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Jours tranquilles à Paris
7 avril 2020

Frank Von Mars - photographe

Le photographe Frank Von Mars  et le mannequin Mia se sont associés pour l' éditorial exclusif NAKID intitulé L'origine Du Monde '. Cet ensemble est un hommage à «L'Origine du monde», une peinture de Gustave Courbet. Mars est né à Mars, vivant sur Terre et basé à Londres (Royaume-Uni).

Si vous aimez cette histoire visuelle, montrez-leur un peu d'amour, ce n'est qu'un aperçu des choses incroyables qu'ils ont créées - rendez-vous sur leur Instagram ci-dessous pour en savoir plus sur cet artiste génial et soutenir leur créativité et votre inspiration quotidienne en les suivant !

Découvrez plus de Frank Von Mars et leur travail ici: 

https://www.instagram.com/frankvonmars/

https://www.frankvonmars.com/

originr du monde

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7 avril 2020

Enquête - Depuis la peste noire, les hommes bouleversent les rites funéraires lors des épidémies

Par Anne Chemin

Afflux de cadavres, crainte de la contamination : les crises épidémiques ont toujours bouleversé les funérailles, comme c’est le cas encore pour le Covid-19.

L’épidémie, peu à peu, dicte sa loi. Elle nous confine à l’intérieur de nos domiciles, elle empêche nos enfants d’aller à l’école et elle bouleverse déjà les hommages funéraires que nous rendons à nos défunts. Dans un avis consacré à la « prise en charge du corps d’un patient, cas probable ou confirmé Covid-19 », le Haut Conseil de la santé publique a en effet indiqué, le 24 mars, que « les pratiques culturelles et sociales autour du corps d’une personne décédée, notamment en ce qui concerne la toilette rituelle », doivent désormais respecter strictement les règles d’hygiène qui s’imposent d’ores et déjà aux vivants.

Les proches qui souhaitent voir le visage de la personne décédée dans la chambre mortuaire doivent s’abstenir de la toucher, de l’embrasser et même de l’approcher à moins de 1 mètre. « Si un impératif rituel nécessite la présence active de personnes désignées par les proches », ajoute le Haut Conseil, elles ne peuvent être plus de deux et elles doivent porter une tenue de protection – des lunettes, un masque chirurgical, un tablier antiprojection et des gants à usage unique. Les bijoux du défunt doivent en outre être désinfectés avec un détergent « répondant aux normes de virucidie vis-à-vis des virus enveloppés, ou de l’alcool à 70° ».

Les cérémonies d’adieu sont, elles aussi, perturbées par les impératifs médicaux. Pour éviter les inévitables contaminations qui accompagnent les rassemblements, Edouard Philippe a annoncé le 17 mars que les enterrements ne peuvent réunir plus d’une vingtaine de personnes. « C’est très dur, a déclaré le premier ministre. Cela manque de ne pas pouvoir se rendre aux obsèques d’un proche ou d’un ami, mais nous devons faire respecter les consignes sanitaires. » Pour maintenir, malgré tout, un semblant de rituel collectif, certains services de pompes funèbres proposent désormais de retransmettre les obsèques en direct par vidéo.

Le deuil, un « devoir de groupe »

Si nous avons tant de peine à imaginer des veuves en tenue de protection, des séances de désinfection d’alliance ou des enterrements en comité restreint, c’est parce que les rituels funéraires ne sont ni des moments insignifiants ni des signes de bienséance quelque peu désuets. Ces cérémonies où les proches témoignent de leur affliction servent aussi, et peut-être surtout, à combattre « l’impression d’affaiblissement que ressent le groupe quand il perd un de ses membres », selon les mots d’un des pères fondateurs de la sociologie, Emile Durkheim (1858-1917).

En 1912, dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse, le sociologue souligne en effet que le deuil ne peut se réduire à « l’expression spontanée d’émotions individuelles ». « Sans doute, il peut se faire, dans des cas particuliers, que le chagrin exprimé soit réellement ressenti, écrit-il. Mais, le plus généralement, il n’y a aucun rapport entre les sentiments éprouvés et les gestes exécutés par les acteurs du rite. Le deuil n’est pas un mouvement naturel de la sensibilité privée froissée par une perte cruelle : c’est un devoir imposé par le groupe. On se lamente, non pas simplement parce qu’on est triste, mais parce qu’on est tenu de se lamenter. »

« SANS DOUTE, ON NE MET ALORS EN COMMUN QUE DES ÉMOTIONS TRISTES MAIS COMMUNIER DANS LA TRISTESSE, C’EST ENCORE COMMUNIER »

Pour Durkheim, les rituels funéraires servent à « rapprocher les individus les uns des autres, à les mettre plus étroitement en rapports, à les associer dans un même état d’âme » – et à garantir, du même coup, l’unité morale de la société blessée par le décès de l’un des siens. « Puisqu’on pleure en commun, écrit-il encore, c’est qu’on tient toujours les uns aux autres et que la collectivité, en dépit du coup qui l’a frappée, n’est pas entamée. Sans doute, on ne met alors en commun que des émotions tristes ; mais communier dans la tristesse, c’est encore communier, et toute communion des consciences, sous quelques espèces qu’elle se fasse, rehausse la vitalité sociale. »

Avant de mourir au front pendant la première guerre mondiale, Robert Hertz, l’un des élèves de Durkheim, explore, lui aussi, les représentations collectives qui inspirent les rituels funéraires. En 1907, dans sa Contribution à une étude sur la représentation collective de la mort, il s’attarde sur les doubles funérailles célébrées par les peuples indonésiens en insistant sur le fait qu’il ne s’agissait pas de faits « purement locaux ». Après un décès, écrit-il, la société doit accomplir un « pénible travail de désagrégation et de synthèse mentales » pour retrouver la paix.

Pour Robert Hertz, les rituels funéraires servent à faire passer la personne disparue de la société visible des vivants à la société invisible des ancêtres. « Après un décès, les vivants craignent que les morts reviennent les hanter, explique l’anthropologue Frédéric Keck. Les doubles funérailles sont destinées à éloigner ce fantôme : elles instaurent une séparation entre le monde des vivants et le monde des morts. En installant la personne décédée dans cette société parallèle à la nôtre, le rite transforme le cadavre biologique en un être social qui appartient à un autre monde. »

Destinée post mortem

Le devenir des morts occupe beaucoup les vivants, ajoute Frédérick Keck. « L’historien Vincent Goossaert a montré qu’en Chine, les taoïstes tenaient une véritable bureaucratie des morts : chaque personne décédée occupe, dans cet univers, une place liée à ses mérites, poursuit-il. L’Occident, lui aussi, a dessiné une géographie de l’au-delà : pour échapper au système dualiste de l’enfer et du paradis, les chrétiens du Moyen Age ont ainsi inventé, comme l’a raconté Jacques Le Goff dans La Naissance du Purgatoire [Gallimard, 1981], une société intermédiaire où les morts peuvent racheter certains de leurs péchés. »

Selon Eric Crubézy, auteur d’Aux origines des rites funéraires (Odile Jacob, 2019), cette transformation du « mort en défunt » exige trois moments symboliques : « Il faut d’abord voir le corps pour réaliser que la personne est bien morte et mettre en scène une dernière image d’elle – on peut inhumer un général dans ses habits militaires ou le faire ressembler au grand-père qu’il est devenu. Il faut ensuite cacher le corps, en l’inhumant ou en l’incinérant, car cet objet dérangeant qui ressemble au vivant a rejoint le néant ; il faut enfin le métamorphoser, c’est-à-dire l’agréger à une histoire plus grande que lui afin qu’il s’intègre à la communauté des morts. »

Le respect de ces rituels commande la destinée post mortem des personnes décédées. Rien n’est en effet plus dangereux qu’un mort « mal passé », affirme l’anthropologue Jean-Pierre Albert dans Les Rites funéraires. Approches anthropologiques (Les Cahiers de la faculté de théologie, 1999) : lorsqu’un marin meurt en mer, il est impossible de traiter rituellement son cadavre, et donc de le séparer définitivement du monde des vivants. « Ne pas prendre soin du mort, se débarrasser de son corps comme s’il s’agissait d’un déchet ou d’une charogne, donne aux femmes et aux hommes le sentiment qu’ils ont perdu leur humanité », résume la sociologue Gaëlle Clavandier, auteure de La Mort collective. Pour une sociologie des catastrophes (CNRS Editions, 2004).

Le « cataclysme » des épidémies

Parce qu’elles provoquent subitement des milliers, voire des millions de morts, parce qu’elles imposent des précautions sanitaires drastiques liées à la crainte de la contagion, les épidémies bouleversent ces rituels funéraires qui permettent d’instaurer des relations paisibles entre les vivants et les morts. C’est le cas au XIVe siècle, pendant la terrible peste noire qui sème la terreur en Europe : en cinq ans, de 1347 à 1352, le quart, voire la moitié, des habitants du continent succombent à cette immense pandémie importée par les combattants mongols à partir des années 1330.

« EN TEMPS D’ÉPIDÉMIE, LA MORT DEVIENT UNE MENACE IMMÉDIATE, DIRECTE ET BRUTALE. DÈS LORS, CERTAINES BARRIÈRES MORALES OU SACRÉES SONT RENVERSÉES »

L’épidémie pénètre en France le 1er novembre 1347: ce jour-là, le port de Marseille accueille une galère venue d’un comptoir génois de la mer Noire ravagé peu de temps auparavant par la peste. C’est le début d’un véritable « cataclysme », selon le mot de Stéphane Barry et Norbert Gualde dans « La peste noire dans l’Occident chrétien et musulman » (dans Epidémies et crises de mortalité du passé, Ausonius Editions, 2007) : la Provence, le Dauphiné et la Normandie perdent 60 % de leurs foyers ; Narbonne et Perpignan voient disparaître la moitié de leur population. Le bourg de Givry (Bourgogne), qui possède l’un des plus anciens registres paroissiaux de France, enregistre en trois mois le décès de 38 à 43 % de ses paroissiens.

Comment maintenir, pendant cette hécatombe qui s’étend à tout le territoire, le respect des rituels funéraires ? Comment continuer à accomplir ces gestes qui permettent d’éviter l’« errance hostile et malheureuse » des morts, selon le mot de Jean-Pierre Albert ? Ces questions hantent les Français pendant près de quatre siècles : à partir du grand « mal noir » de 1347, la peste réapparaît en effet tous les dix ou vingt ans. « En Occident, la maladie ne disparaît que très progressivement au cours du XVIIe siècle, des flambées, parfois majeures, se manifestant encore au XVIIIe siècle, voire XIXe siècle », soulignent Stéphane Barry et Norbert Gualde.

Cette longue cohabitation avec la mort bouscule les rituels funéraires. « En temps d’épidémie, la mort devient une menace immédiate, directe et brutale, constatent Stéfan Tzortzis et Catherine Rigeade dans « Persistance et/ou transgression des pratiques funéraires en temps de peste » (dans Etudes sur la mort, 2009). Dès lors, certaines barrières morales ou sacrées sont renversées. Même si l’on s’efforce parfois de préserver, au moins partiellement, les pratiques rituelles associées au décès et aux funérailles, elles sont fréquemment escamotées par nécessité. Les gestes funéraires deviennent, de ce fait, potentiellement très variables. »

Au XVIIIe siècle, la « fin des égards »

A partir du XIVe siècle, les tombes des « pestiférés » témoignent de ce bouleversement des pratiques. Certaines victimes sont inhumées à même la terre car le bois destiné aux cercueils vient à manquer ; d’autres sont recouvertes de chaux vive afin de minimiser les odeurs et de repousser les charognards ; d’autres encore sont ensevelies dans des fosses communes car la brusque flambée de la mortalité a eu raison de la tradition des tombes individuelles. Confrontée à une hécatombe sans précédent, inquiète à l’idée que les cadavres puissent transmettre le mal, la population bâtit des « sépultures de catastrophe », selon le mot de l’archéologue Catherine Rigeade.

« AU DÉBUT DE L’ÉPIDÉMIE, LA SOCIÉTÉ TENTE DE FAIRE FACE. UNE FOIS QUE LE MAL SE RÉPAND, ON CONSTATE EN REVANCHE UNE PERTE DES REPÈRES SOCIAUX »

Eric Crubézy, professeur d’anthropobiologie à l’université Toulouse-III, a observé ce désordre dans les tombes édifiées à Montpellier entre le Xe et le XVIe siècle. « Au début de l’épidémie, la société tente de faire face : le rythme des inhumations s’accélère mais les rites sont respectés, explique-t-il. Une fois que le mal se répand, on constate en revanche une perte des repères sociaux. Les familles sont décimées, les survivants sont moins attentifs aux morts, les responsables administratifs, politiques ou religieux disparaissent. Dès lors, les rites sont moins bien respectés : les cadavres sont parfois jetés dans la rue, ramassés dans des charrettes et jetés dans des fosses communes. »

Dans « Funérailles en temps d’épidémie. Croyances et réalité archéologique » (dans Les Nouvelles de l’archéologie, 2013), Dominique Castex et Sacha Kacki soulignent ainsi que, sur le site funéraire de Dreux (Eure-et-Loir), certaines tombes qui datent de la peste noire du XIVe siècle renferment plus de 20 squelettes. A Sens (Yonne), pendant le haut Moyen Age, quantité de sépultures comptent un nombre important de victimes. Cette tendance s’accentue avec le temps, constatent les deux archéologues : en France, tous les sites d’inhumation de victimes d’épidémie de la fin de la période moderne comptent des sépultures multiples.

L’acmé de cet « abandon des pratiques funéraires » intervient à Marseille et Martigues, lors de la dernière grande peste (1720-1722). « Le charnier de l’Observance, à Marseille, a livré les squelettes de plus de deux cents victimes de l’épidémie reposant dans des positions et selon des orientations variées, sans organisation apparente, poursuivent les deux archéologues. Comme pour d’autres aspects du traitement sépulcral, le XVIIIe siècle semble donc marquer un tournant dans le rapport aux corps des malades, la nécessité d’une mise en terre rapide des cadavres prenant le pas sur toute forme d’égard vis-à-vis des défunts. »

Dans le charnier de l’Observance, un squelette de femme a été découvert gisant face contre terre, les bras étirés au-dessus de la tête. « Sa posture nous renvoie l’image d’un corps qui a été jeté dans la fosse, puis traîné par les mains peut-être sur plusieurs mètres avant d’être abandonné tel quel parmi d’autres cadavres, soulignent Stéfan Tzortzis et Catherine Rigeade. La gestion funéraire est alors réduite à la seule élimination de cadavres, sans que l’on puisse y déceler le moindre reliquat de considération religieuse, morale ou simplement humaine. Le corps humain inerte est alors réduit à une chose malsaine dont il faut se débarrasser. »

Fausses communes et chaux vive

L’épidémie de Marseille (1720-1722) est le dernier grand épisode de peste. A partir de la fin du XVIIIe siècle, les progrès de la médecine et l’émergence des politiques de santé publique éliminent peu à peu les grandes vagues épidémiques. En 1810, le « Comité central de vaccine », fondé sous l’égide de puissants philanthropes, annonce que la variole est vaincue. La fièvre jaune et la typhoïde disparaîtront, eux aussi. En 1826, une épidémie de choléra naît cependant en Inde avant de gagner la Russie, la Pologne, la Finlande, l’Allemagne, l’Angleterre et la France.

« MÊME QUAND L’ÉPIDÉMIE EST MENAÇANTE, LES POPULATIONS ACCEPTENT DIFFICILEMENT DE TELLES DÉROGATIONS AU TRAITEMENT DES CORPS MORTS. ELLES Y VOIENT UNE ATTEINTE À LA DIGNITÉ DES DÉFUNTS »

En Prusse, dans la ville de Dantzig, les cadavres sont si nombreux et la crainte de la contagion si vive que les autorités renouent avec les usages funéraires des temps de peste. « Les cadavres sont manipulés avec de grandes pinces en métal, rassemblés dans des fosses communes et recouverts de chaux vive, précise l’historien Patrice Bourdelais, auteur des Epidémies terrassées. Une histoire de pays riches (La Martinière, 2003). Ces pratiques déclenchent un soulèvement : même quand l’épidémie est menaçante, les populations acceptent difficilement de telles dérogations au traitement des corps morts. Elles y voient une atteinte à la dignité des défunts. »

La France du XIXe et du début du XXe siècle connaît, comme la Prusse, des épidémies – sans pour autant ressusciter les pratiques funéraires observées lors de la peste médiévale : pendant le choléra de 1832, la grippe russe de 1889-1890 ou la grippe espagnole de 1918-1919, nul ne voit des charrettes déverser sans ménagement des cadavres dans des fosses communes. Les rituels sont cependant perturbés : le brusque afflux de cadavres lié aux épidémies empêche les pompes funèbres de respecter pleinement les usages qui accompagnent traditionnellement l’adieu aux morts – en France, le choléra de 1832 fait en effet 100 000 victimes, la grippe russe 60 000, la grippe espagnole de 200 000 à 300 000.

Pendant la grippe russe, les pompes funèbres de Paris peinent à gérer les cadavres. « En sept semaines, entre le 10 décembre 1889 et le 31 janvier 1890, la ville enregistre 5 000 décès, souligne l’historien Frédéric Vagneron, qui a consacré une thèse aux pandémies de grippe de 1889 et de 1918. Le XIXe siècle a été marqué par la création de nouveaux cimetières extra-muros : au nom de la lutte contre la pollution des sols et de la hantise de l’engorgement des cimetières intra-muros, on a éloigné les nécropoles des centres-villes. Lors des enterrements, les voitures à chevaux doivent donc emporter les cercueils vers la périphérie. La presse de l’époque parle beaucoup de ces convois funèbres qui traversent silencieusement la ville en janvier 1890. »

La situation s’aggrave, vingt ans plus tard, lors de la grippe espagnole. « En 1918-1919, les pompes funèbres parisiennes, qui gèrent plus de 400 corps par jour, ont du mal à trouver du bois pour les cercueils et font creuser les fosses par des prisonniers allemands, raconte l’historien. Parce que la grippe est contagieuse, un chapelet d’arrêts municipaux apporte des restrictions aux rituels funéraires : il est interdit de se rassembler en nombre dans les églises et les cimetières. Le faste des cortèges diminue : pour l’écrivain Edmond Rostand ou l’aviateur Léon Morane, les convois sont importants, mais pour les victimes moins connues, on met deux cercueils sur le même char et on réduit le nombre de chevaux. »

Une peine supplémentaire

Aucun soulèvement n’accueille ces restrictions aux rituels funéraires, mais des crises politiques éclatent ici et là. A Grenoble, les familles dénoncent les conditions scandaleuses dans lesquelles les pompes funèbres, qui ont été confiées quelques années auparavant à une compagnie privée, gèrent les inhumations des victimes de la grippe espagnole. « La presse, en particulier socialiste, se fait leur porte-parole en dénonçant les dysfonctionnements des services funéraires et l’absence de dignité qui préside aux obsèques », poursuit Frédéric Vagneron. A la suite d’une enquête administrative de la préfecture diligentée en 1918, la municipalité dénoncera l’accord conclu avec la compagnie privée.

Un siècle plus tard, la France semble renouer avec cette longue histoire. Comme en 1832, comme en 1889, comme en 1918, le strict encadrement des rituels funéraires inflige aux familles de victimes une peine supplémentaire – et peut engendrer une sourde inquiétude. « Il est important que les familles qui le souhaitent puissent voir le corps de leurs proches au moment de la mise en bière, souligne Gaëlle Clavandier, sociologue au Centre Max-Weber. Sinon, elles risquent de ressentir une crainte très ancienne, celle des “mal-morts”, ces spectres qui reviennent et qui circulent parmi les vivants. C’est une croyance qui concernait notamment les femmes en couches ou les suicidés : elle repose sur l’idée que les morts ne sont pas stabilisés. »

Parce que les victimes du Covid-19 seront unies, bien malgré elles, par la trame d’une histoire collective, des hommages collectifs leur seront sans doute rendus après l’épidémie, ajoute la sociologue. « Comme en Lombardie et en Vénétie, les villes qui ont vu disparaître une grande partie de leurs aînés imagineront probablement des formes de commémoration. En France, il y aura sans doute des cérémonies dans les établissements pour personnes âgées qui ont été particulièrement touchés, voire un hommage de la nation tout entière afin de célébrer le souvenir des victimes du Covid-19 et des défunts morts durant la période. Quand la collectivité se sent en état de défaillance, elle a besoin de faire front en créant un moment de communion nationale. »

6 avril 2020

Préfet de Police : Didier Lallement

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6 avril 2020

France-Coronavirus: L’attestation de déplacement dérogatoire numérique est désormais disponible

Vous la trouverez sur le site du gouvernement ou sur celui du ministère de l’Intérieur.

Attention, il est impératif de renseigner à l’avance l’heure de sortie. Il ne sera pas possible de remplir une attestation une fois que vous serez à l’extérieur, sous peine d’amende. L’heure à laquelle vous avez édité le document sera accessible aux policiers. Cela évitera que des personnes remplissent l'attestation uniquement à la vue d'un contrôle de police.

https://media.interieur.gouv.fr/deplacement-covid-19/

6 avril 2020

Fanny Müller

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6 avril 2020

Virginie Efira

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6 avril 2020

Coronavirus

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6 avril 2020

Cinq villes et monuments pour s’échapper virtuellement

Par Thomas Doustaly

« La Matinale » vous invite au voyage. Cette semaine encore, confinement oblige, il sera intérieur et par écrans interposés, de la Cité de l’espace à Toulouse pour jouer les astronautes sur canapé, à Tours pour flâner sur les bords de Loire. L’avantage ? Plus de foule, plus de file d’attente !

Pour lutter contre la propagation du coronavirus, nous sommes cloîtrés chez nous vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On a décidé de vous aider à vous échapper, mais dans vos pensées !

A Toulouse, crimes et astronautes

A Toulouse, l’accès aux contenus numériques a été pensé aussi bien pour les visiteurs que pour permettre aux Toulousains eux-mêmes de redécouvrir la Ville rose. Fonds photographiques, collections des musées ou expériences inédites, telles que vivre comme un astronaute à la Cité de l’espace, les propositions ne manquent pas. Sur Urban-hist.toulouse.fr, on découvre un travail précis de géolocalisation des crimes les plus célèbres perpétrés dans la ville sous l’Ancien Régime, baptisés de noms extravagants : « Baby vitriol » rue Saint-Michel, « Fatal coup de pied » rue Peyrolières, ou encore « Les charrettes de la mort », rue de la Pomme, voilà une promenade vraiment inédite ! Les musées toulousains proposent, eux, des contenus pour les adultes et les enfants, notamment au Musée Saint-Raymond, où les sculptures de la villa romaine de Chiragan sont numérisées.

Toulouse-tourisme.com

Archives.toulouse.fr

A Rennes, couvent et beaux-arts

La capitale de la Bretagne n’est pas la ville la plus touristique d’une région qui compte tant de trésors. Elle mérite pourtant qu’on s’y arrête, même virtuellement. Des collections du Musée de Bretagne à l’Opéra (réputé le plus petit de France), qui se visite sur smartphone, la ville met des tonnes de contenus en ligne pendant le confinement. La visite en 3D du couvent des Jacobins est passionnante, qui retrace à la fois l’histoire du bâtiment et sa transformation, unique en Europe pour un lieu de vie monastique, en Centre des congrès. Le très important Musée des beaux-arts donne accès à son exposition « Etonnants donateurs » sous la forme d’interviews savoureuses. Enfin, sur le site 360rennes, de courtes visites guidées nous entraînent dans le cœur historique de la ville ou à la découverte de son côté insolite. On en sort avec l’envie de découvrir ou de redécouvrir Rennes.

Tourisme-rennes.com

A Strasbourg, Europe et cathédrale

En créant le hashtag #strasbourgchezvous, l’Office de tourisme de Strasbourg permet à ceux qui ne connaissent pas la capitale alsacienne ou qui ont envie d’y refaire un tour de la découvrir tout en restant confinés. Grâce à des liens partagés sur Twitter et Instagram, les lieux emblématiques de la ville et ses principaux monuments vivent une vie numérique nouvelle : sur Mon-week-end-en-alsace.com, on jette un œil sur le Musée Tomi-Ungerer ou sur le Lieu d’Europe ; sur Strasbourg.eu, on se fait peur avec la visite virtuelle de l’exposition « Magie religieuse et pouvoirs sorciers » au château Vodou (3 euros) et enfin, sur Cinema.seppia.eu, on regarde Le Défi des bâtisseurs sur la construction de la cathédrale de Strasbourg, merveille de l’art gothique. Sans création de contenus nouveaux, une façon d’agréger des initiatives et des images de la ville en attendant de pouvoir s’y balader à nouveau.

Visitstrasbourg.fr

A Tours et alentours, Clos Lucé et bords de Loire

Visiter la demeure de Léonard de Vinci, le Clos Lucé, découvrir les collections du Centre de création contemporaine Olivier-Debré – le musée d’art contemporain – ou encore parcourir les rues de Tours et les bords de Loire virtuellement sur Google Play, telles sont quelques-unes des propositions de la ville et de ses alentours.

Tours est aussi le point de départ virtuel pour surfer numériquement dans le Val de Loire. Inscrits au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, les châteaux de la Loire dévoilent leurs secrets sous la forme de visites virtuelles comme à Chambord, à Sully-sur-Loire ou à Chenonceau. Les 360° et les zooms font un peu tourner la tête mais les amoureux de la lenteur et des détails y trouveront leur compte. D’autres lieux apparaissent sous la forme d’expositions en ligne, notamment sur le jardin nourricier du château de Talcy ou encore sur le beau bestiaire du château d’Angers. Une occasion de revoir des sites visités ou de réviser dans la perspective d’une future visite.

Inattendue-tours-tourisme.fr

Du château d’Angers à celui de Pierrefonds

S’il faut trouver un avantage au confinement, la visite des monuments de France en solitaire, même virtuelle, est une alternative sereine aux files d’attente et à la cohue qui y règne souvent en période d’affluence. Le Centre de monuments nationaux donne ainsi accès à certains de ses plus beaux sites d’un coup de clic : le château d’Angers, le site archéologique de Glanum, à Saint-Rémy-de-Provence, ou la grotte de Font-de-Gaume, en Dordogne, sont ainsi accessibles malgré leur fermeture. Mais c’est la visite virtuelle du château de Pierrefonds, dans l’Oise, qui donne le plus clairement l’impression d’explorer comme par effraction un chef-d’œuvre en sommeil. Zoom sur les peintures ou des détails d’architecture, recoins, la visite s’adresse aussi bien aux grands qu’aux petits.

Monuments-nationaux.fr

Retrouvez tous les voyages du Monde sur Lemonde.fr/m-voyage/

6 avril 2020

Milo Moiré

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6 avril 2020

Canards dans les rues de Paris, coyotes à San Francisco : « On remarque des espèces que l’on ne voyait pas »

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Par Perrine Mouterde

Le confinement, lié au coronavirus, et l’arrêt des activités humaines dans les villes devraient avoir un impact limité sur la biodiversité.

Des canards se dandinant près de la Comédie-Française dans le centre de Paris ; des groupes de dauphins, des fous de Bassan ou des hérons cendrés observés avec une fréquence et une densité « inédite » par les agents du Parc national des calanques ; des coyotes dans les rues de San Francisco aux Etats-Unis… Les images, souvent vraies mais parfois fausses – il n’y a pas eu de dauphins dans les canaux de Venise, en Italie, ni d’éléphants saouls dans un village de Yunnan, en Chine –, d’animaux visibles dans des lieux inattendus, d’ordinaire fréquentés par des humains, ont largement circulé depuis le début de la pandémie de Covid-19. Si ces scènes ont pu procurer un certain réconfort à voir la nature « profiter » de cette période, les effets du confinement sur la biodiversité restent à mesurer et devraient, selon toute vraisemblance, n’être que marginaux.

« Il y a des canards toute l’année à Paris, des sangliers dans les forêts juste à côté de Barcelone, décrit Benoît Fontaine, biologiste de la conservation au Centre d’écologie et des sciences de la conservation du Muséum national d’histoire naturelle. Les animaux sont simplement plus visibles dans des espaces libérés par l’homme, mais tout cela est assez anecdotique par rapport aux dégradations subies par la nature depuis des dizaines d’années. »

« Cette plasticité de la nature, cette capacité de certains poissons ou oiseaux à fréquenter rapidement des espaces quand ils sont délaissés, c’est un phénomène que l’on connaît, ajoute Jean-David Abel, le vice-président de France Nature Environnement. Mais la nature ne reprend pas sa place. On regarde juste mieux : on remarque des espèces qui étaient à côté de nous mais que l’on ne voyait pas. »

L’utilisation de pesticides se poursuit

Pour les spécialistes, il faudrait que le confinement se prolonge pendant des mois pour induire des changements de cycle ou de comportements de certaines espèces et avoir un impact structurel sur l’état de la faune. En ville, Benoît Fontaine estime toutefois que les insectes sont les plus à mêmes de bénéficier de cette parenthèse. « Comme les parcs et les espaces verts vont être moins entretenus, il y aura peut-être un peu plus de fleurs et donc d’insectes, dit-il. Les insectes ont un cycle de vie court donc les changements peuvent être plus rapides. Pour les oiseaux en revanche, leur reproduction en ce printemps dépend des populations qui sont déjà présentes, donc on devrait être dans la continuité. »

Une baisse de la pollution lumineuse nocturne pourrait également avoir des effets bénéfiques pour certains insectes et pour les chauves-souris. L’impact de la diminution du bruit sur la faune est, lui, difficile à mesurer. Les oiseaux, par exemple, sont souvent davantage sensibles à la présence humaine qu’au niveau sonore. L’aéroport de Montpellier, bruyant mais peu fréquenté, est ainsi connu pour héberger l’outarde canepetière, un oiseau au cou noir rayé d’une étroite bande blanche et menacé d’extinction.

Par ailleurs, si le silence peut indiquer aux animaux l’absence de prédateur, il marque aussi l’absence de congénères et de contacts sociaux, notamment celle de parents pouvant offrir protection et ressources. « Les rats perçoivent ainsi l’immobilité d’un groupe et l’absence de sons due aux mouvements comme l’expression d’un danger », ont précisé des chercheurs de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité du Muséum au site The Conversation.

En dehors des villes, les activités agricoles, et avec elles l’utilisation de pesticides et d’autres substances chimiques polluant les sols et les eaux, n’ont pas été mises à l’arrêt par la crise sanitaire. Selon le rapport de 2018 de la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui alertait sur le risque d’extinction d’un million d’espèces, les changements d’usage des terres et les pollutions sont deux des cinq principaux facteurs de dégradation de la nature.

« Si on pouvait arrêter immédiatement l’agriculture intensive, dont les corollaires sont l’uniformisation des milieux et l’usage déraisonné des pesticides, ça aurait un impact très rapide sur les plantes, les oiseaux et les insectes, assure Benoît Fontaine. Par exemple, selon les derniers chiffres, depuis la fin des années 1980, près de 40 % des oiseaux communs spécialistes des milieux agricoles ont disparu en France. C’est une hécatombe qui est avant tout liée à ce type d’agriculture. »

Un enjeu pour la recherche scientifique

Si ce confinement ne va pas inverser la tendance concernant la perte de biodiversité, il constitue néanmoins une situation unique et inédite, et donc un enjeu pour la recherche. « Pour tous les programmes de long terme de suivi de la biodiversité, c’est particulièrement intéressant. Que vont nous dire les résultats de cette année ? », s’interroge Benoît Fontaine. Le programme collaboratif Silent Cities, qui vient d’être lancé par des chercheurs du CNRS et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) vise, lui, à mesurer l’effet de la diminution du bruit dans les villes sur la présence ou l’absence de certaines espèces, et sur leur activité. « On sait par exemple que des oiseaux ont modifié leurs chants pour s’adapter à l’environnement sonore en ville, précise Amandine Gasc, chargée de recherche à l’IRD. Vont-ils de nouveau modifier l’heure ou la fréquence à laquelle ils chantent ? »

D’autres programmes scientifiques participatifs et adaptés au confinement ont également démarré. La Ligue de protection des oiseaux (LPO) et le Muséum d’histoire naturelle appellent à contribuer à un comptage des espèces d’oiseaux depuis sa fenêtre, son balcon ou son jardin. Une façon de récolter des données, de pallier le manque d’observateurs sur le terrain mais aussi de sensibiliser la population à la protection de la nature.

« On sait que ceux qui participent à ce type de programmes changent ensuite leur façon d’entretenir leurs jardins, en utilisant moins de pesticides et en laissant plus de fleurs, explique Benoît Fontaine. Peut-être va-t-il y avoir, lors de ce confinement, une prise de conscience de l’importance d’avoir un peu de nature autour de nous pour aller bien. » Jean-David Abel pense aussi que cette situation peut amener des urbains à s’interroger sur la place qu’ils laissent d’ordinaire aux animaux, dans le bruit et l’agitation. « Certains auront peut-être touché du doigt le fait que l’on peut vivre un peu autrement, en profitant davantage du silence, du calme et de cette faune qui est juste autour de nous », dit-il.

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