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Jours tranquilles à Paris

19 septembre 2020

Libération du 19 septembre

libé du 19 septe

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19 septembre 2020

Rimbaud et Verlaine, trop sauvages pour le Panthéon

rimbaud verlaine

Par Denis Saint-Amand, chercheur qualifié du FNRS, université de Namur — Libération

La volonté de panthéoniser ces deux poètes témoigne d’une représentation approximative de leurs œuvres. Ce sont précisément leur refus des conventions et des convenances qui les ont fait entrer dans l’histoire littéraire.

Tribune. Depuis quelques semaines, une pétition circule pour faire entrer les poètes Arthur Rimbaud et Paul Verlaine au Panthéon. Initiée par d’anciens ministres de la Culture, soutenue par la ministre actuelle et par plusieurs acteurs des milieux culturel et universitaire, elle procède sans doute en partie d’une bonne intention, mais témoigne surtout d’une représentation très approximative des deux écrivains et de leurs œuvres respectives. Pour le dire clairement, ce projet de panthéonisation n’est pas une bonne idée. Intitulée «Ce qu’on dit aux poètes à propos du Panthéon», la pétition souligne que les deux écrivains «ont enrichi par leur génie notre patrimoine», sont «deux symboles de la diversité» qui «durent endurer "l’homophobie" implacable de leur époque». Elle justifie ce projet en invoquant «quatre raisons principales» : «littéraire», «politique», «morale» et «judiciaire».

Le titre de l’appel fait écho à celui du poème Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs adressé à Théodore de Banville par Rimbaud (qui signe du pseudonyme «Alcide Bava»), le 14 juillet 1871. Il s’agit d’un texte fantaisiste et provocateur, ironisant sur les clichés véhiculés par une poésie bucolique que le jeune homme tenait pour mièvre. En décalquant le titre de ce poème, les auteurs de la pétition donnent, sans en prendre conscience, une dimension parodique à leur démarche. Le fait est que cette maladresse se révèle malgré elle plutôt heureuse puisqu’elle correspond bien à la façon dont Rimbaud et Verlaine, bohèmes et réfractaires, se représentaient l’institution littéraire, ses codes et ses mécanismes de consécration.

Pour rappel, Rimbaud abandonne l’écriture en 1875, à 20 ans, après avoir décidé que le milieu littéraire ne correspondait pas à ce qu’il avait espéré (et en comprenant qu’il ne bénéficiait plus des soutiens nécessaires pour s’y faire une place). Quand, dans les années 1880, des poètes de la jeune génération se mettent à sa recherche pour lui dire qu’il compte à leurs yeux et pour tenter de dégoter un inédit ou l’autre, il leur indique qu’il considère son œuvre poétique comme une erreur de jeunesse et exige qu’on cesse de le déranger à ce sujet. Verlaine, qui préférait la sociabilité des cafés et des hôpitaux, est allé jusqu’à se moquer de la panthéonisation. Ses Mémoires d’un veuf comprennent une notule intitulée «Panthéonades», dans laquelle il déplore le sort réservé à Victor Hugo : «Ils l’ont fourré dans cette cave où il n’y a pas de vin !»

Les œuvres respectives des deux auteurs sont sans doute plus vues que lues, et le texte de la pétition en témoigne en les évacuant. Faut-il vraiment passer par l’emploi des deux premiers vers de Chanson d’automne par Radio Londres, quarante-huit ans après la mort du poète, pour évoquer la portée politique des poèmes de Verlaine ? Celle-ci se mesure plutôt dans les Vaincus, ce texte de 1869 amendé en 1872 pour dire l’écrasement de la Commune et l’espoir d’une revanche. Dans la pétition, l’engagement politique de Rimbaud est pour sa part réduit au slogan Changer la vie : le cliché date des surréalistes (Breton oubliait que, dans la prosopopée énoncée par la «Vierge folle» d’Une saison en enfer, la formulation était «Il a peut-être des secrets pour changer la vie ? Non, il ne fait qu’en chercher» - chimère déçue), et il passe au bleu le fait que c’est toute l’œuvre du poète qui est portée par la révolte des exclus, l’énergie communarde et le mépris des petits rois : il suffit de relire l’Orgie parisienne ou Paris se repeuple, les Mains de Jeanne-Marie, les pièces zutiques ou Ouvriers pour comprendre que, à notre époque, Arthur Rimbaud aurait porté un gilet jaune.

L’engagement rimbaldien est celui de la jeunesse et des dépossédés : il serait infâme qu’il fasse l’objet d’une récupération officielle alors que l’Etat français a, au cours des derniers mois, déployé une violence inouïe pour tenter d’écraser un mouvement social qui a parfois revendiqué un héritage communard, et continue d’ignorer aujourd’hui les dénonciations de cette violence. Le problème se pose d’autant plus que la pétition mobilise un motif judiciaire en indiquant que l’emprisonnement de Verlaine à Mons procéda de son orientation sexuelle et de son passé communard bien plus que de la blessure par balle infligée à Rimbaud, le 10 juillet 1873 à Bruxelles. Ceci est tout à fait exact, mais il paraît étrange qu’un tel argument occupe une telle place : d’abord parce qu’il n’est pas certain que la réparation symbolique d’une erreur judiciaire passe par le déplacement du cadavre d’un individu floué en un lieu qu’il raillait de son vivant ; ensuite parce que cette forme de compensation apparaît bien insidieuse au sein d’un Etat dont les représentants se sont distingués, ces derniers temps, par leur obstination à nier toute forme de violences policières malgré les énucléations, amputations et décès qu’elles ont causés, par leur propension à mépriser la «foule haineuse» et «ceux qui ne sont rien», par leur tendance à invisibiliser les violences sexuelles et de genre commises au sein d’institutions étatiques, et par leur entêtement à pérorer contre l’«ensauvagement» de la République - or, s’il y a une épithète qui correspond aux deux poètes, c’est bien celle de sauvages : ce sont précisément leur liberté, leur refus des conventions et des convenances et leur insolence qui les ont fait entrer dans l’histoire littéraire.

La France honorerait davantage ses poètes en laissant leurs dépouilles reposer là où elles sont (fût-ce au côté de Paterne Berrichon dont la proximité ne doit pas perturber outre mesure le sommeil de Rimbaud) plutôt que de les exhumer à grands frais dans une opération à laquelle ils n’ont rien à gagner et qui ne sert que les intérêts de l’Etat. Si on souhaitait rendre hommage à Rimbaud et à Verlaine, on pourrait commencer par relire sérieusement leurs œuvres pour mesurer leur lassitude à l’égard du monde petit-bourgeois, leur puissance satirique, leur intérêt pour les formes de solidarité et les révoltes logiques, leur capacité, aussi, à esquisser des mondes possibles. Et si le ministère de la Culture éprouve le besoin de marquer le coup, d’utiliser le nom des poètes pour une juste cause, de labelliser une innovation ou que sais-je, il serait inspiré de créer, par exemple, un fonds Rimbaud et Verlaine qui soutiendrait les acteurs du monde culturel touchés par la situation que nous vivons - et peut-être, en particulier, aux intermittents, ces auteurs de décors et toiles de saltimbanques, régleurs de rythmes naïfs et projecteurs d’illuminations, qui demeurent les éternels laissés-pour-compte.

18 septembre 2020

Emmanuel Macron défend « le tournant de la 5G » face au « retour à la lampe à huile »

lampe huile 5 G

Le président s’exprimait devant un rassemblement de responsables d’entreprises françaises de technologie à l’Elysée, alors qu’une partie de la gauche souhaite un moratoire contre la 5G.

Pour Emmanuel Macron, pas de doute : « Oui, la France va prendre le tournant de la 5G. » Le président de la République a lancé cette phrase lundi 14 septembre devant des entreprises du numérique, en ironisant sur ceux qui préféreraient le « retour à la lampe à huile ».

« La France est le pays des Lumières, c’est le pays de l’innovation. On va tordre le cou à toutes les fausses idées. » Le choix de la 5G, « c’est le tournant de l’innovation », a insisté le chef de l’Etat devant une centaine d’entrepreneurs de la « French Tech » réunis dans la salle des fêtes de l’Elysée.

Il s’exprimait au lendemain de la demande de moratoire sur le déploiement de la 5G de 70 élus de gauche et écologistes, dont le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon et le député européen (Europe Ecologie-Les Verts) Yannick Jadot. L’attribution des fréquences de cette technologie mobile doit débuter à la fin du mois en France.

« J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine », s’est moqué Emmanuel Macron, en référence à cette communauté religieuse américaine hostile à certaines technologies.

« On ne doit dépendre d’aucune puissance non européenne »

En costume mais sans cravate, le président s’est dit ravi de retrouver le milieu des start-up, au cours du premier événement de grande ampleur organisé à l’Elysée depuis le confinement. « On est en train de démontrer qu’on peut continuer à faire des événements en période Covid », a-t-il dit, même s’il faudra « vivre avec le virus, sans doute pour des semaines, peut-être des années ».

Il a aussi rappelé que le plan de relance de l’économie consacrerait 7 milliards d’euros au secteur du numérique, notamment pour la transformation digitale de l’Etat. Emmanuel Macron a enfin défendu une Europe numérique souveraine. « Sur la 5G et sur beaucoup d’autres sujets, on ne doit dépendre d’aucune puissance non européenne », a-t-il jugé, en appelant notamment à « rouvrir la bataille du cloud ».

Au cours de la soirée, trois entreprises qui ont affiché des performances particulièrement remarquables cette année devaient présenter leur activité : l’éditeur de jeux vidéo mobiles Voodoo, devenu une « licorne » – il est donc désormais valorisé à plus de 1 milliard de dollars (842 millions d’euros) – en faisant entrer à son capital le groupe chinois Tencent, la start-up Mirakl (création de places de marché) et Innovafeed (protéines d’insectes).

18 septembre 2020

Mine de Brest : une machine à détruire redoutable

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Des plongeurs démineurs à l’entraînement. Les gestes doivent être précis, chaque mission demeure délicate. Photo Florian Launette, La Provence, MaxPPP

Article de Didier Déniel

La mine allemande qui a été neutralisée mardi, à Brest, est bien connue des démineurs et des marins-pêcheurs qui, régulièrement en retrouvent dans leurs chaluts. Surtout en Manche et en mer du Nord.

Dans la salle de formation du centre de déminage de Brest - qui intervient dans le Finistère, le Morbihan et les Côtes-d’Armor, une Luft Marine Bomb (LMB) désamorcée, trône à l’angle de deux murs. Impressionnante ! « C’est exactement le même engin qu’on a sorti de la vase du port, explique un des responsables du centre. On en trouve beaucoup, surtout en Manche et en mer du Nord. Les Allemands en mouillaient des chapelets. La plupart du temps, elles étaient larguées par des avions. Leur chute était amortie par un parachute pour ne pas que le système de mise à feu soit détérioré quand elles tombaient brutalement dans l’eau ».

bombe

Des armes très sophistiquées

Les LMB étaient des munitions très sophistiquées pour l’époque. « On pouvait les régler en fonction des cibles, poursuit ce fin connaisseur des explosifs. On pouvait retarder leur déclenchement, pour piéger des convois, par exemple. Dans ce cas précis, elles ne réagissaient pas au premier bateau mais laissaient passer quelques bâtiments pour les piéger et réaliser des explosions en chaîne. Elles étaient actionnées de différentes manières : d’une manière acoustique, magnétique ou réagissaient à la pression ambiante. Parfois, les trois à la fois ».

Un écrou piégé

Ce n’est pas tout. Un écrou piégé actionnait une charge d’explosif afin de tuer l’artificier ennemi qui aurait voulu la neutraliser. « Les professionnels avaient 17 secondes pour prendre leurs jambes à leur cou avant que la charge n’explose », poursuit le démineur que nous avons interrogé.

Ces LMB ont également été utilisées à terre. Notamment à Londres qui, outre les V1 et V2, a fait face à des pluies de grosses bombes. « Ces mines sont chargées d’hexamine, un puissant explosif fabriqué à base d’hydrocarbure ».

Le système de mise à feu était-il opérant quand la mine a explosé dans la rade de Brest ? « Non, assure le démineur. Les systèmes de mise à feu fonctionnaient sur batteries. Et le fonctionnement mécanique a été détruit par l’eau et les particules en suspension ».

« Il a commencé à attaquer la mine au chalumeau »

Ce qui expliquerait que ces mines n’explosent pas quand elles sont hissées, sans ménagement, à bord des chalutiers. Une aventure qui est arrivée à Philippe Becquelin, un ancien patron-pêcheur de Boulogne que nous avons contacté. « On était en pêche à bord de mon chalutier, le Saint-Jean-Priez-pour-Nous. C’était au début des années 2000. On a ramené un énorme engin dans le filet. On l’a gardé à bord pendant 36 heures. J’ai pensé qu’il s’agissait d’une chaudière jetée d’un cargo. Le cylindre en aluminium ou en acier inoxydable, était tout propre. On est arrivé au port de Boulogne et on a appelé un ferrailleur qui l’a chargé sur un camion. On pensait vraiment que c’était un engin inerte. Dans la casse de Pont-de-Briques, un employé a commencé à attaquer le métal au chalumeau. Ça a commencé à fumer anormalement. Inquiet, il a tout arrêté et son patron a appelé les démineurs ».

Le quartier a été évacué et les routes alentour ont été barrées de longues heures, ainsi que la voie de chemin de fer Paris-Calais.

Philippe Becquelin, lui, a été placé en garde à vue pour mise en danger d’autrui. « J’ai été rapidement relâché et rien n’a pu être retenu contre moi ». La bombe, elle, a été neutralisée sur une plage, ensablée à la laisse de basse mer et pétardée à marée haute. Ces précautions n’ont pas empêché l’explosion de provoquer beaucoup de dégâts. « Des vitres ont été soufflées à plus de douze kilomètres de là. C’était vraiment puissant ».

Les années passant, les pêcheurs ont appris à connaître ces engins. La plupart du temps, ils alertent les autorités. Certains, par contre, pour gagner du temps et éviter les démarches, préfèrent remettre à l’eau ces bombes, de préférence sur une épave.

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18 septembre 2020

DÉDALE - Vannes

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18 septembre 2020

Extrait d'un shooting - photos : Jacques Snap

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18 septembre 2020

Polémique Polanski : «Roman», le livre qui associe le cinéaste au Diable

rheims nathalie

Quitte à se brûler, l’écrivaine Nathalie Rheims s’apprête à publier «Roman», un essai fouillé sur l’œuvre et la personnalité du cinéaste. Le tout sous l’œil du Diable.

 En voyant la cérémonie des Césars, Nathalie Rheims a vu en Roman Polanski « son Faust », personnage de contes du XVIe siècle, qui a pactisé avec le Diable.

Par Pierre Vavasseur

Sur la couverture, l'image d'un bouchon d'encrier qui représente la figure du Diable. Et puis ce titre : « Roman »… Comme un roman? Non, comme le prénom. Celui du cinéaste Roman Polanski. Mercredi prochain, le 23 septembre, sortira en librairie le 21e livre de Nathalie Rheims (éditions Léo Scheer, 200 pages, 16 euros) et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il va faire parler. L'autrice de « Lettres d'une amoureuse morte » a toujours préféré la discrétion aux coups d'éclat.

Mais un soir de ce début d'année, tandis qu'elle regardait par hasard à la télévision une rediffusion de la cérémonie des Césars, l'écrivaine est sortie de ses gonds en entendant l'acteur Jean-Pierre Darroussin, chargé de remettre le prix de la meilleure adaptation, écorcher avec une moue de mépris le nom du lauréat : Roman Polanski pour « J'accuse » (NDLR : l'acteur a plaidé la maladresse depuis).

« Je l'ai pris en pleine figure. J'ai trouvé ça terrifiant. Moi je ne suis pas juge. Je ne suis pas la Justice. Or il y a aujourd'hui une justice des hommes qui condamne en première instance. Il (NDLR : Darroussin) savait qu'il y avait une chance sur quatre pour que ce nom sorte. Quand on joue à la roulette russe, il ne faut pas avoir peur de se prendre une balle dans la tête. Il aurait dû le dire, ce nom, puisqu'il était là pour ça. Ou alors il ne fallait pas venir ! J'ai trouvé ça lâche et tellement significatif de ce monde qui veut toujours se montrer sous un jour parfait et n'étaler que ce qu'on a envie de montrer de soi. L'être humain est beaucoup plus complexe que ça. »

A cette époque, la fille de l'académicien Maurice Rheims, sœur de la photographe Bettina Rheims et qui partagea les dix dernières années de la vie de Claude Berri, n'en finissait pas de vivre un confinement imposé deux ans plus tôt par une greffe du rein et deux mois de coma. De cet enfer balisé par les dialyses elle se remet encore doucement, patiemment, et a dans ses projets d'écrire sur le Diable, « qui me fascine » dit-elle.

L'incendie qui a frappé Notre-Dame l'a alors sidérée. « Je me suis dit que Diable était en train de prendre le pouvoir sur notre monde. En tout cas, sur un plan romanesque ça pouvait tenir. » Mais il lui manquait « son Faust ». Un personnage, sur Terre, en lien avec le Démon. « Et là, devant ma télévision, je me dis, le voilà, c'est lui mon Faust. C'est Polanski ! Il est là ce personnage sur lequel toute l'époque se cristallise au prisme de ce qui se passe dans cette cérémonie. A partir de là je fais le pari, fictionnel, qu'il y aurait un pacte passé entre le Diable et lui. Si on revoit ses films, et je les ai tous revus – je me suis aussi plongée dans son autobiographie où j'ai tout appris parce que je ne savais rien de lui – le Diable est tellement présent dans son œuvre… »

«Je n'aurais pas pu faire ce livre si je l'avais rencontré»

Inutile de chercher des atomes crochus entre Nathalie et Roman. « Nous avons dû nous croiser deux ou trois fois dans un restaurant lorsque j'étais avec Claude Berri. Claude avait produit Tess, et monter le film avait été difficile. Il avait moyennement apprécié que Roman soit allé ensuite se faire produire ailleurs. Toujours est-il qu'il ne m'a jamais dit bonjour. J'ai toujours eu l'impression d'être une chaise vide et qu'il laissait dans son sillage un courant d'air glacial. De toute façon, je n'aurais pas une seconde pu faire ce livre si je l'avais rencontré parce que ça aurait tout faussé. »

18 septembre 2020

Talons hauts

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18 septembre 2020

Présidentielle américaine - Pourquoi il faut se préparer au pire

trump elections

trump pas perdu

THE NEW YORK TIMES (NEW YORK)

Non seulement les risques d’un chaos électoral sont bien là, mais c’est la démocratie elle-même qui pourrait être menacée, estime ce chroniqueur du New York Times, très pessimiste à l’approche des élections du 3 novembre aux Etats-Unis.

L’autre jour, mon épouse, Helen, et moi nous sommes disputés sur les moyens de se préparer au lugubre futur de l’Amérique. Nous devons remplacer notre voiture vieillissante, mais j’hésite, je redoute tout nouvel engagement financier alors que le pays se précipite plus que jamais dans la gueule du chaos ou d’un cataclysme politique.

Et si, après l’élection, nous étions obligés de fuir ? Pourquoi gaspiller nos réserves de liquidités dans une nouvelle voiture ?

Helen trouve que je suis alarmiste. Quant à moi, je pense que, comme beaucoup d’Américains blancs de la génération X qui n’ont surtout connu que la paix et la stabilité, elle n’est pas assez consciente de l’orage qui vient.

Violence en hausse

En tant qu’immigrant qui a quitté l’Afrique du Sud de l’époque de l’apartheid pour se réfugier en Amérique, je me dis que j’ai développé une meilleure capacité à sentir approcher les troubles politiques. De mon point de vue, les signaux qui clignotent à l’horizon sont rouge sang.

Des escarmouches armées éclatent dans les rues, et les universitaires constatent une hausse de la violence à la veille de l’échéance électorale. Les ventes d’armes battent tous les records. Fort heureusement, je suppose, on annonce une pénurie de munitions dans tout le pays.

Et il y a la pandémie, le chômage de masse, les catastrophes naturelles qui frappent les deux côtes, l’intense polarisation raciale et partisane, sans parler d’un certain degré de folie collective provoquée par le confinement.

Et il y a autre chose : Helen a fait l’impasse sur la convention républicaine. Personnellement, je l’ai suivie du début à la fin. Ce que j’ai vu m’a désespéré.

Culte autoritariste

Au cours de ces quatre soirées de célébration du trumpisme, j’ai eu un aperçu terrifiant de la face hideuse de l’Amérique, un culte autoritariste en pleine expansion, et je ne tiens pas trop à traîner dans les parages pour voir si mes sinistres prémonitions se réalisent.

Ce qui m’a choqué, ce n’est pas particulièrement le discours politique, mais plutôt l’esthétique péroniste de la convention et la profusion éhontée de mensonges.

Cela n’a fait qu’accroître mon inquiétude à l’idée d’une réélection de Trump. Libéré de tout garde-fou, un Trump remportant un second mandat imposerait, je le crains, le règne de son clan pour longtemps. (Trump “plaisante” régulièrement sur l’idée d’aller au-delà d’un deuxième mandat.)

Mais la convention républicaine a également accentué mes peurs quant à l’avenir de la démocratie américaine, même s’il perd.

Si le trumpisme a séduit une minorité non négligeable d’Américains, et si la dynastie Trump conserve sa capacité d’attraction sur les masses, l’Amérique pourra-t-elle jamais passer à autre chose ?

Même si le pays assiste malgré tout à une transition du pouvoir pacifique, pouvons-nous espérer disposer d’un semblant de gouvernement fédéral fonctionnel au-delà de l’investiture ?

Désaffection populiste

Dans un livre récent, Presidents, Populism and the Crisis of Democracy [“Les présidents, le populisme et la crise de la démocratie”, non traduit], les politologues William G. Howell et Terry M. Moe soutiennent que le trumpisme est essentiellement le symptôme d’une désaffection populiste croissante vis-à-vis de l’incapacité du gouvernement américain à résoudre les problèmes des gens.

Même si Trump perd, affirment-ils, notre démocratie n’en sera pas moins confrontée à de graves questions quant à sa viabilité.

J’ai demandé à Moe, qui enseigne à Stanford, comment l’Amérique pouvait se remettre des dégâts qu’elle a subis. “Rien ne dit que l’on y parvienne, m’a-t-il répondu. Je crois que pour l’instant, les républicains sont un parti antidémocratie.” Leur seule chance de survie politique est de continuer à “rendre le pays aussi peu démocratique que possible afin de pouvoir remporter les élections”.

Des républicains soumis à Trump

Le parti a clairement affiché sa soumission totale à Trump lors de la convention. Il a adopté un programme qui se résume en gros à un “soutien enthousiaste du projet présidentiel en faveur de l’Amérique d’abord”. Pas une seule référence au nombre d’Américains morts du Covid-19, pas même une vague reconnaissance de la menace du changement climatique.

Au lieu de cela, nous avons assisté à un culte dynastique de la personnalité. Sur les six intervenants qui ont pris la parole plus de dix minutes pendant l’événement, quatre étaient des membres de la famille Trump.

Et il y a le torrent de mensonges. Il ne s’agissait pas de mensonges sur des détails obscurs ou des questions d’interprétation, mais de falsifications pures et simples de la réalité – la description au passé d’une pandémie qui continue à tuer un millier d’Américains par jour, ou la présentation d’une économie qui connaît sa pire dégringolade depuis la Grande Dépression comme tournant à plein régime.

Ce ne sont pas tant les mensonges qui m’inquiètent, plutôt le fait que des millions de gens risquent de les croire. L’Amérique peut-elle supporter pareille malhonnêteté ? Quand il n’existe pas de confiance, quand on ne partage pas la même vision de la réalité, peut-on dire que l’on a encore un pays ?

L’anxiété monte

Cette semaine, j’ai demandé aux gens qui me suivent sur Twitter s’ils ressentaient la même anxiété croissante quant à la démocratie américaine. Avaient-ils comme moi le sentiment que la fin de l’Amérique était proche ?

J’ai eu la surprise de m’apercevoir que j’étais malheureusement loin d’être seul. Des dizaines de twittos ont réagi en disant qu’ils redoutaient carrément une manipulation électorale, qu’une contestation du résultat ne déclenche des violences et que l’on soit témoins d’un abandon des règles démocratiques.

Nancy Bermeo, professeure de sciences politiques à Princeton, m’a cependant expliqué que, selon elle, on pouvait quand même espérer que les règles de la démocratie survivent à Trump. Des sondages récents montrent que l’armée se montre de plus en plus critique vis-à-vis de lui, un signe positif si vous craignez que certains tentent de s’accrocher au pouvoir sans respect pour la démocratie. Par ailleurs, les États-Unis peuvent toujours compter sur une presse libre, et nombreux sont ceux qui soutiennent encore les idéaux fondamentaux de la démocratie.

Quoi qu’il en soit, il y a bien assez de sources d’angoisse. “Il est certain que la démocratie est en train de reculer considérablement, m’a déclaré Nancy Bermeo :

“Le comportement [de Trump] rappelle celui des dirigeants autoritaires de pays moins développés et qui n’ont pas une aussi longue tradition d’alternance politique.”

Puis, en quête d’une raison de se rassurer, elle a ajouté : “Je m’accroche à l’espoir.”

Farhad Manjoo

Source

The New York Times

NEW YORK http://www.nytimes.com/

18 septembre 2020

Libération du 18 septembre

libé du 18 sept

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