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Jours tranquilles à Paris

2 août 2019

A Paris, Edouard Philippe tente de calmer le jeu avant les municipales

Par Denis Cosnard

Le premier ministre a reçu Benjamin Griveaux et ses concurrents malheureux à l’investiture LRM pour, selon des proches, « faire retomber la tension ».

A tous ceux qui le pressent depuis des mois d’être candidat à la Mairie de Paris, Edouard Philippe a longtemps répété : « Je suis à Matignon. Les municipales, ce n’est pas mon actualité. » Ces deux dernières semaines, le premier ministre a cependant dû plonger dans le chaudron bouillonnant de la politique parisienne. Non pas comme candidat, mais comme pompier.

Mercredi 31 juillet, il a longuement reçu Benjamin Griveaux, son ancien ministre désigné par La République en marche (LRM) pour les prochaines élections municipales dans la capitale. Un rendez-vous qui n’était pas inscrit à l’agenda officiel. L’ex-porte-parole du gouvernement a effectué pour l’occasion un aller-retour depuis ses vacances en Bourgogne.

« Nous avons notamment discuté des rapports entre Paris et l’Etat, aujourd’hui dégradés, précise Benjamin Griveaux. On ne peut pas continuer à dire tous les matins, comme Anne Hidalgo : “C’est la faute du préfet, du ministre, etc.” Il faut sortir de cette défiance mortifère. Le prochain maire devra renouer une relation normale avec le gouvernement. »

Durant les quinze jours précédents, Edouard Philippe s’était déjà entretenu avec deux des concurrents malheureux de Benjamin Griveaux dans la course à l’investiture, les députés Hugues Renson et Cédric Villani, ainsi que l’a indiqué Le Canard enchaîné. Le premier ministre a revu le mathématicien, élu de l’Essonne, mercredi matin, à l’occasion d’une visite aux Ulis. Une rencontre discrète a également eu lieu à Matignon avec Pierre-Yves Bournazel, un député de la droite macroniste qui veut se présenter sans étiquette partisane à la Mairie de Paris.

« Faire retomber les tensions, en écoutant chacun »

Objectif d’Edouard Philippe : « Faire retomber les tensions, en écoutant chacun », confie un de ses proches. « En tant que chef de la majorité, il doit parler à tous et calmer le jeu quand il le faut », ajoute un autre.

Or c’est peu dire que les tensions sont fortes. Après des mois d’une compétition interne de plus en plus vive, l’investiture accordée le 10 juillet par la direction de LRM aurait dû aboutir à ce que tous les partisans parisiens d’Emmanuel Macron se regroupent derrière Benjamin Griveaux. Et qu’ils se mettent en ordre de bataille pour faire tomber la maire socialiste, Anne Hidalgo, en mars 2020.

Tel n’est pas le cas. Le 10 juillet au soir, il n’a pas été possible d’obtenir la traditionnelle poignée de mains entre anciens concurrents ni la « photo de famille » montrant l’unité retrouvée. Cédric Villani, le principal rival de Benjamin Griveaux, n’a au contraire pas caché son dépit. Son sentiment que les dés étaient pipés de longue date en faveur du favori de l’Elysée. Son amertume devant le retour des « habitudes d’appareil » au sein d’un mouvement censé « faire de la politique autrement ». Au lieu de féliciter son concurrent, le scientifique a laissé planer le doute sur ses intentions, y compris sur une possible candidature dissidente.

La colère aurait pu retomber. C’est alors qu’a explosé une petite bombe : la publication par Le Point, le 17 juillet, de propos tenus en privé par Benjamin Griveaux quelques semaines plus tôt. L’ancien ministre était semble-t-il dans un taxi et téléphonait à un interlocuteur auprès duquel il s’est lâché, qualifiant tous ses concurrents d’« abrutis ». Hugues Renson ? Un « fils de pute ». Mounir Mahjoubi ? « Bon… no comment. » Cédric Villani ? « Il n’a pas les épaules pour encaisser une campagne de cette nature. Il ne verra pas venir les balles, il va se faire désosser ! » Quant à Pierre-Yves Bournazel, Benjamin Griveaux s’est vanté de le tenir « par les couilles »…

Un homme sûr de lui, arrogant

Qui a enregistré cette discussion ? Comment s’est-elle retrouvée dans la presse ? Mystère. Malgré le caractère clandestin de l’enregistrement, Benjamin Griveaux n’a pas l’intention de porter plainte, ce qui aurait pu permettre d’y voir plus clair. Seule certitude : cette grosse « boule puante » a produit de l’effet. Pareils propos ont conforté dans leur opinion tous ceux qui voient en l’ancien ministre un homme sûr de lui, arrogant, un Janus capable d’être aussi violent qu’il peut se montrer charmeur. « En privé, il peut être colérique et parler vraiment comme cela », témoigne un de ceux qui ont eu maille à partir avec lui.

Le candidat a beau s’être immédiatement excusé auprès de tous ceux qu’il avait maltraités, l’affaire a aussi compliqué les retrouvailles au sein de LRM. Le lendemain, aucun de ses ex-rivaux ne participait au meeting de lancement de sa campagne.

Quelques jours plus tard, Cédric Villani et Benjamin Griveaux ont fini par se revoir dans un café, chacun avec un proche. Sans enterrer la hache de guerre pour autant. Ce n’est qu’en septembre que le scientifique compte dévoiler ses batteries. « Toutes les hypothèses peuvent être envisagées », glisse-t-on dans son entourage. Pas question de rallier Anne Hidalgo. En revanche, l’idée de listes dissidentes n’est pas écartée. Surtout, Cédric Villani pourrait constituer un recours si, à la rentrée ou à l’automne, Emmanuel Macron et les dirigeants de LRM jugent que Benjamin Griveaux ne fait pas l’affaire et qu’il faut changer de candidat, avancent certains.

Simples péripéties

Pour l’heure, l’ex-ministre assure que ces péripéties ne perturbent guère sa campagne. N’a-t-il pas intégré dans son équipe Benjamin Baudry, un proche de Mounir Mahjoubi ? Affiché sa proximité avec Delphine Bürkli, la maire (ex-LR) du 9e arrondissement ? Déposé des cartes postales dans plus de 1 million de boîtes à lettres, pour inciter les Parisiens à lui souffler des idées ? Ceux qui voudraient être candidats sur ses listes ont jusqu’au 15 août pour se faire connaître.

D’autres se montrent plus sévères. « Ça patine », observe un soutien de Cédric Villani. « Les sondages sont clairs : Benjamin Griveaux séduit à droite, mais ne plaît pas aux quartiers populaires de l’est et ne paraît donc pas en mesure de gagner Paris, surtout sans alliance », estime Anne Lebreton, une ancienne candidate à l’investiture qui a rejoint le mathématicien.

« Au sein même de LRM, il y a une sérieuse interrogation sur la capacité de Benjamin Griveaux à rassembler, confirme une figure parisienne de la macronie. A lui de fournir rapidement des preuves qu’il peut gagner. » Sinon, l’hypothèse Villani risque de revenir en force. Mais aussi celle d’une candidature d’Edouard Philippe, puisque celui-ci n’a jamais exclu formellement ce scénario et qu’il suit le dossier de très près.

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2 août 2019

Anna Work (shooting)

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Photos : Anna Johansson en tant que photographe

 

2 août 2019

Face au risque du « no deal », la livre sterling proche du plus bas niveau de son histoire

Par Eric Albert, Londres, correspondance

La banque d’Angleterre abaisse sa prévision de croissance mais prévoit un rebond en cas d’accord sur le Brexit.

« Le pound est désormais un nanogramme. » La blague, jeu de mot entre le nom de la livre sterling en anglais et l’unité de mesure de poids, tourne sur les réseaux sociaux. Elle résume la glissade continue de la monnaie anglaise depuis l’arrivée de Boris Johnson à la tête du Royaume-Uni. Le premier ministre britannique affirme haut et fort qu’il se prépare à une sortie de l’Union européenne (UE) sans accord (« no deal »), même si son objectif officiel reste de trouver un compromis.

La livre sterling, déjà fortement dévaluée depuis le référendum de juin 2016, a réagi en se retrouvant proche des plus bas niveaux de son histoire. « Nous sommes à 2 % du plus bas historique face à un panier de devises et il n’en faudra pas beaucoup pour nous y emmener », explique Jordan Rochester, stratégiste à Nomura, une banque japonaise.

Face à l’euro, la livre est à 1,09, en baisse de 7 % sur trois mois, quand la victoire de M. Johnson a commencé à se préciser. Depuis janvier 2016 et le début de la campagne du référendum, le recul est de 15 %. La chute est la même face au dollar.

Jeudi 1er août, à trois mois de la date prévue pour le Brexit, le 31 octobre, la Banque d’Angleterre a revu à la baisse sa prévision de croissance, à + 1,3 % pour 2019 et 2020. Elle estime qu’il y a une chance sur trois que le produit intérieur brut (PIB) britannique soit négatif au premier trimestre de 2020. Et encore cette projection est-elle basée sur la possibilité d’un accord avec l’UE.

Pas de panique

En cas de « no deal », Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, esquisse un scénario beaucoup plus brutal : « La livre baisserait probablement (…) et la volatilité augmenterait. Les préparatifs du gouvernement et des entreprises pour réduire les conséquences négatives sont essentiels (…) mais ils n’éliminent pas l’ajustement économique que provoquerait cette nouvelle relation commerciale. L’inflation augmenterait probablement et la croissance ralentirait. »

En 2018, la Banque d’Angleterre avait estimé qu’un « no deal » provoquerait une perte de PIB située entre quatre et huit points, selon les scénarios. Dans ce cas, Jordan Rochester prévoit que la livre sterling serait proche de la parité avec l’euro.

Le ton de la conférence de presse de la Banque d’Angleterre, jeudi, n’était pourtant pas alarmiste. Celle-ci n’a d’ailleurs pas suivi la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale), qui a baissé ses taux d’un quart de point mercredi. Elle a choisi de conserver son taux directeur à 0,75 %.

Officiellement, l’institution monétaire britannique continue à prévoir un accord sur le Brexit, puisqu’il s’agit de la politique officielle du gouvernement. Un compromis avec l’UE permettrait même un rebond de la croissance. « Une partie des investissements perdus [depuis le référendum de 2016] ne sera pas rattrapée, mais il y a effectivement des réserves en attente », estime M. Carney.

L’investissement des entreprises ralentit

Le paradoxe du Brexit, qui n’a toujours pas eu lieu trois ans après le référendum, est que ses effets, bien que réels, sont pour l’instant limités. Le chômage est au plus bas au Royaume-Uni depuis 44 ans, à 3,8 % de la population active et la consommation des ménages se maintient à un niveau moyen.

L’attente du Brexit provoque en revanche d’étranges yoyos. Au premier trimestre, craignant un « no deal » le 29 mars, date initiale du Brexit, les entreprises avaient accumulé les stocks, dopant artificiellement la croissance à + 0,5 %. Au deuxième trimestre, elles les ont écoulés, affaiblissant artificiellement la croissance, qui était sans doute de zéro, selon l’estimation de la Banque d’Angleterre.

Pour l’instant, le véritable effet économique du divorce s’est fait sentir à deux niveaux. D’abord, la violente chute de la livre sterling après le référendum a automatiquement renchéri les prix à l’importation. Dans un pays qui importe 30 % de ce qu’il consomme, cela a provoqué une poussée d’inflation à 3 % fin 2017. Les dépenses des ménages en ont souffert. Depuis, la monnaie s’est stabilisée, jusqu’à la glissade de ces derniers mois, et l’inflation est revenue à 2 %.

Le deuxième effet, dont l’impact est plus lent mais plus profond, vient de l’investissement des entreprises, qui a nettement ralenti. Difficile de se lancer dans la construction d’une nouvelle usine ou dans l’acquisition d’une autre société sans savoir quelle sera la relation future du Royaume-Uni avec son principal partenaire économique.

Deux problèmes en cas de « no deal »

L’incertitude pèse tant que Gary Cohn, ancien conseiller économique de Donald Trump, a affirmé à la BBC qu’il vaut mieux un « no deal » plutôt que de repousser encore l’échéance du Brexit au-delà du 31 octobre. « Les pays ont tendance à mieux résister que ce qu’on pense », explique-t-il en relativisant les conséquences d’une sortie sans accord.

M. Carney rejette cette analyse : « Il a tort. Un “no deal” serait la concrétisation d’un scénario économique négatif. » Le gouverneur de la Banque d’Angleterre souligne qu’une sortie sans accord pose deux problèmes.

A long terme, le Royaume-Uni se retrouverait par défaut à commercer selon les règles de base de l’Organisation mondiale du commerce. Concrètement, cela imposerait des droits de douanes avec l’ensemble de l’UE, mais aussi avec tous les pays qui ont signé des traités de libre-échange avec l’UE, ce qui représente 60 % du commerce britannique. A court terme, le soudain changement de statut au matin du 1er novembre provoquerait un choc.

« Il vaut toujours mieux avoir une transition en place, quel que soit le scénario choisi. Ce pays a l’une des économies les plus flexibles au monde et est soutenu par un des secteurs financiers les plus robustes, mais c’est très difficile de tout changer du jour au lendemain », explique Mark Carney.

Eric Albert (Londres correspondance)

Boris Johnson subit son premier revers électoral. Le nouveau premier ministre britannique Boris Johnson a subi son premier revers dans les urnes, une défaite de son parti à une élection partielle ayant ramené sa faible majorité parlementaire à seulement une voix, compliquant sa stratégie pour le Brexit. Le Parti conservateur au pouvoir, dont M. Johnson a récemment pris la tête, a perdu le siège de la circonscription de Brecon et Radnorshire, au Pays de Galles (Ouest), au profit d’une candidate pro-européenne, selon les résultats officiels annoncés vendredi. Cette défaite fragilise le gouvernement qui vient d’annoncer le doublement de son budget annuel consacré aux préparatifs d’un Brexit sans accord, en leur allouant 2,1 milliards de livres supplémentaires (2,3 milliards d’euros). Cet argent servira à « accélérer les préparations à la frontière, soutenir les préparatifs des entreprises et assurer l’approvisionnement des médicaments essentiels » ainsi qu’à lancer une nouvelle campagne de communication sur le Brexit, a précisé le ministère des finances.

1 août 2019

Petter Hegre - photographe

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1 août 2019

Extrait de l’exposition Champs d’Amours - Hôtel de ville Salle Saint Jean 5 rue de Lobau 75004 Paris jusqu’au 28 septembre 2019

1919 - LES ORIGINES

Les premières allusions homosexuelles à traverser les écrans du cinéma naissant sont des caricatures travesties plus ou moins ridicules dont s'amusent les comédies burlesques. Pas une seule star comique des années 1910 (Buster Keaton, Stan Laurel, Fatty Arbuckle, Max Under, Charles Chaplin...) qui ne se soit ainsi livrée aux joies de revêtir des atours de l'autre sexe, le temps d'une séquence ou d'un quiproquo. Cette tradition du travestissement perdurera sous des formes multiples jusqu'à aujourd'hui et la comédie demeure un genre où l'on trouve régulièrement des personnages LGBTQI+. D'autres approches, plus graves, s'ajoutent au fil des décennies, comme ces drames [Vingame, Mauritz Stiller, 1916 ; Mikael, Carl T. Dreyer, 1923 ; Loulou, Georg W. Pabst, 1928...) qui installent un autre stereotype à la vie dure : celui d'amours homosexuelles vouées par nature à la tragédie et à la mort. À ces prémices succède bientôt une période où ce type de représentation est interdit : par la montée des fascismes en Europe et par l'adoption en 1934 d'un très strict code de censure aux États-Unis : le Code Hays. Ainsi, même si le cinéma français fait exception, les homosexuel-le-s disparaissent quasiment des écrans, n'existant plus que de manière cryptée ou hostile, et dans les marges d'un cinéma expérimental émergent. Ce n'est qu'à l'aube des années 1960. dans cette Grande-Bretagne où l'homosexualité est encore un crime, que le film La Victime (Basil Dearden. 1961) et son initiateur et acteur principal. Dirk Bogarde, contesteront enfin cet état de fait...

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Extrait de l’exposition Champs d’Amours - Hôtel de ville Salle Saint Jean 5 rue de Lobau 75004 Paris jusqu’au 28 septembre 2019 :  lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi de 10h à 18h30    A travers des affiches, des photographies, des livres, des costumes et des scénarios de films, l’Hôtel de ville de Paris raconte 100 ans de cinéma arc-en-ciel. A l’occasion du mois des Fiertés et 50 ans après les émeutes de Stonewall, l’exposition « Champs d’amours » montre l’évolution de la représentation des personnes LGBT sur le grand écran de 1919 à 2019. Près de 100 extraits de longs-métrages et une dizaine de longs-métrages animent l’exposition.  Où : Hôtel de Ville de Paris    Quand : tous les jours (sauf les dimanches) de 10h à 18h30

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1 août 2019

Le Lieu Unique à Nantes

lieu unique

1 août 2019

A la Maison Blanche, « tout va bien, c’est le bordel ! »

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Correspondants de presse (4/12). A Washington, le journaliste du « Monde » Gilles Paris a vu disparaître les traditionnels briefings de presse et se multiplier les interventions du chef de l’Etat. Avec une difficulté majeure : parvenir à le comprendre.

Récit. Ce matin de juillet, la salle de presse de la Maison Blanche suinte l’ennui. Le soleil qui torréfie la pelouse nord de la bâtisse présidentielle rend la pièce, aveugle sur trois des quatre murs, encore plus terne. Cette star des innombrables films et séries inspirés de la politique américaine affiche une tristesse de délaissée.

Le podium, qui n’a plus accueilli de porte-parole depuis mars, sert de dépôt pour des trépieds de caméras. Le pupitre derrière lequel les visiteurs, naguère, résistaient rarement à se faire prendre en photo, n’est que l’ombre de lui-même. Un technicien d’une chaîne de télévision s’est assoupi sur l’un des strapontins latéraux occupés naguère par les assistants de la porte-parole Sarah Sanders, voire par la conseillère Kellyanne Conway.

Je l’avoue : assister à mes premiers briefings, à l’automne 2014, provoquait en moi de la jubilation. Après avoir visionné en rafale les saisons de la série West Wing (A la Maison Blanche) à la veille de mon départ, même si la reconstitution de la salle de presse y est incroyablement ratée, du moins à ses débuts, j’ai le sentiment de participer à chaque fois au tournage d’un nouvel épisode.

Le sérieux compassé du dernier porte-parole de Barack Obama, Josh Earnest, infiniment courtois face au pilonnage d’Ed Henry, journaliste de la chaîne conservatrice Fox News, y contribue. On s’y ennuie souvent avec politesse. Le porte-parole arrive avec un classeur bourré d’éléments de langage. Il a la parade à toute question, s’entraînant au préalable avec le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Ned Price.

Sous-titres indispensables

Le « Obama no drama » tient ses promesses. Trop. On se sent en territoire familier jusqu’à ce qu’une référence populaire, dont je n’ai aucune idée, fasse réagir la salle en me laissant de marbre. Je tente d’habiller des plus beaux atours de la concentration un sentiment crasse d’incompréhension, comme le jour où est mentionné un « snafu » procédural (acronyme de « Situation Normal : All Fucked Up » : « Tout va bien, c’est le bordel ! ») à l’occasion d’un épisode délicat de la ratification d’un traité de libre-échange auquel les démocrates ne veulent pas de bien.

La familiarité est toujours un peu illusoire lorsqu’on n’a pas vécu durablement aux Etats-Unis avant d’y travailler. Lors d’un reportage après une nuit d’émeutes dans un quartier pauvre de Baltimore (Maryland), consécutive au décès suspect d’un Afro-Américain aux mains de la police municipale, je me retrouve au milieu d’un groupe de jeunes Noirs particulièrement remontés. Je leur demande de répéter une fois, deux fois les raisons de leur colère avant de faire piteusement mine de les comprendre.

Il est vrai que les sous-titres m’ont été indispensables pendant les cinq saisons de la série The Wire, tournée dans la même ville. J’éprouve la même impuissance mordante, plus tard, quand je suis confronté à l’accent texan d’un oilman gestionnaire de « strippers », ces puits au faible débit délaissés par les grandes compagnies.

« LA SALLE DE PRESSE DÉSERTÉE EST DEVENUE, PAR DÉFAUT, L’ESPACE DE COWORKING LE PLUS BAROQUE DE LA CAPITALE FÉDÉRALE »

Cette familiarité, la salle de presse de la Maison Blanche la perdra, dépouillée de sa raison d’être, avec l’arrivée de Donald Trump, et plus précisément avec la décision de Sarah Sanders de rompre avec cet exercice démocratique. Un choix que sa successeure, Stephanie Grisham, arrivée en juillet, ne remet pas en cause pour l’instant.

La pièce est devenue, par défaut, l’espace de coworking le plus baroque de la capitale fédérale. Abandonnés par leurs titulaires faute de briefings, les fauteuils attribués naguère de haute lutte aux titres les plus prestigieux sont littéralement squattés par les journalistes de passage qui ne disposent pas des cagibis misérables et sans fenêtre réservés aux agences et aux chaînes de télévisions, à l’arrière de la salle. C’est là que travaillent les permanenciers, dans un environnement qui provoquerait certainement l’immolation en signe de protestation outrée du comité d’hygiène et de sécurité, s’il en existait un dans ces lieux.

La fin des briefings laisse en outre le journaliste étranger démuni face à un redoutable défi : la traduction du président. Les difficultés commencent très vite avec Donald Trump. Dès la deuxième minute de sa déclaration de candidature à l’investiture présidentielle, le 16 juin 2015. On a alors buté sur une image peu flatteuse qu’il a inventée pour ses rivaux républicains : « They sweated like dogs »… Quatre mots qui méritaient un paragraphe pour faire le tour de la virulence et de l’implicite : la comparaison animale, d’autant plus déconcertante que les chiens ne sont pas réputés pour leur hyperhidrose, bien au contraire ; la dimension olfactive ; le malaise, le sentiment de faute lié à cette sudation ; le souvenir du premier débat télévisé opposant Richard Nixon et son front perlé à John Kennedy, en 1960.

« Great people », « fantastic city »…

On ne s’est jamais vraiment habitué, depuis, aux codes d’une intervention de Donald Trump lorsqu’elle n’est pas encadrée par les écrans translucides des téléprompteurs. Tout d’abord l’absence de construction, voire l’absence de phrases en bonne et due forme. Le magnat de l’immobilier progresse par saccades, en juxtaposant des arguments parfois sans rapport direct les uns aux autres.

Un outil journalistique efficace est en effet l’extrait de discours, le verbatim. Il permet de placer le lecteur peu familier avec l’anglais – et qui aurait échappé par miracle à l’omniprésence des chaînes d’information et surtout de YouTube –, de plain-pied avec un acteur politique, de plonger dans ses mots. Or Donald Trump résiste au verbatim. Tout d’abord parce que l’hyperbole disruptive dont il émaille ses propos est presque intraduisible : ces « great people », « fantastic city », « very special » qui reviennent en boucle ont rarement des équivalents convaincants.

Le président affectionne également les incises qui s’étirent en longueur comme les lacets d’un sentier de montagne, éloignant l’auditeur du sujet de départ, jusqu’à le perdre.

Qu’est-ce qui a bien pu pousser Trump à rendre ex abrupto un long hommage dans le bureau Ovale à un champion automobile de légende, Roger Penske, le 20 juin, à l’occasion d’une visite du premier ministre canadien Justin Trudeau, alors que le monde entier se demandait si les Etats-Unis allaient riposter à la destruction par l’Iran d’un drone d’observation américain ? Pour garder le cœur d’une formule, il faut couper et retrancher l’accessoire, en constellant la phrase de ces indications de coupe : (…) qui donnent furieusement, in fine, l’impression au lecteur d’une parole présidentielle triturée.

Enfin, et surtout, Donald Trump pratique par allusion, en s’appuyant sur les mots-clefs dont le contenu est jugé immédiatement compréhensible par son auditoire, alors qu’il nécessite une rafale de notes de bas de page pour un lecteur étranger. Il raffole des « they » qui peuvent alimenter parfois les interrogations sur leur identité. Il considère enfin que son auditoire connaît de longue date les idées qui structurent sa vision du monde depuis sa première tentative d’entrée en politique, en 1987, et qui ont effectivement peu varié.

LA PRESSE S’EST RÉSIGNÉE À CE PRÉSIDENT OMNIPRÉSENT ET INSAISISSABLE, QUI ASSURE SA COMMUNICATION Y COMPRIS SUR LA PELOUSE DE LA MAISON BLANCHE, AVANT D’EMBARQUER DANS SON HÉLICOPTÈRE

Car c’est un autre trait des interventions du président : elles utilisent le même registre réduit de termes considérés par lui comme interchangeables dont le sens dépend plus que de coutume du contexte dans lequel ils sont prononcés.

En août 2017, Donald Trump évoque sur Twitter la « beautiful Heather Heyer », militante antiraciste tuée à Charlottesville (Virginie) par un sympathisant d’extrême droite. « Beautiful » comme les statues de figures confédérées ainsi qualifiées une semaine plus tard dont la même Heather Heyer combattait la permanence. « Beautiful » comme un projet de loi sur la santé, ou encore un sommet du G20, quelques jours plus tôt.

La formule « smart guy » (un gars intelligent) n’est pas la même lorsqu’elle est prononcée devant la rédaction du New York Times ou lors d’un meeting de campagne devant un public de cols-bleus. Mais comment trancher avec certitude et affecter la complicité bonhomme au second cas et l’éloge des facultés intellectuelles au premier ? Comment être sûr qu’il ne s’agit pas de l’inverse ?

L’intraduisible règne aussi régulièrement en maître lorsque Donald Trump enclenche sur son clavier de téléphone la touche commandant les majuscules. Et lorsqu’il ponctue ses sentences de points d’exclamations.

La presse accréditée s’est résignée à ce président omniprésent et insaisissable, qui assure sa communication y compris sur la pelouse sud de la Maison Blanche, lorsqu’il s’apprête à embarquer à bord de l’hélicoptère présidentiel en direction de la base militaire d’Andrews. Le bruit assourdissant des moteurs de Marine One et l’odeur entêtante de kérosène font alors regretter l’ancienne piscine intérieure reconvertie sous Richard Nixon en salle de presse, désormais inutile.

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Nobuyoshi ARAKI - photographe

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