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16 novembre 2019

Avec les paroles d’Adèle Haenel, la prise de conscience du cinéma français

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Récit

Avec les paroles d’Adèle Haenel, la prise de conscience du cinéma français

Par Zineb Dryef - LE MONDE

Après la prise de parole de l’actrice française qui a accusé le réalisateur Christophe Ruggia d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel », le milieu se livre à une douloureuse et nécessaire introspection.

La fin des vacances scolaires, la disparition de Marie Laforêt… ce dimanche 3 novembre, la soirée, qui s’annonçait morose, a été cataclysmique pour le cinéma français. A 19 heures, Mediapart publie une longue enquête dans laquelle l’actrice Adèle Haenel accuse Christophe Ruggia, d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » lorsqu’elle était mineure. Dix jours plus tard, le cinéma français ressemble à une gigantesque cellule de crise. « Notre monde a changé », résume la productrice Sandrine Brauer.

Fait très rare, la profession, quasiment dans son ensemble, a déclaré son soutien total à l’actrice à travers ses instances représentatives : la Société des réalisateurs de films (SRF), la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP), Unifrance et le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) ont publié des communiqués saluant la prise de parole d’Adèle Haenel.

Tout commence au lendemain de l’enquête Mediapart. Les membres du Conseil d’administration de la SRF, à laquelle appartient Christophe Ruggia, se réveillent groggy. L’association fondée en 1968, se trouve dans une situation inconfortable : le réalisateur de 54 ans est un pilier de la SRF, il en a régulièrement assuré la présidence. Dix jours plus tard, rares sont ceux qui acceptent d’en parler parce que « dévastés », « par terre » ou « épuisés par le manque de sommeil ».

Ce matin du 4 novembre, les membres du conseil d’administration, emmenés par Catherine Corsini, la coprésidente de la SRF, tentent de joindre Ruggia. Il leur annonce qu’il ne présentera pas sa démission. « Nous étions très émus, dépassés par cette situation compliquée à gérer », témoigne le réalisateur Pierre Salvadori. Décision est prise de lancer la seule mesure prévue par les statuts de la société, en cas de faute grave commise par l’un de ses membres : la procédure d’exclusion. « Ce n’est pas anodin ni inoffensif que l’un de nos membres soit accusé de ces faits, observe Rebecca Zlotowski, réalisatrice, membre de la SRF. Certains d’entre nous ont des liens d’amitiés avec Adèle Haenel, certains ont réalisé des films avec elle. C’est une situation d’une grande brutalité, mais notre position est avant tout politique. L’objectif de la SRF est de rester fidèle à ses valeurs. »

Communiqué de soutien

Dans un premier communiqué, très offensif, la SRF annonce dès le 4 novembre avoir lancé une procédure d’exclusion à l’encontre du réalisateur. Dans un deuxième communiqué, paru le 8 novembre, elle indique que la décision de l’exclure n’a pas encore été prise. Une volte-face ? Non, une précision, explique Zlotowski : « Cette procédure a un protocole spécifique, incluant un temps de défense de l’incriminé. Une mise en demeure a donc été envoyée à Christophe Ruggia [le 5 novembre], qui peut fournir des explications dans un délai de quinze jours par écrit ou par oral. Après l’avoir écouté, le CA [conseil d’administration], souverain, procédera à un vote. Une fois que la décision lui sera notifiée, il pourra encore faire un recours. »

Dans un courrier adressé à ses collègues le 8 novembre, le réalisateur annonce qu’il ne répondra pas à leur convocation. Dans cette lettre dont Le Monde a pris connaissance, le réalisateur explique qu’il ne se rendra pas au conseil d’administration prévu le 12 novembre, et repoussé au 25. Christophe Ruggia ne souhaite pas « alimenter les médias qui se substituent à la justice » comme il refuse « de s’exhiber devant un tribunal de confrères et consœurs dont il considérait certain(e)s comme des amies de longue date qui [l’]ont condamné et exclu de leur cercle sans même avoir l’obligeance de [l’]écouter avant ». Le cinéaste « attend maintenant que la justice fasse son travail ».

Association très politique, la SRF avait pris position en faveur du mouvement #metoo en octobre 2017 et suscité la polémique en interrogeant le choix de la Cinémathèque française d’organiser une rétrospective Polanski puis Brisseau en pleine affaire Weinstein. « La nouvelle génération (Rebecca Zlotowski, Céline Sciamma…) a porté ces nouvelles questions et ces réflexions. La SRF est vivante, politique, en prise avec la société, observe Pierre Salvadori. Sur la question des rétrospectives, on a pu paraître inquisiteurs, “américains”, mais proposer ces honneurs quelques semaines après #metoo, c’était décourager les paroles de celles qui ont quelque chose à dire. »

REBECCA ZLOTOWSKI, RÉALISATRICE, MEMBRE DE LA SRF : « C’EST UNE SITUATION D’UNE GRANDE BRUTALITÉ, MAIS NOTRE POSITION EST AVANT TOUT POLITIQUE »

Une réaction plus inhabituelle est celle de l’ARP, la Société civile des auteurs, réalisateurs, producteurs, qui sans en avertir l’ensemble de conseil d’administration, a publié le 6 novembre un communiqué de soutien à Adèle Haenel. « La rapidité du communiqué de la SRF et la force du témoignage d’Adèle Haenel nous ont poussés à réagir, confirme un de ses membres.

Six jours plus tard, les nouvelles accusations de viol portées à l’encontre de Roman Polanski, suscitent un nouveau communiqué de l’ARP qui annonce que son bureau « proposera au prochain conseil d’administration que, désormais, tout membre condamné par la justice pour infraction de nature sexuelle soit exclu et que tout membre mis en examen pour la même raison soit suspendu. » Ce conseil, prévu lundi 18 novembre, aura à répondre à cette question : Roman Polanski doit-il en être exclu ? Le cinéaste Jean-Paul Salomé s’avoue perdu : « Faut-il systématiquement exclure les personnes accusées ? Faut-il exclure après une condamnation ? Et une fois la peine purgée, que convient-il de faire ? Je ne sais pas. » Et d’ajouter : « On a souvent parlé de parité mais on avait peut-être tendance à garder ces sujets sous le tapis, ça n’est plus le cas aujourd’hui. Cette évolution est nécessaire. »

Il y a dix ans, la question s’était pourtant déjà posée à l’ARP, au sujet de l’un de ses membres : Jean-Claude Brisseau (mort le 11 mai), condamné à un an de prison avec sursis et à 15 000 euros d’amende en 2005 pour harcèlement sexuel. La cinéaste Coline Serreau avait inlassablement appelé ses collègues à se saisir de ces débats. Au sein de cette association, ces questions ont longtemps été considérées comme « relevant de la vie privée », se souvient la cinéaste Jeanne Labrune. En 2010, lorsqu’en plein conseil d’administration, Coline Serreau s’émeut de la programmation par l’ARP de l’un des films de Brisseau, l’un des réalisateurs présents plaide que les faits pour lesquels Brisseau a été condamné n’étaient somme toute qu’ordinaires dans une relation entre un réalisateur et ses actrices.

Jeanne Labrune réagit : « Ce que disait ce réalisateur m’exaspérait. Je lui ai donc lancé : “je fais un casting d’hommes mercredi à 14 heures à mon bureau. Est-ce que tu peux venir ? Je voudrais voir tes attributs.” Ça l’a mis dans une colère noire. C’est devenu assez violent. Je lui ai dit : “tu trouves cette parole humiliante, imagine donc ce que font des actes pareils.” Il m’a crié : “ta gueule, va t’asseoir.” Comme ça n’est pas une chose qu’on dit, je suis restée debout. » A l’exception de Michel Ferry qui s’était interposé, personne n’avait pris la défense de la cinéaste. A 69 ans, Labrune en garde un souvenir amer : « On sort de ces réunions exaspérées, on porte la parole d’une manière qui renvoie à cette hystérie féminine qui n’existe pas plus que la leur. »

Du côté des producteurs, les réactions ont également été nombreuses. Le vice-président de l’Union des producteurs de cinéma (UPC), Marc Missonnier, a soutenu en son nom Adèle Haenel. L’UPC, collectivement, a décidé de ne rien publier avant de « connaître les tenants et les aboutissants de l’affaire », indique le producteur Jean-Louis Livi, 74 ans, l’un de ses membres. Livi, qui devait coproduire un film de Christophe Ruggia, a pris la décision de ne plus travailler avec lui. « Sans remettre en cause le témoignage d’Adèle Haenel, le seul regret que j’ai est qu’elle n’ait pas fait appel à la justice. Parce que la justice punit autant qu’elle permet de se défendre. »

Nomination de référents

De son côté, le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) a salué le 6 novembre « la force et le courage » d’Adèle Haenel et appelé la profession à se saisir de « cette libération de la parole comme une chance de faire évoluer notre secteur et la société dans son ensemble ». La productrice Marie Masmonteil, présidente du bureau long métrage, souligne que son collège est paritaire – six hommes, six femmes – ce qui a pu faciliter la discussion. « Quand j’ai entendu Adèle raconter son histoire, je me suis demandé : mais où était le producteur ? » Elle, se souvient de l’endroit où elle était, quand un jour de l’hiver 2010 son directeur de production lui a téléphoné pour lui signaler « un truc bizarre » sur le tournage d’un film du réalisateur Jamshed Usmonov, avec Léa Seydoux. « On a tout de suite déployé un cordon de sécurité autour de l’actrice. On a décidé avec mon associé de passer à tour de rôle sur le tournage, qui avait lieu en Dordogne. C’était notre rôle d’empêcher qu’il se passe quelque chose. »

SANDRINE BRAUER, PRODUCTRICE : « NOUS N’AVONS PAS COMME AMBITION DE FUSTIGER POLANSKI, MAIS DE REFONDER UN SYSTÈME QUI NE REPRODUIT PAS DES POLANSKI »

Rebecca Zlotowski, également membre du conseil d’administration du collectif 50/50 qui milite pour l’égalité dans le cinéma, croit aussi que le pouvoir de changer les choses est entre les mains des producteurs-productrices, des directeurs-directrices de production, des réalisateurs-réalisatrices : « C’est le sens des Etats généraux qu’on souhaite, à la SRF en partenariat avec le collectif 50/50, convoquer l’année prochaine une réflexion menée par l’ensemble de la profession et la mise en place de mesures concrètes. »

« Il faut sortir de cet état de sidération », poursuit la productrice Sandrine Brauer. Nous n’avons pas comme ambition de fustiger Polanski, mais de refonder un système qui ne reproduit pas des Polanski. » Parmi les mesures phares annoncées jeudi 14 novembre lors des deuxièmes Assises pour la parité, l’égalité et la diversité dans le cinéma, au CNC à Paris, la nomination de référents en matière de prévention et de détection des risques liés au harcèlement sexuel sur les tournages et après.

Certains des faits rapportés par Adèle Haenel s’étant déroulés pendant des événements organisés par UniFrance, l’organisme chargé de la promotion du cinéma français a proposé le 5 novembre un projet de charte pour les participants à ses manifestations. « Je connais ces festivals ou marchés internationaux, on peut s’y sentir seule, explique Daniela Elstner, la directrice générale. Il faut faire en sorte que les personnes ne se sentent pas isolées. Nous souhaitons pouvoir proposer aux éventuelles victimes qu’elles puissent signaler immédiatement des comportements inappropriés. »

Dès le lendemain de l’enquête de Mediapart, Pierre Salvadori raconte avoir observé des microchangements sur le plateau d’une série qu’il tourne : « On sort ostensiblement d’une pièce quand quelqu’un fait un essai costume comme pour signifier à tous que rester constitue un comportement qui n’est pas acceptable. J’ai demandé à ce qu’il y ait toujours quelqu’un avec moi et une jeune actrice. » Il se souvient qu’il s’était passé la même chose après l’affaire Weinstein. « Il faut agir pour ne pas que ça s’évapore au bout de quelques semaines. »   Le Monde

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1 novembre 2019

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13 octobre 2019

Affaire Dupont de Ligonnès : retour sur l’emballement policier et médiatique autour de l’arrestation en Ecosse

Par La rédaction du « Monde »

Dans un souci de transparence et d’éclairage sur le traitement de l’actualité, nous publions le récit de ces quelques heures où une information incorrecte a été publiée sur notre site.

L’information selon laquelle Xavier Dupont de Ligonnès avait été arrêté, vendredi 11 octobre, par la police écossaise, a été démentie dans la matinée de samedi 12 octobre par des sources policières. Des tests ADN, effectués sur la personne suspectée par la police française d’être Xavier Dupont de Ligonnès, interpellée par la police écossaise à la descente de son avion à Glasgow, ont exclu formellement qu’il s’agisse de l’homme suspecté depuis 2011 de l’assassinat de sa femme et de ses quatre enfants. L’homme arrêté a été libéré par la police écossaise samedi en fin de journée.

Entre-temps, la grande majorité des médias français, dont Le Monde, avait donné cette information sur la foi de plusieurs recoupements auprès de sources policières. Comment ce qui s’est avéré une information erronée a pu être repris aussi largement par les médias pendant plusieurs heures ? Comment est-elle parvenue au Monde, à quelle heure et comment avons-nous choisi de la diffuser ? Dans un souci de transparence et d’éclairage sur le traitement de l’information, nous publions le récit de ces quelques heures où une information incorrecte a été publiée sur notre site.

Le dossier Dupont de Ligonnès, qui avait fait l’objet ces dernières années de plusieurs signalements ou dénonciations qui se sont révélés des fausses pistes, a connu un spectaculaire rebondissement vendredi. La police française a reçu l’information, sur dénonciation anonyme, qu’un homme susceptible d’être Xavier Dupont de Ligonnès allait prendre un avion pour l’Ecosse vendredi. Les policiers parisiens ratent le suspect à Roissy. Les autorités écossaises sont prévenues et appréhendent le voyageur à sa descente d’avion.

Vendredi 11 octobre, 20 h 33 : un enquêteur de la police judiciaire proche du dossier Dupont de Ligonnès appelle un de nos journalistes : « Dupont de Ligonnès a été arrêté en Ecosse. Ses empreintes viennent d’être identifiées par les Ecossais », affirme t-il. Selon cet enquêteur, le suspect a été « arrêté à sa descente d’avion à Glasgow ». Les vérifications ont été menées, avec notamment des prises d’empreintes. Elles ont « matché », selon le terme habituel dans la police, avec celles du suspect, recherché par les autorités françaises depuis 2011. Les Ecossais ont confirmé l’identification, précise cette source. Les enquêteurs français s’apprêtent à partir sur place et à rouvrir le dossier.

20 h 40 : après avoir reçu cette information, notre journaliste appelle sa rédaction en chef pour la transmettre. D’autres journalistes du Monde cherchent alors à la vérifier en la recoupant auprès d’autres sources policières ou judiciaires.

20 h 40 : au même moment, Le Parisien publie l’information et envoie une alerte : « Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté ce vendredi en Ecosse ». Le journal expliquera plus tard avoir donné l’information après l’avoir recoupé auprès de cinq sources différentes, « de niveaux hiérarchiques différents dont certaines au cœur de l’enquête ».

21 h 01 : l’Agence France-Presse (AFP), dont la mission est d’envoyer à ses clients – les médias – des informations plusieurs fois vérifiées, envoie à son tour une alerte : « Xavier Dupont de Ligonnès arrêté à l’aéroport de Glasgow », en précisant qu’il s’agit d’une « source proche de l’enquête ». L’agence assure ensuite que l’homme « a été contrôlé, et selon la police écossaise, ses empreintes correspondent à celles de Xavier Dupont de Ligonnès. »

Le Monde publie l’information en alertant sur son site et son application mobile, sous cette formulation : « Xavier Dupont de Ligonnès arrêté en Ecosse ». A ce stade, la formulation correcte de l’article aurait dû être la suivante : « Un homme suspecté par la police d’être Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté à Glasgow ».

21 h 03 : une source policière rappelle un de nos journalistes qui l’avait sollicité quelques instants plus tôt. Il confirme l’interpellation à Glasgow d’un homme dont les empreintes digitales correspondent à celles de Xavier Dupont de Ligonnès et précise que le relevé et les comparaisons ont été effectués par la police locale.

21 h 07 : le Service d’information et de communication de la police nationale (Sicop) nous confirme également oralement que l’homme arrêté en Ecosse a été identifié comme étant Xavier Dupont de Ligonnès par la police écossaise, par comparaison de ses empreintes.

Premiers doutes

Après cette première séquence, et alors que l’ensemble des médias nationaux mettent à la « une » l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès sur leurs sites, les premiers bémols se font entendre.

21 h 23 : une autre source policière contactée par Le Monde se montre plus prudente. Elle se refuse à infirmer ou confirmer l’information selon laquelle l’homme interpellé en Ecosse est bien Xavier Dupont de Ligonnès. Elle se contente d’indiquer que « des vérifications sont en cours ».

23 h 05 : l’AFP modifie sa formulation, en citant une « source écossaise » : « Dupont de Ligonnès : un homme arrêté à l’aéroport de Glasgow à la demande des autorités françaises »

Samedi 12 octobre, 0 h 26 : plusieurs heures après les confirmations policières, le procureur de Nantes s’exprime auprès l’AFP. Evoquant une « suspicion sur les empreintes », il appelle à la « prudence » dans l’attente de la confirmation de l’identité. Face à ces premiers doutes, l’article du Monde est retitré de manière plus prudente : « Un homme soupçonné d’être Xavier Dupont de Ligonnès arrêté en Ecosse ». Nos équipes mettent à jour notre article en reprenant notamment les propos du procureur.

6 h 15 : Europe 1 diffuse le témoignage d’un voisin de l’homme arrêté, domicilié dans les Yvelines. Il assure qu’il s’agit d’une « boulette monstrueuse », qu’il connaît l’homme depuis « trente ans » et affirme avoir assisté à son mariage en Ecosse. Les témoignages de plusieurs personnes interrogées par d’autres médias, comme France Inter, France Info puis Le Monde dans la matinée, concordent.

Au fil des heures, des doutes de plus en plus importants apparaissent sur l’identité véritable de la personne interpellée. Toute la matinée, nos journalistes actualisent l’article publié la veille, en publiant notamment la déclaration de l’avocat de la famille des victimes, qui appelle lui aussi la prudence.

La rétractation

9 h 58 : l’une des sources policières contactées la veille par un de nos journalistes et qui se montrait affirmative quant à l’arrestation de Dupont de Ligonnès se rétracte. Elle explique désormais que l’on se dirige vers un « no match », c’est-à-dire que l’ADN de l’individu interpellé ne devrait pas correspondre avec celui de Xavier Dupont de Ligonnès. Il ajoute que la perquisition menée la veille dans les Yvelines, à Limay, au domicile de la personne interpellée, n’a pas permis de faire un lien avec le fugitif le plus recherché de France.

La « une » du journal Le Monde, traditionnellement bouclée avant 10 heures, indique qu’une arrestation a eu lieu dans le cadre de l’affaire Dupont de Ligonnès.

10 h 49 : Une dépêche de l’agence Reuters précise que, selon la chaîne d’information BFM-TV, qui ne cite pas ses sources, les empreintes digitales relevées sur l’homme interpellé ne correspondent que très partiellement à celles de Xavier Dupont de Ligonnès, seulement cinq points sur 13 étant identiques – la police française considère généralement qu’il est nécessaire d’avoir 12 points caractéristiques similaires pour établir une correspondance.

10 h 51 : à son tour, l’AFP alerte sur un « doute sur l’identité de l’homme arrêté à Glasgow », mentionnant une « source proche de l’enquête ». Dans l’après-midi, l’agence a précisé sur Twitter avoir annoncé « l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès sur la foi de quatre sources distinctes proches de l’enquête française ».

12 h 55 : la révélation de la veille s’effondre. Plusieurs sources affirment à BFM TV, à l’AFP ou encore au Parisien que le test ADN mené sur l’homme arrêté à Glasgow s’avère négatif : il ne s’agit pas de Xavier Dupont de Ligonnès. Plusieurs sources policières confirment cette information au Monde. A cette heure, le procureur de Nantes ne s’est pas encore exprimé sur ce point.

12 octobre 2019

Affaire Xavier Dupont de Ligonnès : pourquoi les médias, dont franceinfo, se sont-ils trompés ?

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L'homme interpellé vendredi à l'aéroport de Glasgow n'est pas le fugitif nantais recherché depuis des années, comme l'ont annoncé à tort les médias. Pourquoi cette méprise ? Explications.

La presse, la radio et la télévision, dont franceinfo et France Télévisions, font amende honorable, samedi 12 octobre, après avoir présenté un homme arrêté vendredi à l'aéroport de Glasgow, en Ecosse (Royaume-Uni) comme Xavier Dupont de Ligonnès. Ils s'appuyaient tous sur des informations policières de sources haut placées.

L'annonce a finalement été formellement démentie samedi en milieu de journée. L'ADN atteste que la personne interpellée n'est pas le suspect numéro un du quintuple meurtre commis à Nantes (Loire-Atlantique) en avril 2011, mais un homme plus âgé partageant sa vie entre Limay (Yvelines) et l'Ecosse.

Vendredi 20 heures : la police française confirme que Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté

Pourquoi cette méprise ? A 20h40, Le Parisien publie un article intitulé "Xavier Dupont de Ligonnès : comment les policiers ont retrouvé sa trace". Dans "un souci de transparence", le journal s'explique samedi : "Plusieurs sources haut placées françaises sont catégoriques sur ce point : 'Les Ecossais nous ont dit et répété : c'est votre homme. La comparaison d'empreintes correspond.' Et ce, sans l'emploi du conditionnel."

Les rédactions, qui ont eu parallèlement les mêmes informations, embrayent. "Nous appelons les plus hautes autorités de la police, celles-ci confirment à 100% qu'il s'agit bien de Xavier Dupont de Ligonnès. Elles s'appuient sur les propos de leurs homologues écossais, qu'elles citent. Un, selon les policiers écossais, les empreintes digitales correspondent bien à celles de la fiche Interpol, et, deux, les premiers marqueurs ADN semblent correspondre. Nous avons eu nos sources et nous partons comme ça, nous nous disons 'zéro souci'", explique Audrey Goutard, journaliste spécialiste de la police à France Télévisions.

Delphine Gotchaux, cheffe du service police-justice de franceinfo radio, a aussi rapidement confirmation, de la part de plusieurs sources policières françaises, "d'une concordance entre les empreintes digitales de l'homme interpellé et celles de Xavier Dupont de Ligonnès. Ces multiples sources sont catégoriques à ce moment de la soirée".

21 heures : l'AFP confirme l'information

A 21h01, l'Agence France Presse confirme l'information "selon une source proche de l'enquête". A 21h27,  l'AFP précise que "les empreintes correspondent", selon "des sources françaises proches de l'enquête, qui citent elles-mêmes la police écossaise".

Cheffe du service police-justice à BFMTV, Sarah-Lou Cohen se remémore avoir eu "un premier contact avec la hiérarchie policière, en début de soirée. Elle nous dit que Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté. Mais un deuxième coup de fil appelle à la prudence, et BFMTV cite très vite la police écossaise comme source. Nous partons là-dessus en restant prudents dans la formulation". Néanmoins, la chaîne d'info continue démarre une édition spéciale, où les précisions de la spécialiste interviennent au milieu de commentaires plus affirmatifs.

23 heures : à Limay, l'enquête de voisinage ébranle les certitudes

Les journalistes contactés sont d'accord : les certitudes se fissurent dans la soirée. "La première source à m'avoir contactée sur l'affaire me recontacte plus tard dans la soirée, insiste sur le fait que l'information provient de la police écossaise et ajoute 'c'est très bizarre, sois prudente'", détaille Nathalie Perez, journaliste au service police-justice de France 3. Qui précise que sa source lui indique que des vérifications sont en cours, notamment au domicile du titulaire du passeport de l'homme arrêté, à Limay (Yvelines).

"Il est urgent d'attendre, il faut être prudent. Tant qu'on n'a pas de confirmations ADN, il faut rester prudent", affirment plusieurs sources haut placées à Delphine Gotchaux peu avant 23 heures. Ce que fait franceinfo toute la soirée sur ses antennes radio, télé et web.

Même écho d'Audrey Goutard : "Vers 23 heures, je parle aux policiers qui procèdent à la perquisition à Limay, dans les Yvelines, et interrogent les voisins. Et là, les policiers recueillent le témoignage de celui qui dit connaître depuis trente ans l'homme interpellé en Ecosse. Il affirme qu'il ne s'agit en aucun cas de Xavier Dupont de Ligonnès." Les journalistes qui se rendent à Limay recueillent à leur tour les réactions stupéfaites des voisins, attestant qu'ils connaissent depuis trois décennies ce retraité. "Je me rends sur place et interroge un voisin, Jacques, qui me dit que c'est 'une connerie monumentale'". Il m'assure connaître très bien cet homme depuis trente ans. Il vit à Limay, mais aussi en Ecosse où il a refait sa vie", abonde Gaële Joly, reporter à la radio franceinfo.

Samedi matin : les empreintes ne correspondent pas et le test ADN est négatif

Le samedi matin, les fissures se font lézardes, racontent les spécialistes justice-police des différentes antennes de franceinfo. "Les policiers français, détaille Audrey Goutard, n'arrivent pas à prendre le vol du soir pour l'Ecosse pour aller voir eux-mêmes l'homme interpellé, qui ne ressemble pas aux photos de Dupont de Ligonnès." "Ils demandent d'autres examens, comme le calcul de l'écartement entre les yeux. Cela ne colle pas. On ne sait plus quoi penser."

"Peu avant midi, détaille Delphine Gotchaux, les enquêteurs français ont la certitude que les empreintes relevées à Limay ne sont pas celles de Xavier Dupont de Ligonnès, mais correspondent, en revanche, à celles de l'homme en garde à vue à Glasgow".

"Les policiers m'expliquent le matin pourquoi ils ont des doutes. Les voisins se sont manifestés pour leur dire qu'ils se fourvoient. Les enquêteurs ont procédé à des prélèvements de traces au domicile perquisitionné à Limay, pour comparer avec ce qu'ils connaissent du dossier Xavier Dupont de Ligonnès. Les empreintes digitales ne correspondent pas", explique aussi sa consœur de BFMTV.

"Nos sources françaises nous disent que la police écossaise est affirmative": pourquoi avons-nous cru que l'homme arrêté à Glasgow était Xavier Dupont de Ligonnès pic.twitter.com/GJVJuj4Hs6

— BFMTV (@BFMTV) October 12, 2019

Dans un message publié sur Twitter, l'Agence France Presse déclare, elle aussi, que "des doutes sur l'identité de cet homme étaient apparus" dans la matinée, "les certitudes initiales sur les empreintes digitales s'étant progressivement estompées, selon une source proche de l'enquête".

Des doutes sur l'identité de cet homme étaient apparus ce matin, les certitudes initiales sur les empreintes digitales s'étant progressivement estompées, selon une source proche de l'enquête #AFP

— Agence France-Presse (@afpfr) October 12, 2019

Les résultats de l'analyse ADN sont attendus avec de plus en plus d'impatience. "Ça tombe à 12h15, l'ADN est négatif. Plus aucun doute n'est possible", commente Sarah-Lou Cohen. BFMTV donne l'information, reprise par  Reuters à 12h44. A 12h56, l'AFP confirme dans un flash. "L'homme arrêté à Glasgow n'est pas Dupont de Ligonnès après un test ADN négatif (source proche enquête)". "Nous journalistes, avons avancé au même rythme que les policiers, avec les risques que cela comporte", épilogue Audrey Goutard.

Quelles leçons tirer de cette méprise ? Sur son compte Twitter, Xavier Ronsin, actuel premier président de la cour d'appel de Rennes et procureur à Nantes lorsque l'affaire Dupont de Ligonnès a éclaté en 2011, rappelle que "seul le procureur de la République de Nantes était habilité à communiquer, et aucune autre autorité".

Ça veut dire quoi "autorités" ? Facile sous couvert d'anonymat et de protection des sources d'affubler quiconque de ce titre. Seul le #procureur de la République de Nantes était habilité à communiquer et aucune autre autorité #justice #média #déontologieVariable #XDDL https://t.co/ovI5h7Huow

— Xavier RONSIN (@xavierRonsin) October 12, 2019

Aurait-il donc fallu attendre une communication officielle en France pour évoquer l'arrestation de Glasgow ? Nathalie Perez ne le croit pas : "Le parquet communique le plus souvent par des conférences de presse. Si on l'attendait systématiquement, nous ne serions plus que le relais d'une parole officielle. Je fais confiance à certaines de mes sources depuis plus de dix ans, ce sont des personnes fiables qui, cette fois, ont malheureusement été trompées par des informations venant d'autorités étrangères." La spécialiste police-justice de France 3 reconnaît toutefois qu'à l'avenir, lorsqu'un événement potentiellement aussi retentissant se produira à l'étranger, il faudra sans doute attendre une communication officielle des autorités du pays concerné pour confirmer les premières informations policières. Une analyse partagée par les rédactions de franceinfo.

10 octobre 2019

La une de Libération

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4 octobre 2019

LE BOUQUET DE TULIPES DE JEFF KOONS DÉVOILÉ DANS LES JARDINS DES CHAMPS-ELYSÉES

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Par Ève Beauvallet - Libération

Trois ans après avoir été offerte par l'artiste à la ville de Paris pour symboliser l’amitié franco-américaine au lendemain des attentats de 2015, l'œuvre monumentale et sujette à polémiques va finalement être inaugurée ce vendredi.

Qu’observera-t-on le plus vendredi après-midi, lors de l’inauguration du «cadeau» de Jeff Koons enfin installé dans les jardins des Champs-Elysées, trois ans après son offre ? La monumentalité du présent (60 tonnes socle compris et 13 mètres de haut) et sa façon de s’inscrire dans le paysage du Petit Palais et de la place de la Concorde ? L’esthétique même de ce Bouquet of Tulips dont on présage déjà des vertus fédératrices (les twittos les plus créatifs parlent élégamment d’un «bouquet d’anus») ? Ou le nombre de fronts en train de perler et de sourires un peu trop crispés, à l’issue de mois entiers de polémiques enflammées autour du pourcentage exact de poison contenu dans le bouquet ?

Emplacement symbolique

En apparence, tout va mieux. C’est aussi qu’on part de très loin. Le «présent» de Jeff Koons avait été annoncé en novembre 2016, sous l’impulsion de l’ambassadrice des Etats-Unis à Paris, à l’époque Jane Hartley, pour symboliser l’amitié franco-américaine au lendemain des attentats de 2015. Mais très vite était pointé le lien somme toute ténu entre le quartier ultrachic d’implantation ciblé et ceux des attentats. Le bouquet, en effet, ne devait pas être implanté dans le XIe arrondissement mais dans le XVIe arrondissement, entre le musée d’Art moderne de la ville de Paris et le Palais de Tokyo. Un emplacement hautement symbolique, aux allures de consécration artistique, dont l’adjoint à la Culture de la ville de Paris lui-même, Bruno Julliard à l’époque, s’était opposé au choix. En janvier 2018, une tribune assassine publiée dans les pages de Libération pointait cette tentative d’auto-légitimation tout en alertant sur l’opacité des financements (privés pour la production mais publics pour l’entretien), les dérives du mécénat (aucune consultation, aucun appel d’offres alors qu’il s’agit d’une œuvre d’espace public) ou la valorisation d’un artiste incarnant les logiques spéculatives de l’art marchand.

Depuis, Bruno Julliard a claqué la porte au nez d’Anne Hidalgo qui, elle, a toujours totalement soutenu le projet. En remplacement : Christophe Girard, lequel alors accélère la résolution d’un feuilleton politico-culturel qui commence à faire tousser sur le plan diplomatique. Trouvons un autre emplacement. Les services du cabinet de Françoise Nyssen – ministre de la Culture de l’époque – insistent sur la Villette. L’architecte Bernard Tschumi souligne des problèmes techniques, notamment liés à la hauteur. Soupir de soulagement de Jeff Koons. Et des mécènes aussi : le financement de l’œuvre par des fonds privés est conditionné au prestige du lieu proposé et à celui du public chic et touristique qui fréquente les environs. C’est finalement l’emplacement derrière le Petit Palais qui finit par accorder les élus, les architectes des bâtiments de France et la Commission du Vieux Paris. Et Jeff Koons bien sûr, à qui il n’a pas échappé que le lieu jouxtait celui de la Fiac… «L’art de Koons étant essentiellement commercial, placer la sculpture à proximité d’une foire est plus approprié», cinglait dans nos pages Stéphane Corréard, à l’initiative de la pétition «Non merci, Jeff Koons» qui a agrégé 4 000 signatures.

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Le coût du cadeau ?

Restait à rassurer sur le coût exact du cadeau pour le contribuable. Les études techniques supplémentaires dues aux polémiques topographiques (1 million d’euros) ont entièrement été payées par Jeff Koons lui-même. Comme les frais de production à hauteur d’1 million encore – les 3,5 autres millions que coûtent la production et l’installation étant réglés par les mécènes réunis par les ex-galeristes Emmanuelle et Jérôme de Noirmont (les Français Xavier Niel ou LVMH bénéficieront ainsi des réductions d’impôts prévus par la loi Aillagon sur le mécénat). Quant à l’entretien, Christophe Girard le répète à longueur d’interviews : il incombe à la ville, mais dans la mesure où l’artiste cédera ses droits de reproduction (cartes postales, produits dérivés, etc.) à hauteur de 20% à la municipalité et de 80% aux associations de familles des victimes des attentats, tout est bien qui finit bien. Après d’âpres négociations néanmoins, si l’on en croit une enquête publiée par les Jours, faisant état des réticences initiales de Jeff Koons à céder ses droits plus de vingt-cinq ans.

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