenzhen, la métropole située aux portes du territoire autonome de Hong Kong, a constaté un journaliste de l’AFP.

Les hommes rassemblés étaient entourés de camions et de blindés de transport de troupes. Le journaliste de l’AFP a vu les hommes défiler en rangs serrés et s’entraîner à la course à pied, alors que d’autres circulaient à moto à l’extérieur du stade, situé à moins de 7 km de la frontière hongkongaise. La raison de leur présence au stade n’était pas connue.

Menaces accrues de Pékin

Après deux mois de manifestations à Hong Kong en faveur de la démocratie, Pékin a laissé planer ces derniers jours le spectre d’une intervention pour rétablir l’ordre dans l’ex-colonie britannique. Des vidéos de convois militaires se dirigeant vers Shenzhen ont été diffusées par les médias d’Etat.

Alors que certaines manifestations ont pris un tour violent, le régime communiste a accusé mercredi des contestataires honkgongais de commettre des actes « quasi-terroristes ».

Hong Kong a été restitué à la Chine en 1997 mais le territoire de 7 millions d’habitants conserve un statut spécial, avec un gouvernement en principe autonome et une monnaie différente du yuan chinois.

L’armée chinoise, qui dispose d’une garnison de plusieurs milliers d’hommes à Hong Kong, n’est pas censée se mêler des affaires du territoire mais elle peut être amenée à le faire sur demande des autorités locales.

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