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Jours tranquilles à Paris
22 septembre 2020

Monarchie - Secouée par une immense contestation, la Thaïlande navigue à vue

thailande

THE STRAITS TIMES (SINGAPOUR)

Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à Bangkok les 19 et 20 septembre pour exiger des réformes de la monarchie. Aux étudiants se sont ralliés les partisans de l’ancien Premier ministre, renversé par les militaires en 2006, donnant au mouvement une nouvelle ampleur.

Il est 22 heures ce samedi 19 septembre. De très jeunes manifestants remballent leur matériel et s’apprêtent à quitter Sanam Luang, le champ royal, près du grand palais de Bangkok, pour rentrer chez eux. Daeng, 70 ans, qui va passer la nuit sur sa natte, sous un arbre, pour la manifestation nocturne leur lance :

N’abandonnez pas, les enfants ! Revenez demain matin sans faute !”

Daeng est une “chemise rouge” [les chemises rouges sont les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d’État en septembre 2006]. Elle se souvient encore d’avoir été aspergée de gaz lacrymogènes dans le centre de Bangkok pendant les troubles de 2010 [des manifestations ont secoué la capitale entre mars et mai 2010. Les chemises rouges qui demandaient la dissolution du gouvernement faisaient face aux chemises jaunes, incarnant l’élite royaliste. Une centaine de personnes ont été tuées au cours d’affrontements].

Comme beaucoup d’autres chemises rouges, elle a rejoint les manifestations organisées ce week-end par l’organisation étudiante Front uni de Thammasat. L’événement prend, d’un coup, des allures de réunion de militants vieillissants issus de ce réseau que les autorités ont essayé de démanteler après le coup d’État de 2014.

Remise en cause inédite de la monarchie

Aujourd’hui, Daeng a cependant renoncé au rouge et a mis un T-shirt noir [couleur de ralliement des jeunes manifestants]. “Je veux suivre les jeunes”, confie-t-elle au Straits Times.

La manifestation à Sanam Luang est extraordinaire à tous égards. Des dizaines de milliers de manifestants occupent un terrain normalement réservé aux événements royaux qu’ils baptisent “champ du peuple”. Leurs dirigeants, qui s’expriment à la tribune, s’adressent directement au roi Maha Vajiralongkorn : la liste des réformes politiques qu’ils exigent n’est pas soumise au Premier ministre Prayut Chan-o-cha mais à Surayud Chulanont, le président du Conseil privé du roi. Puis ils appellent au boycott de la Siam Commercial Bank, dont le roi est actionnaire majoritaire.

En tentant de rendre “dicible ce qui était auparavant indicible”, les étudiants ont reçu le soutien des fantassins du mouvement des chemises rouges, relève la politologue Khorapin Phuaphansawat de l’université de Chulalongkorn.

Preuve que les chemises rouges n’ont pas disparu. Elles n’ont pas été écrasées.”

Les personnalités du mouvement qui risquaient des poursuites et ont subi des pressions se sont tenues à l’écart.

Quid de la classe ouvrière ?

Reste à voir si ces appels à une réforme de la monarchie rencontreront un écho dans la société thaïlandaise, selon les analystes. Une question impensable pour beaucoup, tant l’ancien roi et père du monarque actuel, Bhumibol Adulyadej, était considéré comme un demi-dieu.

Toute personne critiquant ouvertement la royauté risque des poursuites dans le cadre du très sévère crime de lèse-majesté [qui prévoit jusqu’à quinze ans de prison], même si aucune condamnation n’a été prononcée récemment.

Les chaînes de télévision grand public ont élargi la couverture de l’événement alors que, jusque-là, seuls les médias alternatifs parlaient de ce mouvement.

D’après Khorapin Phuaphansawat, l’élite de Bangkok n’a pas encore pris la mesure du mouvement et ce dernier demeure peu connu de la classe ouvrière thaïlandaise. À ses yeux, il est également trop tôt pour dire comment les intellectuels réagiront.

L’élite royaliste qui domine le pays depuis les derniers coups d’État [2006 et 2014], considère souvent les chemises rouges comme des paysans payés par des politiciens corrompus pour occuper les rues de Bangkok et leur reproche d’avoir plongé le royaume dans une décennie d’un conflit opposant deux couleurs [les jaunes contre les rouges]. Les autorités les ont réprimées à la suite du coup d’État de mai 2014 [qui a amené au pouvoir le général Prayut, l’actuel Premier ministre] et ont, à un moment, cherché à faire disparaître leurs signes et vêtements.

Des enfants de la classe moyenne

Or nombre des étudiants qui participent aux manifestations actuelles sont issus de la classe moyenne et de certains des établissements scolaires et universitaires les plus élitistes du pays. D’après un lycéen militant, certains parents ont même tenté d’empêcher leurs enfants de continuer à participer au mouvement en les menaçant de les envoyer faire leurs études à l’étranger.

Les événements de samedi donnent une idée de la façon dont les idées des chemises rouges et des étudiants se sont rejointes. Les jeunes manifestants allant jusqu’à citer à la tribune les noms de personnes tuées lors de l’intervention de l’armée contre les chemises rouges en mai 2010 à Bangkok. Ils demandent que les responsables rendent des comptes.

“On ne peut plus considérer ces manifestations comme un mouvement de jeunes, déclare le politologue Pitch Pongsawat de l’université de Chulalongkorn. La connexion organique entre les chemises rouges et les organisations étudiantes est scellée.”

L’ampleur croissante de ce mouvement et les appels de plus en plus forts pour une réforme de la monarchie placent désormais la Thaïlande en territoire inconnu.

Tan Hui Yee

Source

The Straits Times

SINGAPOUR www.straitstimes.com/global

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21 septembre 2020

« Ce pays appartient au peuple » : en Thaïlande, la fronde étudiante franchit une nouvelle étape

Par Bruno Philip, Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est - Le Monde

Les protestataires ont posé une plaque affirmant que le royaume « appartient au peuple et non pas au roi comme on nous l’a fait croire à tort », dimanche, à Bangkok. Une provocation sans précédent.

L’aube s’était levée moins d’une heure plus tôt sur les ors, les toits et les tours du palais royal de Bangkok quand, sous un ciel de pluie, les meneurs de la fronde étudiante ont scellé une plaque dorée sur la partie bétonnée du vaste espace où les manifestants s’étaient réunis depuis la veille.

On était dimanche 20 septembre, il était exactement 6 h 54, et le geste allait marquer une nouvelle étape de la courte histoire de la fronde estudiantine thaïlandaise : cette plaque a une signification politique d’importance pour les « rebelles » car elle est une réplique de celle apposée en 1936 pour commémorer un coup d’état antiroyaliste qui avait eu lieu quatre ans plus tôt. Dans le contexte actuel, le geste est une provocation sans précédent.

Le rassemblement de samedi, organisé initialement dans l’université Thammasat, mais qui, devant l’affluence, a ensuite débordé sur la grande « prairie royale » (Sanam Luang) jouxtant le palais, a réuni une trentaine de milliers de personnes. C’est un record : depuis le mois de juin, le mouvement prodémocratie ne cesse de croître et les manifestations réunissent de plus en plus de monde même si le chiffre de cent mille personnes, espéré par les organisateurs, n’a pas été atteint.

Cette plaque, c’est donc tout un symbole car elle résume à elle seule l’esprit de la fronde en cours contre l’oligarchie thaïlandaise et même, tabous d’entre les tabous, contre le style du pouvoir du roi Maha Vajiralongkorn, ou Rama X de son nom dynastique. Ceux qui critiquent le souverain reprochent à ce dernier, censé incarner le système de monarchie constitutionnelle théoriquement en vigueur depuis le putsch de 1932, d’avoir réinstallé, avec le concours des militaires, une sorte de monarchie absolue.

Un souverain au statut quasi divin

Mais en 2017, cette plaque symbole de l’établissement de la démocratie – même si cette dernière allait connaître par la suite bien des vicissitudes – a disparu. Enlevée de nuit le 5 avril, vraisemblablement avec le concours des autorités. Et cela une année après l’accession au trône de ce roi qui n’a cessé depuis lors d’élargir le périmètre de son autorité : contrôle accru sur l’armée, sur les avoirs du « bureau de la couronne » – une fortune estimée à 30 milliards de dollars (25 milliards d’euros) – refus d’accepter qu’un régent le remplace lors de ses absences alors qu’il vit la plupart du temps en Allemagne, etc.

La nouvelle plaque, scellée en présence des principaux meneurs du mouvement étudiant, et comiquement « bénie » par un jeune homme vêtu du costume blanc d’un prêtre brahmane officiant dans les cérémonies royales, entendait délivrer un message sans ambiguïté : « Ce pays appartient au peuple et non pas au roi comme on nous l’a fait croire à tort… »

Il y a encore moins d’un mois, personne n’aurait pu imaginer un tel affront contre un souverain dont le statut est quasi divin et qu’une très sévère loi de lèse-majesté protège, permettant d’envoyer tout coupable d’« apostasie » royale en prison pour quinze ans. Même si cette loi n’a pas été appliquée depuis plusieurs années, d’autres dispositions légales permettent d’embastiller des internautes trop audacieux dés qu’il s’agit du roi.

La bruine et la pluie d’un après-midi de fin de typhon n’avaient donc pas empêché la foule des grands jours de se presser sur Sanam Luang, samedi. Certains manifestants avaient choisi d’exhiber les signes audacieux d’invraisemblables provocations, au regard des standards thaïlandais. L’un deux, le front ceint d’une couronne royale de pacotille, brandissait une pancarte où étaient caricaturés le roi, la reine Suthida et la « concubine » royale Sineenat, dépouillée de ses titres l’année dernière et soudainement réhabilitée au début du mois de septembre…

Le retour des « chemises rouges »

Un autre, déployant un drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau, et se présentant comme « mister B », marchait dans la foule, casque lourd vissé sur le crâne. On voyait d’autres drapeaux rouges flotter sur l’horizon. Mais ce n’était pas des drapeaux communistes, c’était des fanions à la couleur des « chemises rouges », un mouvement antigouvernemental de la fin de la première décennie du XXIe siècle.

Ces rebelles de l’époque avaient occupé le centre de Bangkok en 2010, pour protester contre le coup d’état qui avait renversé quatre ans plus tôt leur idole, l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra. Une centaine de personnes avaient alors péri dans les affrontements avec l’armée. La manifestation de samedi aura marqué le retour de ces anciens militants, désormais cinquantenaires ou plus, et qui se sont retrouvés, pour la première fois depuis le début du mouvement, alliés à la jeunesse frondeuse.

« Oui, nous sommes aux côtés des étudiants, affirme Sarin Bhut, une dame de 64 ans. Ils veulent, comme nous, l’égalité et la liberté. » Autour d’elle, ses compagnes hochent la tête, partageant la détestation collective à l’encontre de l’actuel premier ministre Prayuth Chan-ocha, un ancien général putschiste dont les étudiants exigent la démission.

La dame est cependant plus modérée à propos du tabou de la critique antimonarchique : « Je préfère ne pas en parler », dit-elle, toujours souriante. « Les étudiants ont raison à ce sujet », nous glisse cependant en aparté Suthee, ex- « chemise rouge » de 70 ans, en levant le doigt vers le ciel, geste qui désigne habituellement, sans le nommer, le roi.

Cahier de doléances

Sur scène, les provocations continuent, quoique plus feutrées : les étudiants s’efforcent de ne pas donner l’impression qu’ils sont antimonarchistes. Ce qu’ils veulent c’est que le roi rendosse son costume de monarque constitutionnel.

Comme le dit au micro la jeune Panusaya Sithijirawattanakul, 22 ans, l’une des égéries du mouvement, « nos propositions de réformes monarchiques sont faites dans les meilleures intentions, de telle manière à ce que l’institution monarchique subsiste, avec grâce, coiffant le peuple mais sous l’obédience de la règle démocratique. »

Une intention qui atteindra son point d’orgue tôt dans la matinée de dimanche quand cette même Panusaya – que tout le monde désigne de son surnom « Roong », ou arc-en-ciel –, remettra solennellement au chef de la police de Bangkok une enveloppe destinée au souverain. Dans ce message, les étudiants ont placé un cahier de doléances en dix points demandant au policier en chef qu’il transmette cette missive au conseil privé de Sa Majesté, corps de conseillers nommé par le souverain.

Les étudiants estiment désormais que la balle est dans le camp de ce dernier et disent attendre un geste royal. Pour l’instant, la seule réponse du pouvoir a concerné la plaque : lundi matin, on a appris qu’elle avait été enlevée durant la nuit.

21 septembre 2020

En Biélorussie, la révolution au pied des tours

Par Thomas d'Istria, Minsk, correspondance - Le Monde

Les protestations contre Loukachenko s’organisent aussi à l’échelle des quartiers. Moins spectaculaires que les grandes manifestations, elles remodèlent la société dans son ensemble.

Noués sur les fils électriques, les grillages, les agrès pour enfants, les rubans rouge et blanc saturent l’espace. Il y a ceux, courts, qui ont été arrachés ou coupés la nuit précédente par la police ; ceux, longs et oscillant dans le vent, renoués depuis par des mains opiniâtres. En cette fin d’après-midi de septembre, la musique, les voix et les rires résonnent dans un horizon de béton, cerné par les hautes tours de la banlieue nord de Minsk. Tandis que les enfants s’agitent dans l’aire de jeux, les adultes discutent et se partagent gâteaux et boissons sur une table de bois décorée, elle aussi, de blanc et de rouge, les couleurs de l’ancien drapeau de la Biélorussie devenues celles du soulèvement.

Un couple montre à ses amis la photo de son petit garçon. Rien que de très banal, si ce n’est que l’enfant pose fièrement au milieu d’une manifestation contre Alexandre Loukachenko. Un inconnu s’approche, à la recherche de « cours de danse blues ». Des cours de danse improvisés ont bien été organisés, quelques jours plus tôt, mais de blues, personne n’a entendu parler…

C’est une autre face de la révolte engagée par le peuple biélorusse contre son inamovible président qui se joue ici, au pied des tours. Moins spectaculaire que les manifestations massives du dimanche, moins dramatique que les scènes de violence devenues quotidiennes, mais plus profonde, qui non seulement remet en cause la gouvernance du pays mais remodèle la société dans son ensemble.

C’est probablement ici, dans cet ensemble d’immeubles modernes du nord de la capitale qu’est née cette révolution des quartiers, souterraine et endurante. Le « square du changement », à quelques kilomètres du palais présidentiel, a été l’un des premiers à se réveiller, durant le mois d’août. Peu à peu, il a été imité par des dizaines d’autres à l’allure semblable (des centaines, à en croire l’application qui cartographie la contestation), dans la capitale et ailleurs.

« Sentiment de fierté »

Tous les soirs, les réseaux sociaux (à l’image de la chaîne Telegram « Nexta », deux millions d’abonnés) se remplissent de ces images de réunions, de danses, de chœurs ou de concerts improvisés, témoignages fiers et incrédules à la fois de cette lame de fond urbaine qui transforme les terre-pleins anonymes en autant de centres de fête et de contestation. Pour les enfants, la révolution prend des airs de carnaval.

Le « square du changement », le long de la rue Orchaskaïa, n’aurait pas gagné sa renommée ni son surnom sans l’audace de deux DJ de Minsk, Kirill Galanov et Vladislav Sokolovsky. Durant la campagne électorale, le 6 août, alors que les deux hommes se produisent dans un concert pro-régime, une foule de soutien à l’opposante Svetlana Tsikhanovskaïa s’invite à la manifestation après que le meeting de leur candidate a été annulé par les autorités. Les deux musiciens en profitent pour passer Peremen (« Changements »), une chanson mythique du rocker russe Viktor Tsoi, devenue un hymne protestataire dans l’espace post-soviétique. Acclamés par une partie de la foule, les deux DJ sont arrêtés. Ils passeront dix jours en prison et perdront leur emploi.

Trois jours après le scrutin présidentiel du 9 août, suivi de premières manifestations, un résident du quartier qui préfère ne pas donner son nom – « Appelle moi Ivan ! » – décide avec trois amis de rendre hommage au geste des deux DJ en déposant un collage à leur effigie à quelques pas du lieu du concert. « On y est allés de nuit, mais les flics sont arrivés au moment où on allait poser le collage », explique le scénographe de 28 ans, assis devant un chocolat dans un café voisin du square. Les quatre compagnons se replient sur leur quartier et posent la fresque sur un bloc de béton qui permet d’accéder aux souterrains de l’espace résidentiel, au milieu du square.

Les voisins et les amis prendront le relais. Des drapeaux aux couleurs révolutionnaires apparaissent aux balcons des immeubles et des affiches dans les ascenseurs. Un tchat sur l’application de messagerie Telegram est créé, les résidents commencent à sortir pour boire le thé ensemble, des dizaines puis des centaines de personnes, parfois jusqu’à minuit. Parallèlement commence un jeu du chat et de la souris avec la police, qui revient chaque nuit arracher la fresque, recollée le lendemain. Certains jours, des dizaines d’habitants tentent de faire barrage avec leur corps, entraînant parfois des arrestations. Des policiers resteront même trois jours d’affilée en faction devant le bloc de béton.

Le lieu lui-même s’enrichit. Un panneau apposé sur la place rappelle qu’en plus des interdictions de boire et de jurer, le quartier est interdit aux OMON, les forces spéciales de la police, haïes pour leur usage de la violence.

Au-delà du folklore révolutionnaire, les habitants du quartier disent aussi découvrir une nouvelle manière d’envisager la société. « C’est devenu à la mode d’être biélorusse, s’amuse Irina, une femme de 32 ans qui habite avec son compagnon, Alexandre, 36 ans, dans un immeuble du square. On ressent un sentiment de fierté pour la première fois. » Le couple habite le quartier depuis trois ans et jusque-là, explique Alexandre, « le square n’accueillait que les mères et les enfants ». Les deux ont appris à connaître leurs voisins.

« Ils étaient là, à la porte d’à côté »

« Un soir, j’étais seule chez moi, déprimée après toutes les violences que j’avais vues, raconte une régisseuse de spectacle. Et soudain, vers 10 heures du soir, toutes les fenêtres des appartements se sont ouvertes et les gens ont commencé à hurler “Vive la Biélorussie !” et à allumer les flashes de leurs téléphones. Je croyais qu’il fallait partir pour trouver des gens qui pensent comme moi, mais en fait ils étaient là depuis toujours, dans mon quartier, à la porte d’à côté. »

Ce 16 septembre au soir, l’arrivée d’une quinzaine de motards vient rompre la routine festive. « Ils viennent pour soutenir Stepan », explique Ivan. L’arrestation de cet habitant du quartier, le 15 septembre, a marqué le voisinage. Alors que les autres interpellés sont en général rapidement relâchés, il est toujours en détention et risque une condamnation pénale. L’homme est aussi un motard…

« Il est devenu évident que le square est surveillé », pense Ivan. Difficile d’avoir une estimation du nombre de partisans d’Alexandre Loukachenko dans le quartier, plutôt fréquenté par la classe moyenne, mais l’utilisation des réseaux sociaux par les contestataires et leur organisation sur des chaînes Telegram les expose. L’application qui recense les mobilisations, mise en place par des programmeurs de Minsk, est une mine d’informations pour les protestataires comme pour la police.

Pour autant, les habitants continuent de sortir. « On a une peur permanente, qui est là depuis longtemps, reconnaît Irina, mais ce n’est pas le type de peur qui t’enferme chez toi. Si on reste à la maison, ça signifie que l’on a perdu. » La jeune femme n’hésite pas à faire référence aux actes de bravoure des partisans de Minsk lors de l’occupation allemande, de 1941 à 1944. Ce sentiment de ne plus pouvoir reculer est largement partagé. « Nous sommes allés trop loin, confirme Alexandre, le compagnon d’Irina, et dans tous les cas, Loukachenko ne nous le pardonnera pas. »

19 septembre 2020

Enquête - Ces faux « cousins » chinois qui s’imposent dans les familles ouïgoures

Par Brice Pedroletti, Harold Thibault

L’Etat chinois envoie des cadres dormir une semaine par mois dans les foyers de la minorité musulmane pour soumettre le dernier espace d’intimité à sa surveillance.

Ils étaient à la maison une semaine par mois. A partager les repas en s’assurant que Zumret Dawut, une femme ouïgoure, savait cuisiner des plats chinois, à faire mine d’aider à laver la vaisselle mais inspectant au passage tous les recoins de la maison en quête d’un Coran suspect. A poser des questions aux enfants dès que leur mère avait le dos tourné : les parents leur parlaient-ils de dieu ? Allaient-ils à la mosquée le vendredi ? La mère de famille avait appris à ses trois enfants, deux filles et un garçon, à dire non à toutes ces questions de ces étranges visiteurs ou à esquiver.

La nuit aussi, les « cousins » étaient là, dormant sur un matelas au sol dans la même chambre que Mme Dawut et son mari, utilisant leur salle de bain au petit matin, puis prenant le petit-déjeuner qu’elle leur préparait.

« Pour eux, ça semblait comme un jeu, mais qui consistait à nous espionner », raconte cette femme désormais réfugiée avec sa famille en Virginie (Etats-Unis) et âgée de 38 ans. Trois hommes et une femme chinois, soit un correspondant pour chaque membre du foyer, le père faisant exception à la règle car il était étranger (Pakistanais).

Faire remonter les suspicions

Pour les Ouïgours, la population turcophone et musulmane du Xinjiang, ces visites parachèvent le système de répression et de surveillance totale mis en place par le gouvernement chinois contre cette minorité : caméras à tous les coins de rue, indics dans les mosquées et les écoles, technologie qui enregistre le contenu des smartphones. En outre, au moins un million de Ouïgours (sur 11,5 millions) sont passés par des camps d’internement qui les soumettent à un « triage » vers d’autres formes de détention, de rééducation ou de travail forcé.

Restait pourtant un angle mort : le foyer familial. C’est alors que sont apparus ces étranges cousins, des Chinois hans, s’imposant dans les maisons ouïgoures pour s’assurer que les familles n’opposent pas de résistance à leur sinisation forcée et faire remonter leurs suspicions.

La première grande campagne de cette politique, dénommée « union des ethnies en une seule famille » date de 2016 : plus de 100 000 cadres et fonctionnaires doivent alors rendre visite à des familles du sud de la région, la zone la plus hostile à l’influence chinoise et où les Ouïgours constituent plus de 70 % de la population.

Cette expérience pilote est renforcée courant 2017, l’année du XIXe Congrès du Parti communiste chinois (PCC), dont les équipes de cadres viennent diffuser les grands principes dans les foyers ouïgours durant des « semaines de l’unité ethnique ». Elle se généralise en 2018, mobilisant sur ces deux ans plus d’un million de cadres hans issus des administrations et sociétés d’Etat.

Le nouveau programme appelle à « vivre ensemble, cuisiner ensemble, manger ensemble, apprendre ensemble, dormir ensemble ». Les envoyés Hans n’ont pas le choix : ils sont réquisitionnés pour cette mission dans la grande tradition des campagnes de « guerre du peuple » contre ces Ouïgours que l’Etat chinois soupçonne d’être en voie de radicalisation.

Soupçonnés de présenter une « double face »

Outre les foyers ouïgours les plus pauvres ou ceux dont des membres de la famille ont été envoyés en rééducation, nombre de fonctionnaires ouïgours font aussi l’objet de visites : ils sont soupçonnés de présenter une « double face », fidèles en façade au PCC, mais arborant en cachette des opinions tendancieuses. Ils se voient assignés des « cousins » par leurs unités de travail. Les Ouïgours employés dans le privé ou les paysans sont mis en relation par les comités de quartier ou de village.

A Urumqi, Qelbinur Sidik, 51 ans, était institutrice et responsable pédagogique. Elle est choquée par l’apparition de ces règles : « Au début, ils nous ont dit que l’on devrait vivre avec nos “cousins” hans une semaine tous les trois mois. Puis c’est devenu une semaine par mois. Travailler, étudier et manger ensemble, je le comprenais, mais pourquoi devrions-nous vivre avec eux et les faire dormir dans notre propre maison ? », explique-t-elle depuis un centre de demandeur d’asile aux Pays-Bas qu’elle a rejoint début 2019.

A l’annonce de la nouvelle politique, un bureau spécial créé dans son école gère le programme. Les deux femmes cadres qui s’en occupent, des Hans, s’assurent que chaque employé ouïgour leur fait parvenir des photos de leur « joyeuse vie quotidienne » avec leurs « cousins ». « On devait envoyer des photos de nous en train de manger avec eux, de cuisiner, et de dormir après chaque visite. Et remplir un formulaire sur ce que nous pensions de “l’unité ethnique”. Sinon, le rapport n’était pas validé », poursuit-elle.

Le « cousin » qui échoit dans la famille de Qelbinur est un collègue de son mari, marié, âgé de 56 ans, dont elle juge aujourd’hui le comportement vulgaire et grossier. Il séjournera régulièrement dans la famille de 2017 à mars 2019.

Une relation forcée

Chez Zumret Dawut, ce sont de parfaits inconnus qui débarquent. Le comité de quartier lui a indiqué au préalable qu’elle devait préparer pour chacun d’eux une bassine pour se laver les pieds et une nouvelle brosse à dents.

Les nouveaux « cousins » hans arrivent généralement avec un cadeau, comme un carton de lait, ou donnent un peu d’argent. « Ils agissent initialement comme des invités, mais la relation s’inverse aussitôt, l’hôte est en fait otage dans sa propre maison. C’est une relation forcée, qui leur montre que plus rien n’échappe à l’Etat qu’incarnent ces cousins. C’est un prolongement des camps mais hors des barbelés », analyse Timothy Grose, spécialiste des politiques ethniques chinoises à l’Institut Rose-Hulman, dans l’Indiana.

A ces intrusions, s’ajoutent pour les Ouïgours des obligations patriotiques. Comme la cérémonie de lever de drapeau tous les lundis matins dans le quartier où vivait Zumret Dawut, près de l’aéroport d’Urumqi, la capitale régionale.

Avec un tampon de présence dans un carnet rouge et un système de points notant son niveau d’implication (90 étant le minimum acceptable). Pour quiconque a un proche en camp d’internement, mieux vaut obtenir 100 points pour ne pas y être envoyé à son tour. Zumret Dawut y passera deux mois au printemps 2018, à cause de l’origine étrangère de son mari. Le couple prétextera ensuite l’état de santé de son beau-père pour obtenir l’autorisation de se rendre au Pakistan, et fuir aux Etats-Unis.

« Tests » pervers

Les « cousins » chinois sont chargés de remplir des grilles d’évaluation à partir des critères censés alerter d’une possible radicalisation. Chaque détail peut être évocateur : un homme a-t-il évité de serrer la main d’une femme ? Quelqu’un qui salue un voisin d’un « Assalamu alaykum »… Dans l’un des manuels donné aux visiteurs à Kashgar et étudié par le chercheur Darren Byler, anthropologue à Seattle (Etat de Washington), les cadres ont des instructions spécifiques pour que leurs hôtes « baissent leur garde ».

Il leur est conseillé de se montrer « chaleureux », de « ne pas tout de suite leur donner des leçons ». Mais aussi d’être « vigilants » : leurs hôtes leur apparaissent-ils agités, utilisent-ils un langage évasif ? Est-ce qu’ils regardent des DVD au lieu des programmes télévisés ? Des objets religieux sont-ils accrochés au mur ? Le manuel recommande aux hôtes de « dire à leurs “cousins et cousines” que toutes les communications Internet et de téléphone portables émanant de la famille sont surveillées, et qu’ils feraient mieux de ne pas leur mentir sur les questions de leur pratique de la religion ».

« Je suis fonctionnaire et je ne crois pas en la religion. Nous soutenons complètement le PCC et n’avons jamais été croyants dans la famille », se borne à répondre Qelbinur Sidiq à leur visiteur han quand il aborde le sujet. « En 2016, on avait brûlé tous les livres religieux que nous avions, les films turcs, les chansons et même notre collection de livres en ouïgour, pour les remplacer par des livres sur le PCC », explique-t-elle.

D’autres témoignages font état de « tests » plus pervers pratiqués par les visiteurs hans : il est conseillé de parler avec les femmes du foyer pour « voir si cela suscite une réaction exagérée de la part des hommes ». Dans un autre cas, des Hans proposent de cuisiner ensemble des beignets vapeur à la viande, sans préciser laquelle : il s’agit de vérifier si les Ouïgours s’inquiètent qu’ils soient au porc.

« Harcèlement sexuel ou viols »

Un autre aspect choque les Ouïgours en exil, dont les familles subissent toutes sortes de représailles : « Sur les réseaux sociaux, on a eu connaissance de nombreux cas d’hommes han envoyés dans des foyers ouïgours dans lesquels les maris, frères ou fils sont détenus, exposant les femmes seules à la maison à du harcèlement sexuel ou des viols », affirme Enwer Memet, de la Dutch Uyghur Human Rights Foundation aux Pays-Bas.

En principe, les hommes hans doivent montrer à leurs hôtes qu’ils sont mariés. Certaines photos de la presse officielle chinoise montrent des femmes ouïgoures entourées de femmes cadres mais dans le quartier de Zumret Dawut, c’est au contraire la mixité qui est imposée. Et Qelbinur, l’institutrice ouïgoure, confirme avoir entendu lors d’une réunion de 200 cadres consacrée aux semaines de l’unité ethnique, que des hommes devaient visiter des foyers de femmes, et vice-versa. Mais l’instruction n’est restée qu’orale, jamais écrite.

Elle-même dit avoir dû repousser les avances du cadre han envoyé chez elle, notamment quand son mari était absent. « Il me disait que les cadres hans envoyés dans le Sud passaient du bon temps avec les femmes ouïgoures. Qu’elles les traitaient bien et ne refusaient pas leurs avances, impliquant que je devais être plus coopérative. Je faisais semblant de ne pas comprendre mais, si au lieu d’être une femme de 50 ans, vivant avec son mari et fonctionnaire dans la capitale, j’avais été une veuve seule dans le Sud, je ne sais pas à quoi j’aurais été forcée », dit-elle.

Zumret Dawut, elle, s’inquiétait des trois hommes dormant chez elle. Il était arrivé qu’un des correspondants l’appelle au téléphone, saoul, et lui propose de s’occuper d’une de ses filles et de la déposer à l’école le lendemain ; elle prétextait poliment que la petite était malade. Quand le père était en voyage d’affaires mais que c’était leur semaine de présence, ils dormaient malgré tout dans sa chambre. Alors, elle préférait prendre ses filles avec elle dans son lit : « Je les serrais très fort contre moi », dit-elle.

18 septembre 2020

EDITORIAL "LE MONDE" - Ouïgours : l’asservissement d’un peuple

Le Xinjiang, ce vaste territoire aux frontières de l’Asie centrale où vivent les 11,5 millions de Ouïgours, est victime d’un totalitarisme dont la sophistication se révèle un peu plus chaque jour. Chaque mois, des « cousins » han, l’ethnie majoritaire chinoise, sont assignés par les autorités afin de s’inviter dans les foyers musulmans pour une semaine de vie commune, au nom de « l’union des ethnies en une seule famille ». Lancée en 2016 et généralisée depuis 2018, cette vaste campagne est présentée par les autorités chinoises comme une « politique douce » capable « d’approfondir la compréhension entre les ethnies et de contribuer à la stabilité de la région autonome du Xinjiang ». Derrière cette propagande, l’asservissement de tout un peuple est à l’œuvre.

Chaque visite de fonctionnaires hans comporte une mission officieuse : dénoncer la pratique religieuse et tester le patriotisme des hôtes ouïgours envers le pouvoir et son leader, Xi Jinping. Dans un contexte d’internement systématique des Ouïgours au moindre prétexte et au nom de la lutte contre le « terrorisme, le séparatisme et le fondamentalisme », la population est soumise à ces inspections orwelliennes. Ce pouvoir disproportionné ne fait qu’exacerber l’un des griefs latents des Ouïgours sous administration communiste : la colonisation de leur territoire ancestral et l’accaparement de ses richesses par l’écrasante majorité han (qui représente 96 % de la population chinoise et 40 % de celle du Xinjiang).

A l’occupation de l’espace, au mépris de la Constitution chinoise pourtant garante de l’autonomie de ces régions, s’est ajoutée celle des esprits, à travers un endoctrinement dit de « transformation par l’éducation » au moyen de camps où sont détenus au moins 1 million de Ouïgours. Dans le même temps, culture et langue locales sont niées. Le ouïgour (comme le tibétain et le mongol) a été marginalisé dans les cursus scolaires au profit du mandarin. Le contrôle de la vie intime parachève cette effrayante sujétion de la population.

Celle-ci s’exerce au moyen d’une violence « aux caractéristiques chinoises ». L’Etat chinois s’appuie sans garde-fous sur les technologies de surveillance les plus sophistiquées et sur des capacités logistiques et de génie civil comme seul Pékin en dispose. De récentes images satellites identifient 260 structures dotées des caractéristiques de centres de détention construites depuis 2017 au Xinjiang, dont certaines ont la capacité d’accueillir plus de 30 000 détenus. Ce degré de coercition est aussi rendu possible par la brutalité d’un Etat policier qui punit tout lanceur d’alerte, qu’il soit ouïgour ou han.

Enfin, contrairement à ce que promettent les dirigeants chinois en déplacement à l’étranger, il n’est pas possible pour des journalistes ou des chercheurs occidentaux d’enquêter librement sur place. Les abus au Xinjiang ne nous parviennent que grâce à des victimes et à des témoins qui ont pu fuir la Chine.

Face à ces abus systématiques contre les droits de l’homme, seuls les Etats-Unis ont adopté des sanctions, certes symboliques, contre les dirigeants du Xinjiang, mais aussi contre le Bingtuan, ou Xinjiang Production and Construction Corps, la gigantesque organisation paramilitaire chargée de coloniser le territoire en y attirant des Hans par des politiques incitatives d’installation. Les dirigeants européens, dont Emmmanuel Marcon, n’ont que très récemment choisi de nommer publiquement les exactions. Il reste à associer à ces discours des actions concrètes, qui n’ont que trop tardé.

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17 septembre 2020

Douze Hongkongais engloutis par la justice chinoise

Par Anne-Sophie Labadie, correspondante à Hongkong — Libération

Arrêtés fin août alors qu’ils tentaient de gagner Taiwan par la mer, ces activistes sont depuis détenus pour «entrée illégale» en Chine. Sans nouvelles, démunies, leurs familles réclament leur retour à Hongkong.

«Nous avons mangé ensemble, bavardé et ri, comme d’habitude», raconte la mère de Lee Tsz-Yin. Tout avait l’air normal, ce jour-là. De son côté, Cheng Tsz-ho «m’a dit qu’il partait à la pêche», explique son père. «Il portait une canne à pêche et deux seaux. Et la dernière chose que j’ai sue à son sujet c’est qu’il avait été arrêté» le 23 août avec onze autres jeunes Hongkongais, au large des côtes de la province chinoise de Guangdong. Les douze ont alors disparu dans les limbes d’un système judiciaire chinois opaque, sans qu’aucun contact n’ait pu être établi avec leurs proches. Les autorités ont seulement indiqué qu’ils étaient désormais détenus dans le district de Yantian à Shenzhen, mégalopole frontalière de Hongkong, dans le cadre d’une enquête pour « entrée illégale» en Chine, laissant leurs familles démunies et rongées par l’inquiétude. «Je ne dors plus la nuit depuis que j’ai eu la nouvelle de l’arrestation. Je suis terriblement inquiète sur son état de santé», lâche, la voix chargée de sanglots, la mère de Tang Kai-Yin, qui ignore si son fils asthmatique a accès à son traitement vital. «J’espère que le gouvernement de Hongkong peut les ramener ici et nous laisser les voir. Pour l’instant, je ne sais même pas si mon fils est encore vivant», articule-t-elle à grand-peine.

Supplications

Comme elle, c’est les épaules rentrées et, pour certains, dissimulant le moindre millimètre de peau, que d’autres parents ont raconté samedi à la presse le calvaire pressenti de leurs enfants. Une scène ahurissante dans l’une des villes réputées les plus libres d’Asie, et qui s’enorgueillissait jusqu’à récemment de libertés inconnues en Chine. Une scène qui révèle combien les spécificités négociées entre le Royaume-Uni et la Chine avant la rétrocession de 1997 ont été balayées par la récente loi de sécurité nationale imposée par Pékin.

Peu de détails ont filtré à ce jour sur la tentative de fuite des douze Hongkongais, âgés de 16 à 33 ans. Une seule femme se trouvait à bord du petit bateau à moteur intercepté quelques heures après avoir largué les amarres. Parmi cet équipage de fortune, l’un a la nationalité portugaise, deux au moins sont détenteurs du passeport britannique d’outre-mer, sésame hérité de l’époque coloniale qui autorise l’entrée au Royaume-Uni sans visa, d’après le député Eddie Chu. Le ministre hongkongais de la Justice affirme que certains font l’objet de poursuites pour «émeute» et «port d’arme offensive». «Plusieurs autres avaient été libérés sous caution mais ils ne se sont pas soumis aux contrôles de police obligatoires», précise le député James To.

Le journal américain The Washington Post raconte que les militants ont écarté tout intermédiaire, acheté une vedette et appris les rudiments de la navigation dans l’espoir d’avaler, seuls, les quelque 410 milles nautiques qui les séparent de Taiwan. Plus de deux jours de traversée dans une mer de Chine méridionale quadrillée par les navires chinois. Un autre détail a été révélé sur Twitter : leurs préparatifs dataient d’au moins février, à en croire une ordonnance signée par un médecin hongkongais et adressée à un confrère. Il lui demandait de faciliter le renouvellement d’une prescription de sa patiente, l’une des douze détenus.

Certains détails ont été donnés par la presse, comme la présence parmi les fugitifs d’Andy Li, figure du mouvement localiste - qui défend l’identité hongkongaise et qui est favorable aux idées indépendantistes - et cofondateur du groupe «Fight for Freedom, Stand With Hong Kong». Cet informaticien a plaidé à de nombreuses reprises la cause hongkongaise à l’étranger, comme au siège genevois de l’ONU en septembre 2019 où il défendait, avec sa tignasse ébouriffée, le droit à l’autodétermination des Hongkongais et leurs libertés menacées par les «atrocités» du régime chinois. Pour avoir créé un groupe indépendant d’observateurs des élections, auquel participent des étrangers, Andy Li avait déjà été arrêté le 10 août au nom de la nouvelle loi de sécurité nationale qui criminalise, entre autres, la collusion avec des forces étrangères. Samedi, les familles des douze Hongkongais n’ont pas mentionné «l’intention» du groupe. Mais selon des militants, ils cherchaient à obtenir le statut de réfugiés politiques, à Taiwan ou ailleurs. La seule réalité que les proches ont décrite est l’isolement des leurs depuis leur arrestation.

«Avocats assignés»

Jusqu’à présent, six avocats désignés par les familles se sont déplacés à Shenzhen. Tous se sont vu refuser l’accès à leurs clients. «Les autorités ont affirmé que les détenus avaient "mandaté" d’autres avocats», relatent les proches, selon qui ces avocats sont en fait «assignés par le gouvernement», ce qui signifie que «les autorités ont bloqué toute information». L’avocat chinois choisi par la mère de Lee Tsz-Yin n’a ainsi pu voir son fils, alors même qu’il était en possession des documents officiels exigés par les autorités chinoises. «Mon fils aurait soi-disant désigné deux autres avocats. Mais nous n’avons aucune connexion avec la Chine continentale. Je ne comprends pas pourquoi ça se passe comme ça, mon fils ne ferait certainement pas ça de son plein gré», poursuit la mère, en larmes. «Les parents sont terriblement inquiets par la possibilité que les droits légaux de leurs proches soient bafoués», résume le député James To, et ils réclament donc le retour des leurs à Hongkong où «nous avons un système judiciaire indépendant, bien qu’il ait été affaibli ces derniers mois, et nous gardons nos standards, alors qu’en Chine, le système est totalement différent et truffé de difficultés».

Pour l’instant, les supplications des familles des douze ne trouvent guère d’écho. Même les autorités locales, pourtant «habilitées» dans ce genre de cas selon James To, font preuve d’une grande passivité. La cheffe de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam, «a dit un jour qu’elle était la "mère des Hongkongais"», a rappelé samedi la mère de Tang Kai-yin, l’un des détenus. «Si vous étiez un parent, vous seriez devenue folle et auriez fait tout ce qui est en votre possible pour retrouver votre enfant qui est perdu… Mais il semble que Carrie Lam ne jette même pas un œil au dossier.»

Armada

Il semble surtout que Pékin soit désormais seul capitaine à bord. A ce jour, seuls les Etats-Unis, par la voix du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, samedi, ont exprimé leur «inquiétude» sur le sort des douze détenus hongkongais. Le consulat du Portugal pour Hongkong et Macao n’a pas répondu aux sollicitations de Libération, pas plus que les élus britanniques ou canadiens membres du groupe d’observation formé par Andy Li. Même silence du côté des autorités taïwanaises. L’île, dont Pékin réclame toujours la souveraineté, se retrouve en effet dans une situation délicate, elle qui montre une solidarité certaine à l’égard des contestataires de Hongkong. Taiwan a en effet facilité la délivrance de visas pour les étudiants hongkongais et ouvert le 1er juillet un bureau dédié à l’«assistance humanitaire» pour ceux dont «la sécurité et la liberté sont menacées de manière imminente pour des raisons politiques».

Depuis l’intensification des violences lors des manifestations en novembre 2019, et les milliers d’arrestations qui ont suivi, des centaines de jeunes Hongkongais ont pris la poudre d’escampette, choisissant Taiwan pour au moins 200 d’entre eux. Certains ont fui légalement avec des visas de touristes ou d’étudiants. Ceux poursuivis notamment pour «émeutes», crime passible de dix ans de prison, et dont le passeport avait été confisqué en vue de leur procès, ont opté pour des routes clandestines en mer. L’armée populaire chinoise s’est pourtant faite menaçante, avertissant lors de l’entrée en vigueur le 30 juin de la loi de sécurité nationale avoir déployé une armada pour «traquer les fugitifs».

Mais les candidats à l’exil tentent malgré tout leur chance. Fin août, la presse taïwanaise a rapporté l’histoire de cinq Hongkongais interceptés par les gardes-côtes fin juillet après que leur bateau en panne d’essence a dérivé vers les îles Pratas. Les autorités taïwanaises font profil bas sur cette affaire, se sachant dans le viseur de la Chine et déjà accusées par la presse pro-Pékin d’avoir participé à l’évasion de jeunes Hongkongais avec la complicité d’hommes d’église. Lundi, les autorités hongkongaises ont «exhorté Taiwan à prendre ses responsabilités contre les crimes transfrontaliers» et exigé le renvoi des cinq fugitifs à Hongkong.

«La situation est désespérée», commente Lee Cheuk-yan, président de l’Alliance de Hongkong en soutien des mouvements démocratiques patriotiques en Chine, association née en réaction aux évènements du printemps de Pékin en 1989 pour accueillir les dissidents. «Après le massacre de Tiananmen, des centaines de personnes ont fui le régime par la mer» pour atteindre Hongkong et gagner un autre pays, rappelle l’homme politique. «Aujourd’hui, ce sont les Hongkongais qui fuient le régime chinois.» Mais à la différence de 1989 où les réfugiés «avaient des portes de secours, le soutien de gouvernements coopératifs et des relais en Chine, aujourd’hui, nous n’avons aucune issue, si ce n’est celle, très périlleuse, de la mer».

16 septembre 2020

LA CRISE EN BIÉLORUSSIE - Loukachenko dans les mains de Poutine

bielorussie poutine

Article de Benoît Vitkine

Le président russe a reçu, lundi, son homologue biélorusse, qui affronte une forte contestation. Moscou met la pression sur l’autocrate en attendant de voir l’évolution de la situation

MOSCOU - correspondant

Alexandre Loukachenko a effectué en Russie, lundi 14 septembre, son premier déplacement à l’étranger depuis sa réélection contestée du 9 août. Rien ne dit que sa rencontre avec Vladimir Poutine aura un effet décisif sur son maintien au pouvoir. Mais au moins le président biélorusse a-t-il pu montrer qu’il était plus qu’un autocrate enfermé dans son palais assiégé, kalachnikov à la main. Comme si tout revenait à la normale, M. Loukachenko s’est même permis, dans les échanges diffusés par la télévision russe, de disserter sur la sévérité de la deuxième vague de Covid-19, lui qui s’était distingué en niant l’existence de la pandémie.

L’image qu’aura donnée M. Loukachenko est surtout celle de sa déférence. Reçu à Sotchi, le sort réservé aux amis ou aux obligés, il a été accueilli sur le tarmac par un simple gouverneur régional. Au cours de leur bref échange devant les caméras, le chef de l’Etat biélorusse a remercié à six reprises son homologue russe, à tous propos, et redit l’amitié de son peuple pour le « grand frère » russe, une formule éculée mais qui ne peut que sonner doux aux oreilles de Vladimir Poutine.

A Sotchi, M. Loukachenko a pu exposer une nouvelle fois sa vision très personnelle de la crise : « Chez nous, le week-end, les gens sortent dans la rue, et nous leur libérons une partie de Minsk pour qu’ils puissent circuler. » Malgré cette présentation bonhomme, qui oublie de mentionner la répression impitoyable des manifestations, leur caractère massif ou encore les tortures commises en prison, le Biélorusse continue de voir dans ces « sorties » le résultat d’un complot ourdi par l’OTAN, une manœuvre face à laquelle il convient de « ne pas répéter les erreurs de la seconde guerre mondiale en tentant d’apaiser l’ennemi » – autre douceur adressée à M. Poutine.

Pour les observateurs, cette visite vaut confirmation : c’est à Moscou et uniquement à Moscou que M. Loukachenko voit son salut. Oubliées, donc, les accusations d’ingérence russes qui avaient précédé le scrutin du 9 août, oubliées les tentatives de se concilier les bonnes grâces des Européens et les années passées à éviter de se mettre dans la main du Kremlin. La reddition est complète, sans que son prix ne soit exorbitant pour Moscou.

« Ne pas être du côté du perdant »

Le président biélorusse a eu droit aux encouragements de rigueur de la part de M. Poutine : « Je suis convaincu qu’avec votre expérience politique vous allez atteindre de nouveaux horizons dans le développement du pays », a dit le président russe. Pour le reste, la partie russe avait averti qu’aucun accord ne serait signé, et aucune conclusion rendue publique. Au titre des annonces concrètes, Vladimir Poutine a seulement annoncé un prêt de 1,3 milliard d’euros, qui pourrait s’accompagner d’une restructuration de l’importante dette biélorusse. Les négociations engagées la semaine passée autour d’une reprise des livraisons d’hydrocarbures à prix réduits, qui ont depuis des années permis à la Russie de subventionner son voisin et d’acheter sa loyauté, vont dans le même sens.

Depuis le début de la crise, le soutien russe au régime vacillant de M. Loukachenko, au pouvoir depuis vingt-six ans, faisait peu de doute. Pour le Kremlin, l’idée qu’un président élu, qui plus est un allié, puisse être renversé par une contestation populaire est inacceptable, tout autant que de laisser le champ libre aux Occidentaux, sommés de « ne pas s’ingérer » dans ce qui semble relever d’une affaire intérieure russe.

Il a toutefois fallu attendre que M. Loukachenko démontre sa détermination et sa capacité à garder le pouvoir pour que Moscou s’engage. « Poutine ne veut pas être du côté du perdant », résume le politiste Mikhaïl Vinogradov. Le président russe a clairement fait part de ses intentions le 27 août, lorsqu’il a indiqué avoir formé une « réserve d’agents des forces de l’ordre » prêts à intervenir en soutien des forces biélorusses. Lundi soir, le Kremlin a indiqué que cette force était renvoyée à ses casernes, sans qu’il soit possible d’y voir un signe de confiance ou au contraire de défiance vis-à-vis de Minsk.

De fait, ces grands principes posés, la stratégie russe ne paraît pas encore totalement définie. Moscou n’a jamais fermé la porte à une solution négociée, voire à une transition contrôlée. C’est ainsi que peuvent être interprétés les appels réguliers à lancer une « réforme constitutionnelle ». L’expression, certes vague, est régulièrement employée par le ministère russe des affaires étrangères, et elle a été reprise lundi soir par Vladimir Poutine. Du côté de M. Loukachenko, qui aurait, selon le Kremlin, donné son accord, une telle réforme relèverait plutôt de la manœuvre dilatoire.

« Moscou n’est pas contre le dialogue, mais pas dans les termes proposés par l’Occident, et pas avec les représentants actuels de l’opposition », souligne le professeur Dmitri Souslov, de l’Ecole supérieure d’économie de Moscou. M. Loukachenko exile ou met en prison toute personnalité qui pourrait incarner un tel dialogue, avec d’autant plus d’empressement qu’elle paraît acceptable au Kremlin.

Parallèlement existe à Moscou la tentation d’obtenir le maximum d’un Loukachenko finissant, et de lui arracher les abandons de souveraineté auxquels il s’est toujours refusé. Cette position défendue en particulier par les « faucons », s’appuie sur le traité d’union signé entre les deux pays en 1999, et dont M. Poutine a toujours voulu tirer le maximum. Le très court menu de la rencontre de Sotchi mentionnait bien « les perspectives d’une intégration plus poussée » entre Moscou et Minsk et l’approfondissement des « coopérations ».

Un atlas de l’année 1866 en cadeau

Dans le même temps, le 10 septembre, l’ambassadeur russe à Minsk faisait à M. Loukachenko un cadeau très remarqué : un atlas de l’année 1866, époque où une partie des provinces biélorusses appartenaient à l’Empire tsariste. De quoi relativiser les assurances du porte-parole du Kremlin selon lequel aucune « absorption » n’est à l’ordre du jour.

Ces craintes ont poussé la chef de l’opposition biélorusse, Svetlana Tsikhanovskaïa, à avertir M. Poutine, lundi, que « toutes les discussions que vous pourrez avoir et tous les accords que vous pourrez conclure avec un président illégitime n’auront aucune valeur légale et seront reconsidérés par le peuple biélorusse ».

On ignore le contenu des discussions entre les deux dirigeants, mais ces mises en garde illustrent bien le risque, pour Moscou, d’un tel jeu : celui de s’aliéner une population biélorusse qui n’est pour l’heure pas hostile. Soit la répétition des erreurs commises en Ukraine ou en Géorgie, pour ne prendre que les exemples les plus récents. « Ce serait trop tôt et trop risqué pour les deux parties de parler publiquement de nouveaux accords, ou même de l’approfondissement des accords existants, confirme Dmitri Souslov. Cela ne veut pas dire que de tels projets n’existent pas, mais en attendant la priorité russe est de stabiliser au maximum la situation. »

En clair, comme les autres acteurs, Moscou est condamné à attendre de voir le rapport de force évoluer en Biélorussie même, où quelques milliards ne suffiront pas à étouffer la contestation. Le politiste russe Kirill Rogov résume cet état de fait en se référant à un jeu, les échecs, que les deux présidents connaissent. « Les trois acteurs – Loukachenko, la Russie, les manifestants – sont en situation de pat, écrit-il. Aucun des trois ne peut gagner seul, mais personne ne peut se permettre de laisser la victoire à l’un des deux autres. »

15 septembre 2020

Partis par la mer, douze fugitifs de Hongkong détenus en Chine

Article de Florence De Changy

Les jeunes militants prodémocratie avaient tenté de rallier clandestinement Taïwan avant d’être interceptés par les gardes-côtes chinois

HONGKONG - correspondance

Je voudrais juste pouvoir lui parler, lui faire passer ses médicaments. Je ne sais même pas s’il est toujours vivant », a supplié devant la presse, samedi 12 septembre, la mère de l’un de douze jeunes fugitifs hongkongais aux mains des autorités chinoises. Interceptés par les gardes-côtes chinois alors qu’ils tentaient de fuir Hongkong de manière clandestine, ils sont dans le centre de détention du district de Yantian, à l’est de Shenzhen, depuis le 23 août. Jusque-là, les familles avaient cru préférable d’œuvrer discrètement. Mais rongées par l’angoisse, sans nouvelles de leurs enfants, six des douze familles ont finalement choisi de partager leur détresse publiquement.

Peu de détails sont connus quant à l’organisation de cette tentative de fuite audacieuse. Les gardes-côtes chinois de la province du Guangdong ont fait savoir, quatre jours après l’opération, qu’ils avaient intercepté un hors-bord le dimanche 23 août et arrêté « plus de dix Hongkongais qui se trouvaient à bord, pour entrée illégale en Chine ». Selon la presse locale, certains de ces jeunes, âgés de 16 à 33 ans – parmi lesquels un ressortissant portugais et deux détenteurs de passeport britannique d’outre-mer –, sont des manifestants de première ligne, surnommés les « frontliners » dans le jargon de la révolte. Ils allaient « au contact » avec les forces de l’ordre. Tous étaient en liberté conditionnelle à la suite d’interpellations lors des manifestations de 2019.

L’un d’eux, Andy Li, était pour sa part visé par une procédure engagée le 10 août dans le cadre de la nouvelle loi draconienne de sécurité nationale imposée par Pékin, qui sanctionne quatre nouveaux types de crimes, dont la sécession (séparatisme), la sédition, la collusion avec des puissances étrangères et le terrorisme.

Avocats « proposés » par Pékin

Selon divers rapports de presse, ces candidats à l’exil auraient embarqué à Saikung, village de tourisme qui est le point d’accès vers plusieurs plages sauvages situées à l’est de la partie continentale de Hongkong. Ils auraient appris comment manœuvrer leur embarcation et en réparer le moteur, avec l’espoir de rallier Taïwan, île située à 620 kilomètres à l’est. Leur interception, quelques heures seulement après leur départ, incite à penser qu’ils ont été dénoncés. Car d’autres opérations du même type ont déjà eu lieu avec succès. Taïwan est en effet devenu la terre d’asile de nombreux dissidents hongkongais depuis que la présidente, Tsai Ing-wen, a formulé en juin son souhait d’accueillir les jeunes Hongkongais menacés de poursuites judiciaires en raison de leur engagement politique pro-démocratie. Mais la traversée par la mer au moteur sur ce genre d’embarcation prend au moins deux à trois jours et elle n’est pas sans danger, notamment en pleine saison de typhons. Il est également possible, au vu de la position de leur interception, à cinquante miles nautiques au sud-est de Hongkong, qu’ils aient envisagé d’aller d’abord aux îles Pratas, plus proches de Hongkong, où Taïwan exerce son autorité administrative et a secouru une embarcation similaire transportant cinq jeunes hongkongais le 24 août.

Camouflés par une superposition de cagoules, masques, chapeaux et lunettes noires, les parents ont demandé samedi que le gouvernement de Hongkong intervienne et que les avocats nommés par les familles aient accès aux détenus. Ils souhaitent aussi que les trois jeunes sous suivi médical – pour asthme et pour troubles psychiques – puissent avoir leur traitement et, surtout, qu’ils répondent de leurs délits devant la justice hongkongaise. Après avoir exigé diverses preuves inhabituelles aux avocats mandatés par les familles, les autorités chinoises ont fait savoir que les détenus avaient finalement déjà choisi leurs avocats, proposés par le gouvernement chinois. Cette méthode permet, en Chine, aux autorités judiciaires de s’assurer de la coopération de la défense avec l’accusation.

Accusation de « séparatisme »

« Si les détenus sont défendus par les avocats du gouvernement, il y a un gros risque que les familles perdent tout contact avec eux. Leur cas risque de tomber dans un trou noir, et on n’aura plus de nouvelles pendant des mois, voire des années, comme dans tant d’autres cas de droits de l’homme en Chine », estime le député d’opposition Eddie Chu, co-organisateur de la conférence. Jusqu’à présent, la chef de l’exécutif de Hongkong, Carrie Lam, s’est magistralement désolidarisée du sort des douze Hongkongais, déclarant que « puisqu’ils avaient violé des lois chinoises, ils seront soumis à la justice chinoise » et que Hongkong ferait tout pour assister… la Chine. Leurs avocats hongkongais estiment, au contraire, que puisqu’ils fuyaient la justice de Hongkong, c’est à Hongkong qu’ils doivent être jugés. « Les accuser d’avoir voulu rentrer en Chine illégalement est absurde, c’était bien la dernière de leurs intentions », s’alarme James To, député du Parti démocratique et avocat des droits de l’homme.

Selon la police, les détenus pourraient désormais être jugés non seulement pour être rentrés en Chine illégalement, mais aussi pour avoir organisé le passage illégal de la frontière pour autrui, un chef d’accusation passible de prison à perpétuité. La porte-parole du gouvernement chinois, Hua Chunying, a pour sa part indiqué dans un Tweet, lundi, qu’il ne s’agissait pas de militants prodémocratie mais bien de « séparatistes », dont le but était de couper Hongkong de la Chine.

A Hongkong, certains membres des familles ont indiqué qu’ils ne savaient même pas que leur fils était parti en mer, d’autres croyant qu’ils étaient juste allés pêcher, une distraction locale populaire. Certains de ces jeunes étaient d’ailleurs en froid avec leurs parents, qui leur reprochaient leur engagement.

14 septembre 2020

La Grèce achète 18 Rafale en pleine crise avec la Turquie.

Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a annoncé samedi que le pays allait renforcer son armée, rapporte Ekathimerini. L’avion de chasse français s’ajoute à quatre nouveaux hélicoptères et surtout au recrutement de 15 000 soldats d’ici cinq ans. Le chef du gouvernement s’exprimait à l’occasion d’un discours sur les priorités économiques de l’an prochain. Le fait de commencer son intervention par les questions de défense illustre le niveau de tensions avec la Turquie dans la Méditerranée de l’Est. “Ankara menace les frontières orientales de l’Europe et sape la sécurité au croisement sensible de trois continents”, a déclaré M. Mitsotakis alors que la Turquie est accusée de rechercher du pétrole et du gaz naturel dans une zone revendiquée par Athènes et Chypre. “Les pays de la région doivent surmonter leurs désaccords, notamment sur la sécurité, les ressources énergétiques et les questions maritimes, par des moyens diplomatiques et pacifiques”, a commenté Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain en visite à Chypre. Il a assuré que les Etats-Unis étaient “profondément préoccupés” par le comportement de la Turquie.

13 septembre 2020

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, menace Emmanuel Macron : « Ne cherchez pas querelle à la Turquie »

Il a ainsi réagi aux sévères critiques émises par le président de la République envers Ankara dans le cadre du contentieux entre la Turquie et la Grèce en Méditerranée orientale.

« M. Macron, vous n’avez pas fini d’avoir des ennuis avec moi. » Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a averti samedi 12 septembre son homologue français, Emmanuel Macron, alors que la tension monte entre les deux pays à propos de la situation en Méditerranée orientale.

« Ne cherchez pas querelle au peuple turc, ne cherchez pas querelle à la Turquie », a lancé M. Erdogan lors d’un discours télévisé, à Istanbul, en référence aux sévères critiques émises par le président français envers Ankara dans le cadre du conflit entre la Turquie et la Grèce à propos de la prospection pétrolière en Méditerranée.

La Turquie revendique le droit d’exploiter des gisements d’hydrocarbures dans une zone maritime qu’Athènes estime relever de sa souveraineté. Ces dernières semaines, les deux pays ont montré leurs muscles à coups de déclarations martiales, de manœuvres militaires et d’envois de navires sur zone. La France a clairement affiché son soutien à la Grèce en déployant des navires de guerre et des avions de combat dans la région, une initiative vivement dénoncée par le président turc.

« Des comportements inadmissibles »

Emmanuel Macron et ses six homologues du sud de l’Union européenne (UE) ont exhorté jeudi la Turquie à cesser sa politique de « confrontation » en Méditerranée orientale et l’ont menacée de sanctions européennes si Ankara continue à contester les droits d’exploration gazière de la Grèce et de Chypre dans la zone. M. Macron avait aussi estimé que le gouvernement turc « avait aujourd’hui des comportements inadmissibles » et devait « clarifier ses intentions ».

En réponse, M. Erdogan a exhorté samedi la Grèce à « se tenir à l’écart » des actions « erronées » soutenues par des pays comme la France. Le président turc a aussi accusé M. Macron de « manquer de connaissances historiques » et a estimé que la France « ne pouvait pas donner de leçon d’humanité » à la Turquie en raison de son passé colonial en Algérie et de son rôle dans le génocide perpétré en 1994 au Rwanda.

« L’heure est venue de renforcer nos forces armées »

De son côté, le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a annoncé samedi un « important » programme d’achat d’armes et une réorganisation des forces armées du pays. Il a précisé que la Grèce allait se procurer 18 chasseurs Rafale, de fabrication française, ainsi que des frégates et des hélicoptères, recruter 15 000 soldats supplémentaires et financer davantage son industrie de défense.

« L’heure est venue de renforcer nos forces armées (…). Il s’agit d’un programme important qui formera un bouclier national », a déclaré le premier ministre lors d’un discours prononcé à Thessalonique, pendant lequel il a accusé la Turquie de « mettre en péril » la sécurité régionale.

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