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Jours tranquilles à Paris
6 septembre 2020

La réponse incertaine de la Turquie et de la Grèce à une offre de médiation de l’OTAN

Par Jean-Pierre Stroobants, Bruxelles, bureau européen

Athènes se dit prêt à évoquer la délimitation des zones maritimes en mer Egée « sur la base du droit international ».

La Grèce et la Turquie vont démarrer des « discussions au niveau technique et militaire » au sein de l’OTAN pour tenter de réduire les tensions en Méditerranée orientale et éteindre le risque de confrontation. « Je suis en étroite relation avec tous les alliés concernés pour rechercher une solution, dans l’esprit de solidarité de l’OTAN », a expliqué, vendredi 4 septembre, Jens Stoltenberg, soucieux d’éviter une guerre ouverte, alors que l’armée grecque est en état d’alerte et que les deux pays ont déjà frôlé la confrontation, sur la mer et dans les airs.

L’appel à la « déconfliction » lancé par le secrétaire général de l’alliance atlantique et ses propos apaisants contrastaient encore, vendredi, avec ceux qui étaient tenus à Ankara et à Athènes. Le gouvernement grec estimait que la désescalade ne serait possible que lorsque les navires turcs auraient quitté la région, où ils étendent leurs recherches gazières dans des eaux revendiquées par la Grèce, autour de ses îles situées près des côtes turques.

Du côté turc, en revanche, on affirmait être prêt à une discussion « sans aucune précondition », mais on accusait en même temps les responsables grecs de « mentir » et de « se dérober ».

Possible implication de l’ONU

L’appel officiel du dirigeant de l’OTAN et les pressions exercées par plusieurs capitales seront-ils suivis d’effet ? Le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a indiqué, vendredi après-midi, que son pays était ouvert à un dialogue, mais seulement quand les « provocations » et « les menaces » turques auront cessé, a-t-il précisé. De quoi laisser dubitatifs les responsables de l’OTAN. Athènes se dit, en tout cas, prêt à évoquer la délimitation des zones maritimes en mer Egée « sur la base du droit international ».

Vendredi toujours, le ministre grec des affaires étrangères, Nikos Dendias, se rendait à New York pour évoquer la question avec le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et parler d’une éventuelle implication de l’ONU dans les discussions.

Du côté de l’Union européenne, le président du Conseil, Charles Michel, a lancé dans la journée l’idée d’une « conférence multilatérale sur la Méditerranée orientale », avec la participation de la Turquie. Le projet, « testé » auprès de plusieurs dirigeants, dont M. Stoltenberg, viserait à inclure « tous les pays impliqués dans les différentes discussions sur les frontières maritimes » en Méditerranée. La conférence évoquerait aussi les questions énergétique, sécuritaire et migratoire, « à condition que les tensions entre la Turquie et plusieurs pays européens soient apaisées », souligne toutefois une source diplomatique.

Menaces européennes de sanctions

Or, vendredi, le ministre turc des affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu, jugeait « hystérique » la position du président Emmanuel Macron sur la Méditerranée orientale – et sur la Libye –, tandis que Nicos Anastasiades, président de Chypre, évoquait dans un entretien avec l’Agence France-Presse son inquiétude face à « l’intention [turque] de prendre le contrôle de l’ensemble de la zone ».

L’Union européenne a, quant à elle, menacé Ankara de nouvelles sanctions si elle ne progresse par dans son dialogue avec Athènes. Selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, des mesures restrictives pourraient être décidées lors du prochain conseil européen, les 24 et 25 septembre.

Au sein de l’OTAN aussi, la prudence est de mise, même si les représentants d’Ankara y affichent modération et volonté de dialogue. Outre le risque de conflit entre deux pays membres en Méditerranée, c’est la question du déploiement de missiles S-400, achetés à la Russie et qui représentent une menace sécuritaire pour l’Alliance, qui continue d’inquiéter – alors même que le gouvernement turc présente toujours comme un impératif l’acquisition d’une deuxième volée de ces équipements. C’est, en tout cas, ce qu’a confirmé, jeudi, M. Çavusoglu dans une interview.

Le sujet brûlant de la relation avec la Russie

« Nous avons besoin de deux batteries supplémentaires. Deux, trois, cinq, jusqu’à ce que nous les produisions nous-mêmes », a indiqué le ministre, en évoquant une possible menace syrienne. Les Etats-Unis, qui pourraient livrer leurs missiles Patriot, refusent les exigences turques en matière de transfert de technologie, et ils ont écarté la Turquie du programme de développement de l’avion de combat F-35 en 2019, à la suite de l’acquisition des S-400.

Selon une source turque, le président Recep Tayyip Erdogan pourrait cependant différer la date du déploiement jusqu’à l’issue de l’élection présidentielle américaine, en espérant trouver un compromis à ce moment.

Un autre sujet brûlant était en discussion vendredi entre les ambassadeurs auprès de l’OTAN : le sort de la relation avec Moscou après l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny. « Nous appelons la Russie à communiquer totalement sur son programme Novitchok auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC] », a déclaré M. Stoltenberg, évoquant « une violation flagrante du droit international ».

Une délégation russe est présente à l’OTAN. Après l’affaire de la tentative d’empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille, au Royaume-Uni en 2018, elle avait été ramenée de trente à vingt diplomates.

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27 août 2020

Covid-19 :1'UE prévoit de vacciner au moins 40 % de la population

L'Union européenne, le RoyaumeUni, et les partenaires de l'UE prévoient d'inoculer un vaccin contre le virus aux « groupes prioritaires » comptant plus de 200 millions de personnes sur les ' 450 millions d'habitants de l'UE. Cela concernerait les personnes atteintes de maladies chroniques, les personnes âgées, les professionnels de la santé et ceux des services publics essentiels. L'objectif serait d'atteindre l'immunité collective.

22 juillet 2020

Tribune - Sylvain Kahn : « L’Union européenne est maintenant un Etat »

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Par Sylvain Kahn, historien et géographe

A l’issue d’un sommet historique, l’UE, sans se substituer aux vingt-sept Etats membres, les inclut en contractant une dette commune, analyse, dans une tribune au « Monde », l’historien et géographe, rappelant qu’il n’y a pas eu que des Etats-nations dans la longue histoire européenne.

Le sommet européen le plus long de l’histoire est-il historique ? La réponse est oui. En effet, l’Union européenne (UE) est maintenant un Etat. Non pas un super-Etat se substituant aux vingt-sept Etats-membres qui le composent, mais un Etat qui les inclut. On pourrait dire que l’UE, c’est toujours vingt-huit Etats : les vingt-sept pris séparément et les vingt-sept tous ensemble qui font un. Finalement, l’Etat européen se comprend avec la célèbre maxime des Trois Mousquetaires, d’Alexandre Dumas : « Un pour tous, tous pour un. » La nouveauté qui permet de reconnaître l’Europe comme un Etat est que l’UE va émettre des bons du trésor pour financer cette toute nouvelle partie de son budget qu’elle nomme « plan de relance », d’un montant de 750 milliards d’euros.

Cette évolution historique qu’est l’émission d’une dette européenne correspond à une demande sociale dont les signaux faibles existent depuis plusieurs années. Quand bien même le pouvoir européen et ses dirigeants font l’objet de défiance, comme souvent les pouvoirs et les dirigeants nationaux depuis quinze ans, les enquêtes Eurobaromètre indiquent que les Européens souhaitent une solution européenne aux défis économiques et géopolitiques qui nous menacent. Et si l’euro est un objet de débat permanent et légitime, les Européens sont spécifiquement attachés à leur monnaie : en vingt ans seulement, l’euro a acquis la confiance des épargnants comme des investisseurs petits et grands et s’est imposé comme deuxième monnaie de réserve mondiale. De fait, les plans de relance nationaux adoptés face au Covid-19, et dont la somme colossale atteint 2 300 milliards, ne sont possibles qu’en raison de la garantie de la Banque centrale européenne et de sa crédibilité mondiale.

Cet avènement de l’Etat européen s’inscrit dans l’histoire de l’Etat en Europe. Cette histoire est souvent réduite à celle des Etats-nations européens depuis la Révolution française. Or, l’histoire de l’Etat en Europe s’étend sur plus de dix siècles. Elle inclut de nombreuses formes prises par l’Etat, et une pluralité d’Etats dont chacun possède sa propre singularité, aussi spécifiques et différents que, par exemple, le Saint-Empire romain germanique, la République de Venise, le Royaume polono-lituanien, le Portugal ou les Provinces-Unies.

Mutualisation de la souveraineté

On pourrait qualifier d’« Etat baroque » la jeune UE. Le baroque, grand mouvement artistique européen, s’oppose au classicisme par le contournement des règles et la subversion des formes, le mélange des genres et le recours à l’exception. C’est le cas de l’UE, qui échappe à la classification traditionnelle des systèmes politiques comme des entités territoriales étatiques, et se distingue par sa stimulante singularité. A partir de cultures étatiques héritées d’une histoire longue et d’une géographie politique morcelée, les Européens contemporains inventent la mutualisation de la souveraineté.

Les négociations sur les modalités du plan ne sont ainsi pas limitées aux discussions entre chefs de gouvernement au Conseil européen. L’accord devra ensuite être voté par les vingt-sept Parlements nationaux – eux-mêmes en réseau avec le Parlement européen et les parlements d’Etats locaux, à l’image des communautés belges ou espagnoles et des Länder allemands. Cette mutualisation est démocratique : à rebours des empires et des conquêtes royales puis nationales des deux millénaires écoulés, elle est délibérée, volontaire et négociée. Les Européens ne forment pas une nation mais une société. Ils construisent depuis quelques décennies à peine un Etat qui correspond à celle-ci, pluraliste, inédit et tourné vers le futur.

A cette aune, les débats de quatre jours et quatre nuits sont la manifestation que les gouvernements nationaux se sont formidablement civilisés en bâtissant cet Etat européen : ils sont devenus, avec le Parlement européen, qui est l’émanation directe de la société européenne, des acteurs d’une démocratie délibérative avec sa majorité, son opposition (les pays dits frugaux) et ses compromis. A partir de maintenant, les Européens vont pouvoir sortir du débat idéologique hors-sol sur le point de savoir si l’existence de l’UE est pertinente, et entrer dans le débat citoyen qui se confronte au réel sur la question : sommes-nous satisfaits des choix politiques et des politiques publiques effectués par le « gouvernement » européen ?

Sylvain Kahn, historien et géographe, professeur à Sciences Po. Il a notamment publié « Histoire de la construction de l’Europe depuis 1945 » (PUF, 2018), prix du livre « Mieux comprendre l’Europe ».

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22 juillet 2020

Avec le plan de relance, Emmanuel Macron vante son action européenne

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Par Claire Gatinois, Audrey Tonnelier - Le Monde

« Ce n’est pas le contribuable français » qui remboursera la dette européenne émise en commun par les vingt-sept pays de l’Union, a assuré le chef de l’Etat mardi sur TF1.

Après les crises inédites accumulées depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron pense, enfin, tenir « sa » victoire. Une victoire « historique » et européenne arrachée avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président du Conseil, Charles Michel, au terme de plus de 90 heures d’âpres négociations à Bruxelles pour s’accorder à vingt-sept sur un plan de relance de quelque 750 milliards d’euros, afin de relever l’économie de l’Union européenne (UE) après la pandémie de Covid-19. « C’est le moment le plus important de la vie de notre Europe depuis la création de l’euro, a assuré le chef d’Etat lors d’une courte interview au JT de 20 heures sur TF1, mardi 21 juillet. Je veux que nos concitoyens [en] mesurent l’importance. »

En intervenant de nouveau à la télévision, en pleine trêve estivale et seulement une semaine après son entretien du 14-Juillet, le président s’est attaché à inscrire cette annonce dans la continuité de son action européenne depuis le début du quinquennat. L’accord entre les Vingt-Sept est le fruit d’un « travail de trois ans entre la France et l’Allemagne » a vanté le locataire de l’Elysée, évoquant son discours de la Sorbonne, le 26 septembre 2017. Quelques mois après son élection, au sein de la prestigieuse université parisienne, « Macron l’Européen » avait affiché son ambition de bâtir une Europe « souveraine, unie, démocratique ». Il était temps, affirmait-il de penser l’Union, non plus seulement en termes économiques, mais aussi en termes de défense et de stratégie politique.

Une dette commune

« Nous nous sommes battus, mais nous l’avons », a insisté le président sur TF1, mardi. De fait, l’Europe, qui avait affiché ses divisions lors de la crise des dettes souveraines en 2010 menaçant la survie de la monnaie unique, et qui n’avait su faire montre de solidarité lors de la crise des migrants, s’accorde aujourd’hui sur un plan de relance d’une ampleur jamais vue, financé par une dette commune. Les Vingt-Sept, emmenés par le président français et la chancelière allemande, ont réussi à convaincre les pays « frugaux » pour ne pas dire « avares » (Pays-Bas, Autriche, Suède et Danemark) de s’engager dans le projet d’une Europe plus fédérale et plus intégrée.

Dans ce schéma, la France est le troisième pays bénéficiaire, derrière l’Italie et l’Espagne. « Nous toucherons 40 milliards d’euros », a précisé le chef de l’Etat. De quoi financer 40 % du plan de relance national. D’un montant total de 100 milliards d’euros sur deux ans, ce dernier doit être présenté en conseil des ministres le 24 août, a précisé Bruno Le Maire, le ministre de l’économie mardi matin, sur France info. Il financera des mesures pour « créer des emplois dans les secteurs industriels et écologiques », a précisé M. Macron, énumérant pêle-mêle « le soutien à nos entreprises, la relance des secteurs stratégiques, les politiques de santé » ou encore « la culture et la politique de l’éducation ».

Outre les volets formation des salariés, investissement industriel – d’une quarantaine de milliards d’euros – et transition écologique, ce plan français comprendra un volet solidarité qui représentera « près d’un quart des dépenses », avec notamment la hausse de l’allocation de rentrée pour un budget total de 500 millions d’euros, avait indiqué quelques heures plus tôt Bruno Le Maire.

Les 40 milliards issus des négociations européennes ne seront financés « ni par notre endettement ni par nos impôts », a promis Emmanuel Macron. « Ce n’est pas le contribuable français qui paiera », a-t-il pris soin de préciser. « L’Etat paiera en 2020, et dès 2021, l’Europe nous remboursera », a aussi assuré Bruno Le Maire.

Un impôt sur les grandes entreprises internationales

En revanche, l’UE va « lever un impôt sur les grandes entreprises internationales, parfois européennes, qui aujourd’hui ne sont pas assez sollicitées et qui vont payer progressivement cette dette par la fiscalité européenne que nous allons bâtir », a expliqué M. Macron. Pour rembourser la dette européenne, les Vingt-Sept comptent « créer des taxes sur le numérique », mais aussi mettre en place un « mécanisme européen de taxe carbone aux frontières » pour « éviter une concurrence déloyale ». Deux allusions à des projets fiscaux en cours de discussion au sein de la Commission, mais qui ne sont pas encore sur les rails à ce jour.

« Les 40 milliards d’euros [alloués à la France] sont des subventions, dont le remboursement sera intégré dans le budget européen à partir de 2027-2028, à travers la contribution nationale de chaque pays », précise-t-on à Bercy. Pour financer le reste du plan de relance français, « environ 35 milliards d’euros seront empruntés sur les marchés, et le reste financé par des opérateurs publics comme la Bpifrance ou la Caisse des dépôts », ajoute-t-on.

Emmanuel Macron peut, ainsi, se vanter d’avoir contribué à soulager la France mais aussi d’avoir redonné aux Français l’image d’une Europe protectrice. Il reste que ses ambitions déclinées lors du discours de la Sorbonne, sur la défense, la sécurité, la régulation d’une économie mondialisée, sont loin d’être atteintes. Pis, ce que le plan de relance offre d’un côté, il le reprend de l’autre. « Les “euphoriques” du jour se feront à coup sûr bien plus discrets lorsqu’il faudra expliquer les coupes substantielles dans la politique agricole, Erasmus ou encore les programmes de recherche et le quasi-abandon des ambitions en sécurité et défense », a affirmé sur Twitter l’eurodéputé (Les Républicains) Arnaud Danjean, coordinateur de la sécurité et la défense pour le Parti populaire européen (PPE), évoquant les « ambitions mortes-nées d’une autonomie stratégique européenne ».

Ainsi, le fonds de défense, réclamé par Paris, passe de 13 à 7 milliards d’euros. Et si Emmanuel Macron a pris soin de déminer, mardi soir, le sujet de la politique agricole commune, assurant que « les négociations ont permis de protéger le revenu de nos agriculteurs pendant sept ans », les sommes dédiées au programme Erasmus, à la recherche à l’espace et même à la santé seront, elles, bel et bien rognées.

21 juillet 2020

Avec un emprunt de 750 milliards d’euros, les Européens s’accordent sur un plan de relance massif

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Le projet franco-allemand d’emprunt commun a été adopté. Une petite révolution qui permettra d’aider les Etats les plus durement touchés par la crise liée à l’épidémie due au coronavirus.

Par Jean-Pierre Stroobants et Virginie Malingre Publié aujourd’hui à 06h00

Il aura fallu, pour y parvenir, un sommet qui restera « historique », également par sa durée exceptionnelle, mais les chefs d’Etat et de gouvernement européens se sont finalement mis d’accord, mardi 21 juillet, sur le plan de relance qui doit les aider à affronter les conséquences ravageuses de la pandémie de Covid-19. Face à l’ampleur des dégâts provoqués par le virus, qui a fait plus de 200 000 morts sur le Vieux Continent et plongé l’économie européenne dans une récession sans précédent, les Vingt-Sept ont adopté un dispositif inédit, qui ébauche les contours d’une Europe plus fédérale, plus solidaire et plus intégrée.

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Certes, le mécanisme est temporaire, mais ses partisans espèrent qu’il fera ses preuves et s’installera ainsi dans le paysage des possibles pour la suite. « L’histoire montre que, quand un pas politique est franchi, on ne revient pas en arrière », juge un diplomate français.

Première révolution : pour se procurer les 750 milliards d’euros qu’elle prévoit d’affecter à la relance, la Commission (à qui le classement triple A par les agences de notation financière assure des conditions de financement très intéressantes) va s’endetter au nom de tous les pays membres. L’exécutif communautaire a déjà émis de la dette, mais ses incursions sur les marchés sont toujours restées limitées. En effet, les traités obligent l’Union à présenter un budget à l’équilibre. Cela dit, si les Vingt-Sept le souhaitent, et si leurs Parlements les suivent, elle peut se soustraire à cette règle et acquérir donc une certaine autonomie budgétaire.

Dette commune

Deuxième révolution, cette dette commune sera d’abord un outil de solidarité, qui fait franchir à l’Europe un nouveau pas vers une Union de transferts, dont le principe a longtemps été rejeté par l’Allemagne. En effet, sur les 750 milliards d’euros affectés au plan de relance, 360 milliards seront prêtés aux Etats membres qui le souhaitent – ceux-là y trouveront le moyen de s’endetter à de meilleures conditions qu’en allant seuls sur les marchés, mais ils devront rembourser ces sommes – et 390 milliards leur seront transférés d’ici à 2023, sous forme de subventions qui, elles, seront remboursées par les Vingt-Sept.

L’argent, qui viendra abonder le budget communautaire (de 1 074 milliards au total sur la période 2021-2027), doit aider en priorité les pays les plus touchés par la crise, comme l’Italie, l’Espagne, ou dans une moindre mesure la France, et il sera distribué selon une clé de répartition tenant compte d’éléments structurels de ces économies, ainsi que de l’ampleur de la récession qui sera constatée. La France pourra disposer de 40 milliards d’euros de subventions, a annoncé mardi le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Cette somme lui permettra de financer en partie son propre plan de relance à 100 milliards qui sera présenté le « 24 août », toujours selon M. Le Maire. L’Espagne aura droit à une soixantaine de milliards et l’Italie à quelque 70 milliards.

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Afin de donner des gages aux pays du nord de l’Europe – Allemagne comprise – qui ne veulent pas que cet argent, qu’ils contribueront à rembourser, soit dilapidé, il est prévu que les pays bénéficiaires du plan présenteront au préalable un programme de réformes et d’investissements jusqu’en 2023. Celui-ci devra être compatible avec les priorités de l’Union (transitions climatique et numérique) et prévoir des réformes structurelles. Il devra aussi être validé par la Commission, ainsi que par les Etats membres, à la majorité qualifiée.

L’octroi des aides se fera par tranches et devra, à chaque fois, être agréé par la Commission. Les Vingt-Sept seront consultés, et si un pays juge que l’argent est utilisé à mauvais escient, il pourra porter le sujet devant le Conseil européen. Il ne pourra toutefois pas opposer son veto à un déboursement, comme le souhaitaient les Pays-Bas.

Remboursement en suspens

Qui dit emprunt dit remboursement. De ce point de vue, les Vingt-Sept ont laissé le chantier en suspens, sachant que l’échéance est lointaine. En l’état actuel, soit leur contribution nationale devra être augmentée, soit les dépenses européennes devront être réduites. A moins qu’ils décident d’affecter des « ressources propres » à l’Europe. En clair, la Commission lèverait des impôts – elle le fait déjà dans quelques rares cas, et pour de très faibles montants – et un pan du budget communautaire ne dépendrait donc plus des capitales.

Aujourd’hui, hormis l’instauration d’un prélèvement sur les plastiques non réutilisables à l’horizon 2021, rien n’est dans les tuyaux. Nombre de pays, à commencer par l’Allemagne, ne souhaitent pas aller beaucoup plus loin dans cette logique. Il est donc prévu que la Commission travaille sur deux hypothèses – l’introduction d’une taxe numérique et la création d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour les biens importés de l’extérieur de l’Union, et dont l’empreinte carbone ne correspondrait pas aux standards communautaires.

Jean-Pierre Stroobants(Bruxelles, bureau européen) et Virginie Malingre(Bruxelles, bureau européen)

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20 juillet 2020

Sommet européen : un coup de grippe-sous

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Par Jean Quatremer, Correspondant à Bruxelles 

Après trois jours de négociations autour du plan de relance franco-allemand, les chefs d’Etat et de gouvernement n’avaient toujours pas trouvé d’entente dans la soirée de dimanche. En cause notamment, l’intransigeance du club des «radins».

L’UE n’a pas attendu longtemps après le Brexit, le 31 janvier, pour trouver son nouveau «Monsieur non», en l’occurrence les Pays-Bas. Ce n’est pas la même puissance, mais c’est la même détermination à refuser la moindre intégration supplémentaire. Mark Rutte, le Premier ministre libéral néerlandais, surnommé le «David Cameron des radins» par un diplomate européen, qui peut compter sur l’appui de l’Autriche, du Danemark, de la Finlande et de la Suède, était ainsi encore à la manœuvre, dimanche soir, après trois jours d’un sommet européen tendu, à Bruxelles, pour essayer d’enterrer le «plan de relance» post-coronavirus de 750 milliards d’euros qui n’est rien d’autre qu’une mutualisation partielle des dettes nationales, un saut fédéral incontestable. Il essayait aussi, dans la foulée, de tailler à la hache dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 de plus de 1 000 milliards, celui-là même auquel il avait déjà apposé son veto le 21 février car il juge qu’il va déjà trop loin dans la solidarité financière (à peine 1 % du RNB des Vingt-Sept pourtant). A l’heure de boucler ces pages, on ne savait toujours pas si les chefs d’Etat et de gouvernement parviendraient à un accord dans la nuit, à l’issue du plus long Conseil européen depuis le sommet de Nice de décembre 2000.

Ceux qui espéraient que la crise du coronavirus, un événement inimaginable aux conséquences humaines et économiques sans précédent en période de paix, ferait bouger Rutte en sont pour leurs frais : aucune concession n’a été jusqu’ici suffisante pour le convaincre de se montrer solidaire de ses partenaires.

Explosion

Pourtant, ils ont tout fait pour l’attendrir : le voyage à La Haye est même devenu un must, la plupart des dirigeants de l’UE, Emmanuel Macron en tête, s’y précipitant pour lui expliquer que sans ce plan de relance, les Etats les plus touchés par la récession et ne disposant pas de marge de manœuvre budgétaire comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce et même la France, risquaient de décrocher, ce qui mettrait en péril l’euro, et même le marché unique.

De fait, l’enjeu est existentiel pour l’Union : pourquoi rester dans une monnaie unique qui, par sa sous-évaluation, profite essentiellement aux pays du Nord, comme en témoignent leurs excédents commerciaux massifs ? Et pourquoi rester dans le marché intérieur avec ses frontières grandes ouvertes, si cela aboutit à une domination sans partage de l’Allemagne et des autres pays du Nord ? Or cette richesse existe en grande partie grâce au marché unique et à l’euro. Ainsi, Rotterdam n’est le premier port d’Europe que parce qu’il est la porte d’entrée du marché intérieur. Autant dire que les pays du «club Med», comme on les appelle avec mépris aux Pays-Bas, ne seraient pas les seuls à souffrir d’une explosion de l’UE.

Ce danger, économique mais aussi géopolitique puisque les pays du Nord seraient rendus responsables de la fin de l’aventure européenne, a bien été compris par la chancelière allemande. Alors qu’elle soutenait en sous-main les Pays-Bas et le club de radins, qui préfèrent s’appeler «frugaux» par opposition aux «dépensiers» du Sud, Angela Merkel a tourné casaque en mai devant l’ampleur de la crise en se ralliant à l’idée de Macron d’une mutualisation partielle des dettes engendrées par les dépenses de reconstruction. Ce qui a laissé les Pays-Bas presque isolés, mais pas moins déterminés. Problème : toutes les questions financières se décident à l’unanimité, ce qui donne le même poids à Malte qu’à l’Allemagne…

«Rabais»

Dès l’ouverture du sommet, vendredi, Merkel et Macron ont constaté, sidérés, que Rutte n’avait pas bougé d’un iota depuis un mois. Et que la coalition qu’il a constituée autour de lui tenait alors qu’elle est pour le moins hétéroclite : la Suède, le Danemark et la Finlande sont dirigés par des sociaux-démocrates (alliés à des écologistes en Finlande et en Suède) et l’Autriche par un conservateur allié aux écologistes… «De plus, ils ne visent pas la même chose, souligne un diplomate européen. L’Autrichien Sebastian Kurtz fait de la politique intérieure, les Scandinaves veulent que ça ne leur coûte rien alors que Rutte veut empêcher le changement de nature de l’Union.»

Pourtant, le président du Conseil européen, Charles Michel, croyant bien faire, avait déjà taillé dans la proposition de la Commission avant même le début du sommet en revoyant à la baisse le montant du budget européen, qui n’était plus qu’une ombre, et en accordant des «rabais» aux «radins» sur leurs contributions… Mais cela n’a pas suffi aux radins qui ont estimé qu’il s’agissait d’un point de départ.

Pour Mark Rutte, en particulier, pas question d’avoir autre chose qu’un plan de relance distribuant des prêts que chaque pays rembourserait seul : or pour l’Allemagne et la France, le cœur du plan sont justement les 500 milliards d’euros que la Commission emprunterait sur les marchés avant de les distribuer sous forme de subventions aux Etats. En effet, des prêts alourdiraient la dette publique de pays déjà en difficulté et surtout ne permettraient pas à la solidarité de jouer : en effet, c’est le budget européen qui remboursera la dette commune, budget auquel chacun contribue en fonction de sa richesse.

Réinstaurer la troïka

Le Néerlandais a d’abord mené une bataille sur la gouvernance du plan, et non sur le plan lui-même : il a exigé que chaque déboursement soit décidé à l’unanimité des Vingt-Sept. L’idée est double : s’accorder un droit de veto sur les aides financières (des prêts, dans son idée) afin de les conditionner à des réformes structurelles. Ce qui revient à réinstaurer la fameuse troïka qui a traumatisé l’Irlande, le Portugal, la Grèce et Chypre durant la crise de la zone euro. Le second objectif est d’enlever tout pouvoir de contrôle à la Commission, un exécutif jugé à la fois trop fédéral et trop proche des grands pays. Tous ses partenaires, y compris les autres «radins», ne l’ont pas soutenu dans ce combat. Rutte a néanmoins été jusqu’à refuser le mécanisme de «frein d’urgence», un compromis imaginé par les équipes de Charles Michel qui permet de demander aux Vingt-Sept de discuter d’un problème lié au déboursement. Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont séparés vendredi soir sans accord sur ce point. Sur la taille du plan, les radins, unis pour le coup, ont refusé tout net d’aller au-delà de 200 ou 250 milliards de subventions. Merkel et Macron, qui ne se sont pas quittés durant tout le sommet, même pendant les bilatérales, ont jugé que la position des «radins» était inacceptable.

Samedi, les bilatérales, les réunions à quelques-uns et les sessions plénières se sont enchaînées, sans guère de progrès. Charles Michel a formulé plusieurs compromis, tellement en recul par rapport au plan original que Berlin et Paris ont dû mettre le holà : samedi soir, vers 23 h 30, Merkel et Macron ont même quitté une réunion avec les «radins», qualifiée de «très dure» par l’entourage du chef de l’Etat et convoquée par le président du Conseil européen, en jugeant le compromis «trop faible». Ils ont poursuivi la discussion à leur hôtel en compagnie d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et de Giuseppe Conte, le Premier ministre italien. Rutte, lui, a tranquillement déclaré aux journalistes qu’il n’avait pas «entendu d’ultimatum»… Plusieurs délégations se demandaient même si le Néerlandais avait vraiment l’intention de négocier ou voulait juste faire durer le plaisir pour apparaître comme un héros aux yeux de son opinion publique : l’homme qui a tenu tête à Berlin et Paris !

Dimanche rebelote : Merkel et Macron ont expliqué à leurs partenaires qu’ils ne descendraient pas en dessous de 400 milliards d’euros de subvention, «une offre à prendre ou à laisser». Mais tout au long de la matinée, Rutte s’est activé pour diviser ses partenaires. Il menaçait même les pays du Sud : «Mieux vaut un petit plan que pas de plan du tout, car lundi matin les marchés vont ouvrir et cela risque de vous coûter cher», a-t-il dit en substance. Découvrant la manœuvre, le couple franco-allemand s’est employé à rassurer tout son petit monde. Côté français, on estime qu’il faut être prêt à lancer le fonds de relance à quelques-uns si les Pays-Bas maintiennent leur blocage, car il est exclu de laisser tomber le sud de l’Europe, et donc de faire une croix sur le projet européen. On en est là.

19 juillet 2020

Faute de compromis, le sommet européen se poursuit

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Malgré une proposition révisée offrant davantage de gages aux pays hostiles, Pays-Bas en tête, les Vingt-Sept ne se sont pas accordés. Ils se retrouveront dimanche 

Les discussions ont continué de buter sur les exigences des pays « frugaux », au grand dam des capitales du sud de l’Union européenne (UE), samedi 18 juillet. En conséquence, les dirigeants des vingt-sept Etats membres, réunis en sommet à Bruxelles depuis vendredi, vont tenter de dégager un compromis sur un plan de relance post-coronavirus massif dimanche à midi, a rapporté le porte-parole du président du Conseil européen sur Twitter.

Peu après 23 heures, samedi, les dirigeants se sont séparés toujours sans accord. Le sommet, qui a débuté vendredi à 10 heures, était officiellement prévu sur deux jours. Des rencontres bilatérales et multilatérales sont prévues dans la nuit, a fait savoir une source européenne. Selon une autre source diplomatique, le président français, Emmanuel Macron, et la chancelière allemande, Angela Merkel, sont directement partis en réunion avec le premier ministre néerlandais, Mark Rutte.

Si la proposition du président du Conseil européen, Charles Michel, « bénéficie d’un soutien important », selon une source proche des discussions, le processus restait « difficile et laborieux », selon une autre.

Sur Facebook, un peu avant 18 heures, le premier ministre italien, Giuseppe Conte, a décrit les négociations comme « beaucoup plus difficiles que prévu », évoquant même une « situation d’impasse » sans plus de précisions. « Les Pays-Bas et autres “frugaux” ne comprennent pas la nécessité d’une réponse forte », a-t-il déploré.

Concessions

Ce plan a pour objectif d’infléchir la position des Etats « frugaux » en leur offrant des concessions, en particulier sur la répartition entre les subventions et les prêts, ainsi que sur les conditions qui encadreront le versement de l’argent. Le nouveau projet, inspiré d’une proposition d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron, prévoit toujours un plan de 750 milliards d’euros.

Mais les fonds sont désormais composés de 300 milliards d’euros de prêts et de 450 milliards d’euros de subventions – qui devront être remboursés par de nouvelles ressources propres de l’U) – contre 250 milliards d’euros de prêts et 500 milliards d’euros de subventions initialement. Les « frugaux » préfèrent nettement les prêts aux subventions.

europe254

Il prévoit également un mécanisme permettant à un pays qui aurait des réserves sur le plan de réforme présenté par un autre Etat en contrepartie de ces aides d’ouvrir « dans les trois jours » un débat à Vingt-Sept, soit devant le Conseil européen, soit devant l’Ecofin, qui réunit les ministres des finances de l’UE. « Cela permet à un Etat de tirer le signal d’alarme, de déclencher une discussion supplémentaire sur les conditions de versement et de la porter au niveau politique », a commenté Eric Maurice, de la Fondation Robert-Schuman.

Cette idée répond au souhait du premier ministre néerlandais, Mark Rutte, qui a exigé, vendredi, que ces plans nationaux soient validés à l’unanimité des Vingt-Sept, ce qui équivaut de facto à un droit de veto. Cette demande avait été jugée « politiquement difficile à avaler » par une source diplomatique, qui résume la position d’une majorité d’Etats membres.

Dernière concession : Charles Michel propose d’accroître certains « rabais » accordés aux pays qui versent davantage d’argent au budget de l’UE qu’ils n’en reçoivent, ce dont bénéficient les quatre Etats « frugaux ». La Haye, Vienne, Copenhague et Stockholm réclamaient ces ristournes supplémentaires.

« Ambiance quelque peu fiévreuse »

C’est la première fois en cinq mois, en raison de la pandémie de Covid-19, que les chefs d’Etat et de gouvernement – tous équipés de masques de protection – se retrouvent physiquement à Bruxelles. De l’aveu même de M. Rutte, la première journée, vendredi, s’est achevée « dans une ambiance quelque peu fiévreuse », « ce qui n’est pas vraiment bon signe ».

En cause, sa position jugée trop dure sur le contrôle des fonds, et plus globalement les réticences des trois autres « frugaux » sur ce plan de relance, adossé au budget à long terme de l’UE (2021-2027) de 1 074 milliards d’euros.

Ces pays, rejoints par la Finlande, ont de profondes réserves sur cette proposition, qui devrait profiter avant tout à l’Italie et l’Espagne, deux Etats très affectés par la pandémie, mais qu’ils considèrent comme les plus laxistes en matière budgétaire. Vienne « rejette clairement la proposition actuelle », a insisté, vendredi soir, le chancelier autrichien Sebastian Kurz. « Nous voulons, bien sûr, faire preuve de solidarité, mais nous avons également les intérêts des contribuables autrichiens à l’esprit », a-t-il tweeté.

Les réformes exigées par les pays du Nord (marché du travail, retraites…) en contrepartie des aides font, en outre, bondir les Etats du Sud, qui craignent de se soumettre à un programme imposé par d’autres, comme la Grèce dans le passé.

5 juillet 2020

Espagne - Covid-19 : la Catalogne ordonne le reconfinement de plus de 200 000 personnes

catalogne

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Une recrudescence soudaine du nombre de cas de contaminations par le coronavirus dans la région catalane de Lérida a contraint les autorités à ordonner samedi le reconfinement, pour une durée d’au moins quinze jours, de plus de 200 000 personnes.

La Catalogne a dû faire “marche arrière”, se désole Cadena SER. Après quelques jours de valse-hésitation – fermera, fermera pas ? – le président de la communauté autonome, Quim Torra, a finalement tranché et renvoyé au confinement les habitants de la région de Lérida, à 150 km à l’ouest de Barcelone.

“Notre priorité et la vie et la santé des personnes, et nous prendrons toutes les décisions et mesures nécessaires”, a-t-il déclaré, selon la radio espagnole.

Deux semaines après avoir goûté à un progressif retour à la normale – dans un pays où le Covid-19 a fait officiellement plus de 28 000 morts – les 210 000 habitants de Lérida et ses alentours ne peuvent plus quitter la région, et personne ne peut y entrer, sauf pour une raison professionnelle ou exceptionnelle. Les réunions de plus de dix personnes sont à nouveau interdites.

“Des neuf clusters de coronavirus actuellement actifs en Catalogne, sept se trouvent à Lérida”, précise El Periódico. Une incidence du virus “très supérieure” au reste de la Catalogne, selon sa conseillère à la Santé. Alba Vergés.

Nouveaux clusters

Et parmi ces sept clusters, “au moins quatre ont été détectés dans exploitations de culture de fruits”, observe El País. “La crise à Lérida n’est pas seulement sanitaire, elle a aussi une forte composante sociale”, déclare Mme Vergés, “faisant implicitement référence au lien entre l’augmentation des contaminations et la présence de saisonniers pour le ramassage des fruits”, selon le quotidien.

El Mundo rapporte que le maire de Lérida “a reconnu samedi qu’il y avait encore des saisonniers qui dormaient dehors, malgré l’hébergement de 246 d’entre eux dans des foyers”. Le syndicat UGT a dénoncé “l’inefficacité” des autorités catalanes dans ce domaine : “Tout le monde a le droit de venir travailler à Lérida, mais l’administration doit prendre les mesures adéquates pour veiller à la santé et la sécurité de ces personnes”.

La région de Lérida est “le deuxième territoire espagnol à devoir faire marche arrière depuis le déconfinement”, après la région voisine de Huesca, dans l’Aragon, partiellement reconfinée fin juin, rappelle la RTVE.

De façon générale, l’apparition de nouveaux foyers de contamination “est l’une des grandes préoccupations en Espagne”, depuis le déconfinement et “l’entrée dans la ‘nouvelle normalité’”, relève La Vanguardia.

Il y a actuellement “69 clusters, dont 44 toujours actifs” dans le pays, détaille le quotidien catalan. “Les plus préoccupants sont ceux détectés en Catalogne et dans l’Aragon”, mais toutes les communautés autonomes du pays – à l’exception des Asturies et de La Rioja, et des enclaves nord-africaines de Ceuta et Melilla – affichent aujourd’hui de nouveaux clusters.

Madrid, l’un des deux épicentres de l’épidémie dans le pays, avec Barcelone, avait signalé vendredi l’apparition d’un foyer de contamination de cinq personnes dans une entreprise – le premier dans la ville depuis le déconfinement, hors maisons de retraite. Il serait “sous contrôle”, selon le quotidien ABC, citant les autorités sanitaires. Ces dernières appellent néanmoins à la “vigilance”.

19 mai 2020

Plan de relance européen : l’Allemagne prête à un geste de solidarité sans précédent

Par Thomas Wieder, Berlin, correspondant, Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen

macron merkel

Angela Merkel et Emmanuel Macron ont proposé lundi la création d’un fonds de relance de 500 milliards d’euros, financé par l’émission d’une dette commune européenne.

Après des semaines de discussions entre leurs équipes, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont présenté, lundi 18 mai, lors d’une conférence de presse commune, les grandes lignes du plan de relance européen qu’ils sont prêts à endosser. Physiquement distants l’un de l’autre, lui s’exprimant depuis Paris et elle depuis Berlin, les deux dirigeants ont en revanche affiché une totale unité de vue sur le plan politique. Leur objectif : garantir l’intégrité du marché unique et de la zone euro, menacée par la pandémie de Covid-19 et les ravages économiques qu’elle occasionne.

La France et l’Allemagne proposent que la Commission européenne s’endette à hauteur de 500 milliards d’euros et verse ensuite cet argent, par le canal du budget communautaire, aux Etats, régions et secteurs qui ont été le plus durement touchés par la pandémie. Cette initiative représente une petite révolution potentielle pour l’Europe. Pour l’Allemagne, elle matérialise en effet la fin de deux tabous qui ont longtemps empêché une plus forte intégration économique européenne : une mutualisation des dettes et une hausse considérable des transferts – c’est-à-dire de la redistribution entre les Vingt-Sept –, puisque 500 milliards d’euros représentent trois fois et demi le budget annuel européen actuel.

Angela Merkel, qui était encore fermement opposée à l’idée de tout endettement commun lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement européens du 26 mars, s’était montrée plus ouverte ces derniers temps. Pour autant, assurait-on encore récemment à Berlin, cet argent devra être remboursé par ceux qui l’auront dépensé. Mais voilà que la chancelière est désormais d’accord pour qu’il vienne abonder le budget communautaire et soit remboursé au niveau de l’Union européenne (UE), et non pas en fonction de ce que les uns et les autres auront touché.

Surplus de solidarité

Depuis l’apparition du Covid-19, l’Italie et l’Espagne, très touchés par le virus, réclamaient à hauts cris ce surplus de solidarité. Tout comme le Portugal, la Grèce ou la France, que la récession qui commence heurte de plein fouet. A l’inverse, les pays dits « frugaux » – Pays-Bas, Autriche, Suède et Danemark – refusaient d’en entendre parler. L’Allemagne, qui était jusqu’ici plutôt leur alliée sur ce genre de thématiques, vient donc de les lâcher.

Comment expliquer ce changement de pied ? « Merkel a compris que l’Allemagne, en s’en tirant mieux face au virus que les autres grands pays européens, avait une responsabilité immense et devait faire vraiment preuve de solidarité », explique l’économiste Henrik Enderlein, président de la Hertie School of Governance, l’équivalent de Sciences Po à Berlin. Restait à trouver le mécanisme adéquat.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe critiquant les plans d’aide de la Banque centrale européenne (BCE), rendu le 5 mai, a paradoxalement servi la cause des partisans d’une plus grande intégration de la zone euro. « Ce jugement a levé les contradictions de l’Allemagne vis-à-vis de la BCE. Dès lors que les juges de Karlsruhe ont dit qu’elle ne pouvait plus exercer sa solidarité par le biais monétaire, il fallait trouver un autre moyen, en l’occurrence budgétaire », observe M. Enderlein.

« Le plan présenté par M. Macron et Mme Merkel était déjà en discussion avant l’arrêt de Karlsruhe. Il n’est donc pas la conséquence de ce jugement, même si celui-ci a mis le doigt sur une question essentielle », assure le conservateur Norbert Röttgen, président de la commission des affaires étrangères du Bundestag et candidat à la présidence de la CDU. Certes, mais « les discussions ont vraiment avancé ces quinze derniers jours, et surtout la semaine dernière », note-t-on à l’Elysée. « Merkel a senti qu’il y avait un moment politique à saisir. Sortie renforcée de cette crise alors que Macron, lui, est très affaibli politiquement, elle a sans doute voulu envoyer un signe pour montrer que le tandem franco-allemand fonctionne encore », explique M. Enderlein.

Terrain d’entente entre Paris et Berlin

Si la chancelière allemande a fait un grand pas vers le président français, Paris a également su revoir ses ambitions, pour trouver un terrain d’entente avec Berlin. La France était initialement plus favorable à un fonds de relance en dehors du budget européen, qui lui semblait plus simple à mettre en œuvre compte tenu des bagarres homériques auxquelles se livrent les Vingt-sept sur le sujet. A l’inverse, l’Allemagne souhaitait rester dans le cadre du budget européen, que les parlementaires du Bundestag connaissent bien, mais qui, en théorie, doit être équilibré. Les deux partenaires ont finalement trouvé un montage qui permet à la Commission de s’endetter tout en respectant les traités.

« C’est un jour important », a souligné Emmanuel Macron. « La France et l’Allemagne se positionnent en faveur de la solidarité » européenne, a commenté Angela Merkel, en reconnaissant que la proposition franco-allemande était susceptible de s’attirer des critiques, notamment dans son propre parti où le jugement de la Cour de Karlsruhe a ravivé les clivages entre partisans d’une plus grande solidarité et défenseurs d’une stricte orthodoxie budgétaire. A l’instar de Friedrich Merz, autre candidat à la présidence de la CDU et vieux rival de Mme Merkel, qui fulmine depuis quelques jours contre les « orgies de dépenses » décidées depuis le début de la pandémie.

La proposition franco-allemande devrait également susciter de fortes réticences dans le nord de l’Europe. Ainsi, le gouvernement autrichien a insisté, lundi soir, sur le fait que toute aide européenne devrait prendre la « forme de prêts et non de subventions ». Quant à l’Europe de l’Est, elle veillera à ce que cette solidarité nouvelle, si elle devait se concrétiser, ne se fasse pas aux dépends des fonds de cohésion dont elle bénéficie largement.

« Un accord entre la France et l’Allemagne ne veut pas dire un accord à Vingt-Sept. Mais il n’y a pas d’accord à Vingt-Sept sans accord franco-allemand », a reconnu Emmanuel Macron. Avant d’ajouter : « Nous espérons que cet accord va donner une référence à la Commission », qui a été mandatée par les Etats membres pour proposer un plan de relance et qui doit le présenter le 27 mai.

Pour la Commission, un camouflet

Pour la Commission, le plan de Berlin et Paris sonne comme un camouflet. Sa présidente, Ursula von der Leyen, avait promis un plan « en milliers de milliards d’euros et pas en milliards d’euros ». Pour ce faire, elle envisageait certes de s’endetter, d’un peu plus de 400 milliards, mais souhaitait transférer aux pays les plus affectés par la pandémie « 200 milliards, même moins. A un moment, elle a parlé de 140 milliards », confie un proche des négociations. Pour le reste, elle apportait sa garantie à des prêts consentis aux entreprises pour l’essentiel, ce qui lui permettait, avec les effets de levier classiques, d’afficher une force de frappe de 1 000 milliards d’euros.

Ajouté aux premières mesures d’urgences d’ores et déjà actées par les Vingt-Sept – pour 540 milliards d’euros – cela représentait plus de 1 500 milliards d’euros, soit 10 % du PIB européen. « On ne souhaitait pas des affichages en milliers de milliards d’euros, obtenus par des effets de leviers, qui n’auraient pas résisté à l’analyse », commente-t-on à l’Elysée. Lors de la crise de la zone euro, à partir de 2010, les marchés ont montré qu’ils n’étaient pas dupes…

« Berlin et Paris apportent une première brique fondamentale, qui est celle de la solidarité », ajoute un diplomate, alors que les mesures d’urgence à hauteur de 540 milliards d’euros sont exclusivement des prêts. Même s’ils sont consentis à des conditions très intéressantes, ils alourdissent encore l’endettement des pays les plus touchés par le virus, comme l’Italie ou l’Espagne, qui étaient déjà les pays les plus endettés avant la crise.

Sous pression franco-allemande, Ursula von der Leyen, qui fut la ministre d’Angela Merkel pendant quatorze ans, n’a d’autre choix que de revoir ses plans. Quoi qu’elle décide, elle sait que les prochaines semaines seront difficiles, car il lui faudra négocier pied à pied, avec les Vingt-Sept, les moindres détails de ce plan de relance. Ce qui promet des discussions houleuses, dès lors qu’il faudra décider quelles seront les conditions du remboursement de l’emprunt contracté par la Commission, ou encore les critères qui accompagneront l’attribution de cet argent.

Sans oublier les autres postes du budget européen pour la période 2021-2027, comme les fonds structurels ou la politique agricole commune, sur lesquels les Etats membres de l’Union n’avaient pas réussi à s’entendre avant la pandémie… Lundi, dans un communiqué, Ursula von der Leyen s’est « réjouie de la proposition constructive de la France et de l’Allemagne ».

14 mai 2020

La Commission européenne veut sauver les vacances

vacances

Pour sauver le secteur du tourisme et soutenir des pays déjà très impactés par la crise sanitaire, la Commission européenne souhaite une réouverture des frontières intérieures cet été.

Bruxelles a encouragé mercredi les 27 pays de l’Union à rouvrir leurs frontières intérieures pour sauver les vacances d’été de millions d’Européens et empêcher un naufrage du secteur touristique, plombé par le coronavirus. « Cela ne va pas être un été normal… Mais si nous faisons tous des efforts, nous n’aurons pas à passer l’été bloqués à la maison ou l’été ne sera pas complètement perdu pour l’industrie touristique », a déclaré la vice-présidente exécutive de la Commission, Margrethe Vestager, lors d’une conférence de presse à Bruxelles.

Ce secteur, crucial pour l’économie de l’Union puisqu’il représente 10 % de son PIB et 12 % des emplois, regarde arriver avec anxiété la saison estivale après avoir déjà pâti depuis deux mois des mesures de confinement mises en place pour endiguer la pandémie. Le premier voyagiste mondial, l’allemand TUI, a annoncé mercredi son intention de supprimer 8 000 postes dans le monde, soit plus de 10 % de ses effectifs.

Une réouverture concertée des frontières

Après le repli sur soi de nombreux pays européens, la Commission européenne veut les inciter à lever progressivement les contrôles et restrictions mis en place pour faire face au coronavirus. Le Commissaire européen aux Affaires économiques, l’Italien Paolo Gentiloni, s’est, comme Margrethe Vestager, voulu rassurant. « Nous aurons une saison touristique cet été, même si ce sera avec des mesures de sécurité et des restrictions qui n’existaient pas l’an passé », a-t-il promis.

L’exécutif européen prône une réouverture des frontières intérieures de l’UE de façon « concertée », « la plus harmonieuse possible » et « non discriminatoire ». Il s’agit toutefois de simples recommandations puisqu’il appartient aux États membres de décider comment ils veulent protéger leur territoire. Mercredi, l’Allemagne a annoncé viser une levée à la mi-juin des restrictions de circulation mises en place à ses frontières, ajoutant que ses voisins français, autrichien et suisse avaient le même objectif. Ses frontières avec le Luxembourg seront complètement ouvertes dès samedi.

Un site internet d’ici à l’été

Dans ses lignes directrices, c’est précisément à une telle situation que la Commission européenne s’intéresse. Elle préconise que lorsque des pays sont dans une situation épidémiologique comparable et ont adopté les mêmes mesures de précaution, ils doivent être traités de la même façon. En clair, si un pays A ouvre ses frontières avec un pays B, il doit aussi le faire avec son voisin C si ce dernier est dans la même situation que B. De même, quand un État ouvre ses frontières avec un autre, il doit le faire pour tous les habitants de ce pays, qu’ils en aient la nationalité ou pas.

A l’attention des futurs vacanciers, l’exécutif européen voudrait mettre en place d’ici à l’été un site internet avec des informations en temps réel sur la situation aux frontières mais aussi dans chacune des régions touristiques.

Pour certains pays du sud de l’Europe, l’Italie et l’Espagne, les deux plus endeuillés par le coronavirus, mais aussi la Grèce et le Portugal, il s’agit de limiter les dégâts au maximum. Ces États sont très dépendants du secteur touristique et si les estivants restaient loin de leurs rivages, leur situation économique, déjà mauvaise, pourrait encore s’aggraver.

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