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Jours tranquilles à Paris
carlos ghosn
31 janvier 2019

Ghosn livre les détails du projet qui aurait provoqué sa chute

Par  Hayat Gazzane

Dans une interview aux Échos, l'homme d'affaires explique que ce projet, qui visait à intégrer Renault, Nissan et Mitsubishi, suscitait de fortes réticences chez Nissan. Pour l'éviter, le constructeur japonais lui aurait tendu un «piège» qui l'a conduit en prison.

C'est bien le projet d'intégration de Renault, Nissan et Mitsubishi qui a conduit à sa perte. Carlos Ghosn l'affirme avec certitude dans un entretien accordé cette fois aux Échos . Lors de ce tête-à-tête de quinze minutes, le patron de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi a expliqué qu'il y avait «beaucoup d'opposition et d'anxiété» autour de ce projet qui visait à intégrer les trois entreprises. Carlos Ghosn travaillait dessus depuis la fin de l'année 2017. «J'avais dit à Hiroto Saikawa [le directeur général de Nissan] que si je décidais de faire un autre mandat à la tête de l'Alliance, nous allions devoir travailler beaucoup plus sur l'intégration. (…) L'objectif était clair, mais il y avait des résistances dès le départ», explique-t-il.

Concrètement, le projet de Carlos Ghosn visait à «garantir la stabilité de l'Alliance» en créant «un holding qui aurait contrôlé les trois entités et possédé la totalité des actions des groupes», détaille le dirigeant. «Mais ce système devait être basé sur les performances solides de chaque entreprise». Or Nissan n'était pas au mieux de sa forme. «La performance de Nissan a baissé durant les deux dernières années. Si vous regardez les résultats et les forces de Nissan, Mitsubishi et Renault, vous voyez bien qu'il y a un problème», ajoute-t-il. De là à inciter Hiroto Saikawa à le faire chuter? «Il n'y a aucun doute là-dessus. C'est une affaire de trahison», affirme Carlos Ghosn, comme il l'avait déjà fait dans un entretien au journal japonais Nikkei , la veille.

L'ex-patron de Renault confirme que Hiroto Saikawa, qui a fait éclater «l'affaire Carlos Ghosn» en novembre, était sur la sellette («quand la performance d'une entreprise baisse, aucun PDG n'est immunisé contre un limogeage»). Le patron japonais aurait donc pris la tête d'une «armée» destinée à le faire tomber avant qu'il ne mène à bien son projet. «Chez Nissan, les gens qui sont au cœur des accusations sont aussi ceux qui font l'enquête. Ce sont des personnes qui étaient très profondément impliquées dans les affaires légales de Nissan. C'est tout de même très surprenant», explique Carlos Ghosn.

«Je suis fort, mais je suis fatigué de tout ça»

Carlos Ghosn

Revenant sur les accusations dont il fait l'objet, l'ex-dirigeant nie toujours en bloc. «On m'accuse de ne pas avoir déclaré des revenus que je n'ai jamais reçus», ironise-t-il. Et pour les 14 millions d'euros versés à l'homme d'affaires saoudien Khaled Al-Juffali ? «Tout le monde sait qu'il nous a beaucoup aidés dans la région et en Arabie Saoudite à l'époque», explique-t-il, ajoutant que «les paiements qui lui ont été faits ont été signés par quatre cadres de Nissan». Au final, tout n'est que «fausses accusations» destinées à «détruire sa réputation». D'ailleurs, son choix de quitter la présidence de Renault ne doit pas être interprété comme un aveu, prévient-il. «On ne pouvait pas maintenir Renault dans une situation où la gouvernance était temporaire (…) Mais j'aurais ardemment souhaité avoir l'occasion de m'expliquer devant le conseil d'administration».

Carlos Ghosn déplore le fait d'être puni avant d'être déclaré coupable. Il estime ne pas pouvoir mener sa défense dans de bonnes conditions. «Chez Nissan, il y a plusieurs centaines de personnes dédiées à l'affaire. Au bureau du procureur, ils sont 70 à travailler sur le cas. Moi, je suis en prison depuis 70 jours sans avoir accès à un téléphone ou à un ordinateur», critique-t-il, écorchant au passage le système judiciaire japonais. «Ça n'arriverait dans aucune autre démocratie du monde», regrette-t-il. Carlos Ghosn pointe du doigt ses conditions de détention difficile, avec une lampe constamment allumée, même la nuit, l'interdiction de porter une montre ou de parler à ses enfants au téléphone. Il espère toujours obtenir une libération sous caution. «Je suis fort, mais je suis fatigué de tout ça», concède-t-il.

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24 janvier 2019

Renault. Jour J pour la succession de Carlos Ghosn

carlos

Il a pris les devants. Carlos Ghosn a démissionné de la présidence de Renault dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 janvier. Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances, l'a déclaré dans une interview à Bloomberg (en anglais) en marge du Forum économique mondial de Davos, et à l'AFP. "Désormais il est temps de mettre en place une nouvelle gouvernance parce que le plus important aujourd'hui, c'est de préparer le futur de Renault et de l'alliance" avec Nissan, a précisé le ministre sur Bloomberg.

Ces déclarations interviennent à quelques heures d'un conseil d'administration du groupe au losange pour définir la succession de son PDG, incarcéré depuis deux mois au Japon pour des malversations financières présumée.

Le tribunal de Tokyo a rejeté, mardi, une nouvelle demande de libération sous caution de Carlos Ghosn. Il s'est justifié en faisant valoir un risque de dissimulation ou de destruction de preuves et de fuite. Les procureurs ont argué auprès du juge qu'étant le plus souvent à l'étranger, l'ancien dirigeant pourrait être tenté de se soustraire à la justice japonaise.

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C'est la fin de 14 ans de règne chez Renault. Jeudi 24 janvier, en fin de matinée Carlos Ghosn ne sera officiellement plus PDG. Sauf coup de théâtre, le conseil d'administration du constructeur automobile français devrait choisir une gouvernance bicéphale avec comme président, l'actuel patron de Michelin, Jean-Dominique Senard, épaulé par Thierry Bolloré comme directeur général. Le conseil d'administration doit aussi se pencher sur les indemnités de départ de Carlos Ghosn, qui pourrait atteindre avec plusieurs millions d'euros.

Plusieurs types d'indemnités en plus du salaire

Carlos Ghosn aura droit quoiqu'il arrive à son salaire fixe au titre de l'année 2018, soit un million d'euros. Pour la part variable, c'est plus discutable car elle est indexée sur sa présence au sein de l'entreprise alors que le PDG de Renault est emprisonné au Japon depuis la mi-novembre.

Il y a aussi une indemnité de non-concurrence pour que Carlos Ghosn n'aille pas offrir ses services ailleurs quand il sort de prison. Elle peut monter à quatre millions d'euros. Carlos Ghosn va fêter ses 65 ans début mars et pourra alors faire valoir ses droits à la retraite. Sa retraite chapeau est de l'ordre de 800 000 euros par an. Et il n'y a pas de raison pour que le conseil d'administration lui refuse,selon Loïc Dessaint du cabinet Proxinvest qui conseille les actionnaires dont ceux de Renault.

Renault pourrait tenter de faire baisser la note

Pour le cabinet Proxinvest en revanche, le conseil d'administration devra se montrer extrêmement ferme sur les actions promises à Carlos Ghosn. "Se posera une question importante pour le conseil d'administration de Renault sur les actions gratuites qu'il aurait dû avoir sous condition de présence", explique Loic Dessaint.

17 janvier 2019

Renault : l’Etat français lâche Carlos Ghosn et cherche son successeur

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Alors que la détention du PDG au Japon pourrait durer plusieurs mois, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est prononcé sur LCI pour une « nouvelle gouvernance ».

L’Etat français a officiellement lâché le PDG de Renault, Carlos Ghosn, mercredi 16 janvier, deux mois après son arrestation, et demandé la nomination d’un successeur dans les prochains jours pour prendre la tête du constructeur automobile.

Détenu au Japon depuis le 19 novembre 2018, Carlos Ghosn va ainsi perdre son dernier titre, celui de PDG de Renault, Nissan et Mitsubishi l’ayant déjà révoqué du poste de président de leur conseil d’administration dès la fin novembre.

« J’ai toujours indiqué, en rappelant la présomption d’innocence de Carlos Ghosn, que s’il devait être durablement empêché, nous devrions passer à une nouvelle étape. Nous y sommes », a déclaré le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, sur LCI.

Le conseil d’administration convoqué prochainement

« Dans cette nouvelle étape, nous avons besoin maintenant d’une nouvelle gouvernance pérenne pour Renault », a-t-il ajouté. « J’ai demandé explicitement, comme actionnaire de référence, que le conseil d’administration [de l’entreprise] soit convoqué dans les prochains jours », a-t-il aussi indiqué.

« Nous souhaitons que ce conseil d’administration désigne une nouvelle gouvernance pérenne pour Renault », a souligné M. Le Maire. Alors qu’on lui demandait si cela signifiait que M. Ghosn allait être remplacé, il a répondu : « Tout à fait. »

Interrogé sur l’éventuelle candidature de Jean-Dominique Sénard, le président sortant de Michelin dont le nom circule comme possible président non exécutif de Renault, M. Le Maire en a loué les qualités sans se prononcer pour autant.

« C’est un grand industriel, un homme qui a une conception sociale de l’entreprise et qui l’a démontré à plusieurs reprises », a-t-il déclaré, soulignant qu’il était aussi « un spécialiste du secteur automobile ».

Il a toutefois souligné que « l’Etat se prononcera sur la base des candidats qui lui seront soumis comme actionnaire de référence ».

Une direction bicéphale ?

Scénario le plus souvent évoqué – la direction de Renault pourrait être scindée en deux, avec un président du conseil d’administration d’un côté et un directeur général exécutif de l’autre –, le nom de Thierry Bolloré, nommé il y a un an adjoint de Carlos Ghosn, revient le plus souvent pour ce dernier poste.

L’Etat français est le premier actionnaire de Renault, avec 15,01 % du capital. Nissan en détient 15 %, mais sans droits de vote en assemblée générale. Renault contrôle pour sa part 43 % de Nissan, une société que le groupe a sauvé de la faillite il y a près de vingt ans.

Nissan possède par ailleurs 34 % de Mitsubishi Motors, dernier venu dans l’alliance née en 1999.

Dans ce contexte chahuté, plusieurs émissaires du gouvernement français dépêchés à Tokyo se sont entretenus mercredi avec des protagonistes du dossier Renault-Nissan.

Carlos Ghosn, mis en examen notamment pour « abus de confiance », a vu sa demande de libération sous caution de nouveau rejetée mardi. Son avocat a fait appel de ce refus mais M. Ghosn pourrait rester des mois en prison, ce qui rendait difficile son maintien à la tête de Renault dont il est toujours PDG.

8 janvier 2019

Carlos Ghosn, en audience publique pour la première fois, se dit « faussement accusé »

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Le PDG de Renault, arrêté pour des malversations financières présumées mi-novembre 2018, a comparu mardi, à sa demande, devant un juge de Tokyo.

L’ancien président du constructeur automobile japonais Nissan – et toujours PDG de Renault – Carlos Ghosn, a comparu, mardi 8 janvier, devant un tribunal de Tokyo, prêt à livrer sa version des faits sur les accusations de malversations financières dont il fait l’objet.

Le magnat de l’automobile de 64 ans, qui connaît une chute brutale après être devenu un personnage tout-puissant, s’est défendu d’une voie claire et forte, sans montrer d’émotion, au cours d’une audience qui a attiré les médias du monde entier et de nombreux curieux.

Vêtu d’un costume sombre, l’homme d’affaires a semblé amaigri. Il est arrivé menotté avec une corde nouée autour de la taille. L’audience, convoquée à la demande du prévenu, a débuté à 10 h 30 locales (2 h 30, heure de Paris). Elle a duré quasiment deux heures.

La procédure est rare, seuls 0,6 % des détenus ont fait une telle requête en 2017. Elle n’avait quasiment aucune chance de changer le cours des choses, mais la portée symbolique est forte pour M. Ghosn, qui avait là une occasion de rompre le silence médiatique dans lequel il est muré depuis plusieurs semaines.

Risques de fuite à l’étranger

« J’ai été faussement accusé et placé en détention sur la base d’accusations sans fondement », a-t-il déclaré lors de l’audience, selon une allocution préparée à l’avance que l’agence Reuters a pu consulter.

S’exprimant en anglais, M. Ghosn a rappelé avoir dédié « deux décennies de sa vie à relever Nissan et bâtir l’alliance », une entreprise qu’il dit aimer. Le dirigeant franco-libano-brésilien affirme « avoir agi avec honneur, légalement et avec la connaissance et l’approbation des dirigeants de la compagnie ».

Il a assuré n’avoir nullement fait couvrir des pertes personnelles à Nissan et a détaillé les transactions pour lesquelles il est accusé d’abus de confiance, assurant que les sommes versées par une filiale du groupe automobile à un homme d’affaires saoudien l’ont été en rétribution de services rendus pour aider le groupe dans la région du Golfe.

Le juge a justifié de son côté son maintien en détention par un risque de fuite à l’étranger « où il a des bases » et d’altération de preuves. « Il y a suffisamment d’éléments pour estimer que le suspect pourrait inciter des personnes concernées à dissimuler des infractions », a argué le magistrat Yuichi Tada.

Première apparition publique

Dès les premières heures de la matinée, une longue queue s’était formée devant le tribunal. Plus d’un millier de personnes ont patienté dans le froid pour tenter de décrocher une des rares places : seulement quatorze tickets ont été alloués par tirage au sort à des membres du public, pour assister à la comparution du célèbre accusé.

L’ambassadeur de France au Japon, Laurent Pic, était présent « dans le cadre de la protection consulaire », selon un porte-parole de l’ambassade. Tout comme celui du Liban et le consul du Brésil, d’après la chaîne de télévision publique NHK.

Carlos Ghosn, qui est toujours PDG de Renault et de l’alliance Renault-Nissan, effectuait sa première apparition publique depuis son incarcération, le 19 novembre 2018, pour des accusations de malversations financières chez Nissan.

Le tribunal du district de Tokyo avait décidé, le 31 décembre, de prolonger de dix jours la détention de l’homme d’affaires, également accusé d’abus de confiance aggravé. Après des espoirs déçus de libération en décembre, M. Ghosn arrive vendredi au bout de sa troisième garde à vue, mais il peut rester en prison dans l’attente de son procès ou même être arrêté sur de nouvelles charges.

Son équipe d’avocats, menée par un ancien procureur, Motonari Otsuru a prévu de tenir une conférence de presse mardi après-midi. Ils sont arrivés un peu plus d’une heure avant le début de l’audience, en taxi.

De son côté, Nissan a déclaré, mardi, qu’une enquête interne avait permis de mettre au jour des preuves substantielles et convaincantes de fautes commises par son ancien président. Le constructeur automobile japonais a fait cette annonce dans la foulée de la première apparition publique de M. Ghosn.

6 janvier 2019

Carlos Ghosn est prêt à « se défendre de façon vigoureuse », assure son fils

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Dans un entretien au « JDD », Anthony Ghosn se dit convaincu de l’innocence de son père. Le PDG de Renault est incarcéré depuis le 19 novembre au Japon pour des soupçons de malversations financières.

Carlos Ghosn, en détention prolongée au Japon pour des soupçons de malversations financières, pourrait être libéré avec pour « seule condition » de signer des aveux rédigés en japonais, qu’il ne comprend pas, déclare le fils du PDG de Renault, Anthony Ghosn, dans un entretien au Journal du dimanche (JDD) du 6 janvier.

Anthony Ghosn explique que « la seule condition de sa sortie est une confession ». « Le paradoxe, c’est que la confession qu’on lui demande de signer est écrite exclusivement en japonais », or « il ne parle pas cette langue », précise son fils.

En détention prolongée au Japon pour des soupçons de malversations financières, Carlos Ghosn est « prêt à se défendre de façon vigoureuse » devant un tribunal de Tokyo mardi 8 janvier selon lui.

« Je n’ai pas de nouvelles directes de lui, j’en ai par ses avocats japonais. Il est en bonne forme. Il est prêt à se défendre de façon vigoureuse, et est très concentré sur l’objectif de répondre aux accusations lancées contre lui. Il est surtout très calme », affirme le jeune homme de 24 ans qui s’exprime pour la première fois dans la presse.

Cette audience « va être très importante », ajoute-t-il. « Pour la première fois, il pourra s’exprimer sur les faits qu’on lui reproche, donner sa vision. Je pense que tout le monde sera assez surpris en entendant sa version de l’histoire. Jusqu’à maintenant, on a seulement entendu l’accusation. Il aura dix minutes pour s’exprimer » et « il ne lâchera rien », poursuit Anthony Ghosn. Pour comparaître, l’homme d’affaires « portera sa tenue de prisonnier et sera menotté », précise-t-il au JDD.

Trois bols de riz par jour

En garde à vue depuis plus d’un mois et demi dans une prison de la capitale japonaise, M. Ghosn doit, à sa demande, comparaître mardi à 10 h 30, ce qui obligera le procureur à clarifier publiquement le motif de sa détention prolongée. Selon son fils, « il résiste, même s’il a perdu une dizaine de kilos en mangeant trois bols de riz par jour. Les conditions ne sont pas très saines. Mais il prend tout ça comme un challenge [un défi] » et « lit des livres qu’on lui fait passer presque chaque jour ».

M. Ghosn, père de quatre enfants, arrêté le 19 novembre et détenu depuis, est contraint au silence. Ses avocats, qui ne peuvent pas assister aux interrogatoires et n’ont pas accès aux pièces du dossier, ne s’expriment pour ainsi dire pas. « Le procureur a le droit de l’interroger à n’importe quel moment, deux ou trois fois par jour. Il peut venir tôt le matin et tard le soir. Les interrogatoires durent une ou deux heures », explique encore Anthony Ghosn.

Selon lui, « les ambassadeurs sont venus, bien sûr, ainsi que ses avocats. Ces derniers peuvent lui rendre visite deux heures par jour sauf le dimanche et les jours fériés ». Interrogé sur le fait que les conseils de son père n’aient « pas encore accès au dossier complet du procureur », Anthony Ghosn confirme : « la défense ne peut pas avoir une vision complète » de celui-ci.

Carlos Ghosn a été inculpé le 10 décembre pour minoration illégale de ses revenus dans des rapports annuels de Nissan remis aux autorités boursières. Le 21 décembre, alors qu’il pouvait être théoriquement libéré sous caution, il a été remis en garde à vue pour de nouvelles charges. Il est soupçonné d’avoir fait couvrir par Nissan des pertes sur des investissements personnels pendant la crise de 2008.

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31 décembre 2018

Le parquet de Tokyo maintient Carlos Ghosn en garde à vue jusqu’au 11 janvier

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Par Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance - Le Monde

L’ex-président du constructeur japonais Nissan reste au centre de détention de Kosuge et va continuer d’être interrogé sur les accusations d’abus de confiance aggravé.

Carlos Ghosn reste en garde à vue. Le tribunal de Tokyo a accepté lundi 31 décembre une demande du parquet de prolonger de dix jours la détention de l’ex-président du constructeur japonais Nissan. M. Ghosn va rester au centre de détention de Kosuge, dans le nord-est de Tokyo, jusqu’au 11 janvier.

Il va continuer d’être interrogé sur les accusations d’abus de confiance aggravé. Le parquet lui reproche d’avoir transféré à Nissan « des pertes sur des investissements personnels », en l’occurrence sur des dérivés de devises au moment de la crise financière de l’automne 2008, pour un montant à 1,85 milliard de yens (14,6 millions d’euros).

Pour se sortir de ses difficultés et notamment répondre aux exigences de garantie de la banque Shinsei qui gérait ses affaires, Carlos Ghosn avait obtenu l’aide financière d’un ami et homme d’affaires saoudien, Khaled Al Juffali, entre autres vice-président du puissant groupe E.A. Juffali & Brothers et président de Nissan Gulf, une co-entreprise établie en octobre 2008 par Nissan pour soutenir ses activités de ventes et de marketing en Arabie saoudite, à Abou Dhabi, au Koweït et à Barheïn.

Par la suite, entre 2009 et 2012, 14,7 millions de dollars (12,8 milliards d’euros) prélevés sur une « réserve du PDG » établie par Nissan, ont été transférés en trois fois sur un compte bancaire de Nissan Gulf. Les procureurs de Tokyo soupçonnent ces versements d’avoir été une forme de remerciement pour M. Al Juffali.

Tenter d’arracher des aveux

Selon les avocats de M. Ghosn, l’ex-président nie. D’après lui, il « s’agissait du paiement du travail effectué pour le compte de Nissan », notamment une action de lobbying auprès des autorités et de la famille royale saoudiennes.

La prolongation de la détention doit permettre aux procureurs de tenter d’arracher des aveux à M. Ghosn car étayer une accusation d’abus de confiance reste difficile. Il faut qu’elle réponde à trois critères, le non-respect par le PDG de ses obligations officielles, un enrichissement personnel ou au profit d’un tiers et un comportement portant préjudice à l’entreprise. Dans l’affaire Ghosn, l’enquête s’annonce complexe car elle suppose des investigations en Arabie saoudite et sur des faits vieux d’une dizaine d’années.

Carlos Ghosn est derrière les barreaux depuis le 19 novembre. Il avait été arrêté une première fois pour avoir minoré les montants de ses revenus dans les déclarations aux autorités boursières nippones entre 2010 et 2015. Il était pour cela resté en garde à vue pendant vingt-deux jours.

A l’issue, il avait été mis en examen puis arrêté de nouveau, pour des faits similaires mais entre 2016 et 2018. Cette fois la garde à vue n’avait duré que dix jours, les juges ayant estimé le 20 décembre qu’il était inutile de prolonger les interrogatoires sur une affaire semblable à la précédente.

Une libération le 11 janvier incertaine

Mais M. Ghosn n’avait pas eu le temps de déposer une demande de libération sous caution. Le bureau d’enquête spéciale du parquet de Tokyo, en charge de son dossier, avait alors invoqué d’autres charges pour l’arrêter à nouveau.

Sa libération le 11 janvier n’est pas certaine. Le parquet peut l’arrêter de nouveau. S’il ne l’arrête pas, comme il est mis en examen, il peut être maintenu en prison en attendant la première audience de son procès, une pratique courante dans l’Archipel. Il pourrait également bénéficier d’une libération sous caution. Une telle décision revient au tribunal.

Son conseiller et ex-directeur délégué de Nissan, l’Américain Greg Kelly, en a bénéficié le 25 décembre. Arrêté en même temps que M. Ghosn et également mis en examen dans l’affaire des revenus non déclarés, il a pu sortir de prison contre le versement d’une caution de 70 millions de yens et avec notamment interdiction de quitter le Japon.

21 décembre 2018

Carlos Ghosn fait l’objet d’un nouveau mandat d’arrêt

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Par Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance - Le Monde

Le tribunal de district de Tokyo avait annoncé jeudi qu’il refusait de prolonger sa détention, un coup de théâtre qui laissait envisager que le PDG de l’alliance Renault-Nissan pourrait être libéré sous caution.

La rocambolesque affaire Carlos Ghosn a connu un nouveau rebondissement, vendredi 21 décembre. Le parquet de Tokyo a encore une fois placé en garde à vue l’ex-président de Nissan (et toujours PDG de Renault), l’accusant d’abus de confiance aggravé. Il pourrait être maintenu en détention pendant une nouvelle période de dix jours, indiquait, vendredi, la presse japonaise.

Cette nouvelle arrestation est liée aux pertes subies au moment de la crise des subprimes de 2007-2008 par la société gérant la fortune de M. Ghosn. Ces pertes, d’un montant de 1,85 milliard de yens (14,5 millions d’euros), auraient été imputées en octobre 2008 à la comptabilité de Nissan. Elles seraient liées à des transactions effectuées sur des dérivés de devises. La hausse du yen pendant la crise en serait la cause. Entre 2009 et 2014, une filiale de Nissan aurait par ailleurs versé 14,7 millions de dollars (12,8 millions d’euros) à ce gestionnaire de fortune.

Plus d’un mois de détention

La loi japonaise sur les entreprises fixe une prescription de sept ans. Mais les procureurs soutiennent qu’elle ne s’applique pas à M. Ghosn en raison du temps qu’il a passé à l’étranger ces dix dernières années.

L’annonce de la nouvelle détention de M. Ghosn survient alors que sa libération sous caution était envisagée. Après plus d’un mois en détention, le tribunal de Tokyo avait rejeté, jeudi, une requête du parquet de prolonger de dix jours sa garde à vue, ouvrant la voie à une libération sous caution. Le parquet avait fait appel, en vain.

Carlos Ghosn avait été mis en examen le 10 décembre. Le parquet de Tokyo l’avait inculpé au terme d’une première garde à vue de vingt-deux jours pour avoir minoré les déclarations de revenus remises aux autorités financières de l’Archipel entre les exercices 2010 et 2014. Il l’avait immédiatement replacé en garde à vue pour des faits similaires, mais pour les exercices allant de début 2015 à mars 2018. M. Ghosn a nié toute malversation, expliquant que les montants en question devaient être versés après son départ à la retraite.

Une histoire d’honneur ?

L’avocat de Carlos Ghosn, Motonari Otsuru, n’a fait aucun commentaire sur la nouvelle arrestation. Dans la matinée de vendredi, la chaîne publique NHK, citant le conseil de M. Ghosn, rapportait que le PDG de Renault avait juré de rétablir son honneur en justice et de s’adresser à la presse dès sa sortie. Excluant de fuir – l’une des raisons du maintien en détention d’étrangers au Japon serait que les procureurs craignent de les voir quitter le pays –, il aurait également demandé de pouvoir quitter le Japon.

Arrêté en même temps que Carlos Ghosn le 19 novembre, son proche et ex-directeur délégué de Nissan, Greg Kelly, n’a pas été arrêté vendredi. L’un de ses avocats s’est rendu en fin de matinée au tribunal pour déposer une demande de libération sous caution.

La société Nissan, également mise en examen dans cette affaire, a refusé de commenter les derniers développements ; le ministre de la justice, Takashi Yamashita, également. Au sujet des critiques émises à l’international contre le fonctionnement de la justice japonaise, il a expliqué que les procédures « se font dans le respect des textes » et que, de ce fait, « il n’y a pas lieu de critiquer ».

10 décembre 2018

Carlos Ghosn mis en examen au Japon, une procédure engagée contre Nissan

Par Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance - Le Monde

Après vingt-deux jours de garde à vue, le parquet de Tokyo a décidé d’inculper l’ancien président du constructeur automobile pour avoir minoré les déclarations de revenus.

Carlos Ghosn a été mis en examen, lundi 10 décembre. Après vingt-deux jours de garde à vue, le parquet de Tokyo a décidé d’inculper l’ancien président de Nissan pour avoir minoré les déclarations de revenus remises aux autorités financières japonaises entre les exercices 2010 et 2014. M. Ghosn a par ailleurs été à nouveau placé en garde à vue pour des faits similaires, mais entre les exercices 2015 et 2017. Si cette nouvelle détention était prolongée, il pourrait rester derrière les barreaux pendant vingt-deux nouvelles journées.

Son proche conseiller Greg Kelly, arrêté en même temps pour complicité, a lui aussi été mis en examen et de nouveau arrêté. Depuis leur placement en détention, les deux hommes nient toute malversation.

Le parquet a aussi engagé une procédure contre Nissan en tant qu’entreprise, dont la responsabilité dans l’affaire Ghosn pourrait être engagée. Les déclarations de revenus sont normalement rédigées par les services de la société et non par la personne concernée.

Cela pourrait placer l’actuel PDG et président par intérim Hiroto Saikawa dans une position délicate. Au matin du 10 décembre, M. Saikawa a déclaré à la presse japonaise « n’avoir rien à déclarer, pour le moment ».

Saikawa, « l’âme damnée de Ghosn »

Dans le même temps, le Wall Street Journal croit savoir que l’arrestation de M. Ghosn est survenue à un moment où il voulait se séparer de M. Saikawa. Depuis sa nomination à la direction générale de Nissan en juin 2017, ce dernier aurait commencé à se distancier de la politique de Carlos Ghosn, revenant sur la stratégie qui consistait à fixer d’ambitieux objectifs chiffrés. Ses relations avec M. Ghosn se seraient ensuite tendues autour du projet de fusion, amorcé ces derniers mois, entre Renault et Nissan, et auquel il semblait s’opposer.

D’après un bon connaisseur du dossier, « tout le monde a toujours détesté Saikawa. Il était l’âme damnée de Ghosn, le premier à accepter les défis les plus durs à relever. Il était extrêmement brutal avec ses subordonnés. Quand il est devenu le patron de Nissan, il s’est retrouvé seul aux manettes ». Aurait-il décidé de tuer le père ? Au moment du scandale des inspections finales des véhicules, Carlos Ghosn aurait littéralement « laissé tomber Saikawa ».

Dans le même temps, M. Ghosn aurait été mécontent de la baisse des performances du constructeur nippon, le profit opérationnel ayant reculé de 17 % entre avril et septembre. Il n’aurait également guère apprécié la gestion des scandales ayant touché Nissan, notamment celui des inspections finales des véhicules, qui a éclaté en septembre 2017 mais qui ne serait pas réglé. Il a contraint le groupe à rappeler plus d’un million de véhicules au Japon. Un nouveau rappel de 150 000 voitures a été annoncé le 7 décembre. D’après le connaisseur du dossier, quand le scandale a éclaté, Carlos Ghosn a littéralement « laissé tomber Saikawa, le laissant se débrouiller seul », ce qu’il n’aurait pas apprécié.

Enfin, ajoute le WSJ, l’âge entrerait en compte dans la volonté de M. Ghosn. Hiroto Saikawa a 65 ans.

6 décembre 2018

Enquête - Carlos Ghosn, une vie marquée par la démesure

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Par Marie-Béatrice Baudet, Benjamin Barthe, Beyrouth, correspondant, Éric Béziat, Claire Gatinois, Sao Paulo, correspondante, Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance - Le Monde

Soupçonné de malversations financières par la justice japonaise, le PDG de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est en garde à vue depuis le 19 novembre près de Tokyo. « Le Monde » revient sur cet étonnant destin, une saga qui mène du Brésil au Japon en passant par la France et le Liban.

C’est une saga XXL. A-t-on jamais vu autant d’articles élogieux, autant de livres flatteurs consacrés à un patron ? S’y plonger donne le vertige. Dans sa cellule du centre de détention de Kosuge, au nord de Tokyo, Carlos Ghosn, soupçonné de malversations financières par les autorités japonaises, se souvient-il de cette débauche de compliments ? Pour le Financial Times, il était « the boss among bosses », le boss des boss. Partout dans le monde, la presse encensait « l’icône », « l’imperator », « le héros épique », « le stratège », « la pépite » et, bien sûr, « le samouraï », après son arrivée dans l’archipel en juin 1999 quand « le french gourou » accepta la mission, jugée impossible, de redresser Nissan au bord du gouffre. « Ghosn sensei » (Maître Ghosn) y parvint pourtant, non sans avoir fermé cinq usines, licencié 21 000 salariés et mis à mal le dogme japonais de l’emploi à vie.

Vertige encore quand on réfléchit aux égards dont le PDG de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, qui rejette en bloc toutes les accusations, a bénéficié. Au Japon, il est devenu le personnage d’un manga, reconnaissance suprême pour ce premier « gaijin » (étranger) à accéder à un poste aussi élevé au sein de l’establishment local. Au Brésil, qui le vit naître, Carlos Ghosn eut le privilège, le 5 août 2016, de porter la flamme olympique lors des JO de Rio, dont Nissan était l’un des principaux sponsors. Pendant une centaine de mètres, l’enfant du pays, un instant dieu du stade, a longé à petites foulées la plage de Copacabana, encouragé par des milliers de Cariocas. Idolâtrie toujours, quand du Liban, sa patrie familiale, on entendit le ministre de l’intérieur Nohad Machnouk déclarer, grandiloquent, « le soleil du Japon ne brûlera pas le phénix libanais », après l’arrestation, le 19 novembre, de son compatriote par les enquêteurs du procureur de Tokyo. Dans sa cellule, Carlos Ghosn, déjà démis de ses fonctions chez Nissan et Mitsubishi, pense-t-il aussi à ses entrevues avec Donald Trump, Vladimir Poutine et Xi Jinping, les maîtres de la planète ?

« SI VOUS Y RÉFLÉCHISSEZ, MÊME SA DÉCHÉANCE EST DÉMESURÉE. UNE TELLE CHUTE, C’EST INÉDIT »

Pour certains, derrière le visage froid de « l’hyper PDG aux yeux perçants de rapace », se cachaient également la force et la détermination d’un « cyborg ». Un homme augmenté, voilà, « Super Carlos » était un homme augmenté. Comment expliquer autrement son exceptionnelle résistance aux voyages incessants entre l’Europe et le Japon ? Un bureau à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), le siège de Renault, et un autre à Yokohama, grand port au sud de Tokyo, où Nissan installa en 2009 son nouveau quartier général dans un bâtiment « comme un voilier naviguant sur un océan de possibilités infinies », avait osé le jour de l’inauguration, Shiro Nakamura, l’un des responsables du constructeur automobile. Au total, plus de 10 000 kilomètres à parcourir dans un Gulfstream G550, la Rolls-Royce des jets privés, dont l’immatriculation N155AN, raffinement ultime, pouvait se lire « NISSAN », du nom de son propriétaire.

Il est arrivé à Carlos Ghosn de tenir des conseils d’administration à bord de ce mini « Air Force One » estimé à plus de 50 millions de dollars (44 millions d’euros), équipé WiFi et téléphone satellite, où il passait près de cent nuits par an. Et quand N155AN s’était posé, le « citoyen du monde », comme il aimait se définir, s’engouffrait dans la voiture avec chauffeur qui l’attendait et fonçait en réunion malgré la fatigue liée au décalage horaire. Cyborg, à n’en pas douter. « Si vous y réfléchissez, même sa déchéance est démesurée, soutient un habitué de l’Elysée. Son avion, parti du Liban, atterrit sur le tarmac de l’aéroport international de Tokyo, la porte s’ouvre et Carlos Ghosn passe du Capitole où les Romains honoraient Jupiter, à la roche tarpéienne d’où ils précipitaient les condamnés à mort. Une telle chute, c’est inédit. »

Un besoin de paraître

Ce destin stoppé net suscite mille questionnements. Complot ? Revanche nippone ? Plus simplement, Carlos Ghosn souffrirait-il d’extrême fatuité, syndrome fatal à tant d’autres patrons avant lui, à l’instar de Jean-Marie Messier, l’ancien PDG de Vivendi ? Le parquet japonais l’accuse officiellement d’avoir « conspiré pour minimiser sa rétribution entre juin 2011 et juin 2015 », faisant état de 4,9 milliards de yens (38 millions d’euros) alors qu’il en avait gagné le double. Déclarer moins pour toucher plus. Comment l’imaginer à ces niveaux de rémunération ? En 2016, l’architecte de l’Alliance avait émargé à 15,4 millions d’euros, certes la norme aux Etats-Unis, où son homologue de General Motors a empoché, la même année, plus de 22 millions de dollars (19,4 millions d’euros), mais pas en France ni au Japon.

« Des Ronaldo et des Messi qui gagnent des fortunes, on accepte, mais pas dans les entreprises », se défendait régulièrement le dirigeant aux trois passeports, brésilien, libanais et français, toujours prêt à se présenter comme un bâtisseur d’empire. « Ah mais oui, il a fait le job, ça c’est sûr », reconnaît l’ancien ministre de l’économie Arnaud Montebourg. « C’était un manager peu ordinaire, poursuit-il. J’ai eu de sévères désaccords avec lui, notamment sur son salaire, mais sa mégalomanie, si elle est avérée, aura permis de faire aujourd’hui de Renault-Nissan-Mitsubishi le premier constructeur automobile mondial », désormais au coude-à-coude avec Volkswagen et Toyota.

Mais où est la faille ?, s’interrogent ceux qui ont bien connu l’industriel. « Je suis stupéfaite de ce qui arrive. Carlos Ghosn ne peut pas être cupide à ce point, ça ne lui ressemble pas », confie Aude de Thuin, 68 ans, fondatrice du Women’s Forum, le Davos des femmes, qui l’a reçu à plusieurs reprises. Renault sponsorisait l’événement de Deauville. « Père de trois filles et d’un garçon, il venait encourager la diversité dans les conseils d’administration. C’est vrai qu’il était fêté, honoré et craint. Est-ce qu’il aurait pété un câble ? Je ne peux l’imaginer… »

Pourtant, il existe derrière le visage austère de l’homme à l’emploi du temps minuté, un besoin de paraître de plus en plus flagrant au fil du temps. Louis Schweitzer, le discret patron de Renault qui l’a recruté en 1996 et lui avait demandé de prendre la nationalité française, s’en inquiète dès l’été 2000 quand Paris Match publie le 6 juillet un reportage sur « le shogun français qui ressuscite Nissan ». Il serait aussi célèbre à Tokyo qu’Alain Delon ou Sophie Marceau, à en croire le magazine. Le businessman de 46 ans pose en famille, avec sa première femme Rita, à la table du petit-déjeuner dans son duplex « d’expatrié de luxe, avec gouvernante à domicile ». « Je ne suis pas un extraterrestre mais un multiterrestre », ironise l’Occidental amoureux de combats de sumos comme l’était Jacques Chirac.

« L’histoire de Versailles »

Le 26 novembre 2005, six mois après sa nomination à la tête de la firme au losange, le « patron pressé » danse en smoking noir avec sa fille Nadine, 16 ans, au 15e bal des débutantes donné à l’hôtel Crillon, place de la Concorde. Grâce à L’Express qui titre « Renault : Ghosn donne la cadence », on apprend que la robe noire de l’intronisée vient de chez Didier Ludot, un passionné de mode ancienne. Kim Kardashian et les Chinoises bien nées raffolent de son magasin véritable temple du vintage au cœur du quartier parisien du Palais-Royal. Un an plus tard, c’est au tour de Caroline, 19 ans, l’aînée de la famille, de fêter son entrée dans le grand monde. Arborant un fourreau de taffetas noir signé du couturier libanais Elie Saab, la jeune fille valse, elle aussi, sur le parquet du Crillon, raconte Paris Match. « Mon père aime la mode. J’adore faire les boutiques avec lui. Je m’amuse à l’habiller », avoue-t-elle, assise sur les genoux de son papa tout sourire dont les costumes sur-mesure viennent de chez Louis Vuitton, on l’apprendra par la suite.

« NOUS VOULIONS QUE NOS AMIS SE SENTENT COMME S’ILS AVAIENT ÉTÉ REÇUS CHEZ NOUS – RIEN DE TROP ÉLABORÉ. » EN EFFET : VERRES EN CRISTAL, ASSIETTES EN PORCELAINE ET ACTEURS EN COSTUME D’ÉPOQUE

« Il n’y a rien d’exceptionnel à emmener ses enfants au bal des débutants, beaucoup de grands patrons l’ont fait, assure l’un d’eux. Mais là où ça a dérapé, c’est l’histoire de Versailles. Notre homme s’est transformé en bourgeois gentilhomme. » La comédie de Molière avait été représentée à la cour de Louis XIV. Carlos Ghosn et sa nouvelle épouse, Carole Nahas, sont plutôt fascinés par Louis XVI. Le Marie-Antoinette de Sofia Coppola est un de leurs films cultes. A l’automne 2016, quelques mois après leur union civile dans le 16e arrondissement de Paris, les mariés invitent leurs proches à célébrer l’événement ainsi que les 50 ans de Carole, au Grand Trianon de Versailles. Interrogée par le mensuel américain Town & Country, observateur prolixe de la jet-set, Carole s’épanche : « Nous voulions que nos amis se sentent comme s’ils avaient été reçus chez nous – rien de trop élaboré. » En effet : verres en cristal Saint-Louis, assiettes en porcelaine et, cerise sur la perruque, des acteurs en costume d’époque.

La mise en scène est royale. Les 120 convives n’en croient pas leurs yeux. Le PDG de Renault-Nissan a de nouveau revêtu un smoking noir. Sur les clichés réalisés par un ami photographe et qui n’auraient pas dû circuler – des procès sont en cours –, il rayonne. Lui aussi se confie au reporter de Town & Country : « Quand vous invitez des gens à une fête, ils répondent “peut-être”. Mais quand vous les conviez à Versailles, ils viennent ». Cynisme ? Hubris ? Les grands narcissiques s’imaginent au-dessus des lois. Selon la presse japonaise, l’addition versaillaise aurait été réglée par Nissan, un abus de bien social si tel était le cas. L’entreprise aurait aussi contribué à l’achat des plus somptueuses résidences de son ex-dirigeant comme celle de Beyrouth où Carlos Ghosn résidait dans le quartier d’Achrafieh, fief de la haute bourgeoisie chrétienne.

Du Liban à Versailles, voilà le vrai chemin parcouru par le globe-trotteur de l’automobile, dont le nom, en arabe, veut dire « petite branche ». Et cet itinéraire personnel ne s’explique pas seulement par les folies d’un homme d’argent qui disposait de sa propre maquilleuse afin de cacher les imperfections d’un visage presque masque de cire. Le roman de sa vie, tel qu’il le raconte à la première personne dans une autobiographie intitulée « What drives Carlos Ghosn » et publiée sur le site du quotidien économique japonais Nihon Keizai – propriétaire du Financial Times –, donne une autre clé pour comprendre ce qui, en effet, l’anime.

Le modèle du grand-père, parti de rien

Entre les lignes, une image revient sans cesse, celle de Bichara Ghosn, son grand-père paternel, le véritable héros de la famille. Au début des années 1900, tout juste âgé de 13 ans, l’adolescent quasi illettré descend de son village du mont Liban, terre des chrétiens maronites, et marche jusqu’au port de Beyrouth où il s’embarque pour le Brésil, une valise de vêtements pour toute fortune. A l’époque, le Liban, encore marqué par les massacres de 1860 entre druzes et chrétiens et miné par une extrême pauvreté, fait partie de l’Empire ottoman. Quand le cargo s’amarre à Rio, après trois mois de traversée, l’immigrant devient le « turcos », surnom que les Sud-Américains donnent alors aux membres de la diaspora proche-orientale. Les Palestiniens, très nombreux au Chili, ont reçu le même sobriquet.

BICHARA GHOSN DÉBUTE DANS LE COMMERCE DES PRODUITS AGRICOLES ET DEVIENT L’UN DES AGENTS DU TRANSPORT AÉRIEN BRÉSILIEN EN PLEINE EXPANSION. EN CLAIR, IL RÉUSSIT

Bichara Ghosn ne parle qu’une langue, l’arabe. Son âme d’aventurier le guide aux confins du Brésil et de la Bolivie, en pleine forêt amazonienne, près de Sao Miguel do Guaporé. Il pose sa valise à Porto Velho qui deviendra, plus tard, la capitale de l’Etat du Rondonia. De petit boulot en petit boulot, le jeune Libanais prend confiance et se transforme en entrepreneur. Il débute dans le commerce des produits agricoles, y adjoint celui du caoutchouc et devient l’un des agents du transport aérien brésilien en pleine expansion. En clair, il réussit. Dès lors tout s’enchaîne : mariage avec une compatriote rencontrée lors de l’un de ses retours à Beyrouth, naissance de huit enfants dont Jorge, le futur père de Carlos.

Au Brésil, le « Museu de gente de Rondonia », un musée virtuel consacré aux gens de Rondonia, honore la lignée familiale avec en tête d’affiche, bien sûr, le célèbre petit-fils de Bichara Ghosn, qui voit le jour à Porto Velho en 1954. Des photos du patron automobile côtoient ainsi celles du maréchal Candido Rondon (1865-1958), explorateur et protecteur des indigènes, l’une des grandes figures de la patrie.

Si Carlos Ghosn affirme « se sentir brésilien quand il est au Brésil » où résident encore aujourd’hui deux de ses sœurs et sa mère Rose, dite « Zetta », 86 ans, l’aventure sud-américaine s’arrête pour lui tout petit. Il tombe malade à l’âge de deux ans. Contre toutes les règles sanitaires préconisées dans ces contrées tropicales infestées de moustiques, l’une des employées de maison lui a fait boire de l’eau non bouillie. Après un séjour de quatre années à Rio où la guérison tarde, Zetta et ses deux premiers enfants rejoignent le Liban en 1960. Jorge, le père, qui a hérité de l’activité aérienne familiale à la mort du « turcos », reste sur place et fait la navette entre Porto Velho et Beyrouth.

Le fantôme du père

Dans son autobiographie, Carlos Ghosn banalise cette séparation, « un schéma classique » au sein des diasporas, selon lui. Pas si simple, en réalité. Au fil des pages et des années, Jorge disparaît des écrans radar comme effacé des mémoires. A la statue du grand-père succède donc celle de sa mère, elle aussi libanaise et francophile convaincue. Le Monde a tenté de retrouver la trace de Jorge Ghosn. Sans succès. Au Brésil, où les archives restent silencieuses, on rappelle que diriger des affaires au temps de la dictature (1964-1985) était périlleux. A Beyrouth et à Paris, des rumeurs invérifiables évoquent une possible faillite. Ce père fantôme ou plutôt ce fantôme du père diraient les psychanalystes, a-t-il pesé sur le déroulement de la carrière de Carlos Ghosn, qui s’est obstinément identifié à Bichara, un pionnier et un conquérant plutôt qu’à Jorge, l’invisible, l’exemple à ne pas suivre ? Ne voulait-il pas redonner aux siens une splendeur perdue, lui qui détestait tant l’échec ? « Je me rappelle en tout cas sa fascination pour les François Pinault, Bernard Arnault, ou Vincent Bolloré, des entrepreneurs qui, disait-il, font ce qu’ils veulent avec leur argent », témoigne un inspecteur des finances.

Se prend-il de passion pour l’industrie automobile parce qu’il devine pouvoir y atteindre de nouveaux horizons comme son fier grand-père ? Fort probable. La mécanique ne semblait pas le fasciner quand il était jeune, au contraire de la littérature et des langues vivantes. Chez les Jésuites du collège Notre-Dame de Jamhour, à Beyrouth, l’élève Ghosn, doué mais trop dissipé, respecte profondément son professeur de français, le Père de Lagrevole, féru des fables de La Fontaine. Il découvre dans cet établissement une discipline quasi militaire et se nourrit d’une compétition qui lui plaît, comme au Risk, son jeu de stratégie préféré. Quand le jeune homme polyglotte intègre à 17 ans les classes prépa du très sélect lycée Saint-Louis à Paris, il s’imagine bientôt à HEC, parfait tremplin pour jouer des coudes dans une banque internationale. L’industrie ne le fascine pas vraiment. Mais ses notes excellentes en maths le dirigent vers Polytechnique puis l’Ecole des Mines. Peu importe HEC ou l’X, se souvient aujourd’hui l’un de ses condisciples, « Carlos voulait se placer dans la société. Il s’entourait de fils de patrons et claquait beaucoup d’argent au flipper. »

L’entrée dans le petit cercle de l’élite du business exigera un peu de patience. Si le joyeux drille du Quartier latin accepte d’aller se morfondre à Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme, pour intégrer Michelin en 1978, c’est que le fabricant de pneus, intéressé par ses origines brésiliennes, lui a fait miroiter un poste à Rio où l’entreprise entend se développer. Le nouvel embauché attendra sept ans avant de rejoindre la terre promise. Quelle métamorphose entre le Carlos Ghosn de 1981 assis, le buste bien droit, derrière son bureau en formica de directeur de l’usine Michelin du Puy-en-Velay et celui qui accueille ses hôtes au Grand Trianon à l’automne 2016 ou monte les marches au Festival de Cannes qu’il fréquente avec gourmandise !

Le « dauphin » et sa cour

Après le Brésil, Michelin le mute aux Etats-Unis pour mener la fusion avec Uniroyal Goodrich tout juste racheté par la firme auvergnate. Le cadre y parviendra en brisant le monopole des syndicats américains. Cette audace lui vaudra l’étiquette de « cost-cutter » (le coupeur de coûts) à jamais accrochée à son smoking. Proche de François Michelin, patron et patriarche du groupe, l’expatrié attend son heure. Elle ne viendra pas. Le roi du pneu désire introniser Edouard, son plus jeune fils qu’il envoie outre-Atlantique pour que Carlos Ghosn lui apprenne les ficelles du job.

« Je n’avais pas le bon nom », lâche-t-il, amer, dans son autobiographie. Car son ambition, il ne le cache pas, est le « very top », grand-père oblige. Il se refuse à être le Poulidor de l’industrie. Un soir d’avril 1996, un ancien de Polytechnique qui dirige un cabinet international de « chasse » de têtes, le sollicite aux Etats-Unis. « La construction automobile, ça t’intéresse ? » lui demande-t-il au restaurant où il l’a invité à dîner. « Oui, pourquoi pas ? », sourit-il. « Louis Schweitzer cherche un dauphin », finit-il par lui dévoiler. « Dauphin », le mot fait tilt, l’ascension est donc possible.

Dès lors, afin d’éviter une nouvelle mésaventure comme celle de Michelin à qui il a donné dix-huit ans de sa vie, le prétendant s’entoure de fidèles, des béni-oui-oui, « une cour avec un protocole digne du roi du Maroc » décrit un ancien de Renault. Assez rapidement, la « Ghosnmania » naît et se répand. Le héraut de la voiture électrique, « le visionnaire » qui définit des objectifs chiffrés et s’y tient, grimpe vite dans les organigrammes. En 2001, il est nommé PDG de Nissan, huit ans plus tard, il prend les pleins pouvoirs chez Renault et, en 2016, devient le président de Mitsubishi. Aucun doute, il est la clé de voûte de l’Alliance.

Mais certains évoquent un management par la peur : « Lors de ses visites à un centre de recherche, il était fréquent de voir un de ses inféodés brandir un micro pour enregistrer les échanges entre lui et ses ingénieurs, relate un haut cadre de Boulogne-Billancourt. La méthode avait une double fonction : ne pas faire dire au président ce qu’il n’avait pas dit et laisser planer une vague menace sur toute prise de parole. Ambiance glaciale garantie. »

L’affaire des « faux espions »

Depuis son arrestation, la parole se libère et raconte surtout la volonté du patron de garder ou d’étendre son pouvoir à tout prix. Ainsi, de cet épisode connu de quelques initiés. En 2008, en pleine crise financière, Carlos Ghosn est convoqué à l’Elysée par Nicolas Sarkozy, avec lequel les relations sont déjà exécrables. Le président de la République aurait appris que le patron de l’Alliance avait l’intention, sous prétexte de trouver des liquidités, de faire passer la participation de Renault dans Nissan de 43,4 % à moins de 40 %. En apparence, rien de très méchant. Sauf que cette manœuvre aurait permis à la firme japonaise actionnaire de Renault à 15 %, de récupérer ses droits de vote au conseil d’administration de Boulogne-Billancourt, comme le stipulent les accords croisés. Carlos Ghosn y aurait alors eu autant de voix que l’Etat, dont il ne supporte pas la tutelle. Entre les deux protagonistes, l’explication aurait été vive, paraît-il.

A force de vouloir tout contrôler, Carlos Ghosn a failli chuter en 2011 dans l’affaire des « faux espions ». Trois cadres de Renault ont été injustement accusés par un enquêteur du service de sécurité du constructeur d’avoir vendu à la concurrence des secrets sur les batteries électriques. Mais au 20 heures de TF1, le 23 janvier, le PDG annonce « avoir des certitudes » concernant la trahison de ses employés.

Moins de deux mois plus tard, de retour face à la journaliste Claire Chazal, il est obligé de reconnaître que « les accusations ne reposaient sur aucun fait ». Le gouvernement réclame des têtes. Carlos Ghosn sacrifie son numéro 2 Patrick Pélata, le seul à le tutoyer. « Il échappe lui-même à la sanction pour une seule raison : la catastrophe nucléaire de Fukushima, certifie un témoin de l’époque. Paris n’a pas voulu démettre le PDG de Nissan alors que l’usine du constructeur avait été sévèrement touchée à Iwaki, non loin des côtes où le tsunami avait déferlé. » La balle est passée près. Mais aujourd’hui dans sa cellule, à qui pense donc Carlos Ghosn ? A son grand-père ou à son père ?

5 décembre 2018

Renault Nissan : Carlos Ghosn risque de passer Noël en prison

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>Économie - Le Parisien

En raison des procédures au Japon, Carlos Ghosn pourrait au moins rester en prison jusqu’au 30 décembre. LP/ARNAUD DUMONTIER

Les procureurs japonais pourraient signifier au patron de Renault une nouvelle accusation de dissimulation de sa rémunération entre 2015 et 2017.

Arrêté à sa descente d’avion à Tokyo et incarcéré depuis le 19 novembre, Carlos Ghosn voit ses affaires ses compliquer. Selon le journal Sankei, dès la fin de sa garde à vue qui doit avoir lieu en principe le 10 décembre, la justice nipponne pourrait lui signifier une nouvelle accusation. La garde à vue du patron de Renault pourrait alors se prolonger jusqu’au 30 décembre.

Dans la première affaire, qui lui vaut d’être détenu dans une cellule de 6,5 m2 au centre de détention de Kosuge, au nord de Tokyo, le parquet japonais reproche au patron franco-libano-brésilien d’avoir « conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015 ». ll n’aurait déclaré qu’environ 37 millions d’euros, au lieu de 77 millions sur cette période. Accusations qu’il conteste.

Des accusations soigneusement distillées

Selon le quotidien nippon, les procureurs veulent même aller plus loin. Ils pourraient accuser Carlos Ghosn de ce même crime mais pour la période 2015-2017. Là, les sommes en jeu seraient de l’ordre de 31 millions d'euros.

Au Japon, les personnes soupçonnées d’une infraction pénale peuvent être maintenues en détention pendant 10 jours et être prolongées de 10 jours supplémentaires si un juge accorde la demande de prolongation aux procureurs.

Il est aussi fréquent pour les procureurs de saucissonner les affaires avec de nouvelles accusations distillées au fur et à mesure pour maintenir les suspects en détention provisoire pendant plusieurs mois avant de faire connaître les conclusions d’une enquête.

Dans ce domaine, d’autres griefs pourraient venir se greffer aux premières accusations. L’homme d’affaires pourrait être poursuivi pour avoir fait financer par le constructeur Nissan des voyages de sa famille ou un emploi fictif de sa sœur au Brésil.

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