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Jours tranquilles à Paris
29 octobre 2020

Insultes d’Erdogan : entre Paris et Ankara, la diplomatie en carafe

macron erdogan54

Par Jérémie Berlioux, Correspondant à Istanbul — Le Monde

Paris a rappelé «pour consultation» son ambassadeur en Turquie. Une réponse aux propos du président turc, qui invitait Emmanuel Macron à suivre des «soins mentaux» après la réponse de la France à l’attentat de Conflans.

Rien ne va plus entre la France et la Turquie. Samedi soir, le gouvernement français a décidé de rappeler «pour consultation» son ambassadeur en Turquie. Ce signal se veut une réponse forte aux propos tenus samedi par le président Erdogan. «Quel problème a cette personne dénommée Macron avec les musulmans et l’islam ? Macron a besoin de soins au niveau mental», a-t-il déclaré.

Pour le pouvoir turc, les velléités du gouvernement français de «structurer l’islam» et de lutter contre l’islamisme radical équivalent à de l’islamophobie. Pour Paris, le timing de ces propos, juste après l’hommage rendu à Samuel Paty, et l’absence de condoléances de la part de la présidence turque ne passent pas. Dimanche, le Quai d’Orsay a dénoncé ces insultes, de même qu’une «propagande haineuse et calomnieuse» qui viserait à «attiser la haine contre nous et en notre sein».

«Manipulation»

Si, en 2015, le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, avait été dépêché à Paris après l’attentat à Charlie Hebdo, l’attitude du pouvoir est aujourd’hui bien différente. Après l’attentat de Conflans, nulle compassion dans la presse aux ordres d’Ankara. Certains sont allés jusqu’à avancer la thèse d’un complot orchestré contre les musulmans. Dimanche, Fahrettin Altun, le tout-puissant directeur de la communication présidentielle, écrivait sur Twitter que «l’Europe est un endroit de plus en plus dangereux pour les musulmans. La politique de la manipulation [dog-whistle politics en VO, ndlr] avec des caricatures injurieuses, des accusations de séparatisme contre les musulmans et des raids contre les mosquées n’a rien à voir avec la liberté d’expression».

L’offensive du gouvernement français contre le «séparatisme islamiste» provoque aussi l’ire de Recep Tayyip Erdogan. Début octobre, il s’en était déjà pris à Emmanuel Macron pour ses propos sur l’islam «en crise». Au centre des tensions, on trouve les ressources engagées par la Turquie pour contrôler sa diaspora via des associations culturelles et politiques, et pour exercer une influence sur le culte musulman par le biais d’imams détachés et de financements. Un problème aussi source de tensions entre Ankara et plusieurs capitales européennes.

Ce regain de tensions s’inscrit aussi dans la longue dégradation des relations entre les deux pays. La Turquie dénonce depuis des années l’aide apportée par Paris aux forces kurdes en Syrie. Vu d’Ankara, Paris exige hypocritement de ses alliés une unité totale dans la lutte contre le jihadisme, mais soutient le pire ennemi de l’Etat turc, les groupes armés autonomistes kurdes. A cela s’ajoutent désormais les dossiers libyens, de la mer Méditerranée orientale et de la guerre au Haut-Karabakh. Pour la propagande turque, la France est la marraine d’un «axe de malveillance» qui inclut l’Egypte, Israël, les Emirats arabes unis et la Grèce, ligués contre la Turquie.

Les insultes proférées par Ankara à l’égard de ses voisins européens n’avaient pas suscité autant de réactions par le passé. Ce changement s’inscrit dans la stratégie de durcissement du ton de Paris face à une Turquie qui a fait du recours à la force armée un pilier de sa politique étrangère. Le gouvernement français tente de mobiliser les Européens en traçant des lignes rouges.

Gesticulations

Au-delà des conflits autour des intérêts contradictoires des deux pays dans la région, ce sont deux représentations qui s’opposent. Tandis que la Turquie est décriée comme «expansionniste», voire «impérialiste» en France, elle se perçoit quant à elle comme assiégée. Face aux accusations d’empiétements (réels) en mer Méditerranée orientale et en mer Egée, Ankara dénonce la présence à ses yeux illégitime de Paris dans la région.

La surenchère sécuritaire, voire raciste, de nombreux politiques et personnalités médiatiques en France ces dernières semaines entre en résonance directe avec la vision du monde dominante à Ankara. Les adeptes français du «choc des civilisations» et du fantasme de l’«invasion musulmane» ont leurs pendants en Turquie. A «l’islam sans gêne» de la droite française correspond l’«Occident croisé» des islamo-nationalistes turcs. Le régime d’Erdogan, qui se veut le défenseur des musulmans, joue à plein sur ce registre.

Mais force est de constater, à Istanbul, que les gesticulations des différentes parties et les invectives ne passionnent que les partisans inconditionnels du Président et les franges les plus nationalistes de l’opposition. Malgré le soutien en général d’une large partie de la population à la politique étrangère d’Erdogan, d’autres sujets préoccupent davantage : l’épidémie de coronavirus et la crise économique qui s’annoncent longues et douloureuses.

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29 octobre 2020

Chat noir

chat noir

29 octobre 2020

Henri Salvador : ce moment où Jean-Marie Périer a découvert que le chanteur était son vrai père

perier

Le photographe Jean-Marie Périer est le fils biologique d’Henri Salvador. Cependant, ce dernier ne l’aura jamais reconnu. Dans l’édition du journal Le Monde du dimanche 25 octobre, il a raconté la journée au cours de laquelle il a appris la nouvelle.

Cela fait maintenant douze ans que le chanteur et musicien Henri Salvador nous a quittés. Prodigieux guitariste et personnalité dotée d’un grand sens de l’humour, il était également un séducteur invétéré qui a été marié à quatre reprise. Il n’a pourtant jamais eu d’enfants. Sa dernière épouse, Catherine Costa, en expliquait les raisons ainsi auprès de nos confrères de Gala : « Il est resté peu de temps avec sa première femme. La deuxième, Jacqueline, son grand amour, n’en voulait pas. La troisième avait déjà des enfants. Quant à moi, Henri me l’a demandé, a raconté Catherine à nos confrères de Gala. Et j’aurais adoré lui dire oui. S’il avait eu trente ans de moins je ne me serais même pas posé la question, mais pour avoir été orpheline de père très jeune, je ne voulais pas faire ça à mon enfant. » Cependant, Henri Salvador a bel et bien laissé une descendance sur Terre. Un garçon, issu de son aventure avec Jacqueline Borel : Jean-Marie Périer. Et Catherine Costa de préciser : « On lui a demandé de ne pas le reconnaître. François Périer, qui l’avait reconnu et élevé, ne souhaitait pas qu’Henri s’en approche. Cela devait rester un secret entre eux. Jusqu’au jour où Eddie Barclay a décidé d’orchestrer une rencontre. Jean-Marie avait alors quarante ans et, forcément, c’était trop tard. »

« Ton père n’est pas ton père »

Dans les colonnes du journal Le Monde ce dimanche 25 octobre, Jean-Marie Périer est donc revenu sur le moment où il a appris que le célèbre musicien était son père. Tout part de la rencontre fortuite avec un homme croisé chez sa mère : « Il me dit : 'Ta mère ne va pas tarder, tu n’as qu’à l’attendre.' Je rentre donc dans l’appartement, et on s’assoit dans le salon. Lui en robe de chambre, moi habillé. Situation gênante. Il ne sait pas quoi me dire. A un moment donné, il prend sous la table une pochette de disque, et me la montre en lâchant : 'Ton père n’est pas ton père. Ton père, c’est lui. Sur la pochette, je vois un musicien noir, entouré de guitares… Imaginez le choc ! » Un choc que le temps ne guérira malheureusement pas.

29 octobre 2020

Coronavirus - deuxième vague

dessib deuxieme vague

29 octobre 2020

« Rien ne nous fera reculer, jamais »

macron erdogan

« Rien ne nous fera reculer, jamais », assure le président français Dimanche soir, Emmanuel Macron s’est exprimé sur Twitter en trois langues, fait rare. « Notre histoire est celle de la lutte contre les tyrannies et les fanatismes. Nous continuerons », a écrit le président de la République. « La liberté, nous la chérissons ; l’égalité, nous la garantissons ; la fraternité, nous la vivons avec intensité. Rien ne nous fera reculer, jamais », a tweeté le chef de l’Etat, avant d’ajouter ce message – traduit aussi en arabe et en anglais : « Nous continuerons. Nous respectons toutes les différences dans un esprit de paix. Nous n’acceptons jamais les discours de haine et défendons le débat raisonnable. Nous continuerons. Nous nous tiendrons toujours du côté de la dignité humaine et des valeurs universelles.»

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29 octobre 2020

Photographie - Szymon Brodziak

brodziack33

29 octobre 2020

Entretien - Maïwenn : « L’autobiographie n’existe pas au cinéma »

maiwenn ADN

Par Véronique Cauhapé

L’actrice et réalisatrice explique que, si elle s’est inspirée de son expérience personnelle du deuil, son film est également nourri de fantasmes, de remords et de regrets.

Tous les films de Maïwenn sont nés d’une obsession. Concernant son dernier long-métrage, ADN, il s’agit du deuil, de la façon dont on doit tenter de se débrouiller avec les morts et de la quête identitaire vers laquelle une disparition peut conduire. Des réflexions qui l’ont occupée – « possédée », dit-elle – depuis la mort de son grand-père maternel, Algérien, survenue en 2017, deux ans après celle de sa grand-mère.

A ce film, comme aux autres, vous refusez fermement que l’on associe le terme « autobiographique ». Pourquoi ?

Parce que je le trouve réducteur et faux. Ce que j’essaie de transmettre dans mes films, ce sont les émotions et les sentiments. D’eux découlent les idées, et non l’inverse.

L’autobiographie n’existe pas au cinéma. Nous livrons forcément une autre vérité que le vécu puisque tout est retravaillé, malaxé à travers toutes les étapes de l’écriture, du montage, du tournage. Je me sers de certaines choses que j’ai vécues pour les transformer, y ajouter du fantasme, des regrets, des remords, le courage qui m’a manqué… Picasso l’a dit mieux que moi : « L’art est un mensonge pour dire une vérité plus grande ». Je crois à cela.

Donc, ce que vous avez (re)travaillé ici, c’est la question du deuil et de la quête identitaire à laquelle vous a confrontée la mort de votre grand-père. Comment expliquez-vous que cette quête vous ait tant obsédée ?

Plus je vieillissais, plus je prenais conscience qu’il manquait une case à ma construction psychique. Certes, je savais d’où je venais et je n’ai pas découvert l’Algérie avec la mort de mon grand-père. Enfant, j’y allais souvent.

Mais je ne connaissais rien, en revanche, de l’histoire de mes deux pays, la France et l’Algérie, et de leurs liens. Au fond, j’étais une enfant d’immigrés mais je ne parvenais pas à analyser ce que cela signifiait et la façon dont cela se manifestait chez moi. Cette méconnaissance m’empêchait de comprendre à quel point j’étais héritière de cette histoire. Et de celle de mon grand-père – un homme engagé, très à gauche, sensible au sort des plus faibles et qui s’indignait facilement – avec lequel je partageais pas mal de traits.

Dans « ADN », la mort du grand-père réunit la famille et fait rejaillir tous ses dysfonctionnements. Mais ce huis clos s’ouvre, pour votre personnage, sur un autre horizon plus vaste. Peut-on parler de libération ?

C’est en tout cas la façon dont j’ai vécu le deuil. J’ai été dévastée. La première année, je me suis demandé comment j’allais faire pour m’en sortir, continuer à être forte vis-à-vis de mes enfants, de moi-même et surtout comment j’allais continuer à travailler.

Seule m’obsédait l’histoire de la France et de l’Algérie. Si bien que j’ai commencé par ne pratiquement plus fréquenter les gens du cinéma et me suis mise à regarder tous les documentaires possibles sur la France et l’Algérie, tout ce qui touchait à l’actualité. Je me suis jetée dans la littérature, inscrite à un atelier d’écriture chez Gallimard. Le besoin d’apprendre est devenu une drogue, la seule chose qui m’apaisait. En fait, la mort de mes grands-parents m’a réveillée, m’a donné le sentiment de vivre désormais sous leur regard, et l’occasion d’avoir plus d’estime de moi-même.

Vous êtes-vous rendue en Algérie durant cette période ?

Oui, de nombreuses fois. Et je manifestais avec le Hirak [mouvement de protestation qui a mobilisé le peuple algérien contre la dictature pendant plus d’un an, à partir de février 2019]. J’y ai d’ailleurs rencontré le journaliste Khaled Drareni qui a été arrêté et condamné à deux ans de prison pour avoir voulu exercer son métier avec indépendance. Je participe activement à son comité de soutien. Mon deuil m’a rendue plus concernée.

Vous dites avoir voulu tourner « ADN » de façon légère, comme pour votre premier film. Qu’est-ce que cela signifie ?

Tourner vite, en quatre semaines, avec une équipe réduite et à partir d’un scénario qui ne soit pas entièrement écrit afin que les comédiens aient la possibilité de se l’approprier et y glisser quelque chose d’eux. Je tourne en général avec deux caméras et je les laisse tourner longtemps, en espérant que les acteurs puissent l’oublier. Dès que l’on dit « coupez », tout le monde s’éparpille et se déconcentre. En laissant tourner, cela permet de garder la tension. Mais la liberté du premier film ne se retrouve jamais.

Pour quelle raison ?

Parce qu’ayant désormais plusieurs films à mon actif, l’équipe technique a tendance à penser que j’arrive en ayant la science infuse. Du coup, personne – surtout les nouveaux – n’ose plus me bousculer. Or, on n’imagine pas à quel point j’aime le travail d’équipe, être entourée de gens qui ont du caractère, n’ont pas peur de moi, et dont l’univers artistique m’importe autant que celui que je leur apporte.

Ensuite, moi aussi j’ai changé. La reconnaissance du métier et du public m’a amenée à plus d’exigence. Plus je vieillis et vois de films, plus je me sens nulle et plus je doute. J’ai l’impression, chaque fois, d’y laisser beaucoup de plumes et que je ne les récupérerai pas.

Qu’avez-vous appris du cinéma ?

Tout ce que j’ai appris me vient de Laure Gardette, la monteuse de tous mes films, à l’exception de Mon roi. C’est elle qui m’a appris que l’on ne dit pas les choses dans le cinéma de la même manière que dans la vie. Et m’a permis de me sentir plus libre. Je me souviens de ses phrases fortes qui m’accompagnent telles que « Ne guide pas le spectateur, ne l’informe pas, laisse-le imaginer, travailler, essaye de faire passer les émotions, sans les nommer ou les surligner ».

Elle raconte vous avoir dit, après la lecture de votre premier court-métrage « I’m an Actrice », que vous ne faisiez pas assez confiance au cinéma. Et que vous êtes partie en lui disant que vous ne compreniez pas de quoi elle parlait. C’est vrai ?

Je la soupçonne d’inventer un peu notre première rencontre mais c’est joli. Cela dit, je pense que je rejetais toute approche intellectuelle, toute analyse de mon travail. Je ne sais pas faire ça. Probablement parce que je n’ai pas fait d’études mais aussi parce que la théorie, si elle me fascine chez les autres, ne m’intéresse pas, me concernant. C’est comme si j’étais très amoureuse et qu’on me forçait à analyser pourquoi j’aime cette personne. Je n’ai pas envie.

D’ailleurs, écrivez-le, que j’aime les hommes, que je les soutiens en cette période où on les accable de tous les maux, en oubliant d’évoquer la façon dont certaines femmes usent de leur pouvoir de séduction. Moi j’aime être sifflée dans la rue et j’espère l’être longtemps mais je ne suis jamais montée dans une chambre d’hôtel pour un rendez-vous de boulot.

29 octobre 2020

Fanny Müller

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29 octobre 2020

"L’endettement sans limites est une illusion ! "

economiste

« Si on joue à créer de la monnaie comme on le fait en ce moment à travers l’intervention de nos banques centrales, et qu’on reporte indéfiniment ou qu’on annule son remboursement, on va casser quelque chose de fondamental dans l’économie, qui est la confiance. » Photo Christophe Chevalin/LCI

Propos recueillis par Samuel Ribot

Pour le journaliste économique, la crise sanitaire actuelle s’inscrit dans un mouvement de transformation de l’économie mondiale, entamé avec la crise de 2008. Tout en pariant sur des lendemains meilleurs, il alerte toutefois sur le recours systématique à la dette, qu’il faudra bien rembourser un jour…

En vous lisant, on se dit que la crise sanitaire n’a pas créé mais plutôt amplifié la transformation économique que nous vivons…Fondamentalement, le virus n’a rien changé. Mais il a accéléré un certain nombre de transformations qui étaient à l’œuvre depuis une dizaine d’années et qui vont désormais s’amplifier. De ce point de vue, je vois cette crise comme une machine à avancer le temps : l’épidémie nous a donné à voir le futur. On est au cœur d’une transformation très importante de l’économie et de la société comme il s’en produit une ou deux par siècle. La dernière était la transformation libérale, portée par le monde anglo-saxon, États-Unis en tête, et elle est en train de se terminer. Celle que nous vivons aujourd’hui a vraisemblablement commencé par la crise financière de 2008, et l’irruption de la crise sanitaire en marque une étape.

« La mauvaise nouvelle, écrivez-vous, c’est que ces crises de transformation durent une vingtaine d’années. La bonne, c’est que nous en avons déjà fait plus de la moitié »…

Je pense, en effet, que nous sommes probablement plus avancés que nous ne l‘imaginons dans ce processus de transformation. Par exemple, en matière d’appropriation des technologies numériques, nous avons réalisé en quelques mois ce qui aurait dû nous prendre des années. Les petites entreprises, les artisans, mais aussi les consommateurs ont opéré une véritable révolution. De ce point de vue, la crise a été un accélérateur. De la même manière qu’elle a accéléré de façon phénoménale le recours à la dette…

Vous alertez justement sur « l’hyperdette » qui se met en place avec la crise sanitaire. Pourquoi faut-il la craindre ?

Parce que je suis convaincu que l’endettement sans limites est une illusion. Il y a deux façons de détruire la dette : la première, c’est la croissance doublée de l‘inflation, ce que nous avons vécu après la guerre. Dans ce schéma, l’évolution des richesses est telle que la dette « coûte » de moins en moins cher à rembourser. L’autre méthode, c’est de ne pas payer. Ce que j’appelle la théorie du « repas gratuit ». Or, il arrive toujours un moment où la dette doit être remboursée. Si on joue à créer de la monnaie comme on le fait en ce moment à travers l’intervention de nos banques centrales, et qu’on reporte indéfiniment ou qu’on annule son remboursement, on va casser quelque chose de fondamental dans l’économie, qui est la confiance. D’autant que derrière la dette il n’y a pas que des rentiers : il y a aussi des épargnants comme vous et moi.

Mais cet endettement est prôné par nos dirigeants !

C’est juste. Tout d’un coup, alors qu’il n’y avait, selon nos gouvernants, « pas d’argent magique », on trouve des centaines de milliards en France et des dizaines de milliers de milliards dans le monde. Les gens se disent alors « pourquoi ne les utilisons-nous pas pour lutter contre la pauvreté, augmenter les salaires des enseignants et mettre en place un revenu universel ? » Des interrogations totalement légitimes… Nous ne sommes donc pas près de sortir de cette politique, qui est favorisée par ce climat de désinhibition générale vis-à-vis de la dette, ni de ce débat, qui va nous occuper dans la période électorale qui s’annonce.

Emmanuel Macron a filé la métaphore guerrière au sujet du virus. Or, selon vous, relancer une économie touchée par une épidémie est bien plus difficile que lorsqu’il faut reconstruire après une guerre ? Pourquoi ?

La guerre, indépendamment des désastres humains qu’elle provoque, stimule l’économie à travers la production d’armes d’une part et à travers la reconstruction d’autre part. Dans le cas d’une épidémie, c’est très différent, puisque ces leviers n’existent pas. En fait, une guerre stimule la croissance alors qu’une épidémie l’éteint. Nous sommes donc confrontés à une relance qui doit s’appuyer sur d’autres moyens.

Vous évoquez la relocalisation de la production, la transformation du marché du travail et la réorganisation des entreprises…

Voilà en tout cas trois piliers extrêmement solides sur lesquels nous allons devoir nous appuyer. Plutôt que de relocalisation toutefois, il faudrait peut-être parler de localisation. Et en ce sens, le plan de relance présenté par le gouvernement me paraît assez malin dans la mesure où il ne s’agit pas de faire revenir la fabrication des t-shirts en France mais au contraire d’être en mesure d’attirer les productions de demain. En ce qui concerne le marché du travail, l’effort à faire va être colossal tant notre économie va être chahutée. Reste à voir si notre offre de formation saura absorber les légions de salariés qui vont devoir en bénéficier. Quant à la réorganisation du travail, il me paraît clair qu’elle est déjà largement engagée et que des gains de productivité importants vont continuer à être trouvés. Mais cela ne se fera pas sans dégâts sur le court terme, bien évidemment.

La société française, déjà agitée de soubresauts, est-elle prête à accepter cette transformation ?

Nous avons une propension à nous focaliser sur les perdants et nous avons raison dans la mesure où il faut absolument les aider. Mais dans tout mouvement de transformation de l’économie, il y a des perdants et des gagnants. Pour prendre un exemple, nous avons fait, avec cette crise sanitaire, un bond totalement inattendu vers la transition énergétique. Le pétrole a perdu une valeur qu’il ne retrouvera sans doute jamais, accélérant le mouvement des grands groupes vers les autres sources d’énergie.

C’est le propre des moments d’accélération que de générer de la casse dans certains secteurs et de créer de l’emploi dans d’autres. Les secousses sociales et politiques qui nous attendent à court et moyen terme sont importantes, et il faut absolument en tenir compte. Mais derrière ces difficultés, les choses devraient aller mieux. Je peux évidemment me tromper mais je tire cet argument de l‘observation du passé : nos parents et nos grands-parents ont connu des crises majeures, dont leurs sociétés sont sorties renforcées.

29 octobre 2020

Sexy - gif animé

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