Il était l'auteur de plus d'une centaine d'ouvrages. L'académicien et historien Max Gallo est mort à l'âge de 85 ans, a annoncé sa maison d'édition, XO Editions, à l'AFP, mercredi 19 juillet. Passionné d'histoire de France, ce fils d'immigrés italiens, né à Nice en 1932, a également activement participé à la vie politique française. Il s'est engagé autant à gauche sous François Mitterrand, dont il a été secrétaire d'État et porte-parole du gouvernement entre 1983 et 1984, qu'à droite, en soutenant la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007.
================================
Mort de Max Gallo, académicien et roi du roman historique populaire
Par Raphaëlle Leyris
L’écrivain a également touché à la politique, de député PS en 1981 à compagnon du souverainiste Jean-Pierre Chevènement. Il est décédé à 85 ans.
De sa vie, il disait volontiers qu’elle était « une histoire française », lui dont les deux grandes affaires furent l’Histoire et la France. Historien, romancier, académicien, cet homme au talent oratoire porté par sa voix chaude et son léger accent du sud était passionné de politique : son engagement commença au Parti communiste (PCF) pour s’achever à la droite du spectre, après une expérience de député et de ministre socialiste, et un long compagnonnage avec Jean-Pierre Chevènement. Max Gallo est mort mardi 18 juillet dans sa résidence secondaire de Cabris (Alpes-Maritimes).
Agé de 85 ans, il souffrait de la maladie de Parkinson, et l’avait révélé en 2015 lors de la parution de Dieu le veut (XO), son « centetquelquième » livre – la prolificité de cet auteur à succès, qui confiait « tomber » 10 000 signes par jour, tous les jours (soit l’équivalent d’une page entière du Monde), sur sa machine à écrire, et avait toujours plusieurs manuscrits d’avance dans ses tiroirs, avait fini par décourager d’en tenir le compte précis.
Si le grand amoureux de la République voyait dans son existence « une histoire française », c’est parce qu’elle apparaît d’abord comme une histoire de méritocratie. Max Gallo naît en 1932 à Nice dans une famille d’origine italienne, très modeste de part et d’autre. Sa mère lui lit au coucher des vers de La Divine Comédie de Dante – dans le texte –, préparant ainsi, selon lui, le terrain à sa future vocation d’écrivain.
Ouvrier-électricien, son père a servi comme marin pendant la première guerre mondiale, résisté pendant la seconde (quoique ses proches n’en aient alors rien su) et lui assène que la volonté peut tout.
Un écrivain populaire
Le parcours du fils en témoigne. A 16 ans, il obtient un CAP de mécanicien-ajusteur, puis passe un bac mathématiques et technique. Alors qu’il commence à travailler comme technicien à la RTF (radio-télévision française), il suit des études d’histoire le soir. Et finit par être agrégé (à la première tentative), et enseigner, d’abord au lycée, à Nice, puis à l’université et à Sciences Po Paris.
Ses premiers livres sont consacrés à l’histoire italienne : L’Italie de Mussolini (Librairie académique Perrin, 1964) et L’Affaire d’Ethiopie (Le Centurion, 1967). Sous le pseudonyme de Max Laugham, il se lance bientôt dans la « politique-fiction » avec La Grande peur de 1989 (Robert Laffont, 1966).
En 1968, il publie Maximilien Robespierre, histoire d’une solitude (Perrin), s’essayant ainsi au genre biographique, l’un des piliers de sa réputation. La conforteront, entre autres, Le Grand Jaurès (Robert Laffont, 1984), Jules Vallès (id., 1988), ses quatre tomes sur Napoléon, (id., 1997) et autant sur De Gaulle (id., 1998), sans oublier les deux volumes sur Victor Hugo (XO, 2001) ou Louis XIV (XO, 2007), ni la biographie de Rosa Luxembourg (Fayard, 2000).
C’est cependant le premier de ses « romans-Histoire », La Baie des anges, saga en quatre tomes sur sa ville de Nice, qui, en établissant les bases du style romanesque Gallo (canons respectés du récit historique, auxquels se mêlent le souffle et l’efficacité de conteur…), l’impose comme un écrivain populaire, et se vend d’emblée à des centaines de milliers d’exemplaires.
Souverainiste farouche
L’engouement autour de La Baie des anges est tel qu’il lui vaut d’être approché par les socialistes niçois : ils proposent à celui qui s’est depuis longtemps éloigné du PCF de sa jeunesse de les rejoindre et de se présenter à la députation, puis à la mairie. Il remportera la première, en 1981 – pas la deuxième, conservée par Jacques Médecin.
Entré à l’Assemblée nationale avec la vague rose, il en sort en 1983 pour devenir secrétaire d’état, porte-parole du gouvernement. Il a pour chef de cabinet un jeune énarque, François Hollande, qu’il emmènera avec lui un an plus tard après avoir quitté le gouvernement pour diriger le journal Le Matin de Paris – dans les années 1970, à l’instigation de Jean-François Revel, Max Gallo a été éditorialiste à L’Express. En 1984, ce futur souverainiste farouche est élu député européen, et le restera dix ans.
En dépit de son bref passage au ministère, son grand homme n’est pas François Mitterrand – au lendemain de sa mort, l’historien aura des termes durs à l’encontre de ce « stratège de son propre plaisir » sans « aucun projet d’ordre social ».
Son champion, de toute évidence, est Jean-Pierre Chevènement. Avec lui, Max Gallo claque la porte du PS, pour fonder, en 1993, le Mouvement des citoyens (MDC) ; s’il quitte ce dernier en 1994, c’est pour mieux revenir en 2002, inspirateur de la campagne du « Che » qui veut « rassembler les républicains des deux rives » (en 1999, l’écrivain avait appelé à voter aux européennes pour la liste conduite par Charles Pasqua et Philippe de Villiers).
Le souvenir de son année dans le gouvernement Mauroy III continue de l’ancrer dans les esprits comme un homme de gauche, alors qu’il a changé de bord, il n’en fait guère mystère. En 2007, l’auteur de L’Amour de la France expliqué à mon fils (Seuil, 1999) et de Fier d’être français (Fayard, 2006), soutient la candidature de Nicolas Sarkozy.
« Roman national »
Ne dédaignant pas les polémiques, le débatteur de l’émission « L’Esprit public » (France-Culture) fustige la France de la repentance et des lois mémorielles, en s’interrogeant sur le fait que l’esclavage soit bien « un crime contre l’humanité », ou encore en affirmant que l’histoire est là pour apprendre aux enfants le « roman national »…
Ces prises de positions ne sont sans doute pas étrangères à son élection à l’Académie française en 2007. Porté par sa recherche d’une reconnaissance institutionnelle, celui qui s’est toujours plaint d’être méprisé par la presse et d’avoir reçu pour seule récompense le prix des lectrices de Elle (pour Un pas vers la mer, Robert Laffont, 1975), s’était déjà présenté en 2000. Mais il est élu dans le fauteuil de son ami Jean-François Revel – et accueilli sous la coupole par un autre historien immensément populaire, Alain Decaux.
C’est peu après son intronisation, en 2008, qu’est diagnostiqué son mal. Le colosse de 1,93 mètre (la taille du général de Gaulle, qu’il adule), grand sportif adepte de la marche, cette force de la nature qui se réveille chaque matin depuis des décennies à 3 h 30 pour écrire, assis à son bureau face au Panthéon, est atteint de la maladie de Parkinson.
Le traitement lui permet de maintenir son rythme d’écriture ; il continue de publier deux à trois livres par an. Parmi eux, L’oubli est la ruse du diable (XO, 2012), des mémoires intimes où il se confie notamment sur le suicide de sa fille Mathilde, à 16 ans, en 1972.
Trois ans plus tard, quand paraît son livre sur les croisades, Dieu le veut, il rend publique sa maladie (à laquelle sa quatrième épouse, Marielle Gallet, a consacré au printemps le livre Bella Ciao – Grasset, 180 pages, 17 euros – racontant leur amour autant que leur désemparement face aux trahisons du corps).
Acceptant de se livrer au micro de RTL, très digne, l’académicien avoua alors, comme encore étonné : « On se croit immortel et on découvre qu’on ne l’est pas. »