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Jours tranquilles à Paris
24 mai 2020

Erquy - Parc éolien : la mobilisation d’Erquy n’a pas échoué

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Pas de manifestation, samedi matin, plage du centre, à Erquy (22), mais l’échouage exceptionnel de neuf bateaux de pêche pour protester contre le projet de parc éolien, le tout devant plus d’une centaine de personnes, dispersées le long du boulevard de la Mer, sous la surveillance de 12 gendarmes postés à terre et en mer.

« Ces neuf bateaux de pêche artisanale, échoués, ici, sur la plage du centre d’Erquy, c’est l’image de ce que pourrait bel et bien devenir la pêche à Erquy, une pêche à terre, si le projet de parc éolien dans la baie de Saint-Brieuc est maintenu dans sa forme actuelle ! », explique Julien Tréhorel aux médias venus en nombre, à la suite de l’appel à manifester lancé par l’Adeppa-GNB (Association de défense de l’environnement et de promotion de la pêche artisanale dans le golfe normand breton), l’association qu’il préside.

Une solution énergétique en accord avec tous

Pour le patron pêcheur de l’Intrépide, il faut rester mobilisés. « Rien n’est joué. Les marins-pêcheurs ne sont pas contre l’éolien mais bien contre ce projet dans la baie de Saint-Brieuc et contre les conditions dans lesquelles il est prévu qu’il se fasse. D’autres solutions existent, un parc éolien flottant notamment pourrait être une de ces solutions », rappelle Julien Tréhorel. « Malheureusement, les marins-pêcheurs, jusqu’ici, ne sont pas consultés. Lundi prochain, par exemple, aucun d’entre nous n’a été convié à la réunion prévue à Saint-Brieuc entre le comité départemental des pêches et le préfet ! ».

Sur et devant la plage du centre d’Erquy, samedi matin, nombreuses sont les personnes à s’être déplacées, en veillant aux règles sanitaires en vigueur, pour dire non au projet éolien. « Je vis ici toute l’année, face au Cap d’Erquy-Cap Fréhel, labellisé Grand Site de France », explique cette Rhoeginéenne. « J’achète mon poisson plusieurs fois par semaine aux marins-pêcheurs locaux… Je suis contre ce projet éolien qui menace le tourisme et la pêche ! C’est une aberration, surtout après ce qu’on vient de vivre ! Comment voulez-vous continuer à consommer local alors ? Et vous croyez que les touristes vont avoir envie de venir sur une plage sous laquelle passeront 150 km de câbles de plusieurs milliers de volts face à un parc d’éoliennes ! »

« Et contrairement à ce qu’on a voulu nous faire croire, il n’y aura aucun emploi à être créé dans la région grâce à ce parc éolien qui, en revanche, va détruire les fonds marins », ajoute Katherine Poujol, la présidente de l’association Gardez les Caps, très remontée. « Depuis le début de ce projet, les irrégularités se succèdent. Les recours sont déboutés à chaque fois. C’est inadmissible. Le droit des pêcheurs n’est même pas reconnu ! ».

Les relevés sur la plage de Caroual ont débuté

Du côté des associations environnementales comme du côté des marins-pêcheurs et des riverains, on a l’impression que le projet avance à marche forcée. « Lundi dernier, le Geo Ocean IV, le navire chargé de sonder les fonds a rebroussé chemin mais, jeudi dernier, jour férié qui plus est, dès 8 h, les riverains de la plage de Caroual ont vu deux techniciens de GEOxyz (une société spécialisée dans les relevés hydrographiques et topographiques) à pied d’œuvre dans le prolongement du ruisseau de Lanjourian. Un comble ! », ne décolère pas Katherine Poujol. « Le conseil municipal d’Erquy ne les a pas autorisés à installer un camp de base sur la plage alors ils sont venus avec une camionnette ! Pourtant, tant qu’il y a le recours déposé par le collectif des pêcheurs artisans auprès du tribunal de l’Union européenne, le projet et les aides d’État sont illégaux. »

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24 mai 2020

Marisa Papen

marisa photographe

marisa sous eau

24 mai 2020

Le Champs-Élysées Film Festival dévoile sa programmation

La 9ème édition du festival qui se tiendra du 9 au 16 juin prochain en ligne dévoile sa programmation d'une quarantaine de films dont 6 longs-métrages français et 5 longs-métrages américains indépendants. Au programme : Guillaume Brac, Stephen Frears, Barbara Carlotti.

Le Festival dont on annonçait la semaine dernière le jury et les invités d'honneur, dévoile aujourd'hui sa belle sélection. Rappelons que cette 9ème édition sera entièrement accessible en ligne et en accès libre. Pour être accrédité, il suffira de se connecter dès aujourd'hui sur le site et de créer son compte. Sophie Dulac, présidente et fondatrice du festival, a confié au Film Français : "Notre ambition aujourd’hui est de pouvoir présenter au public la jeune création du cinéma indépendant français et américain qui a plus que jamais besoin d’être soutenue et mise en lumière. Par solidarité avec tou·te·s, et pour la première fois dans son histoire, le festival sera accessible gratuitement et cela dans toute la France depuis notre site internet du 9 au 16 juin."

24 mai 2020

Extrait d'un shooting

shoot casque

24 mai 2020

Etats-Unis « Soft power », fin de partie ?

Le modèle américain d’influence mondiale, qui vacillait en raison du changement de cap incarné par la présidence de Donald Trump, pourrait ne pas résister aux défis internationaux générés par la pandémie de Covid-19

GENÈVE, WASHINGTON - correspondants

Le 11 mai, Donald Trump prend la parole dans la roseraie de la Maison Blanche. « L’Amérique dirige le monde », proclament deux grands panneaux qui encadrent le président des Etats-Unis. Il n’est question que de tests de dépistage du Covid-19, mais le message est clair. Pour l’occupant du bureau Ovale, les Etats-Unis gardent leur rang, le premier.

Lenteur de la réaction de l’Etat fédéral, tergiversations du président, briefings confus… La pandémie a pourtant porté un coup sévère à l’image que les Etats-Unis aiment projeter d’eux-mêmes : celle d’une nation puissante, compétente et efficace. Donald Trump l’a écornée davantage par une série de décisions unilatérales et agressives, de la fermeture brutale des frontières américaines aux ressortissants de l’Union européenne à la suspension de la contribution financière de Washington à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en pleine crise sanitaire mondiale, au prétexte d’un alignement de l’agence onusienne sur Pékin. Les Etats-Unis se sont d’ailleurs retrouvés totalement isolés lors de l’Assemblée mondiale de la santé, le 18 mai, où un compromis pour améliorer la coopération internationale face à la propagation du Covid-19 a été forgé par l’Union européenne et la Chine.

A cette coopération nécessaire en temps de pandémie, le président des Etats-Unis a préféré la confrontation et la compétition pour la découverte d’un vaccin. Washington a ainsi refusé de se joindre à une coalition internationale lancée par ses alliés européens, choisissant de sécuriser auprès du laboratoire français Sanofi un accès prioritaire à ses produits. Et Berlin a dû opposer en mars une fin de non-recevoir à la tentative américaine d’obtenir l’exclusivité des travaux du laboratoire CureVac, en pointe sur le Covid-19.

« Missionnaire »

Théorisé par le politologue Joseph Nye, professeur à Harvard, le soft power, cette capacité d’attraction et de persuasion qui ne repose ni sur la contrainte militaire ni sur la contrainte économique, a constitué un atout pour Washington depuis la fin de la seconde guerre mondiale. A cette époque, jugeant rétrospectivement désastreux, y compris pour ses intérêts, son retrait des affaires du monde après 1918, Washington décide de mettre en place un ordre international libéral (au sens anglo-saxon), étayé par un ensemble d’institutions multilatérales. « L’exceptionnalisme exemplaire » cultivé à l’intérieur de leurs frontières par les Etats-Unis devient alors « missionnaire », selon l’historienne des relations internationales Maya Kandel, chercheuse associée à l’université Paris-III.

La mise à l’épreuve de ce modèle américain par la pandémie coïncide avec un changement de cap incarné par la présidence de Donald Trump. Hostile à toute idée d’« exceptionnalisme », il affirme depuis toujours que les alliés de Washington abusent de son « hégémonie bienveillante » à leur seul profit et aux dépens des intérêts des Etats-Unis.

La vision stratégique américaine publiée en décembre 2017 a développé cette conviction en posant comme priorité la nécessité de « repenser les politiques des deux dernières décennies, fondées sur l’hypothèse que l’ouverture vers des rivaux » des Etats-Unis « et leur intégration dans les institutions internationales et le commerce mondial » les transformeraient en « partenaires de confiance ». « La plupart du temps, cette prémisse s’est révélée fausse », ajoutait le document, visant la stratégie d’engagement à l’égard de la Chine.

En annonçant l’ère de « l’Amérique d’abord », le président souhaite que son pays cesse d’être « la nation indispensable » telle qu’elle avait été définie, en 1998, par l’ancienne secrétaire d’Etat démocrate Madeleine Albright : « Nous voyons plus loin dans l’avenir que d’autres pays, et nous voyons le danger pour nous tous. » Lorsqu’il a présenté le premier projet de budget de l’ère Trump, résumé à un accroissement des moyens militaires aux dépens de ceux alloués à la diplomatie, le directeur du budget, Mick Mulvaney, avait d’ailleurs annoncé en 2017 un budget de « hard power ».

Dans les institutions internationales, le soft power des Etats-Unis s’exprime essentiellement par sa contribution financière. Washington accorde ainsi environ 10 milliards de dollars (9,12 milliards d’euros) à l’ONU chaque année, soit 20 % du budget de l’organisation (et soit l’équivalent du budget annuel des gardes-côtes américains). Mais le temps est désormais aux coupes franches aux Nations unies, en sus de celles visant le département d’Etat et l’Agence américaine pour le développement international (USAID), qui se heurtent cependant à un consensus bipartisan au Congrès. « Le déclin américain prend la forme d’un démantèlement en règle d’un ordre international et d’organisations internationales que les Etats-Unis avaient contribué à créer après la seconde guerre mondiale », estime un observateur onusien.

En témoigne la suspension de la contribution américaine à l’OMS, la plus importante dont bénéficie l’organisation. Sur les 553 millions de dollars alloués pour la période 2020-2021, deux tiers sont allés à des programmes de vaccination, de lutte contre le VIH et d’éradication de la poliomyélite. « Sur ces programmes, les conséquences [de cette suspension] peuvent être désastreuses. Le risque, c’est de revenir trente ans en arrière pour certaines maladies », se désole la docteure Sylvie Briand, directrice du département des maladies infectieuses pour l’OMS. « Cela va considérablement éroder l’influence américaine dans le monde, dans la santé mondiale et les affaires internationales, au milieu d’une épidémie d’une ampleur sans précédent, s’alarme encore Lawrence O. Gostin, professeur en droit de la santé mondiale à l’université de Georgetown, à Washington. Nous perdrons notre voix, et notre influence, même avec nos alliés. »

Depuis 2017, la liste des retraits et désengagements financiers et moraux s’allonge : l’accord de Paris sur le climat, l’accord sur le nucléaire iranien, le conseil des droits de l’homme, le pacte mondial sur les migrations, l’Unesco, mais aussi l’UNRWA (agence d’aide aux réfugiés palestiniens), l’Onusida, l’OMS, et d’autres ont subi l’ire présidentielle. « M. Trump n’a pas compris que le système multilatéral pouvait avoir une vertu transactionnelle. Cette attitude a un coût pour les Etats-Unis : celui d’affaiblir sa capacité à peser sur le cours des événements internationaux », note un observateur européen.

La longue liste des revers américains

Lors de l’Assemblée mondiale de la santé, qui s’est tenue les 18 et 19 mai, Washington avait deux priorités : obtenir un soutien international pour lancer une enquête immédiate sur l’origine du Covid-19 et réintroduire Taïwan à l’OMS avec un statut d’observateur. Ses deux projets ont échoué. La liste des revers américains ne cesse de s’étendre. En décembre 2017, Washington, qui venait d’annoncer le transfert de son ambassade à Jérusalem, n’a pas réussi, malgré de très fortes pressions diplomatiques, à empêcher le vote à l’Assemblée générale de l’ONU d’une résolution condamnant sa décision de reconnaître unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël. En 2018, le candidat américain pour la direction de l’Organisation internationale pour les migrations (IOM), Ken Isaacs, une figure conservatrice et sulfureuse, était écarté au profit d’un Portugais. En 2019, celui que Washington soutenait pour diriger le Fonds pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) perdait au profit du candidat chinois.

Lorsque nous lui demandons, dans le bureau Ovale, à l’occasion d’une conférence de presse improvisée, le 29 avril, si Pékin ne se montre pas désormais meilleur que Washington dans ce jeu d’influence, Donald Trump se défausse sur ses prédécesseurs. « Je suppose qu’au fil des ans nous avons eu des gens qui ne se sont jamais vraiment concentrés sur ce jeu », assure-t-il alors, avant de relativiser les succès chinois (qui seraient de l’ordre « des relations publiques ») puis de revenir sur les manquements supposés de Pékin : « La Chine ne doit pas être félicitée pour ce qui s’est passé » avec le Covid-19. Donald Trump persiste aussi à propos de la suspension de la contribution américaine à l’OMS : « Vous savez, nous pouvons donner cet argent à de nombreux groupes incroyables. Il n’a pas à aller à l’OMS. Nous pouvons le donner à des groupes qui en valent la peine, et en avoir beaucoup plus pour notre argent. »

« Offensive en règle »

Pour l’historienne Maya Kandel, l’actuelle remise en cause du soft power américain plonge ses racines dans les années 1990 et l’évolution du Parti républicain, bien avant l’irruption de Donald Trump vers des positions souverainistes. « Lorsque le Grand Old Party devient majoritaire au Congrès, en 1994, il lance à cette époque une offensive en règle contre la diplomatie et le pouvoir d’influence, perçus comme un signe de faiblesse », explique-t-elle.

La fronde contre le multilatéralisme n’est certes pas nouvelle. Dans les années 1980, le président républicain Ronald Reagan avait déjà décidé de se retirer de l’Unesco, considérée en pleine guerre froide comme noyautée par les Soviétiques. En 2011, Barack Obama, qui garde l’image d’un président plus favorable au multilatéralisme, avait puni l’agence culturelle pour sa décision d’admettre la Palestine comme membre à part entière en suspendant sa contribution. L’Unesco avait perdu 20 % de son budget.

Selon l’ex-ambassadeur de France Gérard Araud, qui a pratiqué les Etats-Unis à l’ONU avant de conclure sa carrière à Washington, les Etats-Unis ont toujours redouté de devenir un « Gulliver entravé » par les institutions qu’ils ont eux-mêmes créées. Ainsi s’explique le refus de rejoindre la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ou la Cour pénale internationale. « L’administration Obama payait sa quote-part à l’ONU, mais elle n’avait pas épongé les dettes précédentes », note le diplomate français.

Le résultat de ces efforts américains est paradoxal. Le théoricien du soft power Joseph Nye l’a d’ailleurs souligné dans une tribune publiée dans le New York Times en février, avant même que la pandémie frappe durement l’Amérique. « Le président Trump se vante d’avoir rendu sa grandeur à l’Amérique (“Make America Great Again”). Mais les faits prouvent le contraire »,écrivait-il. Il n’a pas « mis la Chine à genoux, il l’a renforcée » parce que cette dernière s’est engouffrée dans « le vide » laissé par Washington, a encore estimé en mai Pete Buttigieg, ex-candidat à l’investiture démocrate, dans une tribune publiée par le Washington Post.

« Les assauts de Trump contre les organisations internationales ont des conséquences assez minimes en termes de soft power », relativise David Sylvan, professeur de relations internationales au sein de l’Institut universitaire de hautes études internationales et du développement à Genève. « La vie est sans doute plus compliquée pour elles, mais elle continue. Si on regarde les opérations de maintien de la paix, elles sont toutes encore en place, même si elles fonctionnent avec des budgets contraints », poursuit-il. L’effacement de Washington a laissé la place à de nouveaux acteurs : l’OMS peut compter sur la générosité de la Fondation Bill et Melinda Gates, deuxième contributeur de l’organisation. A l’Unesco, dont les Etats-Unis se sont officiellement retirés en 2018, laissant un arriéré de 600 millions de dollars, des villes et des Etats américains continuent à s’engager à travers des séries de partenariats.

A Genève, qui abrite des agences onusiennes techniques telles que l’OMPI, chargée de la propriété intellectuelle, ou l’ITU, qui gère les télécommunications à l’heure de la bataille mondiale pour la 5G, on note un timide réinvestissement. Le poste d’ambassadeur de la mission des Etats-Unis auprès de l’ONU à Genève a enfin été pourvu, à la fin 2019, après presque trois années de vacance. L’enjeu est, en partie, de reprendre la main sur la gouvernance et l’intelligence artificielle, objets d’un investissement massif de la Chine.

« alliances contre nature »

« Le véritable problème au sein des organisations internationales, c’est la disparition du socle idéologique sur lequel la communauté internationale pouvait s’appuyer », analyse le professeur de relations internationales David Sylvan. Un diplomate en poste dans une agence onusienne remarque « des alliances contre nature », avec des Américains de plus en plus enclins à voter aux côtés de pays autoritaires comme la Russie, l’Arabie saoudite, la Turquie, l’Inde… A l’Unesco, la voix de l’Amérique n’est plus entendue sur des sujets-clés tels que les droits de l’homme, l’éducation, la liberté de la presse, ou les négociations en cours sur l’éthique de l’intelligence artificielle.

Le 23 avril 2019, à New York, les Etats-Unis n’ont pas hésité à torpiller une résolution portant sur les victimes de violence sexuelles, remettant ainsi en question vingt-cinq ans de combat en faveur des droits des femmes. « Il serait excessif de dire que l’Amérique a changé de camp », avait réagi Francois Delattre, alors représentant permanent de la France à l’ONU, mais « elle n’est plus le moteur qu’elle était ».

De fait, par son style non conventionnel et ses outrances, Donald Trump installe un autre modèle, bien éloigné de celui que vantaient ses prédécesseurs. Celui-ci repose sur l’éloge de la force, sur la défiance envers les contre-pouvoirs, à commencer par celui de la presse, et sur le mépris de la science, au vif plaisir des pouvoirs autoritaires qui s’inspirent de ses formules. En reconnaissant unilatéralement la souveraineté israélienne sur le plateau syrien du Golan, en mars 2019, le président des Etats-Unis a piétiné sans ménagement le droit international. Il pourrait récidiver en cas d’annexion par Israël de parties de la Cisjordanie.

Cette mue aiguise des interrogations profondes. « Depuis la guerre en Irak en 2003 et la crise financière de 2008, le sentiment assez général est que les Etats-Unis ne représentent plus le meilleur modèle », souligne un diplomate européen. Un sentiment relayé par l’indice du Soft Power 30, basé à Portland, qui mesure la capacité d’attraction des pays. En trois ans, entre 2016 et 2019, les Etats-Unis ont chuté de deux places, passant de la troisième à la cinquième, derrière la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suède.

Le soft power américain paraît donc en déclin. Si l’on compile les chiffres les plus récents, la perte de vitesse de la première puissance mondiale sur le plan de l’attractivité est notable. Les étudiants étrangers, d’après les chiffres du département d’Etat et de l’Institut international de l’éducation (IIE), étaient un peu plus de 1 million dans les universités américaines en 2018-2019, pour la quatrième année d’affilée. Cependant, leur nombre croît seulement de 0,05 % par rapport à l’année précédente et masque la baisse du nombre des premières inscriptions des étudiants étrangers les trois années précédentes. En parallèle, la réforme fiscale engagée par M. Trump en 2017 et la guerre commerciale avec la Chine ont freiné les investissements directs étrangers, qui ont diminué de 9 % en 2017, de 4 % en 2018 et qui stagnent en 2019 selon les chiffres de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement.

Les touristes aussi sont moins nombreux : s’ils étaient près de 80 millions en 2018, on constate une stagnation sur 2014-2019. Serait-ce la fin du rêve américain ? « Donald Trump n’a qu’une boussole, celle de sa politique intérieure, et il se fiche de ce qu’en pensent les autres, juge un observateur européen. L’image de l’Amérique est pourtant de plus en plus abîmée ; les Etats-unis n’apparaissent plus comme un partenaire moral et stratégique fiable. » Cette dégradation se traduit dans les chiffres du Pew Research Center, publiés en janvier : seuls 31 % des 33 pays interrogés ont « confiance » en Donald Trump (la cote d’Obama atteignait 74 %) ; 53 % ont une opinion favorable des Etats-Unis, au lieu de 64 % en 2016.

« Le soft power américain, cela reste Hollywood, la musique, les universités de l’Ivy League et les ingénieurs du monde entier qui veulent travailler dans la Silicon Valley », tempère le chercheur David Sylvan, qui ne voit dans la personnalité disruptive du président qu’un épiphénomène. Donald Trump n’a pas mobilisé les Nations unies contre le Covid-19 comme l’avait fait Barack Obama avec le virus Ebola en 2014, ce qui n’empêche pas l’ensemble de la planète de suivre la progression de la pandémie à partir des statistiques de l’université Johns Hopkins, à Baltimore (Maryland).

Génération de sceptiques

Cependant, le soft power« suppose une croyance en la supériorité du modèle américain. Or c’est bien cette croyance qui est battue en brèche, non seulement dans le monde depuis quelques décennies, mais désormais, et surtout, chez les Américains eux-mêmes, dans leur majorité et pour la première fois de leur histoire », estime Maya Kandel. Une autre étude du Pew Research Center a montré qu’en 2019 seuls 15 % des Américains âgés de 18 à 29 ans considéraient leur pays comme « au-dessus des autres » (contre 34 % des plus de 65 ans). Ils étaient par ailleurs 36 % à considérer que d’autres pays étaient « meilleurs » que le leur (un sentiment partagé par seulement 9 % de leurs aînés). Les avis des jeunes s’identifiant comme démocrates étaient encore plus sévères.

Cette génération de sceptiques est contemporaine des « guerres sans fin » en Afghanistan et au Proche-Orient, de la crise financière de 2008 et du phénomène américain des tueries de masse, notamment en milieu scolaire. Le choc sanitaire provoqué par le Covid-19 ne pouvait que mettre en évidence, dans l’opinion, les manques criants de son système de santé, quand bien même celui-ci n’a pas été submergé par la pandémie.

D’autres fissures apparaissent. Le scandale du contournement des procédures de sélection par des familles de célébrités dans de prestigieuses universités en 2019 a touché cette colonne vertébrale de l’influence américaine dans le monde. La politique malthusienne des visas que revendique l’administration Trump menace en outre l’« afflux de cerveaux » (« brain gain »), pourtant longtemps moteur du dynamisme américain dans cette nation de migrants.

Le concept de soft power, que le Parti démocrate promet de restaurer, avait été élaboré en 1990 comme une réplique à la thèse d’un déclin américain, avancée en 1987 par l’universitaire Paul Kennedy dans Naissance et déclin des grandes puissances (Payot, 1989), un livre qui avait fait grand bruit. Le recul de l’influence américaine ne peut que relancer le thème de l’affaiblissement de la première puissance mondiale. Une hantise qui taraude les Etats-Unis depuis des décennies.

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24 mai 2020

Courrier International

courrier

24 mai 2020

Philosophie - La pandémie nous éclaire sur nos frustrations permanentes

EL ESPECTADOR (BOGOTA)

La technologie et l’accélération de nos vies quotidiennes nous ont éloignés de toute sensation d’ennui, que le philosophe allemand Schopenhauer, au XIXe siècle, estimait pourtant fécond pour échapper à la frustration permanente et s’ouvrir à la création.

“Pessimisme” et “existentialisme”. Deux mots qui peuvent résumer la pensée d’Arthur Schopenhauer. Et deux notions qui se révèlent fort utiles pour lever le voile et dissiper les a priori sur des sentiments aujourd’hui trop souvent niés, caricaturés, vilipendés. Plus que la tristesse ou la défaite, c’est l’absurde de l’existence qu’a voulu souligner l’existentialisme des XIXe et XXe siècles en Allemagne et en France.

Le XXIe siècle, ses grandes idées de développement et ses outils de loisirs et de divertissement ont jeté l’anathème sur l’ennui. Rares sont ceux qui y cèdent volontiers, et plus encore depuis qu’il existe une réponse immédiate et automatique, le téléphone portable, pour contrecarrer l’ennui ou la contrariété, à peine ont-ils pointé le bout de leur nez. Paradoxalement, c’est bien la technologie qui a fait oublier à l’humanité que l’ennui était la voie royale vers la créativité et l’invention.

Involontaire introspection

Le bonheur factice et cette curieuse prétention à la perfection affichés sur ces réseaux sociaux qui nous accaparent tant ont peu à peu banni les sentiments “négatifs”, ceux qui rappellent la douleur, la nostalgie et l’absurdité de l’existence. En être la proie, c’est être faible, c’est “en faire des tonnes”.

À notre époque, on normalise un bonheur qui se sait fugace, on regarde d’un œil mauvais les désenchantés et ceux qui portent le fardeau d’une vie jugée sans attrait par le regard extérieur. Et en ces temps de confinement qui nous poussent à envisager l’autre comme une menace immédiate, revenir à l’angoisse de l’existence et à l’ennui né de la souffrance, c’est explorer cette affliction que nous nous cachons depuis si longtemps de peur de devoir prendre acte de notre fragilité.

De la satisfaction au vide

Dans Le Monde comme volonté et comme représentation, Arthur Schopenhauer affirmait ainsi [les extraits qui suivent mêlent des citations originales et des textes d’exégèse de l’œuvre] que : “Chez la bête et chez l’homme, la même vérité éclate bien plus évidemment. Vouloir, s’efforcer, voilà tout leur être ; c’est comme une soif inextinguible. Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur ; c’est par nature, nécessairement, qu’ils doivent devenir la proie de la douleur. Mais que la volonté vienne à manquer d’objet, qu’une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l’ennui ; leur nature, leur existence, leur pèse d’un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui ; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. […] Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable ni repos.

Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un ; l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré.”

Les passions, toujours éphémères

La souffrance, l’ennui, l’absurde. L’être humain est par nature complexe, et le capitalisme a bien montré que l’accumulation ne permet pas d’éteindre le désir. Peut-être est-ce même là le cas extrême d’une volonté exprimant son impossible satisfaction.

Et ce scénario de confinement, avec sa pénurie d’activités sociales, de présence humaine et autres traits habituels de notre quotidien, nous confronte à une solitude non voulue, une solitude redoutée même, qui ouvre la voie à la souffrance et à l’ennui mis à nu par le vide, sensation insupportable qui démontre que la volonté, mesurée à l’aune du désir et du plaisir, tombe et retombe sans cesse dans le même état, d’où un sentiment d’absurdité.

Schopenhauer affirmait :

“Supposons un homme en qui la volonté est animée d’une passion extraordinairement ardente. En vain, dans la fureur du désir, il ramasserait tout ce qui existe pour l’offrir à sa passion et la calmer ; nécessairement il éprouvera bientôt que tout contentement est de pure apparence, que l’objet possédé ne tient jamais les promesses de l’objet désiré, car il ne nous donne pas l’assouvissement final de notre fureur, de notre volonté ; que le désir satisfait change seulement de figure et prend une forme nouvelle pour nous torturer encore ; qu’enfin, les formes possibles fussent-elles toutes épuisées, le besoin de vouloir, sans motif connu, subsisterait et se révélerait sous l’aspect d’un sentiment de vide, d’ennui affreux : torture atroce !”

L’insupportable alternance de l’ennui et du désir

Le philosophe avait déjà remarqué que toute l’existence de l’homme oscille entre le vouloir et l’ennui ; c’est un va-et-vient constant, un cercle vicieux auquel il n’échappe pas, car justement la volonté débouche sur cette alternance que Schopenhauer décrit ainsi : “Tout bonheur est négatif, sans rien de positif ; nulle satisfaction, nul contentement, par suite, ne peut être de durée : au fond ils ne sont que la cessation d’une douleur ou d’une privation.”

En ce temps présent marqué par une propagande pour un bonheur qu’il faudrait mesurer à l’aune du succès et de la compétition, l’être humain retombe encore et toujours dans la souffrance de l’insatisfaction, dans cet ennui qui pousse à remettre toujours en cause ce que nous jugions pourtant suffisant et juste, pour nous et pour le monde.

24 mai 2020

Banane

jaime25

24 mai 2020

Á LA QUEUE LEU LEU - Au suivant !

véridique chez zara

Pascale Krémer

Partout sur les trottoirs les files d’attente s’allongent. Une drôle d’ambiance, entre port du masque et distanciation physique. Plus moyen de discuter ni même de râler

L’espace public en est encombré. Seuls attroupements, ou plutôt alignements humains autorisés, les files d’attente s’étirent sur les trottoirs, parfois guidées par des barrières métalliques, serpentent dans les rues commerçantes, sans jamais se croiser, zigzaguent entre les palettes en bois reliées de ruban bariolé devant les grandes surfaces.

Faire la queue s’est imposé comme une activité obligée et chronophage en temps de pandémie. Piétiner en rang d’oignons tandis que les magasins filtrent les entrées, limitant la densité en espace clos… « Le monde d’après, ça ressemble à Euro Disney. La queue partout », tweetait l’acteur Max Boublil, le 11 mai.

Dans les futurs livres d’histoire, des photos de files d’attente illustreront, à n’en pas douter, le quotidien des Français sous la menace du Covid-19. L’affolement du 17 mars, jour de confinement, au point que l’on en vint aux mains dans la queue de l’hypermarché Leclerc de Viry-Châtillon (Essonne) ; le privilège patiemment attendu d’un dépistage chez le professeur Raoult, à Marseille ; la soif consumériste du 11 mai, jour de déconfinement partiel, devant les vitrines de Zara ou de la Fnac. Et surtout le dénuement dont témoignent les interminables processions menant à une aide alimentaire, en Seine-Saint-Denis. Le plus frappant, à observer toutes ces files indiennes que distend l’impératif de distanciation physique ? Le pesant silence et la discipline qui y règnent. Ces visages résignés et masqués, aux regards absents quand ils ne sont plongés dans les portables. Bref, l’exact opposé de l’amas mouvant, générateur de conversations et de conflits, dont les Français sont coutumiers.

Bureau de poste de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine), le 12 mai à 11 h 30 : une queue d’une trentaine d’individus placides s’enroule sur une placette de centre-ville. Lorsque deux employés viennent avertir : la fermeture s’annonce, à midi, pour désinfection, tout le monde ne passera pas… Et miracle ! Aucun éclat de voix, ni départ courroucé, pas le moindre commentaire aigri sur la dégradation du service public. « J’aurais pu être de ceux qui ont été emportés par le virus », rappelle de but en blanc Lydie, 84 ans, que soutiennent une canne et un chariot de courses à motifs panthère. « Que voulez-vous, je me mets à la place de ceux qui travaillent. Ils ont du mérite. » « En temps normal, ça m’aurait énervé, mais là, c’est vachement mieux que rien », murmure Manaf, jeune ingénieur, masqué et engoncé dans la capuche de son sweat.

De l’autre côté de l’avenue, c’est queue pour le bœuf, devant chez le boucher. Loïg, un informaticien quadragénaire plutôt gaillard, se définit comme « l’archétype du mec impatient, qui court contre le temps et commande sur le site qui livre le plus vite ». « Mais là, j’attends, s’étonne-t-il. Quarante-cinq minutes, l’autre fois, à l’Intermarché près de L’Haÿ-les-Roses [Val-de-Marne]. Ça faisait le tour du parking ! Tout le monde prenait son mal en patience. » Pour lui qui télétravaille, désormais, « la queue des courses, c’est prendre une bouffée d’air frais, avoir un contact social, même sans interactions. Faire partie du monde. » La compréhension n’empêche pas l’agacement. Mais on le garde pour soi. Pourquoi traînent-ils tous autant, à l’intérieur, à soupeser les barquettes de fraises ? Fallait-il bien que ce couple entre à deux ? Confirmation de Nathalie Damery, cofondatrice de l’Observatoire société et consommation (Obsoco) : « Les courses ne sont pas une partie de plaisir mais un stress. On se parle très peu dans les files d’attente, même chez les commerçants de proximité, et les regards sont fuyants. » Bref, « quelque chose est grippé, on note un repli, une peur du contact, comme un réflexe de protection instinctif ».

Que décrit bien Nicole Prieur, psychothérapeute et hypnothérapeute : « La présence physique de l’autre représente une menace. On la supporte en se plaçant dans un état de dissociation de conscience, en entrant dans notre propre bulle. C’est un processus de défense psychique. Etre là sans être là. » Professeure des écoles, Laurence, 57 ans, fréquente le même Intermarché des Hauts-de-Seine que Loïg. Une scène l’a marquée. « J’ai vu une dame quitter la queue pour aller chercher quelque chose dans sa voiture. La file a avancé, les gens n’ont pas poussé le chariot qui marquait sa place. Quand elle est revenue et s’est un peu fâchée, tout le monde avait le regard mort. J’ai pensé aux queues de rationnement, à mes grands-parents… »

Symbole des pénuries et crises du passé, à tout le moins d’une organisation défaillante, cauchemar des urbains stressés, habitués à l’instantanéité du clic, la file d’attente engendre aussi un sentiment d’injustice. Ne patiente-t-on pas davantage que les autres, dans la mauvaise file ? Avant la pandémie, la perspective de ce temps mort dissuadait 78 % des Français d’entrer dans un magasin, selon une étude Harris Interactive (pour StrongPoint, en novembre 2017). La barre des 10 minutes d’attente était « la limite maximale acceptable » pour 94 % des interrogés.

Faire la queue constituait « une source d’irritation quotidienne pour un Français sur deux », avait évalué Rémy Oudghiri, sociologue, à la tête de Sociovision (groupe Ifop). Sa disparition était programmée, la grande distribution y travaillait, avec force caisses automatiques, livraisons de commandes en ligne, click and drive (en voiture), click and collect (à pied), scan and go (portable en main)… Voilà qu’un virus en a refait la norme. Dans quelques semaines, pourtant, une fois estompés « conditionnement du confinement et soutien aux commerçants », les Français « accepteront-ils encore ces queues sans redevenir râleurs ? » Le sociologue en doute. « Un pays ne se transforme pas en deux mois… Par ailleurs, la queue place le consommateur sous pression, une fois à l’intérieur du magasin. Il culpabilise s’il s’attarde. Or, la force du magasin, c’est le plaisir de l’expérience. Tout cela s’écroule. Il y a un énorme risque qu’une plus grande partie du commerce se passe en ligne. »

Pour enrayer le processus, la prise de rendez-vous – déjà pratiquée par les enseignes de luxe et les musées – pourrait bien gagner la grande distribution. Des applications gratuites comme celle de la start-up Lineberty permettent de s’inscrire dans une file virtuelle, par smartphone, puis d’être alerté lorsque son tour d’entrer est venu. L’attente numérique est testée depuis peu chez Décathlon, à Lille, ainsi que dans les Monoprix de Neuilly, Boulogne et Paris-Courcelles. Mince espoir que les empoignades de file d’attente disparaissent définitivement avec le coronavirus.

24 mai 2020

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