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Jours tranquilles à Paris
31 octobre 2020

Force de l'ART

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31 octobre 2020

Berlin : Helmut Newton One Hundred

Le 31 octobre 1920 naissait à Berlin de Klara “Claire” (née Marquis) et Max Neustädter, un propriétaire d’usine de boutons, un garçon prénommé Helmut. C’était il y a 100 ans !

Helmut Newton One Hundred

31 Oct. – 8 Nov. 2020

Fondation Helmut Newton + ville de Berlin

Köpenicker Straße 70,

Berlin-Kreuzberg, Allemagne

https://helmut-newton-foundation.org/en/

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31 octobre 2020

Laetitia Casta

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31 octobre 2020

Les œuvres provocantes et scandaleuses de Sarah Lucas

Depuis ses débuts dans les années 80 parmi les Young British Artists, Sarah Lucas s’intéresse à la représentation du corps féminin. S’emparant de ses attributs sexuels, elle les détourne dans ses sculptures sans visage aux poses irrévérencieuses et transgressives. L’obsession qui régit l’ensemble de son œuvre l’a menée des Bunnies en textile aux NUDS en métal qui, aujourd’hui, défient victorieusement le public avec une force de provocation toujours intacte.

Par Eric Troncy .

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“Tracey” (2018). Collants, kapok, fil, chaussures et chaise en bois et métal. Sculpture : 122 x 53 x 71 cm.
Socle : 121,9 x 121,9 x 15,2 cm.
Vue de l’exposition Honey Pie (2020) à la galerie Sadie Coles HQ à Londres.

Discrètement, un peu avant l’été, elles se sont installées à Londres et à New York, et semblaient se réunir en conciliabule – le lockdown donnant à leurs réunions involontairement secrètes des allures de complot, auquel on ne pouvait prendre part que sur rendez-vous. Depuis leur première apparition, il y a plus de vingt ans, les Bunnies de Sarah Lucas, et leurs mutations génétiques qu’elle appelle les NUDS, ont connu des évolutions formelles qui ressemblent au développement d’une espèce inconnue et à son adaptation au biotope qu’est le monde contemporain. Évoquant l’Agrippine de Claire Bretécher autant que la sculpture de Barbara Hepworth, elles sont la preuve (presque vivante) des extraordinaires capacités de sculptrice – et de coloriste – de l’ancienne “enfant terrible” des Young British Artists, qui ne s’est pas assagie en gagnant un peu en classicisme.

Dans un élégant white cube oversize cerné de restaurants, de pubs et de wine bars de Kingly Street, près de Piccadilly Circus (Sadie Coles HQ) et dans les espaces de déambulation d’une imposante maison toute verticale (construite en 1876 et remodelée en 1956 par Edward Durell Stone, qui fut aussi l’architecte du MoMA de New York), sur la 64e Rue dans l’Upper East Side (Galerie Barbara Gladstone), les Bunnies ont pris leurs aises. Affalées dans des fauteuils de Charles et Ray Eames ou dans des sièges vintage, sur des bureaux ou sur des piles de briques en béton, affublées de baskets ou de chaussures à talons hauts et semelles exagérément compensées, elles affichent crânement, et avec lascivité, les contorsions infligées aux membres qui, tant bien que mal, composent leurs corps. Anthropomorphes, elles sont d’une espèce étrange, avec laquelle nous nous sommes familiarisés depuis qu’elles sont apparues dans notre monde, en 1997. Plus de vingt ans que nous cohabitons avec cette population qui, un peu, nous ressemble – mais qui a montré des capacités de mutation hyper rapides.

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“Sugar” (2020). Collants, fil, laine, pince, chaussures, peinture acrylique et chaise en métal. Sculpture : 93 x 63 x 82 cm. Socle : 50,8 x 91,4 x 91,4 cm.

“J’ai réalisé la première Bunny de façon quasi accidentelle, j’entends par là que je n’avais pas une idée claire d’où j’allais avec les collants que j’avais pris pour matériau”, explique Sarah Lucas. Elles sont faites, en effet, de collants garnis de kapok, de coton ou de laine (selon elle, les collants mexicains de la marque Dorian Gray sont les plus résistants) et ne portent pas de vêtements en dehors de bas colorés et parfois de chaussures. Elles sont humanoïdes mais n’ont pas de visage, en tout cas pas d’une nature que nous connaissons, et leur tête fait parfois place à des membres longs comme des bras supplémentaires. L’artiste dit avoir fait l’expérience, lorsque la première Bunny fut achevée, d’un “sentiment d’‘eurêka !’ [où] vous avez soudainement envie de vous asseoir devant une bonne bière, de rire, de fumer des clopes à toute vitesse et de téléphoner dans tous les sens en disant : ‘Eh ! il faut absolument que vous veniez voir ça...’”

“J’ai commencé à faire ces choses en partie pour me tenir compagnie”, confie Sarah Lucas, qui s’est rapidement retrouvée en grande compagnie. En 1997, les huit premières Bunnies firent l’objet d’une exposition chez Sadie Coles à Londres (les deux femmes travaillent ensemble depuis les années 90), intitulée Bunny Gets Snookered (“Bunny se fait rouler”) et dans laquelle, installées sur des chaises, elles étaient disposées de part et d’autre d’une table de billard (et pour deux d’entre elles sur la table de billard elle-même) leurs bas reprenant les couleurs des boules. Depuis lors, ces créatures, affirmant de lointains liens de parenté avec les poupées de Hans Bellmer et les sculptures de Louise Bourgeois, n’ont pas vraiment grandi mais ont en quelque sorte “muté”, générant au passage une espèce parallèle que Lucas appelle les NUDS, et qui, elles, semblent parfaitement affranchies de références littérales au corps humain, en le suggérant cependant – à moins que ce soit notre regard qui soit incapable de s’en affranchir. Les collants remplis de laine et leur structure molle laissent la place à d’autres matériaux plus “durs” (le bronze, et même l’or) et dessinent une sorte de population se présentant comme assagie et embourgeoisée – mais non moins surréaliste – et qui semble plus arrogante encore.

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“Winter Song” (2020). Collants, fil, laine, pince à ressort, chaussures, peinture acrylique et chaise en bois. Sculpture : 113 x 55 x 70 cm. Socle : 50,8 x 91,4 x 91,4 cm.

Après une première rétrospective de son œuvre présentée en Chine, au Red Brick Art Museum de Pékin, ainsi qu’au New Museum de New York et au Hammer Museum de Los Angeles en 2018, les deux expositions qui suivirent, à Londres et à New York, célébrèrent le retour en force des Bunnies et des NUDS dans notre quotidien, sous le même titre : Honey Pie (Ma petite chérie). Ce faisant, Lucas, qu’on imagine plutôt pétrie de punkitude, cite-t-elle peut-être une chanson des Beatles : figurant sur l’album blanc paru en 1968 et dont Richard Hamilton pensa la célèbre pochette monochrome, Honey Pie débute ainsi : “She was a working girl/ North of England way/ Now she’s hit the big time/ In the U.S.A./ And if she could only hear me” (“C’était une fille qui travaillait/ Dans le nord de l’Angleterre/ Maintenant elle a décroché le gros lot/ Aux U.S.A./ Et si elle pouvait seulement m’entendre”) Dans l’imaginaire modelé par l’histoire de l’art des cinquante dernières années, on réserve souvent à Sarah Lucas la place qui revient aux agents provocateurs faisant de l’indiscipline, sinon une forme d’art, au moins une hygiène de vie. Ancienne élève du Goldsmiths College de Londres où elle fut diplômée en sculpture (ses récentes explorations de la couleur lui faisant a posteriori regretter de n’avoir pas plutôt étudié la peinture), associée à la fin des années 80 aux Young British Artists (elle a participé au Freeze show qui leur tint lieu d’événement séminal), elle est inévitablement associée aux sculptures qui firent son légitime succès. En particulier Au naturel (1994), matelas adossé contre un mur et sur lequel deux oranges et un concombre miment l’appareil génital masculin tandis qu’à côté, deux melons et un seau représentent un personnage féminin. Dans Two Fried Eggs and a Kebab (1992), un kebab a pris la place d’un sexe féminin sur un corps devenu table, deux œufs au plat faisant office de seins (lorsqu’elle exposa cette œuvre pour la première fois, Lucas vint changer les œufs au plat chaque matin) – œufs au plat dont elle s’affuble elle-même dans un autoportrait de 1996 (Self Portrait with Fried Eggs). En leur temps, ces sculptures étaient tellement chargées de provocation, tant dans leur forme que dans leurs narrations suggérées, que sembla passer au second plan cette étonnante façon de représenter des corps, c’est-à-dire la préoccupation principale de la sculpture classique. Regardée aujourd’hui en compagnie de Bunnies et de NUDS, et de leur coming out de sculptures aux préoccupations classiques justement, toute l’œuvre de Sarah Lucas semble éclairée différemment, et la représentation du corps y tenir le premier rôle.

Les NUDS offrent à l’artiste la possibilité d’expérimenter des matériaux “durs”, y compris dans la conception de socles intégrés, qui renvoient assurément à la sculpture moderniste, et donc de se confronter très directement à cette forme historique. Les Bunnies, volontiers présentées sur des socles colorés et chaussées de bas colorés eux aussi, donnent à Sarah Lucas la possibilité de se confronter à la “sculpture contemporaine” (Isa Genzken). Toutes évoquent le corps féminin, bien que les NUDS soient censés être plus abstraits – mais tirent leur nom d’une expression de la mère de l’artiste, “in the nuddy”, qui signifie “nu”. Dans la version londonienne de Honey Pie, Lucas a imaginé un dispositif de présentation pour ses sculptures dans lequel l’espace d’exposition est divisé par des murs en béton qui, très simplement, installent un décor de musée contemporain (on pense inévitablement à Bregenz), mais évoquent aussi les revêtements muraux des villas modernistes. Dans ce “décor”, leur lien avec la tradition sculpturale mise en place au xixe et xxe siècles (de la Petite Danseuse de quatorze ans de Degas aux sculptures de femmes alanguies de Matisse) s’épanouit sans distraction et sans fausse pudeur. Ce faisant, Lucas offre des versions parfaitement contemporaines de la sculpture du corps féminin : poses suggestives d’empowerment ou contorsionnées, comme entravées, multiplication des seins et sexualisation manifeste offrent tout un tas de prises à la narration sans être univoques. C’est toujours l’invention d’une forme qui domine, et l’on voit enfin distinctement quelles ombres planent sur cette œuvre : celles de Franz West, d’Edward Kienholz, de Louise Bourgeois...

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31 octobre 2020

Halloween

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31 octobre 2020

Invectives, narcissisme et obsessions : quatre années de Trump résumées par ses Tweet

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Par Pierre Bouvier - Le Monde

Assurer sa promotion en permanence, court-circuiter la diplomatie, détruire l’héritage de Barack Obama… sous leurs airs erratiques, les quelque 24 000 Tweet publiés par Donald Trump au cours de son mandat répondent à une série d’objectifs précis.

Brouillon, brutal, méchant, souvent cryptique. Mais aussi, parfois, drôle malgré lui lorsqu’il s’emmêle les pinceaux et tweete un incompréhensible « covfefe », en voulant probablement écrire « coverage » (« couverture »). Rejoindre les 87,3 millions d’abonnés du compte de @realDonaldTrump sur Twitter et en activer les notifications, c’est ouvrir une fenêtre sur l’esprit de Donald Trump, l’homme le plus puissant de la planète.

Le milliardaire est arrivé sur ce réseau social au printemps 2009 et a eu le temps de développer son art du Tweet avant d’entrer à la Maison Blanche. Pendant six ans, il a élargi son audience à coups de slogans, de formules-chocs et de mots compréhensibles par un enfant de 11 ans comme « super », « bon », « mauvais »… « Si le président Trump est sur Twitter, utilisant de préférence son compte personnel, c’est parce qu’il avait une audience avant d’être président, et qu’il a, à sa manière, façonné Twitter », analyse Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et enseignant à Sciences Po.

Qui se souvient du 12 novembre 2016, quatre jours après sa victoire face à Hillary Clinton, lorsqu’il déclarait sur CBS, à propos des réseaux sociaux : « Si je les utilise, je vais faire preuve de beaucoup de retenue » ? Las, depuis son élection, il a tweeté et retweeté plus de 24 000 fois, ne cessant de vitupérer et de commenter l’actualité de façon épidermique. Mais sous ses airs erratiques, la tweetomanie de Donald Trump répond à une série d’objectifs bien précis : assurer sa promotion en permanence, détruire l’héritage de Barack Obama et ses adversaires démocrates, ou encore se présenter en chef de guerre.

Défendre son statut de « meilleur président »

« Je suis le président qui en a le plus fait dans l’histoire pour les Noirs américains, sauf peut-être Lincoln. » Dans ses Tweet, Donald Trump poursuit ce qu’il a fait depuis ses débuts sur le réseau : assurer son propre service après-vente.

« Il ne faut jamais oublier que Trump, c’est une marque à faire fructifier. Homme d’affaires ou président, il est obsédé par l’idée qu’on parle de lui et de mettre son nom partout : hôtels, casinos, colonie israélienne [Trump Heights, sur le plateau du Golan] », explique Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Alexis Pichard, docteur en civilisation américaine et professeur agrégé d’anglais spécialiste de la politique et des médias américains à l’université Paris-Nanterre, ajoute :

« Il s’adresse exclusivement à sa base, aux 40 % d’Américains qui le soutiennent coûte que coûte, envers et contre tout. Ces Américains – blancs, peu instruits, évangéliques, hétérosexuels, réactionnaires, vivant dans les milieux périurbains – considèrent Trump comme un demi-dieu, un sauveur, au sens biblique du terme.

C’est pour cette Amérique que Trump gouverne depuis son accession à la Maison Blanche. Chaque déclaration, chaque Tweet leur est adressé. Grâce à Twitter, il peut mobiliser ses “trumpers” en permanence et les maintient dans un état de colère, sentiment moteur de leur adhésion à sa politique. »

Dénoncer « chasse aux sorcières » et « fake news »

Pour Donald Trump, Twitter constitue aussi son espace privilégié d’expression lorsqu’il se sent attaqué. Sa victoire, par exemple, reste entachée du soupçon d’une ingérence russe. Qu’importe si l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les interférences prêtées à Moscou par le renseignement américain en 2016 conclut bien à la tentative d’ingérence du Kremlin, sans parvenir toutefois à prouver une complicité américaine : Donald Trump n’aura de cesse de la dénoncer comme une « blague », se disant victime de la « chasse aux sorcières » du procureur Robert Muller, dont l’enquête est « totalement contradictoire, illégale et truquée ».

De la même manière, Trump balaie d’un revers de la main le procès en destitution lancé en décembre par la Chambre des représentants, à majorité démocrate, qui réclamait son impeachment, l’accusant d’avoir essayé de forcer l’Ukraine à « salir » Joe Biden, qui n’était encore qu’un potentiel candidat à la présidentielle.

« IL S’AGIT TOUJOURS POUR LUI DE SE POSER EN VICTIME, EN MARTYR DU SYSTÈME »

Dans cette stratégie d’autodéfense, les médias occupent une place centrale, vecteurs à ses yeux des « fake news » (« fausses informations »), qu’il s’agisse de sondages lui étant défavorables ou, fin septembre, de révélations concernant ses impôts. Le président a ainsi tweeté près de 400 fois à propos du New York Times, près de 300 fois à propos de CNN, plus de 70 fois à propos du Washington Post, une soixantaine de fois concernant MSNBC… N’hésitant pas, par exemple, à qualifier CNN de « FNN », pour « Fraud News Network », ou à traiter la chaîne d’« ennemi du peuple ». Depuis son élection, « il s’agit toujours pour lui de se poser en victime, en martyr du système, et de réactiver la colère et le sentiment d’injustice qui ronge ses électeurs qui, eux-mêmes, se considèrent comme les martyrs des élites politiques, médiatiques ou financières », détaille Alexis Pichard.

« Détricoter l’héritage » de Barack Obama

Mais Donald Trump ne se limite pas à la défense de ses intérêts. Twitter lui offre aussi la possibilité de pilonner sans cesse ses adversaires politiques, et particulièrement Barack Obama. Depuis son élection, son nom est revenu plus de 630 fois dans les Tweet du président républicain, selon le site Trump Twitter Archive, qui recense tous les Tweet de Donald Trump depuis 2009.

L’animosité du président à l’encontre de son prédécesseur n’est pas nouvelle. « Trump n’a jamais digéré [d’avoir été ridiculisé par Barack Obama, en 2011, lors du dîner annuel de l’association des correspondants à la Maison Blanche], et nombre de commentateurs pensent que cet événement l’a convaincu de se présenter en 2016. Il avait une revanche personnelle à prendre sur les médias et sur le président Obama, dont il n’a d’ailleurs cessé de détricoter l’héritage avec plus ou moins de succès depuis son élection », estime ainsi Alexis Pichard.

Si la première rencontre officielle entre le président sortant et le président élu s’est déroulée sans anicroche quelques jours après l’élection de 2016, chez Donald Trump, le naturel a vite repris le dessus : il n’a cessé de critiquer l’héritage du démocrate, qu’il s’agisse de l’accord de Paris, du traité sur le nucléaire iranien ou de l’Obamacare. En mai, lorsque le président Trump vante son action contre le coronavirus, il parvient même à dresser un parallèle avec son prédécesseur, l’accusant de n’avoir rien fait lors de l’épidémie de H1N1. Or, si cette dernière a fait 12 469 morts aux Etats-Unis, son bilan reste pourtant bien inférieur à celui de l’épidémie de Covid-19, qui frôle actuellement les 230 000.

Dernièrement, Barack et Michelle Obama sont reparus dans les Tweet de Trump, leurs discours à la convention démocrate ranimant la haine du président, qui multiplie les attaques contre les « ObamaBiden ».

Noyer les démocrates sous les insultes

Dans le même esprit vindicatif, et malgré le fait qu’elle ne représente plus aucun danger politique pour lui, le président n’a pu s’empêcher de continuer ses attaques envers son ancienne rivale de 2016, Hillary Clinton, qui a été mentionnée dans quelque 310 Tweet et retweet. Au fil des ans, il continue de la qualifier de « tricheuse » ou de « malhonnête », comme si son adversaire n’avait pas reconnu sa défaite.

Mais son attention s’est graduellement focalisée sur une nouvelle cible : Joe Biden. Jusqu’en 2018 l’ancien vice-président a été relativement préservé. Mais depuis que sa candidature s’est précisée et a été validée par les primaires du Parti démocrate, Donald Trump a retiré les gants. Les Tweet péjoratifs visent la condition physique et mentale de l’ancien vice-président, présenté comme « fou », « corrompu », « endormi », « trop faible » voire « dopé ». Quand il n’agite pas le spectre d’une supposée « allégeance à Pékin » ou à la « gauche radicale » de la part de son rival, le président candidat se vante d’avoir « fait plus en 47 mois que Joe Biden en 47 ans ».

« LES FEMMES SONT LA CIBLE D’INSULTES SPÉCIALES DE LA PART DE TRUMP, SOUVENT PLUS DURES QU’ENVERS LES HOMMES »

Au-delà de Joe Biden, c’est tout le Parti démocrate qui est présenté comme l’ennemi de l’Amérique de Trump. Le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, est qualifié de « pleurnichard », tandis que son homologue à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, est traitée de « folle » à longueur de Tweet.

« Les femmes sont la cible d’insultes spéciales de la part de Trump, souvent plus dures qu’envers les hommes », note Marie-Cécile Naves. On en veut pour exemple les figures montantes de la gauche américaine, Rashida Tlaib et Ilhan Omar, deux élues musulmanes du Michigan et du Minnesota, ainsi qu’Ayanna Pressley, élue noire de Boston, et Alexandria Ocasio-Cortez, représentante du 14e district de New York, d’origine portoricaine. Toutes personnifient tout ce que Trump et son électorat détestent. Ces femmes, soutenues par l’aile gauche du Parti démocrate et surnommées « The Squad » (la brigade), reflètent la diversité, réclament des mesures progressistes et ne craignent pas de riposter vertement aux attaques des républicains.

Court-circuiter la diplomatie

Donald Trump a choisi d’incarner la diplomatie américaine. Avant même son entrée à la Maison Blanche, il évoquait la construction d’un « mur à la frontière avec le Mexique », que le « Mexique paierait ». Promettant l’ordre et la sécurité lors de son discours d’investiture, il n’a eu de cesse de qualifier son voisin du sud de « deuxième pays le plus meurtrier au monde, après la Syrie ».

Une fois devenu commandant en chef des armées, Donald Trump se met à faire du « teasing » pour annoncer les victoires du Pentagone, comme l’élimination d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’organisation Etat islamique. Sa communication ne s’embarrasse alors d’aucune précaution. « Il se met en scène en chef de guerre, en leader de la plus grande puissance du monde. Il a brisé la frontière entre la réalité et la fiction », relève Marie-Cécile Naves.

Ses interactions avec la Corée du Nord de Kim Jong-un illustrent bien les dérives de cette diplomatie du Tweet. En quelques mois, le président américain est passé de l’insulte à la « bromance » avec le dirigeant nord-coréen. Après avoir accusé Pyongyang de « jouer », de chercher les « ennuis » et menacé de régler la situation « tout seul », Donald Trump s’est ensuite emballé, qualifiant Kim Jong-un de « Rocket Man », en allusion aux tirs de missiles prisés du dictateur, de « fou », de « petit gros », avant d’en venir à comparer la taille de leurs « boutons nucléaires » respectifs. Après la détente amorcée au printemps 2018, Donald Trump a entamé une relation beaucoup plus apaisée avec son homologue nord-coréen. Alexis Pichard résume :

« C’est une diplomatie autoritaire où le rapport de force masculinisé à outrance a remplacé le dialogue, que Trump assimile à de l’attentisme, par nature inefficace. »

L’analyse des Tweet de Trump montre que le cas de la Chine est un peu différent. Pendant sa campagne de 2015-2016, Donald Trump l’avait régulièrement désignée comme adversaire économique des Etats-Unis. Mais depuis son élection, il cherche à faire intervenir Pékin sur le dossier nord-coréen et s’efforce de tisser une relation avec Xi Jinping afin de signer un accord censé rééquilibrer les échanges commerciaux entre les deux pays. « Il continue d’être agressif dans ses discours sur la Chine, mais pas sur Twitter. En n’attaquant pas directement le président Xi, il se garde une marge de manœuvre, une porte de sortie », commente Antoine Bondaz.

Menace et intimidation, en revanche, sont le lot quotidien de ses alliés européens, avec qui la rupture est consommée depuis le retrait des Etats-Unis de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) et les débats sur l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Emmanuel Macron, par exemple, n’est pas épargné lorsque le président des Etats-Unis évoque le projet d’une armée européenne, cher au président français, ou quand il commente les manifestations de « gilets jaunes », estimant que l’accord de Paris en est la cause. L’ex-première ministre britannique, Theresa May, est elle aussi égratignée, pour avoir refusé de suivre la voie que lui conseillait Donald Trump sur le Brexit.

Angela Merkel s’en tire à peine mieux. Sans la citer nommément, Donald Trump n’a de cesse de critiquer la chancelière allemande pour son peu d’entrain à financer la défense européenne, mais aussi pour son laxisme supposé en matière d’immigration ou ses accords commerciaux avec la Russie. Ces saillies diplomatiques semblent cependant s’être faites plus rares ces derniers temps, selon Antoine Bondaz :

« On observe que depuis un petit moment il parle moins de sujets liés aux relations internationales, parce qu’on a dû lui faire comprendre que c’est très risqué. Et que sur Twitter il y a beaucoup moins de risques à faire de la politique intérieure que de la politique étrangère. »

Préparer le terrain en cas de défaite électorale

A mesure que l’échéance du 3 novembre approche, rien n’illustre mieux l’anxiété qui gagne le président que ses Tweet de plus en plus erratiques, destinés à mobiliser ses partisans. « Il ne cherche pas à élargir sa base électorale. En revanche, il a besoin qu’elle se mobilise en masse pour l’emporter le 3 novembre, car elle est minoritaire dans le pays », estime Marie-Cécile Naves.

C’est sans doute la raison pour laquelle Donald Trump cherche à minimiser la menace du Covid-19, en qualifiant de « catastrophe » le docteur Anthony Fauci, membre de la cellule de crise mise en place pour lutter contre l’épidémie, ou en prétendant qu’il est « immunisé », message que Twitter a assorti d’un avertissement.

La journée du 5 octobre offre un bel exemple de cette fébrilité à l’approche du scrutin. Alors qu’il est encore hospitalisé pour des symptômes du Covid-19 à l’hôpital Walter-Reed, à Washington, le candidat républicain lance une salve de quinze Tweet écrits en capitales dans lesquels il appelle à voter, martelant pêle-mêle des thèmes liés à la conquête spatiale, aux impôts, aux médias ou à la sécurité.

Jusqu’au bout, sur son fil Twitter, Donald Trump n’aura eu de cesse de décrédibiliser le processus électoral, dénonçant le « vote par correspondance », accusant les démocrates de « truquer l’élection » ou demandant à ses partisans de s’inscrire comme observateurs dans les bureaux de vote. « Cette petite musique sert d’ores et déjà à disqualifier la victoire probable de son rival, commente Alexis Pichard. Elle jette un discrédit sans précédent sur les institutions américaines et le processus démocratique fondamental qu’est l’élection présidentielle. »

31 octobre 2020

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31 octobre 2020

Fnac, Carrefour… Le gouvernement cède face à la polémique des librairies fermées

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Par Véronique Chocron, Aline Leclerc, Juliette Garnier - Le Monde

A la demande des libraires, les rayons livres des hypermarchés et autres grandes surfaces ferment temporairement. Les distributeurs de jouets saisissent le Conseil d’Etat.

C’est une première brèche dans le dispositif prévu jeudi par le gouvernement pour maintenir la vente de produits dits essentiels dans le pays. A peine publiée, la liste des activités commerciales autorisées pendant le reconfinement va déjà être amendée.

A l’issue d’une conférence téléphonique de Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et de Roselyne Bachelot, ministre de la culture, avec les représentants de la filière du livre et ceux de la grande distribution, le gouvernement a annoncé vendredi que « les rayons livres et culture des grandes surfaces », dont la Fnac, « seraient momentanément fermés ». La mesure, que Bercy excluait pourtant jeudi, entrera en vigueur, samedi 31 octobre.

« Un boulevard à Amazon »

Le Syndicat de la librairie française, qui réclamait cette restriction depuis l’annonce de la fermeture administrative des magasins de livres, jugés non-essentiels, concède qu’elle ne « résout qu’une partie du problème », offrant « un boulevard à Amazon ». Seule la réouverture des librairies contribuera au « rétablissement d’une concurrence véritablement équitable » selon lui. Bercy et le ministère de la rue de Valois promettent précisément une réunion « la semaine prochaine » avec « les acteurs de la filière du livre pour étudier (…) les modalités d’une éventuelle réouverture des librairies ».

Le gouvernement tente ainsi d’étouffer la polémique issue de la distorsion de concurrence qu’entraîne l’exploitation d’un rayon de produits « non-essentiels » par Carrefour, la Fnac et autres distributeurs de « produits essentiels ». Plusieurs voix avaient pointé l’aberration de la fermeture des libraires alors que la Fnac, ouverte parce que pourvoyeuse d’ordinateurs, de téléphones et de ramettes de papier dits essentiels au télétravail, pourrait vendre ses livres. C’est « dans un souci de responsabilité » que l’enseigne fermera l’accès à « ses rayons culture », a finalement fait valoir son directeur général, Enrique Martinez, vendredi soir.

La Fnac – qui réalise 17 % de son chiffre d’affaires sur les produits éditoriaux (livres, CD, DVD) – n’est pas la seule à faire cette concession au monde du livre, pour – sur le papier – une durée de deux semaines ; les Carrefour, Auchan et autres Leclerc devront faire de même. L’ensemble représente près de la moitié des ventes de livres en France. « Les premières victimes de cette décision sont les auteurs et les éditeurs », observe Jacques Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution. Le représentant des intérêts des grandes surfaces en France en parle à dessein pour éluder le risque de propagation de cette revendication à d’autres secteurs.

« Gilets jaunes du commerce »

En répondant favorablement à la requête des libraires, le gouvernement risque d’être confronté aux « gilets jaunes du commerce », formule le dirigeant d’une enseigne. Car, partout en France, des commerçants de jouets et de mode sont désespérés de devoir garder le rideau tiré, alors que les Carrefour, Leclerc et autres Fnac pourront continuer de vendre consoles, collants et pyjamas, à la veille du coup d’envoi des ventes de Noël. D’autant que la vente par Internet, en plein boom, promet de leur faire beaucoup de tort.

La Fédération des commerces spécialistes de jouets (FCJPE) ne décolère pas. Depuis plusieurs jours, Philippe Gueydon, directeur général de King Jouet, exige de Matignon qu’il ferme l’accès de la clientèle des hypers aux rayons de jouets, comme « ils doivent y procéder lors de matchs de foot régionaux, en interdisant l’accès aux rayons des alcools ». C’est « impossible », compte tenu de « l’imbrication des rayons non-alimentaires et alimentaires », prétend M. Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Dès lors, faute d’avoir été entendus, les dirigeants d’enseignes de jouets, dont 60 % des ventes se réalisent en novembre et décembre, ont décidé d’entamer une procédure contre l’Etat, vendredi, « au regard des conséquences désastreuses » du décret de reconfinement. La FCJPE saisit en « référé le Conseil d’Etat pour violation manifeste du principe d’égale concurrence ».

D’autres secteurs pourraient s’engouffrer dans la brèche ouverte par les libraires. Le précédent Fnac « doit faire jurisprudence », explique Johann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce. Car « Pourquoi accorder cela au livre ? Et pas au vêtement ? Et au bijou ? ». L’Alliance du commerce suggère de sortir de cette « situation criante d’injustice » en « fermant tous les magasins et les rayons de produits non-essentiels » ou en « ouvrant tous les magasins avec de nouvelles mesures sanitaires renforcées ». La Fédération des entreprises de produits de beauté exige aussi le droit d’ouvrir tous les instituts de beauté, salons de coiffure et autres parfumeries en plaidant pour « ces commerces de proximité ».

La fronde des organisations du commerce est telle qu’elle attriste Laurent Milchior. Le gérant du groupe familial Etam, spécialiste de la mode féminine, appelle, lui, à « un confinement beaucoup plus strict sans se balader pour acheter autre chose que l’ultra-necessité » afin de « casser les courbes ascendantes » de propagation du virus. C’est, à ses yeux, le « seul moyen de tenir le calendrier de Noël ». Or, dans les rues, déplore-t-il, « le jour 1 du reconfinement n’a ressemblé en rien au 17 mars 2020 ».

 

31 octobre 2020

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31 octobre 2020

Présidentielle américaine : la campagne sans faute de Kamala Harris

Par Corine Lesnes, San Francisco, correspondante - Le Monde

Depuis sa désignation sur le « ticket » démocrate, la candidate à la vice-présidence s’est pliée à la discipline de l’équipe Biden, tout en cultivant une image de femme jeune et branchée.

Si Joe Biden mène une campagne résolument axée sur les électeurs blancs, Kamala Harris est la préposée aux minorités. Le tandem s’est réparti la carte électorale. A lui, les Etats de la vieille industrie et des cols-bleus. A elle, les régions où la mobilisation des jeunes et des minorités – Noirs, Latinos – peut faire la différence.

Nevada, Arizona, Texas. Dans ses étapes, la candidate à la vice-présidence aime à se faire précéder d’une fanfare, sur le modèle de celles des sociétés étudiantes dans les universités noires − comme Howard University, où elle a étudié à Washington. Percussions, cuivres : l’occasion d’esquisser quelques mouvements en rythme. Message : Kamala est jeune. Elle a 56 ans depuis le 20 octobre, soit vingt et un de moins que Joe Biden, dix-huit de moins que Donald Trump et cinq ans de moins que Mike Pence, l’actuel vice-président.

Se plier à la discipline Biden

Depuis sa désignation sur le « ticket » démocrate, mi-août, la sénatrice de Californie a effectué ce qui ressemble à un parcours sans faute. Si elle a fait parler de ses tenues, ça n’a pas été à propos de « pant suits », les tailleurs-pantalons de Hillary Clinton dont la presse a analysé la symbolique pendant des années, mais de chaussures de sport. Des Converse All-Star qui lui permettent de dévaler avec décontraction les marches de l’avion. Les clips sont relayés sur Instagram par sa sœur, la juriste Maya Harris, ancienne conseillère de Hillary Clinton, et épouse du directeur juridique d’Uber, Tony West, et par sa nièce Meena Harris, juriste elle aussi, fondatrice de l’association Phenomenal Woman et ancienne cadre de haut rang chez Facebook. Huit millions de vues le 9 septembre pour la première descente d’avion de la « candidate-aux-Converse » à Milwaukee (Wisconsin). Message : Kamala est cool.

Un sans-faute, surtout, côté politique. Ceux qui craignaient de la voir rattrapée par son ambition, et empiéter sur les prérogatives du candidat à la Maison Blanche, ont été rassurés. En montant à bord de la campagne Biden, elle a laissé de côté une partie de son entourage – famille et conseillers californiens qui n’avaient pas fait des miracles pendant les primaires − pour se plier à la discipline de l’équipe Biden, en vertu du rôle de « deuxième violon », dévolu au vice-président, a fortiori au candidat au poste.

Pendant son débat du 7 octobre à Salt Lake City contre Mike Pence, Kamala Harris n’a pas cherché à faire d’étincelles. Elle s’est contentée de marquer le point dès qu’elle pouvait auprès de la catégorie de l’électorat qui semble avoir déserté Donald Trump : les femmes. « M. le vice-président : j’ai la parole », a-t-elle répété à chaque fois − il y en eut seize − que l’intéressé l’interrompait. Le débat était à peine terminé que l’équipe Biden mettait en vente un tee-shirt « I’m speaking ».

Insinuations et rumeurs

Même profil bas, lors de la confirmation de la juge Amy Coney Barrett, nommée pour la Cour suprême à quelques semaines du scrutin du 3 novembre. L’ancienne procureure n’est pas venue en personne au Sénat pour l’audition, et elle a retenu ses flèches, à la déception de la base qui espérait la voir tailler en pièces la juriste catholique fondamentaliste. Kamala Harris reste dans les annales progressistes pour avoir demandé au prétendant à la Cour suprême Brett Kavanaugh s’il pouvait citer une législation réglementant le corps masculin. Il s’agissait du droit des femmes à disposer de leur corps. Il a bafouillé.

De fanfare « black » en Caroline du Nord en table ronde avec les petits commerçants latinos de l’Arizona, la candidate a soigneusement évité de tirer la couverture à elle. Elle serait passée pratiquement inaperçue si les républicains n’en avaient fait leur cible privilégiée. Kamala Harris est la première femme noire candidate à la vice-présidence (Noire, par son père, originaire de la Jamaïque) ; elle est aussi la première candidate d’origine indienne (par sa mère, une chercheuse venue faire ses études à Berkeley). Elle a essuyé son lot d’insinuations et de rumeurs, comparables à celles qui mettaient en cause la citoyenneté de Barack Obama. Elle répond rarement directement mais cite souvent le nom de l’hôpital où elle est née : le Kaiser Hospital à Oakland, dans la baie de San Francisco. Avant d’évoquer les manifestations pour la liberté d’expression à Berkeley, qu’elle a suivies « dans sa poussette ».

Kamala Harris est diplômée de relations internationales, de sciences économiques et de droit. Elle a été la première femme procureure de San Francisco, la première femme à occuper le poste d’attorney général en Californie. De 2011 à 2017, elle a dirigé le plus important département de la justice des Etats-Unis, derrière le ministère fédéral à Washington. Elle y a engagé des poursuites contre les plus grandes banques, refusé leur offre d’indemnisation pour obtenir plus (« J’espère que vous savez ce que vous faites », s’inquiéta le gouverneur Jerry Brown).

« Danger » gauchiste

En campagne, elle se trouve obligée d’endurer les quolibets sur son prénom. L’élu de Géorgie David Perdue, pourtant l’un ses collèges au Sénat, a fait mine de buter sur la prononciation en introduisant Donald Trump. Bien mal lui en a pris : les démocrates ont envoyé 2 millions de dollars (1,7 million d’euros) à son rival Jon Ossoff. La candidate a répondu avec patience : « Kamala se prononce comme “Comma” [virgule en anglais], plus “la”. Compliqué ? »

La Californienne arbore systématiquement un visage jubilatoire, qui tranche avec la lourdeur du moment − et lui sert aussi à adoucir l’image de « Top Cop » [flic en chef] héritée de son passé de procureure. Pis, elle a l’air de prendre plaisir à faire campagne. La chroniqueuse Peggy Noonan, du Wall Street Journal, arbitre, à droite, des élégances éditoriales, s’est offusquée de ses pas de danse « embarrassants », notamment le 19 octobre en Floride, un jour de pluie. Sur l’estrade, Kamala s’est permis de swinguer − sous son parapluie − sur le morceau Work That, de Mary J. Blige. Un signe de « légèreté », a réprouvé la journaliste. De « frivolité ». La twittosphère lui a rapidement fait comprendre à quel point sa chronique trahissait son âge (70 ans) et la monoculture d’un milieu qui se raidit au spectacle de la « joie noire ». Le clip, vite baptisé Singing in the Rain, a été vu par plus de 2 millions de personnes.

Donald Trump, bien sûr, n’a pas été le dernier à alimenter le tir. Après avoir moqué son nom, il s’en est pris à son rire : « Vous avez vu cette interview ? Elle n’arrêtait pas de rire. Je me suis dit : “Elle aussi elle a un problème” », a-t-il lancé lors d’un meeting à Allentown, en Pennsylvanie. Ce qui faisait rire ce jour-là Kamala Harris, c’était la question d’une journaliste de l’émission vedette du dimanche soir, 60 Minutes, qui l’invitait en quelque sorte à évaluer elle-même le « danger » gauchiste qu’elle représente : « Une perspective socialiste » ou « une perspective progressiste » ? « C’est la perspective d’une femme qui a grandi comme une enfant noire en Amérique, qui a été procureure, dont la mère est arrivée d’Inde à l’âge de 19 ans, et qui aime le hip-hop. »

Prudente

Le président candidat essaie d’imprimer dans les esprits l’image d’une Kamala Harris installée dans le bureau Ovale. Sous-entendu : Joe Biden ne tiendra pas quatre ans. Une femme − et une femme de couleur − pourrait lui succéder. « Il ne faut pas laisser passer ça. » Mardi 27 octobre, dans le Michigan, il est allé jusqu’à évoquer l’hypothèse d’une disparition violente de Joe Biden, à peine l’investiture terminée. « Trois semaines et Joe est abattu. Kamala, tu es prête ? », a-t-il dépeint, avant d’assurer : « Kamala ne sera pas votre première présidente. On ne va pas avoir un président socialiste. Encore moins une femme présidente socialiste. » L’intéressée s’est gardée de monter sur le ring, et même de polémiquer. « Se traiter de tous les noms n’a rien de nouveau pour quiconque s’est trouvé, enfant, dans une cour de récréation », a-t-elle balayé.

Si la campagne a confirmé son sens politique, elle n’a pas pour l’instant permis de répondre à la question : « Qui est la vraie Kamala Harris ? », selon le titre de la série de podcasts que le San Francisco Chronicle vient de lui consacrer. Progressiste ? Centriste ? Pragmatique ? Carriériste ? Selon le quotidien, il faut remonter aux débuts de sa carrière, en avril 2004, quand la jeune procureure, tout juste élue à San Francisco avec l’appui des syndicats de police qui avaient apprécié sa campagne musclée, a buté sur un événement qui a bouleversé la ville. L’assassinat d’un jeune policier de 29 ans par un gangster. Opposée à la peine capitale, elle n’a pas réclamé l’exécution du criminel. Les policiers ne lui ont jamais pardonné bien qu’elle ait mis ensuite beaucoup d’eau dans son vin : procureure de l’Etat, elle a refusé de se saisir de la bavure ayant coûté la vie au jeune Mario Woods, 26 ans, abattu de vingt et une balles, dont dix-neuf dans le dos, en 2015, à San Francisco, au motif qu’elle ne voulait pas empiéter sur les prérogatives des procureurs locaux choisis par les électeurs. Elle ne s’est prononcée que très tard, en 2018, en faveur de la légalisation de la marijuana.

Prudente comme on l’est quand on est aux avant-postes du « plafond de verre ». Kamala Harris a été élue au Sénat le soir de la victoire de Donald Trump, en 2016. Elle a modifié son discours et appelé à la lutte. C’est là, souligne le quotidien, qu’elle a « pris un grand virage à gauche » et s’est rangée au premier rang de la « résistance ».

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