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Jours tranquilles à Paris
6 août 2020

Beyrouth - PRESSE

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5 août 2020

Double explosion de Beyrouth : le monde au chevet du Liban

Par Allan Kaval - Le Monde

Les marques de soutien au pays endeuillé laissent entrevoir les futures rivalités entre adversaires régionaux. Seule fausse note, les déclarations de Donald Trump affirmant qu’il s’agissait d’un « attentat ».

Les capitales du monde entier, Paris en premier lieu, avaient déjà fait preuve de leur solidarité envers le Liban, dans une unanimité que seules les catastrophes les plus graves peuvent faire advenir, lorsque Donald Trump a subitement jeté le trouble. Tandis que le gouvernement libanais confirmait la piste d’un accident industriel d’une ampleur inégalée, le président américain a qualifié devant des journalistes la catastrophe de Beyrouth d’« attaque » après avoir répété que son pays se tenait prêt à apporter son aide.

« J’ai rencontré des généraux et il semble que ce n’était pas un accident industriel. Il semble, selon eux, que c’était un attentat, c’était une bombe », a-t-il persisté lors de sa conférence de presse quotidienne sur l’épidémie de Covid-19, alors que les ruines de Beyrouth étaient encore fumantes et les contours de l’aide internationale promise au Liban commençaient tout juste à s’esquisser.

M. Trump a-t-il voulu éviter de se dédire après un premier lapsus malencontreux en évoquant sa rencontre avec des hauts gradés, quitte à faire croire à un acte délibéré, dans une région encore sous le choc ? Ses propos ont suscité la sidération, alors même que les Etats-Unis s’étaient déclarés plus tôt prêts à offrir leur aide au Liban pour l’aider à « se remettre de cette horrible tragédie ».

Le désastre de mardi soir puis les déclarations malheureuses de M. Trump sont en effet intervenus alors que le Liban baigne déjà dans un contexte de tensions sécuritaires, lié aux accrochages frontaliers contenus entre Israël et le Hezbollah dans le sud du pays. Les autorités israéliennes avaient d’ailleurs jugé bon de faire savoir peu de temps après l’explosion qu’elles n’avaient n’avoir « rien à voir avec cet incident », selon un responsable s’exprimant anonymement, cité mardi par l’agence Reuters. Israël a même affirmé avoir offert son aide au Liban, par le biais des médiateurs internationaux, les deux pays étant officiellement en guerre.

Acheminement de « plusieurs tonnes de matériel sanitaire »

Cette déclaration de pure forme, a été émise au diapason de nombreux gouvernements de la planète, qui ont multiplié les propositions d’aide en direction d’un pays devenu exsangue, au système politique épuisé et de qui l’on exigeait il y a peu des réformes drastiques. La France, qui avait dépêché un Jean-Yves Le Drian sévère à Beyrouth fin juillet, a ainsi déclaré être aux « côtés du Liban ». Emmanuel Macron, qui s’est entretenu avec son homologue libanais Michel Aoun, a annoncé plus a la soirée l’acheminement d’un détachement de la sécurité civile et de « plusieurs tonnes de matériel sanitaire » à Beyrouth.

L’Allemagne dont des diplomates ont été blessés lors de l’explosion a aussi promis par la voix de sa chancelière Angela Merkel un « soutien au Liban » de même que le Royaume-Uni. Le président russe Vladimir Poutine a quant à lui transmis les condoléances de la Russie.

Les puissances régionales adverses qui sont directement impliquées dans les rapports de forces intérieures au Liban n’ont pas manqué d’exprimer à leur tour leur disponibilité. Hostile à l’Arabie saoudite, qui jouit d’un ascendant sur le camp sunnite libanais, le Qatar a ainsi annoncé que des hôpitaux de campagne seraient envoyés dans le pays.

Autre adversaire du royaume saoudien, la République islamique d’Iran a aussi exprimé son soutien au Liban. Sur Twitter, son ministre des affaires étrangères, Mohammad-Javad Zarif a déclaré que l’Iran était « pleinement prêt » à apporter son assistance. Téhéran est le soutien principal du Hezbollah chiite, le parti milice le plus puissant du Liban, qui sert les intérêts de la République islamique dans toute la région.

La coordination de pays hostiles les uns envers autres, ayant des intérêts divergents dans ce pays déjà pénétré par les influences étrangères, sera un défi de taille. Le risque pour les Libanais serait de voir la compétition internationale qui sape déjà le système confessionnel du pays se reporter sur l’aide à venir. Au détriment d’une société épuisée par les ingérences extérieures.

5 août 2020

La double explosion de Beyrouth touche un pays en pleine décomposition

Par Benjamin Barthe, Beyrouth, correspondant - Le Monde

La monnaie nationale est en chute libre, la classe moyenne en plein effondrement et les institutions étatiques à la dérive. C’est aujourd’hui tout le modèle libanais qui paraît imploser.

Le Liban n’est plus au bord du gouffre, il est tombé dedans. C’est l’impression que donne le pays du Cèdre au lendemain de la gigantesque déflagration qui a dévasté Beyrouth, mardi 4 août. L’explosion, qui a fait au moins 78 morts et a été ressentie une dizaine de kilomètres a la ronde, survient dans un contexte de crise sans précédent. La monnaie nationale est en chute libre, la classe moyenne en plein effondrement et les institutions étatiques à la dérive. L’énorme champignon de fumée noire qui s’est formé, mardi, vers 18 heures, au-dessus du port de Beyrouth, est le triste symbole d’un système qui implose. Il signale la faillite du modèle qui devait permettre la reconstruction du Liban après la guerre civile (1975-1990) et qui l’a conduit au contraire à sa perte.

Quelques heures avant la détonation, en milieu de matinée, des dizaines de manifestants avaient tenté de forcer l’entrée du ministère de l’énergie, pour protester contre les coupures de courant qui pourrissent le quotidien des Libanais. Trois, cinq, dix heures par jour, voire plus encore : la durée du black-out dépend du lieu ou l’on vit et de l’efficacité du « motor », le générateur de l’immeuble ou du quartier, censé pallier les mesures de rationnement de la compagnie nationale d’électricité. Cette institution, gouffre financier et temple du clientélisme, témoigne de la déliquescence croissante de l’appareil d’Etat. Tous les gouvernements qui se sont succédés ces trente dernières années ont promis de réformer le secteur électrique, à l’origine aujourd’hui de 40 % de la dette du pays. Et aucun n’y est parvenu.

Toujours ce même mardi, vers 17 h 30, soit quelques minutes avant le chaos total, le ministre de l’intérieur avait rappelé les dates et les horaires de la prochaine phase de reconfinement, entre le 6 et le 10 août. Très peu touché au printemps par l’épidémie de coronavirus, le Liban est confronté à une deuxième vague plus violente. Au rythme de contamination actuel (autour de 200 nouveaux cas par jour), le système de santé du pays promet d’être très rapidement submergé. Sur les 23 lits aménagés pour les malades du Covid-19 en situation critique au sein de l’hôpital public Rafik Hariri, 19 sont déjà occupés. Or, cet établissement est le seul véritablement engagé dans la lutte contre la pandémie. Les autres hôpitaux publics du pays, parents pauvres du budget de l’Etat, n’ont pas les moyens, ni en équipements, ni en personnel, pour y faire face. Quant aux centres de soin privés, qui sont les plus nombreux et les plus performants, la plupart répugnent à traiter des personnes infectées, de peur de perdre la clientèle hors-Covid-19.

Dysfonctionnements criants

Le modèle politique confessionnel qui régit le Liban a échoué a remédier à ces dysfonctionnements criants. Censé assurer la juste représentation de toutes les communautés religieuses du pays, ce système a été perverti par leurs responsables, souvent d’anciens chefs de milice, indéboulonnables depuis trente ans. Alors que l’accord de Taef, qui a mis fin a la guerre, prévoyait une transition vers un Etat civil, une forme de vétocratie s’est progressivement mise en place. Les oligarques au pouvoir ne cessent de se mettre des bâtons dans les roues de peur de perdre leur position dominante. Les membres de ce cartel n’arrivent à se mettre d’accord sur rien, sinon sur la préservation de leurs intérêts.

Cette attitude est aussi à l’origine de la catastrophe économique qui s’est abattue ce printemps sur le Liban. Parce qu’elle en profitait largement, notamment via ses participations dans le capital des banques, la classe politique n’a pas voulu réformer le système de financement de l’Etat, à base de dépôts a la banque centrale et de bons du Trésor rémunérés à des taux astronomiques. Cette pyramide de Ponzi a fini par s’effondrer, enclenchant une pénurie de billets verts, qui a fait perdre à la monnaie nationale, la livre libanaise, 80 % de sa valeur en quelques mois. En réaction, les prix des biens de consommation courante se sont envolés, avec une inflation mesuré à 90 % en glissement annuel en juin. Le contrôle des capitaux instauré de facto par les banques a achevé d’anéantir le pouvoir d’achat des Libanais. Le taux de pauvreté, estimé a 35 % de la population à l’automne, tutoie désormais la barre des 50 %.

La classe moyenne libanaise, considérée comme la plus riche et la mieux formée du Moyen-Orient, est la grande perdante de la crise. Le trentenaire, professeur à l’université, qui gagnait l’équivalent de 4 000 dollars par mois l’année dernière, n’en touche plus que 800 environ. Cette catégorie socioprofessionnelle gâtée, habituée à voyager plusieurs fois par an et à rouler dans des 4 x 4 rutilants, songe à retirer ses enfants des écoles privées qu’ils fréquentaient jusque-là et à les inscrire dans le public, un signe de déclassement cruel au Liban.

Un certain mode de vie à la Libanaise, jouisseur, dispendieux et insouciant, qui avait tant fait pour la réputation du pays du cèdre à l’étranger, est à l’agonie. Du fait de la dégringolade de la livre et des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus, des centaines de bars, de discothèques et de restaurant ont été obligés de fermer. Le tourisme, pilier de l’économie locale, est sinistré, tout comme le secteur bancaire, un autre point fort du pays. Celui-ci aura le plus grand mal à rebâtir sa crédibilité après les mesures de plafonnement des retraits et d’interdiction des transferts édictées ces derniers mois. Au-delà de son économie ou de son système politique, c’est la raison d’être du Liban, sa vocation régionale, comme pôle de services, trait d’union entre l’Europe et le monde arabe, qui est en crise et qui est à reconstruire.

C’est pour cela que le cataclysme du 4 août sera si douloureux. Il percute un édifice déjà chancelant. Il assomme une population à bout de forces. La capacité du Liban à encaisser ce genre de calamités touche à son terme.

5 août 2020

Au moins 78 morts, du nitrate d’ammonium mis en cause : ce que l’on sait de la double explosion à Beyrouth

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Une double explosion a frappé la capitale du pays, mardi en fin de journée, faisant au moins 78 morts et 3 700 blessés dans une ville dévastée. Le Liban appelle à l’aide internationale.

Une très violente double explosion a secoué mardi 4 août, vers 18 h 10 (17 h 10 heure de Paris), le port de la capitale libanaise, Beyrouth, ravageant une grande partie de la ville et faisant au moins 78 morts et 3 700 blessés, selon une estimation, qui pourrait s’alourdir, du ministère de la santé.

Réuni d’urgence, le Conseil supérieur de la défense a déclaré que les déflagrations étaient dues à l’explosion de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port. L’ammonium entre dans la composition de certains engrais mais aussi d’explosifs.

Le directeur général de la sûreté générale, Abbas Ibrahim, avait indiqué auparavant que les explosions dans un entrepôt du port avaient peut-être été causées par des « matières explosives confisquées depuis des années ».

« C’est une catastrophe dans tous les sens du terme », a déploré le ministre de la santé, Hamad Hassan, « les hôpitaux de la capitale sont tous pleins de blessés ». Face à l’ampleur de cette catastrophe, qui touche en son cœur un pays au bord du gouffre, le premier ministre libanais, Hassan Diab, a fait appel, mardi soir, à l’aide internationale.

Une violente explosion sur un site déjà en flammes

Selon de très nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux, un incendie était déjà en cours dans des bâtiments sur les quais du port de Beyrouth quand une explosion a provoqué un souffle massif et une très haute colonne de fumée dans le ciel, vraisemblablement lorsque le feu a atteint un entrepôt contenant le nitrate d’ammonium.

Selon des témoins, les déflagrations ont été entendues jusqu’à la ville côtière de Larnaca, à Chypre, distante d’un peu plus de 200 km des côtes libanaises. Les vitres des immeubles et des magasins ont volé en éclats à des kilomètres à la ronde. Aux abords du quartier du port, les dommages et les destructions sont considérables. Trois heures après l’explosion, l’incendie n’était toujours pas éteint sur place. Dans le port, un navire en flammes faisait craindre mardi soir une explosion de son réservoir de carburant.

L’onde de choc a provoqué des destructions partielles ou totales de bâtiments, des incendies et d’innombrables dégâts dans toute la ville sur des kilomètres, et le bilan humain, encore évolutif mardi soir, est très lourd.

Des hôpitaux engorgés, des appels au don du sang

Dans les minutes et les heures qui ont suivi l’impressionnante déflagration, les services de secours ont été massivement sollicités, et le ballet des ambulances aux sirènes hurlantes et des camions des pompiers s’est ajouté au chaos urbain. Les médias locaux ont diffusé des images de personnes coincées sous des décombres, certaines couvertes de sang. Des témoins ont raconté avoir vu dans le secteur du port des dizaines de blessés à terre.

A la suite de la double explosion, de nombreux habitants blessés ont marché en direction des hôpitaux, ces derniers ont été rapidement submergés, selon des témoins. Dans le quartier d’Achrafieh, des blessés se sont rués vers l’Hôtel-Dieu, et devant le centre médical Clémenceau, des dizaines de blessés, dont des enfants, parfois couverts de sang, attendaient d’être admis. La Croix-Rouge libanaise a appelé sur Twitter les habitants à donner de toute urgence leur sang dans n’importe quel endroit du pays.

« Nous assistons à une terrible catastrophe », a déclaré son chef, George Kettani, à la chaîne de télévision Al Mayadeen. « Il y a des morts et des blessés partout, dans toutes les rues et dans tous les quartiers, qu’ils soient proches ou éloignés de l’explosion », a-t-il dit.

« J’étais chez moi lorsque le souffle de l’explosion a tout emporté, raconte au Monde George Haddad, 29 ans, directeur de l’ONG Aleph. Le plafond de mon appartement s’est effondré, et avant même de me rendre compte de ce qu’il se passait, j’étais en sang, blessé à la tête. » Il était dans le quartier d’Achrafieh, proche du lieu de l’explosion. « Immédiatement, on entendait le bruit des alarmes de voiture, les hurlements des gens, des pleurs, des pas pressés sur le verre brisé qui recouvrait le sol des rues et des appartements. Je me suis rendu à l’hôpital de Rizek vers 18 h 30, qui était pris d’assaut. »

Parmi les victimes de l’explosion figure Nizar Najarian, secrétaire général du parti Kataëb, l’une des formations historiques de la droite chrétienne. Mardi soir, les secours continuaient d’affluer dans le quartier du port afin de sortir les blessés des décombres.

L’ONU au Liban a affirmé que des casques bleus avaient été grièvement blessés à bord d’un navire endommagé par les explosions. Des membres du personnel de l’ambassade d’Allemagne ont aussi été blessés, selon Berlin.

Le premier ministre appelle à l’aide internationale

Le premier ministre libanais Hassan Diab a lancé « un appel urgent à tous les pays amis et les pays frères qui aiment le Liban à se tenir à ses côtés et à nous aider à panser nos plaies profondes ».

« Ce qui s’est passé aujourd’hui ne passera pas sans que des comptes soient rendus », a-t-il ajouté lors d’une allocution télévisée mardi soir. « Il est inadmissible qu’une cargaison de nitrate d’ammonium, estimée à 2 750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution. C’est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire sur cette question », a-t-il également déclaré devant le Conseil supérieur de défense, selon des propos rapportés par un porte-parole en conférence de presse.

Plus tôt, il avait décrété une journée de deuil national, prévue mercredi 5 août, « pour les victimes de l’explosion du port de Beyrouth ». Le président libanais, Michel Aoun, a également convoqué une « réunion urgente » du Conseil supérieur de la défense. Le Hezbollah libanais a appelé mardi soir à l’unité nationale afin de surmonter une « douloureuse tragédie ».

Le Liban, déjà miné par la corruption et les difficultés économiques, traverse également sa pire crise depuis des décennies. « On a beau tous être des survivants dans ce pays, on ne peut pas survivre à tout, témoigne au Monde l’écrivaine libanaise Hyam Yared. Et la colère est immense, car le Liban n’en peut plus. Il y a au cours des derniers mois cette nouvelle crise politique qui n’en finit pas, la cherté de la vie qui pousse les gens ordinaires dans la misère, et maintenant, symboliquement, la destruction de notre ville. »

Israël dément toute implication, la France envoie des secours

Dans un contexte d’accrochages récents avec le Hezbollah au sud du Liban, Israël a assuré n’avoir « rien à voir avec cet incident », selon un responsable israélien s’exprimant sous le sceau de l’anonymat à l’agence Reuters. Le ministre des affaires étrangères israélien a déclaré à la chaîne de télévision N12 que l’explosion était vraisemblablement imputable à un accident provoqué par un incendie.

D’après les quotidiens israéliens Haaretz et Yediot Aharonot, le gouvernement israélien s’est adressé au gouvernement libanais par le biais de médiateurs internationaux pour offrir à Beyrouth une aide humanitaire et médicale.

La France a fait savoir, par la voix de son président, Emmanuel Macron, qu’elle se tenait « au côté du Liban ». « Des secours et moyens français sont en cours d’acheminement sur place » a ajouté celui-ci sur Twitter, avant de s’entretenir avec son homologue Michel Aoun dans la soirée. L’Iran a également exprimé le soutien de son pays au peuple « résilient » du Liban.

Le président Donald Trump a estimé, de son côté, que les explosions meurtrières à Beyrouth « ressemblaient à un terrible attentat » et que des experts militaires lui avaient parlé d’une « bombe », provoquant la confusion. Le Pentagone a refusé de s’exprimer sur la question. Le milliardaire républicain a transmis la « sympathie » des Etats-Unis au Liban et répété que son pays se « tenait prêt » à apporter son aide.

Le Royaume-Uni s’est dit prêt mardi soir à aider le Liban. « Les images et vidéos de Beyrouth ce soir sont choquantes », a tweeté le premier ministre Boris Johnson, adressant toutes ses « pensées et prières » aux victimes. « Le Royaume-Uni est prêt à apporter son soutien de toutes les manières possibles, y compris aux ressortissants britanniques touchés », a-t-il ajouté. Un « petit nombre » de membres de personnel de l’ambassade ont été blessés et reçoivent le cas échéant des soins médicaux, mais leurs jours ne sont pas en danger, selon un porte-parole du ministère.

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4 août 2020

Ali Erbas, figure centrale de la reconversion de Sainte-Sophie

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Photo ci-dessus : Ali Erbas et Recep Tayyip Erdegan

Article de Marie Jégo

Le directeur des affaires religieuses en Turquie, coutumier des messages de haine, s’est vu confier l’ancienne basilique redevenue mosquée

ISTANBUL - correspondante

Quand le chef religieux turc Ali Erbas conduit la prière à Sainte-Sophie, il monte au minbar (estrade) en tenant un sabre à la main. Pas n’importe quel sabre, un yatagan ouvragé dont la lame est gravée d’un verset du Coran.

C’est ainsi que les fidèles l’ont vu, vendredi 24 juillet, jour de la reconversion de la « Grande Eglise » d’Istanbul (Turquie) en mosquée, et aussi vendredi 31 juillet, lors de la prière de l’Aïd el-Adha, la fête du sacrifice, prononcée pour la première fois sous l’imposante coupole de l’édifice du VIe siècle.

L’homme ne badine pas avec la tradition. « Pendant 481 ans, les sermons du vendredi ont toujours été prononcés le sabre à la main. Si Allah le veut, nous renouons avec cette tradition, le symbole de la conquête », a-t-il justifié.

Avec son turban blanc, son caftan clair brodé, son sabre ouvragé, ses sermons enflammés, Ali Erbas est le personnage central de la chorégraphie politico-religieuse qui se joue à la mosquée Sainte-Sophie chaque vendredi. Rien d’anormal puisque l’ancienne basilique vient de lui être confiée.

Après avoir servi d’église pendant 916 ans, de mosquée pendant près de 600 ans, de musée pendant 86 ans, Sainte-Sophie est redevenue mosquée le 10 juillet sur décret du président Recep Tayyip Erdogan. Elle ne dépend plus du ministère du tourisme et de la culture mais de la direction des affaires religieuses (Diyanet), dirigée depuis 2017 par Ali Erbas.

Instrument de réislamisation

Le théologien de 59 ans, francophone et arabophone, a des projets ambitieux pour sa nouvelle protégée. « Nous allons tenter de restaurer la madrasa (école religieuse) Hagia Sophia (Sainte-Sophie) pour qu’elle fonctionne comme elle l’a fait pendant ses années fastueuses avec des leçons de Coran données partout. » Les mosquées « sont des écoles », où Ali Erbas souhaite « éduquer les jeunes et les enfants ». Un projet qui s’inscrit dans la droite ligne du président Erdogan, déterminé à façonner « une génération pieuse ».

Créée en 1924 afin de contrôler la religion musulmane, la direction des affaires religieuses est devenue au fil des ans un véritable instrument de réislamisation de la société turque. Placée sous les ordres de la présidence, elle gère 84 684 mosquées en Turquie, rémunère les imams, les théologiens, les muezzins, les prédicateurs. Les 2 000 mosquées chargées de faire rayonner l’islam turc à l’étranger sont sous son contrôle.

Dotée d’une chaîne de télévision, d’une maison d’édition, d’une ligne téléphonique d’urgence, elle dispense l’éducation coranique, visant « l’immersion totale des jeunes enfants dans un mode de vie religieux », notamment grâce aux crèches pour enfants de 3 à 6 ans qu’elle administre en plus des nombreuses écoles et lycées pour imams (imam hatip). Des cours d’initiation à l’islam sunnite sont désormais obligatoires à l’école publique, des locaux réservés à la prière ont été systématiquement ouverts au sein des universités.

Dotée d’un budget important (11,5 milliards de livres turques, soit 1,4 milliard d’euros), forte de 170 000 fonctionnaires, Diyanet est incontestablement la réussite idéologique la plus accomplie du président turc, au pouvoir depuis 2003.

Ses fatwas et ses recommandations suscitent souvent la controverse. Le « dictionnaire des concepts religieux », publié sur le site officiel de l’institution à l’automne 2018, avait fait scandale en affirmant que les petites filles pouvaient être mariées dès l’âge de 9 ans. Face aux réactions indignées des associations de femmes et des milieux kémalistes, Diyanet avait dû retirer le passage contesté, tout en expliquant n’avoir jamais cherché à défendre les mariages précoces.

Ali Erbas lui aussi a dû prestement retirer du site de Diyanet certaines des phrases du sermon prononcé à Sainte-Sophie, sabre en main, le vendredi 24 juillet. Exalté par le thème de la « conquête », il a jeté l’anathème sur Atatürk, le père fondateur de la République qui fit de la basilique un musée en 1934.

Le soutien d’Erdogan

Dans son sermon, Erbas a rappelé aux fidèles que, selon l’héritage du sultan Mehmed II, le tombeur de Constantinople en 1453, Sainte-Sophie resterait une mosquée « jusqu’au jour du jugement dernier » et que ceux qui l’avaient transformée en musée étaient « damnés », voués à « brûler ». Les kémalistes n’ont pas apprécié.

Sur les réseaux sociaux, des milliers d’internautes ont aussitôt réclamé la démission du chef religieux. Des députés du Parti républicain du peuple (CHP, opposition kémaliste), des barreaux d’avocats ainsi que l’« association de la pensée kémaliste » ont porté plainte.

Le chef religieux est coutumier des messages de haine. « L’islam maudit l’homosexualité. Pour quelle raison ? Parce que l’homosexualité apporte des maladies et dégrade la lignée », a-t-il ainsi déclaré en avril, lors du sermon marquant le début du mois sacré de ramadan, en pleine épidémie de Covid-19. Indignés, les barreaux d’avocats, à Ankara et à Diyarbakir, avaient porté plainte. Quelques jours plus tard, ces mêmes barreaux se retrouvaient visés par des enquêtes judiciaires pour « insulte aux valeurs religieuses ».

Volant au secours de son protégé, le président Erdogan a expliqué qu’« attaquer le chef de Diyanet était comme attaquer l’Etat. Ce qu’il a dit était tout à fait juste. » Dans la foulée, les barreaux et des chambres professionnelles d’avocats sont devenus les cibles de la vindicte du numéro un turc, qui s’est empressé de faire voter une loi destinée à restreindre leur autonomie.

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3 août 2020

La jeunesse thaïlandaise manifeste sans relâche contre le pouvoir

(REUTERS/Athit Perawongmetha)

«Rendez-nous notre futur.» Entamé il y a plusieurs mois, le mouvement de manifestations étudiantes en Thaïlande a pris de l’ampleur ces deux dernières semaines, le ton s’est durci et les revendications se sont précisées. Le 18 juillet, ils étaient plusieurs milliers, rassemblés autour des quatre ailes géantes du monument à la Démocratie, dans le quartier historique de Bangkok.

Jusqu’à la nuit tombée, ils ont réclamé «la dissolution du Parlement, de nouvelles élections, la fin du harcèlement policier et un changement de Constitution». Un événement a cristallisé la colère : l’enlèvement et la disparition, le 4 juin à Phnom Penh (Cambodge), d’un jeune activiste, Wanchalerm Satsaksit, après la diffusion d’une vidéo particulièrement critique à l’égard de «l’absence totale de compétences» du gouvernement et de son Premier ministre, Prayuth Chan-o-cha. Depuis, les manifestations se multiplient, à Bangkok, Chiang Mai, Khon Kaen et Ubon, les universités du nord-est agricole et contestataire du pays.

Quelques semaines plus tôt, à Bangkok, les étudiants avaient orchestré une reconstitution de la chute de la monarchie absolue en 1932 et relu des textes d’époque, critiquant ces monarques «qui déposent leur argent à l’étranger et s’apprêtent à fuir en laissant le peuple mourir de faim tandis que le pays s’écroule». Des propos qui résonnent avec le contexte de dure crise économique traversée aujourd’hui par le royaume, alors que le souverain Rama X a décidé de passer toute la durée du confinement en Allemagne.

Pour la première fois dans l’histoire récente, des pancartes et des slogans ouvertement antimonarchistes ont été vus dans ces rassemblements, tenus bien haut par des manifestants enhardis par le port généralisé du masque. Mais la plupart préfèrent s’en prendre aux injustices du système thaïlandais, à l’omniprésence de l’armée dans la vie politique et à un système judiciaire qui «garantit l’immunité aux riches et aux puissants», selon une jeune manifestante.

Les contestataires s’en prennent surtout à la légitimité du gouvernement en place, un groupe de militaires arrivés au pouvoir par un coup d’Etat en 2014, puis élus lors d’un scrutin très controversé, surtout depuis que la crise du coronavirus a laissé entrevoir les lacunes considérables de ses ministres en matière d’économie.

Pour l’instant, les manifestations restent circonscrites aux milieux étudiants urbains, souvent issus de familles des classes moyennes supérieures, elles-mêmes favorables aux militaires, ce qui en fait plus un clash générationnel qu’une révolution. Mais c’est peut-être ce qui pourrait faire toute la différence avec les précédents mouvements de rue en faveur d’une démocratisation, écrasés jusqu’ici dans le sang.

Le Premier ministre Prayuth a d’ailleurs adopté un ton beaucoup plus conciliant envers «les petits frères», affirmant «comprendre leur colère», comparé à celui qu’il employait contre les Chemises rouges, paysans riziculteurs du Nord-Est. Ceux-là sont régulièrement accusés d’être «des communistes», et de ne pas être assez éduqués pour comprendre les enjeux du système politique.

1 août 2020

A Hongkong, des législatives repoussées et la colère du camp prodémocratie

Le gouvernement, qui justifie ce report par la hausse des cas de coronavirus, a aussi rejeté la candidature de douze candidats d’opposition.

Carrie Lam, dirigeante de l’exécutif hongkongais nommée par Pékin, a annoncé, vendredi 31 juillet, le report des élections législatives qui étaient prévues en septembre, en raison de la hausse des cas de coronavirus. Ces élections devaient permettre de renouveler le Conseil législatif (LegCo, le Parlement). « J’annonce aujourd’hui la décision la plus difficile de ces sept derniers mois (…) qui est de reporter les élections au Conseil législatif », a-t-elle dit.

Hongkong a recensé plus de 3 000 cas de contamination par le nouveau coronavirus depuis janvier, avec un record quotidien de 149 nouvelles infections signalées jeudi. Plus de la moitié d’entre elles l’ont été depuis le début du mois de juillet.

Cette décision risque d’alimenter la colère du camp prodémocratie. Un tel report risque de nuire aux espoirs de l’opposition de remporter une victoire sans précédent après l’instauration, à l’initiative de Pékin, d’une loi de sécurité nationale accusée par ses détracteurs de saper les libertés des habitants. Après sa large victoire aux élections organisées au niveau des districts de la ville fin 2019, l’opposition espère maintenir cette dynamique créée par le vaste mouvement de contestation contre l’exécutif local et le pouvoir chinois. Le Conseil législatif est élu pour moitié au suffrage direct et pour l’autre au suffrage indirect favorisant des personnalités favorables à la Chine.

La Maison Blanche a condamné l’ajournement du scrutin, estimant, par la voix de son porte-parole, que cette décision est « la dernière d’une longue liste de promesses non tenues par Pékin qui avait promis l’autonomie et le respect des libertés aux habitants de Hongkong ».

Pour sa part, l’Allemagne a annoncé, vendredi, sa décision de suspendre le traité d’extradition qui la liait à Hongkong, suivant ainsi une démarche de protestation déjà effectuée par le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni.

Rejet de la candidature de douze candidats d’opposition

« Notre résistance se poursuivra et nous espérons que le monde se tiendra à nos côtés dans les batailles à venir », a déclaré vendredi matin lors d’une conférence de presse Joshua Wong, qui avait en 2014 été le visage du « mouvement des parapluies ». | ANTHONY WALLACE / AFP

Depuis l’instauration fin juin de la loi sur la sécurité nationale, destinée à lutter contre ce que la Chine qualifie de subversion, de sécession, de terrorisme et de collusion avec les forces étrangères, la pression s’est intensifiée sur les défenseurs de la démocratie à Hongkong.

Beaucoup d’opposants ont présenté cette loi comme le dernier clou sur le cercueil du principe « un pays, deux systèmes », qui était censé garantir jusqu’en 2047 des libertés inconnues ailleurs en Chine continentale. Les semaines qui ont suivi son adoption ont confirmé la crispation brutale, avec une répression contre les militants démocrates.

Dernier exemple en date, douze candidats d’opposition, dont le jeune militant Joshua Wong mais aussi des personnalités davantage installées et plus modérées, ont vu leur candidature rejetée jeudi au motif, selon l’exécutif local, de leurs intentions subversives liées à leur hostilité à la loi sur la sécurité nationale. Le gouvernement dément toute censure ou atteinte au droit de candidature.

« Notre résistance se poursuivra et nous espérons que le monde se tiendra à nos côtés dans les batailles à venir », a déclaré, vendredi matin, lors d’une conférence de presse Joshua Wong, qui avait en 2014 été le visage du « mouvement des parapluies ». « C’est sans aucun doute la période de fraude électorale la plus scandaleuse de l’histoire de Hongkong », a déclaré celui que les autorités avaient déjà empêché de se présenter aux élections locales de novembre 2019, au cours desquelles le camp prodémocratie avait triomphé.

L’opposition espérait capitaliser sur la popularité de la contestation

Dans un communiqué, l’exécutif a dressé une longue liste des raisons de ces disqualifications, citant le fait que certains candidats aient critiqué la loi sur la sécurité ou refusé de reconnaître la souveraineté chinoise. Plus ubuesque, il a reproché à certains le fait qu’ils aient l’intention de conquérir la majorité au LegCo.

Le camp prodémocratie espérait, en effet, capitaliser sur la popularité de la contestation, et sur son succès aux scrutins locaux en novembre 2019, pour obtenir pour la première fois la majorité dans une chambre qui est ainsi composée qu’elle penche normalement quasi automatiquement du côté des pro-Pékin.

Plus de 600 000 Hongkongais avaient participé à la mi-juillet aux primaires organisées par le camp prodémocratie dans cette ville de 7,5 millions d’habitants, une consultation largement analysée comme un grand succès populaire.

1 août 2020

Tribune - « L’Europe peut nous aider à sauver l’Amazonie »

Par Sonia Guajajara, Coordonnatrice exécutive de l'Articulation des peuples indigènes au Brésil, Marie Laura Canineu, Directrice du bureau de Human Rights Watch au Brésil

Alors que la destruction de la forêt tropicale se poursuit, Sonia Guajajara, coordonnatrice exécutive de l’Articulation des peuples indigènes du Brésil, et Maria Laura Canineu, directrice du bureau de Human Rights Watch, exhortent, dans une tribune au « Monde », l’Union européenne à ne pas ratifier l’accord commercial avec le Mercosur si le chef d’Etat brésilien n’honore pas ses engagements environnementaux

« Notre maison brûle », avait déclaré le président Emmanuel Macron en août 2019, alors que les feux de forêt faisaient rage en Amazonie brésilienne. « Dans ces conditions », avertissait-il, la France n’appuierait pas l’accord commercial en cours de négociation entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur [alliance commerciale entre le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay], qui prévoit des engagements à lutter contre la déforestation.

ON S’ATTEND À CE QUE LES INCENDIES REPRENNENT BIENTÔT, ET QU’ILS SOIENT PEUT-ÊTRE MÊME PIRES QU’EN 2019.

La situation en Amazonie n’a fait que s’aggraver, surtout pour nos communautés autochtones, en première ligne des efforts de défense de la forêt tropicale. On s’attend à ce que les incendies reprennent bientôt, et qu’ils soient peut-être pires qu’en 2019, alors même que nous sommes encore sous le choc de la pandémie due au Covid-19, qui ravage les communautés de l’Amazonie et le Brésil tout entier.

Maintenant, plus que jamais, nous avons besoin que les dirigeants européens s’expriment sur des engagements forts en faveur de l’environnement – comme l’a fait Emmanuel Macron, le 29 juin, lorsqu’il a réitéré ses doutes à propos de l’accord UE-Mercosur. Mais, s’ils veulent avoir un impact réel, ils devraient énoncer plus clairement ce que le Brésil doit faire exactement pour lever leurs doutes quant aux engagements du pays à lutter contre le réchauffement climatique.

Forte reprise de la déforestation au Brésil

Le président brésilien, Jair Bolsonaro, a rejeté avec rage les critiques de Macron et des autres dirigeants européens, qu’il voit comme des insultes à la souveraineté brésilienne. Mais Bolsonaro ne parle pas au nom des nombreux Brésiliens, d’origine autochtone et non autochtone, qui se battent depuis des années pour préserver notre forêt.

ENTRE 2004 ET 2012, NOUS AVIONS RÉUSSI À ATTEINDRE UNE DIMINUTION DE 80 % DE LA DÉFORESTATION.

Il fut un temps où le Brésil était un leader mondial de la préservation des forêts. Entre 2004 et 2012, nous avions réussi à atteindre une diminution de 80 % de la déforestation. Mais après 2012, avec des coupes budgétaires et des politiques indigentes, qui ont fragilisé les instances de protection de l’environnement, la déforestation a repris de plus belle.

Cette recrudescence est le fait de réseaux criminels violents contre lesquels le gouvernement de Bolsonaro n’a strictement rien fait pour nous protéger. En 2019, un rapport de Human Rights Watch a documenté comment ces mafias locales menacent, attaquent et tuent des agents de la protection de l’environnement, des membres de communautés autochtones et d’autres personnes vivant dans la forêt tropicale qui se mettent en travers de leur chemin. Les meurtriers sont rarement traduits en justice.

La déréglementation de la politique environnementale

Autrement dit, le véritable conflit autour de l’Amazonie n’oppose pas la souveraineté brésilienne et l’écologie européenne, mais les mafias criminelles pillant la forêt tropicale et les Brésiliens respectueux de la loi qui tentent de les arrêter.

Bolsonaro se range de fait du côté des mafias. Il a saboté les agences de protection de l’environnement du Brésil, déjà fragilisées, et s’est donné pour mission d’écarter les groupes de défense de l’environnement. Son ministre de l’environnement a récemment été enregistré en train de l’exhorter à poursuivre la déréglementation de la politique environnementale tant que l’attention des médias est accaparée par la pandémie due au Covid-19.

Rien d’étonnant, dans ces circonstances, à ce que la déforestation ait augmenté de plus de 80 % en 2019 – d’après des données basées sur les alertes en temps réel de l’Institut national de recherches spatiales brésilien – et continue à augmenter cette année ; ni que les menaces envers les défenseurs de la forêt se soient poursuivies, de même que la progression dans les territoires autochtones des mineurs, bûcherons et autres intrus, enhardis par les politiques anti-environnementales de Bolsonaro.

Etablir des critères clairs basés sur des résultats concrets

Les scientifiques affirment que la déforestation incontrôlée pousse rapidement l’Amazonie vers un « point de basculement » où elle cessera d’être un « puits de carbone » et libérera les quantités massives de carbone qu’elle avait stockées. Cela empirera la crise climatique, qui menace tout autant les Européens que les Brésiliens.

L’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, dont les grands principes ont été convenus en juin, comprend des engagements à lutter contre la déforestation et à respecter l’accord de Paris sur le climat. Mais quel sens cela aurait-il que l’UE ratifie cet accord, alors que Bolsonaro manifeste ouvertement son intention de ne pas honorer une seule de ses composantes, en démantelant délibérément la capacité du Brésil à se conformer à ces dispositions et en précipitant ce « point de basculement » où toute conformité pourrait devenir impossible ?

L’UE devrait au contraire adresser un message clair et catégorique à Bolsonaro : pas de ratification tant que le Brésil ne se montre pas disposé à honorer ses engagements environnementaux. Pour évaluer cette disposition, des critères clairs devraient être établis, basés sur des résultats concrets, et non sur des plans ou propositions.

Ces critères devront s’attaquer aux problèmes corrélés au cœur de cette crise : la violence et la déforestation.

Premier point : des progrès substantiels devront être faits pour mettre fin à l’impunité pour les violences à l’encontre des défenseurs de la forêt, mesurés par le nombre d’affaires de ce type faisant l’objet d’une enquête, de poursuites et d’un procès.

Second point : une réduction du taux de déforestation suffisante devra être opérée pour remettre le pays sur la voie de la réalisation de ses propres objectifs dans le cadre de l’accord de Paris.

Bolsonaro ne se soucie pas de ce que les Brésiliens comme nous ont à dire, au sein des communautés autochtones et de la société civile. Il ne se soucie pas davantage de protéger la forêt tropicale ou de combattre le réchauffement climatique. Il est en revanche certain que l’accord UE-Mercosur a une grande importance pour lui et son gouvernement.

La France et l’Union européenne devraient utiliser intelligemment cette opportunité. Cela pourrait bien être notre dernier espoir de protéger nos territoires autochtones et de sauver notre Amazonie.

31 juillet 2020

Législatives à Hongkong : les candidatures de douze militants pro-démocratie disqualifiées

La candidature de Joshua Wong, figure du « Mouvement des parapluies », a notamment été invalidée pour ces élections. Pékin a salué cette décision, qualifiant ces candidats de « délinquants ».

Les candidatures aux législatives hongkongaises de douze militants pro-démocratie, parmi lesquels Joshua Wong, figure du « Mouvement des parapluies », ont été invalidées, ont annoncé, jeudi 30 juillet, les candidats recalés. Ils ont dénoncé un « mépris total » de Pékin envers les Hongkongais. La Chine a rapidement salué la disqualification des « délinquants » du processus électoral.

Les Hongkongais sont appelés aux urnes début septembre pour des élections au Conseil législatif (LegCo, le Parlement local) cruciales, neuf mois après le triomphe du mouvement pro-démocratie aux élections locales, alors que l’ex-colonie britannique a vécu en 2019 sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997.

« Je viens juste d’être disqualifié pour les élections au LegCo, alors que j’étais le plus grand vainqueur des primaires », a annoncé dans un tweet Joshua Wong, qui avait été le visage du « Mouvement des parapluies » en 2014. Plus de 600 000 Hongkongais ont participé à la mi-juillet aux primaires organisées par les partis du camp pro-démocratie dans la ville de 7,5 millions d’habitants.

La veille, mercredi 29 juillet, la police de Hongkong a arrêté quatre étudiants d’un mouvement indépendantiste dans le cadre de la nouvelle loi controversée sur la sécurité nationale, imposée par Pékin à son territoire semi-autonome le 30 juin.

« La mesure de répression la plus importante »

« Pékin fait preuve d’un mépris total à l’égard de la volonté des Hongkongais, foule aux pieds (…) l’autonomie de la ville et cherche à maintenir le Parlement hongkongais sous son joug », a ajouté M. Wong. Il a dénoncé « la mesure de répression la plus importante » contre le camp pro-démocratie, en expliquant que les autorités avaient disqualifié « presque tous les candidats pro-démocratie, depuis les groupes progressistes les plus récents aux partis modérés traditionnels ».

« Le gouvernement hongkongais soutient la décision (…) d’invalider douze candidatures aux élections au conseil législatif », a-t-il annoncé dans un communiqué.

Plusieurs des candidats recalés ont confirmé sur les réseaux sociaux ces invalidations, et notamment certaines figures comme Gwyneth Ho, Lester Shum, Tiffany Yuen et Fergus Leung. Le Parti civique, l’une des formations les plus en vue de la mouvance pro-démocratie, a annoncé que quatre de ses membres n’avaient pas été autorisés à se présenter : Alvin Yeung, Dennis Kwok, Kwok Ka-ki et Cheng Tat-hung.

Triomphe pro-démocratie lors des dernières élections

Le LegCo compte 70 membres désignés selon un système alambiqué qui garantit presque à coup sûr une majorité au bloc pro-Pékin. Seuls trente-cinq sont élus au suffrage universel direct, les autres étant principalement désignés par des groupes socioprofessionnels acquis à la Chine continentale. Mais les mouvements pro-démocratie espéraient traduire à nouveau dans les urnes le succès de leur extraordinaire mobilisation de l’an passé.

Hongkong a été le théâtre pendant six mois de manifestations quasi quotidiennes pour défendre les libertés et dénoncer les ingérences de la Chine dans les affaires de sa région semi-autonome. La popularité de ces revendications s’est confirmée lors des élections locales de novembre 2019 marquées par un triomphe du camp pro-démocratie qui a pris le contrôle de dix-sept des dix-huit districts du territoire.

Plus récemment, la loi sur la sécurité nationale, imposée par Pékin en réponse à ces contestations politiques, a réduit sensiblement la liberté politique sur le territoire en sanctionnant « la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères ».

29 juillet 2020

En Turquie, première prière islamique à Sainte-Sophie transformée en mosquée

Par Marie Jégo, Istanbul, correspondante

Recep Tayyip Erdogan a assisté à la cérémonie, vendredi, avec de nombreux fidèles. Le président turc espère galvaniser son électorat grâce à la conversion de la basilique.

Aux cris de « Dieu est grand », des milliers de fidèles musulmans ont convergé, vendredi 24 juillet, vers la célèbre basilique Sainte-Sophie d’Istanbul, pour prendre part de loin à la première grande prière islamique depuis que la « grande église » a été transformée en mosquée, le 10 juillet, à la demande du président turc, Recep Tayyip Erdogan. Tout le quartier historique a été bouclé, la circulation a été interrompue, l’encadrement policier était impressionnant.

Des milliers d’hommes et de femmes se sont massés dans les endroits prévus pour eux, avec séparation des sexes, sur le parvis de la basilique, sur les places et dans les rues adjacentes, au mépris des pratiques de distanciation sociale mises en place en raison de l’épidémie due au coronavirus. Nombre de fidèles avaient campé là toute la nuit pour être sûrs d’entendre la prière scandée depuis les minarets qui flanquent l’imposante basilique.

Joyau de l’architecture byzantine, construite en 537 par l’empereur Justinien, Sainte-Sophie a été transformée en mosquée après la conquête ottomane de Constantinople, le 29 mai 1453. Après plus de quatre siècles d’existence en tant que mosquée, elle est devenue un musée en 1934, sous la présidence de Mustafa Kemal Atatürk, soucieux de la « restituer à l’humanité ».

M. Erdogan veut galvaniser son électorat

Le 10 juillet, Erdogan a annoncé sa reconversion en mosquée après que le Conseil d’Etat – la plus haute juridiction administrative de Turquie – a déclaré illégal son statut de musée.

Rendre la basilique byzantine au culte musulman, un statut conféré par le sultan Mehmet II dit le Conquérant lors de la prise de Constantinople en 1453, était un « rêve de jeunesse » caressé par Erdogan et par le mouvement islamique turc depuis longtemps. Cette conversion est cohérente avec l’objectif affiché du président, qui veut islamiser davantage son pays, jusqu’à rompre avec les fondements laïques de la République posés par Mustafa Kemal dit Atatürk, le père de la République née des cendres de l’Empire ottoman en 1923.

Apparemment, Sainte-Sophie convertie en mosquée restera ouverte aux touristes en dehors des heures des prières. L’accès en sera gratuit. Des rideaux amovibles blancs ont été installés pour recouvrir les mosaïques byzantines de l’édifice aux moments des prières, l’islam prohibant strictement les représentations figuratives.

Trois imams et cinq muezzins ont été nommés par la direction aux affaires religieuses, devenue désormais plus puissante dans l’organigramme de l’Etat turc que les ministères de l’intérieur et des affaires étrangères réunis.

La cérémonie se voulait historique. En début d’après-midi, le président Erdogan a pris place dans la basilique pour assister à la première prière musulmane communautaire jamais dite en quatre-vingt-six ans. Avant la prière, il a récité des versets du Coran, un exercice dont il est coutumier. L’événement avait des relents de campagne électorale.

Officiellement, les prochaines élections n’auront pas lieu avant 2023, mais M. Erdogan, dont la popularité est érodée après dix-huit ans de pouvoir absolu, espère galvaniser son électorat grâce à ce coup d’éclat.

Un motif de fierté nationale

Friand de sondages, il sait que son parti islamo-conservateur, l’AKP, est en perte de vitesse. On l’a vu lors des dernières élections municipales, au printemps 2019, lorsque les grandes villes turques (Istanbul, Ankara, Adana, Antalya, Mersin) ont été remportées par l’opposition kémaliste. L’économie est entrée en récession, le revenu des ménages a diminué de moitié par rapport à ce qu’il était en 2012, le chômage fait des ravages, surtout parmi les jeunes. Il s’agit donc de détourner l’attention des faux pas commis par son gouvernement, notamment de la mauvaise gestion de l’économie.

Présentée comme une « nouvelle conquête », la prise de Sainte-Sophie est devenue un motif de fierté nationale, susceptible de fédérer les islamistes, les nationalistes et l’homme de la rue. « Sainte-Sophie est à nous, elle a été conquise, nous en faisons ce que bon nous semble », ont dit des hommes rencontrés dans la péninsule historique d’Istanbul. Pour le moment, ce stratagème fonctionne, une large partie de la population soutient cette cause.

L’ambition d’Erdogan est double. Rehausser sa cote de popularité, mais aussi adresser un signal à l’Occident. A travers cette réappropriation, il vient rappeler à ses partenaires occidentaux à quel point la Turquie a changé. Sous sa houlette, elle apparaît désormais plus islamisée, plus éloignée de l’Europe, plus agressive sur la scène internationale.

Le défi n’est pas sans risques. La conversion de Sainte-Sophie est susceptible de nuire davantage aux relations déjà difficiles avec les Etats européens, notamment la Grèce, avec laquelle les tensions sont à leur comble.

M. Erdogan aime gouverner par la tension. La date choisie par lui pour sa prière islamique, le 24 juillet, n’est d’ailleurs pas fortuite. Elle marque le 97e anniversaire de la signature du traité de Lausanne, qui fonde les frontières de la Turquie actuelle et que le président, nostalgique de l’Empire ottoman, invite souvent à réviser.

Les problèmes et les fronts militaires s’accumulent. La Turquie patauge dans le bourbier syrien, elle mène une offensive risquée en Libye, elle exacerbe les tensions en Méditerranée orientale en menant des activités d’exploration et de forage gazier en grande partie dans la zone maritime grecque. Elle promet d’être un casse-tête lancinant pour ses partenaires traditionnels au sein de l’Union européenne et de l’OTAN.

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