Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
7 juillet 2020

Casting Castex

castex casting

Publicité
7 juillet 2020

Portrait - Eric Dupond-Moretti, l’ogre des assises au gouvernement

Par Pascale Robert-Diard

L’avocat pénaliste a été nommé garde des sceaux, lundi. Son arrivée au ministère pose la question des remontées d’information sur les affaires judiciaires en cours auxquelles il aura accès et qui sont susceptibles de concerner son ancien cabinet.

L’infectiologue Didier Raoult a été nommé ministre de la santé. Non, reprenons. L’avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti a été nommé garde des sceaux.

L’effet est le même. Sidération. Incrédulité. Et polémique immédiate chez les professionnels de la justice. Effet de blast garanti. Les autres annonces du remaniement renvoyées dans l’ombre, ou presque. « Nommer une personnalité aussi clivante et qui méprise à ce point les magistrats, c’est une déclaration de guerre à la magistrature », a affirmé, dès lundi 6 juillet, Céline Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats. Mais les juges n’ont pas dans l’opinion la même popularité que les médecins à l’ère du Covid-19. On peut donc prendre le risque de se les mettre à dos si, en échange, on gagne l’opinion.

Le président de la République en mal de popularité peut savourer son coup : il a attiré à lui le seul avocat dont tous les Français connaissent le nom, le visage, les exploits, les coups de gueule et les bons mots. Celui dont la moindre apparition dans une émission de télévision ou de radio fait bondir l’Audimat et dont la signature sur une jaquette de livres vaut garantie de best-seller. Celui qui remplit les salles de théâtre quand il monte seul sur scène et que les cinéastes s’arrachent à l’affiche de leurs films.

Emmanuel Macron a peut-être pensé à son lointain prédécesseur, François Mitterrand, confiant en 1993 le ministère de la ville à une personnalité aussi populaire que controversée, l’homme d’affaires, ex-animateur de télévision et patron d’équipes sportives Bernard Tapie, dans le gouvernement crépusculaire de Pierre Bérégovoy.

Talent d’orateur

A moins qu’un autre exemple, bien plus récent, n’ait inspiré le président de la République. Confronté aux audiences en berne de sa station de radio, le patron d’Europe 1 Arnaud Lagardère venait de décider d’offrir à la rentrée de septembre une chronique matinale quotidienne à… Eric Dupond-Moretti. Interrogé le 24 juin sur cette même radio, l’avocat confiait : « J’ai accepté sans hésiter. On m’offre une carte blanche de totale liberté » et il promettait de « dire un certain nombre de choses sur cette époque qui commence à m’exaspérer ».

Avant d’être, à 59 ans, celui que deux hommes de pouvoir se disputent, Eric Dupond-Moretti a été le plus grand avocat d’assises de sa génération.

A la fin des années 1990, pendant que les plus réputés de ses confrères pénalistes parisiens abandonnaient peu à peu leur clientèle de voyous, de trafiquants de stup, de braqueurs ou de violeurs pour celle des personnalités politiques et des grands patrons poursuivis par la justice, l’avocat lillois continuait de défendre « le Gitano qui a éventré une vieille femme pour lui piquer 40 euros », selon sa formule. Le futur ténor naît dans ces « heures sombres où vous tournez la clé de contact, quand le type que vous avez défendu vient de prendre quinze ans et que vous refaites tout le procès, avec l’odeur de la sueur qui remonte, les lumières blanches sur l’autoroute, la fatigue et le sandwich au thon dans la station essence ».

Sa notoriété ne dépasse alors guère les frontières du Nord, mais son exceptionnel talent d’orateur impressionne déjà les jurés d’assises. Parmi eux, sa première épouse et la mère de ses enfants, dont il est séparé depuis : « Je l’ai trouvée très belle, j’ai plaidé pour elle », racontait-il.

« Si un jour vous tuez votre femme, je serai là »

L’affaire d’Outreau le projette sur le devant de la scène. Avocat de Roselyne Godard, l’une des dix-sept personnes renvoyées pour viols, agressions sexuelles ou corruption de mineurs devant la cour d’assises du Pas-de-Calais, à Saint-Omer en 2004, il fait voler en éclat l’instruction du juge Fabrice Burgaud, obtient l’acquittement de sa cliente et s’impose comme la voix qui dénonce l’un des plus graves dysfonctionnements judiciaires de la décennie.

La carrière d’Eric Dupond-Moretti est lancée. On le réclame dans toutes les prisons de France, il sillonne les cours d’assises du Nord au Sud, d’Est en Ouest, devient le champion des acquittements inespérés.

On redoute l’artiste des prétoires qui sait renifler comme personne l’atmosphère d’une salle d’audience et surtout parler aux jurés dans la langue qui est la leur et pas celle du code de procédure pénale. « Il faut que les jurés aient envie de prendre le Ricard avec vous, pas le champagne, confiait-il en 2008, Devant une cour d’assises, on parle toujours de la même chose : de l’amour, de papa maman, de sa femme, de ses gosses. Avec les mots des pauvres gens, comme dit Ferré. Moi, j’adore les mots, mais je déteste la littérature. »

Pendant que, dans les écoles du barreau, il est consacré comme le meilleur d’entre eux, il n’est pas une promotion de futurs magistrats, pas une session de formation continue de l’Ecole nationale de la magistrature sans que le nom de Dupond-Moretti ne soit évoqué avec colère. Son bâtonnier reçoit des plaintes en rafale de magistrats « outragés » par le pénaliste. « On dit que je terrorise les juges. C’est faux, je terrorise les cons », revendique-t-il.

A Jean-Claude Decaux, le patron du groupe éponyme, qui l’invite un jour à déjeuner au début des années 2000 pour lui demander conseil, il répond que les domaines dans lesquels l’homme d’affaires pourrait avoir besoin de lui ne sont pas les siens. Mais il ajoute : « Si un jour vous tuez votre femme, je serai là. »

Les acquittements s’ajoutent aux acquittements

Le nom d’Eric Dupond-Moretti est alors associé aux plus belles affaires criminelles. Il défend les nationalistes corses, dont Yvan Colonna, comme les grandes figures mafieuses insulaires, l’ex-vedette nationale de rugby Marc Cécillon, le professeur de droit de Toulouse Jacques Viguier ou le médecin Jean-Louis Muller, accusés l’un et l’autre du meurtre de leur femme. Les acquittements s’ajoutent aux acquittements, il en a longtemps tenu le compte scrupuleux.

Devant la cour d’assises spéciale qui, à l’automne 2017, juge Abdelkader Merah, le frère de Mohammed Merah, auteur des attentats qui ont coûté la vie à sept personnes à Toulouse, dont trois enfants juifs, il déclenche une tempête en s’indignant des questions posées par les parties civiles à la mère des deux hommes, citée à la barre des témoins. « Cette femme, c’est la mère d’un accusé, mais c’est aussi la mère d’un mort », lance-t-il.

Invité le lendemain sur l’antenne de France inter, il foudroie le journaliste Nicolas Demorand qui lui demande : « Vous ne trouvez pas ça obscène de le dire comme ça, devant les familles de victimes ?

– Pourquoi, c’est pas une mère ? Cette femme n’est pas une vache qui a vêlé. Votre question est obscène. »

A l’audience, juste avant cet éclat, on l’avait entendu murmurer : « Putain, si c’était à ma mère qu’on faisait ça… »

Besoin, inextinguible, d’être aimé et admiré

Eric Dupond-Moretti est aussi cela : le fils unique d’une femme de ménage italienne, orphelin d’un père mort quand il avait 4 ans. Il y puise sa rage de réussir, socialement et financièrement, sa volonté d’être le « premier avocat de France » et le plus redouté, mais aussi le besoin, inextinguible, d’être aimé et admiré.

Mais l’ogre des assises commence à s’y ennuyer. Il veut lui aussi des chefs d’Etat africains, des personnalités politiques, des patrons du CAC 40 dans son portefeuille de clientèle.

En janvier 2016, il quitte le barreau et son bureau de Lille pour installer son cabinet dans le triangle d’or parisien, rue de la Boétie, dans le 8e arrondissement de Paris. Les clients affluent. Le roi du Maroc, des anciens ministres, dont Jérôme Cahuzac ou le maire de Levallois Patrick Balkany, renvoyés devant la justice pour fraude fiscale.

L’avocat qui murmurait à l’oreille des jurés et savait arracher leur clémence en faveur des accusés des crimes les plus lourds, ne rencontre pas le même succès auprès des magistrats professionnels qui composent les chambres financières. Sa gouaille devient grossièreté, ses coups de gueule n’effraient personne et butent sur la technicité des dossiers dans lesquelles ses confrères pénalistes des affaires obtiennent de meilleurs résultats que lui. Le plus grand des avocats d’assises touche son plafond de verre.

Alors il prend la tangente, va chercher auprès du public qui se presse à son one man show, les applaudissements et l’admiration qui sont son oxygène. Y rencontre Brigitte Macron, qui vient le féliciter. Fait l’acteur sur les écrans de cinéma. Accourt, dès qu’on le sollicite, sur les plateaux de télévision et dans les émissions de radio, toujours aussi affamé de notoriété. A un ami lillois qui lui demandait récemment pourquoi il continuait d’accepter autant d’invitations, il a répondu : « J’ai tellement peur que ça s’arrête. »

Ses formules à l’emporte-pièce continuent de ravir téléspectateurs et auditeurs. Il tempête contre la limitation de vitesse à 80 km/h, se moque de la féminisation des noms − « Pourquoi pas école paternelle et la matinoire ? » − se fige dans son personnage d’amateur de havanes, de viande saignante et de blagues sans filtre.

Macron « cherchait son Badinter »

« Nous vivons une époque avec laquelle j’ai un peu de mal. Nous sommes dans un temps de médiocrité absolue, hypermoraliste et hygiéniste », ne cesse-t-il de répéter au risque de ratiociner. Il cogne toujours autant sur les juges, dénonce leur soumission à l’air du temps, rêve de supprimer l’Ecole nationale de la magistrature et le lien entre le parquet et le siège.

Il y a quelques jours, il tonnait encore contre les magistrats du Parquet national financier (PNF) à propos d’une enquête menée en marge de l’affaire qui vaut à l’un de ses meilleurs amis, l’avocat et conseil de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog d’être poursuivi aux côtés de l’ancien président de la République pour trafic d’influence.

Dans le cadre de cette enquête, les procureurs cherchaient à savoir qui avait pu informer Thierry Herzog que le téléphone occulte qu’il utilisait pour s’entretenir avec Nicolas Sarkozy était sur écoutes. Les fadettes de plusieurs avocats avaient été épluchées et leurs téléphones géolocalisés, dont celui d’Eric Dupond-Moretti, qui a porté plainte. Il l’a retirée dans la foulée de sa nomination à la Chancellerie, a fait savoir l’Elysée.

Mais face aux protestations des ténors et à l’émoi du barreau de Paris, l’ex-garde des sceaux, Nicole Belloubet, avait demandé le 1er juillet à l’inspection générale de la justice de « conduire une inspection de fonctionnement sur cette enquête », dont les conclusions doivent être rendues le 15 septembre. Elles seront donc déposées sur le bureau de son successeur… Eric Dupond-Moretti.

L’associé de son cabinet, Antoine Vey, a pour sa part précisé qu’Eric Dupond-Moretti a été omis du barreau dans la foulée de son entrée au gouvernement. Sa nomination pose toutefois la question des remontées d’information sur les affaires judiciaires en cours auxquelles il aura accès et qui sont susceptibles de concerner son ancien cabinet.

Il y a un an, alors que la rumeur d’un remaniement courait, un émissaire de la présidence de la République avait confié à l’un des avocats les plus réputés de Paris, qu’Emmanuel Macron « cherchait son Badinter ». Il a peut-être trouvé son Didier Raoult.

7 juillet 2020

Gouvernement Castex : quelques surprises, une droite renforcée mais « pas de gros changement »

castex66

Par Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié

Eric Dupond-Moretti nommé à la justice et Roselyne Bachelot à la culture sont les seules véritables surprises d’un nouveau gouvernement qui consacre l’évolution du macronisme vers la droite.

Il avait promis de se « réinventer », de promouvoir « de nouveaux visages », et de donner une coloration plus sociale et écologique à la fin de son quinquennat. Mais au final, Emmanuel Macron n’a pas décidé de renverser la table.

Après avoir affirmé à plusieurs reprises qu’il ne changerait pas le fond de sa politique, puis avoir nommé Jean Castex à Matignon, un homme du centre droit, comme Edouard Philippe, la composition du gouvernement, présentée lundi 6 juillet, ressemble elle aussi à une forme de changement dans la continuité.

Alors que de « nombreuses surprises » étaient annoncées, la nouvelle équipe − composée de trente ministres et ministres délégués − enregistre peu de nouvelles prises. Lors d’une rencontre avec les parlementaires de la majorité, lundi soir, le nouveau premier ministre a lui-même reconnu qu’il n’y avait « pas de gros changement ».

« Dupond-Moretti, c’est le choix paillettes »

Les principales surprises sont l’arrivée de l’ex-ministre de la santé, Roselyne Bachelot, à la culture, et de l’avocat médiatique et souvent en butte avec la magistrature, Eric Dupond-Moretti, à la justice. Deux figures connues du grand public, destinées à donner du clinquant à l’exécutif, parfois jugé trop terne, trop « techno ». « Dupond-Moretti, c’est le choix paillettes du président », concède un intime du chef de l’Etat.

Autre enseignement : la promotion de Gérald Darmanin à l’intérieur, en remplacement de Christophe Castaner, qui avait perdu la confiance des forces de l’ordre. Un choix qui confirme la place de premier plan occupée par le maire de Tourcoing (Nord) au sein de la Macronie, après avoir réussi un sans-faute au budget et avoir été réélu au premier tour des municipales. « Darmanin a donné des gages. Il est loyal vis-à-vis du président et méritait cette promotion », justifie un conseiller du chef de l’Etat. Un choix qui étonne néanmoins au sein de la majorité, où l’on souligne que ce transfuge de la droite reste proche de Nicolas Sarkozy et de Xavier Bertrand, un potentiel rival de M. Macron pour la présidentielle de 2022.

Parmi les huit entrants figurent également la députée La République en marche (LRM) de la Somme, Barbara Pompili, qui devient ministre de la transition écologique et gagne le logement. L’ex-secrétaire d’Etat sous François Hollande aura la lourde responsabilité d’incarner le volontarisme vert de M. Macron, après le départ de Nicolas Hulot en 2018 et le passage jugé trop effacé de sa prédécesseure, Elisabeth Borne, qui avait succédé à François de Rugy. Le député (ex-LRM) de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, l’exhorte à « tenir bon pour traduire sans filtre les 146 engagements de la convention citoyenne et pour gagner de beaux arbitrages budgétaires ».

Les grands équilibres restent inchangés

Au-delà de ces nouveautés, les grands équilibres restent inchangés. Neuf ministres conservent leur portefeuille, parfois avec des ajustements.

Parmi les poids lourds, Bruno Le Maire garde Bercy, en élargissant son périmètre (économie, finances) à la relance. Pas de mouvement non plus pour Jean-Yves Le Drian (Quai d’Orsay), Florence Parly (défense), Olivier Véran (solidarités et santé), ou encore Jean-Michel Blanquer (éducation, jeunesse et sports). Pour le reste, ce remaniement consiste essentiellement à des changements de portefeuille. Julien Denormandie prend ainsi l’agriculture, laissant le logement à Emmanuelle Wargon. Autre exemple : Sébastien Lecornu passe des collectivités territoriales à l’outre-mer.

Une absence de nouveautés qui peut s’expliquer par la volonté d’avoir des ministres capables « d’entrer en action tout de suite », comme l’a souhaité M. Castex, la veille. « Ce gouvernement affiche une forme de normalisation, il ressemble davantage à la France, il est très hétérogène, très composite », vante l’Elysée.

Mais ce nouvel exécutif fait aussi tiquer au sein de la Macronie. « Ce n’est qu’un jeu de chaises musicales. Pas sûr qu’on soit en train de se réinventer juste avec Bachelot et Dupond-Moretti », peste un cadre de LRM.

L’aile gauche de la majorité s’interroge notamment sur le poids pris par les ministres venus de la droite. Roselyne Bachelot et Brigitte Klinkert, ex-Les Républicains (LR) elle aussi, viennent s’ajouter à Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Franck Riester et Amélie de Montchalin, déjà présents. Sans compter le chef du gouvernement, issu lui aussi de LR. En face, les éléments issus de la gauche − Jean-Yves Le Drian, Florence Parly, Barbara Pompili, Olivier Dussopt ou Brigitte Bourguignon − sont moins nombreux à occuper des postes clés.

« La droite tient les rênes »

Matignon, Beauvau, Bercy… « La droite tient les rênes. La gauche est sur les accessoires et les ministres délégués », grimace un fidèle du chef de l’Etat, qui pointe les départs de Christophe Castaner, Didier Guillaume, Sibeth Ndiaye et Nicole Belloubet, tous ex-socialistes.

« Ce n’est pas un remaniement mais un reniement. Celui des valeurs fondatrices d’En Marche ! et du dépassement politique », s’emporte un cadre de la majorité. « La droite paraît renforcée. Il va pourtant falloir tenir compte du résultat des municipales, avec la poussée de la gauche et des écologistes », prévient la députée (LRM) des Bouches-du-Rhône Claire Pitollat. Certains de ses collègues pointent un gouvernement « giscardo-sarkozyste » et l’évolution de LRM vers un parti de centre droit, ressemblant à l’UDF.

La veille du remaniement, l’Elysée décrivait pourtant un chef de l’Etat « toujours dans l’esprit du “en même temps” », désireux de « continuer à travailler au dépassement politique ». « La poutre va continuer à travailler des deux côtés », assurait un conseiller, promettant des « surprises » venues de la gauche. Certaines personnalités ont bien été approchées mais ont refusé les offres de l’exécutif, comme la présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, ou l’écologiste Laurence Tubiana.

Sans surprise, l’Elysée se défend de tout parti pris. Au contraire, « ce gouvernement conforte le “en même temps” prôné par le président. Les grands ministères sont aux mains de marcheurs de la première heure, Le Drian, Véran, Le Maire, Blanquer, le directeur de cabinet de Matignon vient de la gauche… », énumère un proche de M. Macron. De même, pas question de voir dans le nouvel exécutif l’ombre de Nicolas Sarkozy, comme accusent certains macronistes. « Péchenard, Fontenoy, Bazin n’ont pas été nommés, contrairement à ce que certains disaient, c’est la preuve que Sarkozy n’impose rien », assure un conseiller.

Les historiques de la campagne de 2017 ne sont pas reconduits

En ne reconduisant pas Christophe Castaner à Beauvau ni Sibeth Ndiaye au porte-parolat, M. Macron coupe aussi les ponts avec les historiques de sa campagne de 2017.

Sibeth Ndiaye « a eu de belles propositions pour continuer dans ce gouvernement mais elle a pris la décision d’arrêter », indique son entourage, évoquant « un choix personnel ». Outre Gabriel Attal, qui la remplace, seuls Julien Denormandie et Marlène Schiappa sont pour l’instant sauvés par le président.

« C’est la fin de l’aventure initiale », regrette un macroniste historique. « Christophe Castaner et Sibeth Ndiaye sont les deux grands brûlés du remaniement », concède un habitué de l’Elysée. Le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement aura lieu mardi, avant l’annonce de la dizaine de secrétaires d’Etat, qui viendront compléter l’équipe, dans les prochains jours.

En attendant, ce nouveau casting consacre d’ores et déjà la prééminence de M. Macron. Alors qu’il avait dans un premier temps prévu de prononcer sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale dès le milieu de cette semaine, M. Castex devra finalement attendre que le chef de l’Etat s’exprime le 14 juillet.

En juillet 2017, ce dernier avait procédé de la même manière avec Edouard Philippe. Il avait déjà tracé les grandes lignes de son quinquennat devant le Parlement réuni en Congrès, à Versailles, à la veille du discours de son premier ministre.

6 juillet 2020

Jean Castex veut régler « à court terme » le dossier des retraites

« La crise a aggravé fortement le déficit de nos régimes de retraite. Je souhaite reprendre le dialogue avec les partenaires sociaux, c’est indispensable », explique le premier ministre.

Le nouveau premier ministre, Jean Castex, affirme souhaiter conclure le Ségur de la santé « la semaine prochaine » et régler « à court terme » le dossier des retraites, dans un entretien publié le 5 juillet dans le Journal du dimanche (JDD), où il prévient ne pas croire « au consensus mou ».

« Des décisions essentielles sont sur la table. L’emploi, évidemment, qui dans le contexte actuel requiert une mobilisation de tous dans le cadre de la nouvelle donne sociale lancée par le président de la République. Le soutien aux soignants et la transformation de notre système de santé dans le cadre du Ségur que je conclurai la semaine prochaine », a-t-il déclaré.

Faute d’accord avec les syndicats avant un remaniement imminent, le gouvernement de son prédécesseur Edouard Philippe avait décidé jeudi de prolonger de quelques jours le Ségur de la santé, alors qu’une enveloppe de 7 milliards d’euros se trouve sur la table pour les salaires des soignants.

« Nouvel agenda social »

« Le plan de relance doit être finalisé. A quoi s’ajoutent les réformes qui étaient dans les tuyaux sur les retraites et sur l’assurance chômage. Et celle de la dépendance qui devra venir ensuite et qui correspond à une nécessité. Tous ces sujets sont directement impactés par la crise, ce qui nécessite de les reprendre dans un cadre concerté et avec une cohérence d’ensemble », a-t-il ajouté.

Interrogé sur les inquiétudes des syndicats concernant les retraites, il a affirmé que « dire qu’on va réexaminer un sujet, ce n’est pas se renier. C’est montrer notre capacité d’adaptation aux nouvelles circonstances, qui sont douloureuses ».

« Par exemple, la crise a aggravé fortement le déficit de nos régimes de retraite. Je souhaite reprendre le dialogue avec les partenaires sociaux, c’est indispensable. Arriverons-nous à régler ces dossiers à court terme ? C’est mon souhait », a-t-il dit.

« A minima, nous devrons nous fixer un nouvel agenda social », a-t-il poursuivi, affirmant espérer un « compromis, qui n’est pas une compromission » pour sauver les régimes de protection sociale.

« Je ne crois pas au consensus mou »

Il a défini sa méthode comme « un mélange de volontarisme et d’expérience, avec le souci de rassembler ». « Mais attention, je ne crois pas au consensus mou. Le temps est à l’action », a-t-il averti.

Il a dit mettre « les bouchées doubles » avec Emmanuel Macron pour annoncer au plus vite son gouvernement. Répondant aux rumeurs sur une équipe resserrée autour de grands pôles principaux, il a affirmé ne « pas être sûr que des périmètres trop étendus soient forcément la garantie d’une plus grande efficacité ».

Après la forte percée verte aux municipales, il a répété que l’écologie n’était « pas une option ». « C’est une obligation », a-t-il ajouté. Il entend « accélérer » les décisions en listant « avec les acteurs locaux tout ce que l’on peut faire immédiatement » comme la lutte contre les fuites dans les réseaux d’eau, contre l’artificialisation des terres, pour l’isolement thermique, les toitures photovoltaïques, ou le bien-être animal.

Ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée sous Nicolas Sarkozy, Jean Castex, qui vient de rendre sa carte chez Les Républicains, s’est dit « peu attaché aux affaires des partis » mais a estimé « naturel » de s’inscrire « sans ambiguïté » dans la majorité présidentielle, car « celui qui accepte de devenir premier ministre est, par vocation, le chef de la majorité : c’est son devoir de l’animer et de l’associer ».

Face à ses détracteurs qui le voient comme un simple exécutant de la volonté présidentielle, il a souligné qu’il n’entrait « pas dans les intentions du chef de l’Etat de faire de [lui] un subordonné voué aux tâches secondaires ». Et de poursuivre : « Quand vous aurez appris à me connaître, vous verrez que ma personnalité n’est pas soluble dans le terme de “collaborateur” ».

Concertation sur les retraites : pour les syndicats, « ce n’est pas le moment ». La nouvelle phase de discussions voulue par Emmanuel Macron sur les retraites est-elle compromise ? Dans un entretien aux quotidiens régionaux, vendredi 3 juillet, le président a annoncé qu’il demanderait au gouvernement « de réengager (…) dès l’été » une concertation avec les partenaires sociaux sur le « volet des équilibres financiers » des régimes de pension. Avec, à la clé, une possible augmentation de la durée de cotisation, qui semble avoir la préférence du chef de l’Etat. Son initiative est jugée inopportune par les organisations de salariés. « La priorité des priorités, ça doit être l’emploi, a réagi, vendredi sur France Inter, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. On ne va pas se remettre à se foutre sur la gueule sur la question des retraites dans cette période. » Numéro deux de la CGT, Catherine Perret pense qu’il « n’est pas possible que se tienne une réunion pour reprendre la réforme » – un projet qu’elle juge « dangereux ». A ses yeux, il vaudrait mieux que l’exécutif tienne d’abord sa promesse de revalorisation salariale en faveur des enseignants et des soignants : elle contribuerait à « faire rentrer des cotisations ». Pour le leader de FO, Yves Veyrier, les retraites ne constituent « pas le sujet du moment ». Il souligne qu’il y en a bien d’autres à traiter comme les réductions d’effectifs chez Airbus et Air France. François Hommeril, le président de la CFE-CGC, se dit « totalement d’accord » avec M. Veyrier : le pouvoir en place ferait preuve d’« une irresponsabilité grave » s’il relançait maintenant la réflexion sur la situation financière des caisses de retraite. Pour autant, le patron de la centrale des cadres « n’envisage pas de sécher » une éventuelle rencontre fixée par le nouveau premier ministre.

5 juillet 2020

Analyse - « Macron acte, en partie, l’effacement symbolique de la fonction de premier ministre »

Par Solenn de Royer

En nommant Jean Castex, un haut fonctionnaire inconnu du grand public et sans existence politique, le président réduit le chef du gouvernement au rang de simple « collaborateur ».

Une fois n’est pas coutume. Emmanuel Macron, qui a consulté la semaine dernière ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, s’est inspiré des deux. Au premier, il a « emprunté » son ex-collaborateur, Jean Castex, qui fut secrétaire général adjoint de l’Elysée entre 2011 et 2012, et l’a nommé à Matignon, en remplacement d’Edouard Philippe. Du second, qui plaidait dans un livre (Répondre à la crise démocratique, Fayard, 2019) pour la mise en place d’un véritable régime présidentiel, avec la suppression de la fonction de premier ministre, il a repris, au moins dans l’esprit, les préconisations institutionnelles.

Car c’est un peu de cela qu’il s’agit avec le remaniement, intervenu vendredi 3 juillet : en nommant un haut fonctionnaire totalement inconnu du grand public et sans existence politique, même si c’est un fin connaisseur de l’Etat et qu’il a une expérience d’élu local, Emmanuel Macron acte, du moins en partie, l’effacement symbolique de la fonction de premier ministre, réduit au rang de chef d’état-major, voire de simple « collaborateur », pour reprendre le mot qu’avait eu Nicolas Sarkozy pour désigner François Fillon.

« Sans préjuger des qualités du nouveau premier ministre, on peut se demander si l’on ne vient pas de supprimer de fait cette fonction, a ainsi tweeté l’ancien ministre de François Hollande, Thierry Mandon. L’article 20 de la Constitution (« le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ») devient un article vain. »

A sa nomination, il y a trois ans, Edouard Philippe était certes peu connu des Français mais pour le président élu, issu de la gauche, le maire (LR) du Havre apparaissait comme une belle prise de guerre à droite. M. Philippe permettait en outre à M. Macron de mettre en scène sa promesse du « en même temps », une politique « et de droite et de gauche ».

L’ancien collaborateur d’Alain Juppé montait surtout à bord avec de précieuses troupes LR, contribuant ensuite à structurer l’un des pôles de la majorité. Rien de tel avec Jean Castex, même si cet ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy et de Xavier Bertrand vient, lui aussi, des rangs de LR.

« OPA » de l’Elysée sur Matignon

Téléguidée par l’Elysée, qui avait échoué à imposer ce choix à Edouard Philippe en 2017, la nomination d’un très proche d’Emmanuel Macron, Nicolas Revel, comme directeur du cabinet de Jean Castex, renforce encore cette impression d’« OPA » de l’Elysée sur Matignon. « Macron vient de se nommer à Matignon », sourit un ancien conseiller élyséen, qui a fréquenté l’« inséparable » binôme Macron-Revel, quand les deux hommes étaient secrétaires généraux adjoints de la présidence, pendant le quinquennat de François Hollande.

Pour le sondeur et politologue Jérôme Fourquet, la nomination d’un « techno sans surface politique » contribue à la « dépolitisation de Matignon ». « Macron ne veut pas d’un premier ministre qui lui fasse de l’ombre, poursuit-il. Il fait de Matignon un rouage fonctionnel qu’il espère le plus performant possible, afin qu’entre la volonté présidentielle et l’application de celle-ci sur le terrain, le délai soit le plus court possible. Il jugeait que dans certains dossiers, Edouard Philippe avait le pied sur le frein ».

Une dépolitisation logique aux yeux de l’ancien conseiller élyséen Julien Vaulpré, devenu directeur général du cabinet de conseil Taddeo. « Avec l’atomisation du monde politique, le choix du premier ministre ne résulte plus d’un rapport de force politique, comme avant, mais d’un climat d’opinion, d’un état d’esprit du pays », souligne-t-il.

Certes, plusieurs nominations à Matignon de techniciens, comme le diplomate Maurice Couve de Murville, l’administrateur colonial Pierre Messmer ou le professeur d’économie Raymond Barre, ont émaillé l’histoire de la Ve République. « Messmer succède à Chaban-Delmas qui commençait à faire de l’ombre à Pompidou, rappelle le spécialiste de l’opinion, Jérôme Sainte-Marie. Même chose pour Raymond Barre, un pur technicien, qui prend la suite de l’ambitieux Jacques Chirac auprès de Giscard. » Mais « Couve », Messmer ou Barre avaient été longuement ministres avant d’accéder à Matignon, ce qui n’est pas le cas de Castex, missionné par le gouvernement quelques semaines seulement, début avril, pour organiser le déconfinement.

Par ailleurs, l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont encore renforcé l’affaiblissement du premier ministre, chargé d’animer une majorité parlementaire élue dans le sillage du président et grâce à lui. « Avec la nomination de Castex, Macron ne fait qu’acter une disparition du premier ministre découlant de la logique institutionnelle, analyse la chercheuse associée à la Fondation Jean-Jaurès Chloé Morin. L’opinion a compris que tout était entre les mains du président. La majorité parlementaire lui est soumise, il n’y a plus de cohabitation, et le premier ministre n’est plus qu’un exécutant. »

« Hyperrégime présidentiel »

Bien souvent, désormais, plus populaire que le président, le premier ministre ne protège plus ce dernier. Il ne peut plus être un fusible. En nommant à Matignon un grand commis de l’Etat, apprécié dans les cercles du pouvoir mais totalement inconnu des Français, Macron pousse cette logique à l’extrême.

Mais c’est un pari politiquement périlleux. Alors que se profile une crise économique et sociale majeure, le chef de l’Etat, déjà impopulaire, prend le risque de concentrer encore davantage les critiques et les tirs contre lui. « Il surexpose encore davantage la fonction suprême, conçue comme étant garante de l’équilibre, du rassemblement et de l’apaisement », observe l’ancien député socialiste Gilles Savary.

Consacrer symboliquement l’effacement du premier ministre sans pour autant changer les institutions – en renforçant, par exemple, le rôle et les pouvoirs du Parlement, ou en instaurant une procédure d’empêchement à l’américaine – risque en outre de faire glisser encore un peu la Ve République vers un « hyperrégime présidentiel, sans contrepoids », poursuit-il, en contradiction avec les promesses d’introduire plus de démocratie participative. Ce qui pourrait frustrer l’opinion, tout en contribuant à resserrer, encore un peu plus, l’étau autour du président.

Publicité
4 juillet 2020

Vu de l’étranger - Remaniement : en choisissant Jean Castex, Emmanuel Macron “maintient la barre à droite”

edouard vacances

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Le nouveau Premier ministre et son prédécesseur Édouard Philippe ont des profils “très similaires”, constate la presse européenne. Un choix fait dans l’optique de la présidentielle 2022, non sans risques.

Avec le départ d’Édouard Philippe de Matignon, vendredi 3 juillet, s’est “ouvert formellement le dernier chapitre de la présidence d’Emmanuel Macron”, écrit Le Soir. Mais en choisissant Jean Castex, un ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy âgé de 55 ans, pour le remplacer à la tête du gouvernement, le chef de l’État “maintient la barre à droite”.

“On est loin du virage social annoncé par le président”, constate le quotidien belge, qui rappelle qu’il y a quelques mois, “en pleine crise sanitaire”, Emmanuel Macron “avait asséné aux Français ‘J’ai changé’”.

Politico Europe abonde dans le même sens :

Le nouveau Premier ministre et son prédécesseur ont des profils très similaires : ce sont tous deux des politiciens conservateurs de la même génération, peu connus du grand public avant leur nomination. Cela soulèvera sans aucun doute des questions sur les promesses passées de M. Macron de nommer des profils plus diversifiés (disons, une femme).”

Un choix fait avec 2022 en tête, décrypte The Guardian. “Si le présent doit continuer à séduire les électeurs de centre-gauche, Marine Le Pen du Rassemblement national (RN), parti d’extrême-droite, a de grandes chances d’être présente à nouveau au second tour de l’élection présidentielle. On considère donc que Macron doit avant tout recueillir le soutien des électeurs de droite” pour l’emporter, explique le journal britannique.

“Philippe, mais en mieux”

Si le profil de Jean Castex le classe à droite, le gouvernement qu’il formera la semaine prochaine pourrait lui s’ouvrir à la gauche et aux écologistes, après la vague verte aux municipales dimanche dernier, note de son côté Bloomberg. “En laissant tomber Philippe, un politicien de centre-droit qui n’est même pas techniquement membre d’En Marche !, Macron a ouvert la voie à un virement à gauche s’il le souhaite, ou à un territoire plus respectueux de l’environnement, alors que les électeurs (s’en) préoccupent.”

Une probabilité d’autant plus crédible que Jean Castex “a été décrit par un fonctionnaire comme un ‘gaulliste social’ – une référence à l’aile plus interventionniste et plus sociale de LR”, relève The Guardian.

Et, ajoute Politico Europe, “Castex a des qualités qui étaient considérées comme manquantes chez Philippe, notamment la capacité de tendre la main à l’autre versant de l’échiquier politique”. Ce qui fait dire au magazine, qu’“il est Philippe mais en mieux (c’est ce que pense l’Élysée)”.

“Macron prend un risque politique”

Pour Bloomberg, en opérant tous ces calculs, “Emmanuel Macron prend un risque politique”.

Malgré tous les éléments prévisibles et sûrs de cette décision, elle marque un risque politique croissant dans la deuxième économie de la zone euro. Certes, Macron est toujours le mieux placé dans les sondages pour battre Marine Le Pen en 2022, mais peut-être avec une marge plus étroite qu’en 2017 pour lui assurer la victoire. Le pays est de plus en plus fragmenté selon des lignes idéologiques. […] Les changements politiques et économiques potentiellement énormes qui se profilent, après le Covid-19, ne mettront pas seulement la pression sur Macron, mais aggraveront aussi les divisions internes de son parti.”

Dans ce contexte, remplacer son chef de gouvernement était “le moins mauvais des mauvais choix”.

Pour l’instant, le bénéficiaire évident de cette situation semble être Édouard Philippe. Les ministres populaires ont tendance à devenir des candidats à la présidence lorsqu’ils sont chassés du gouvernement, tout comme Macron lui-même lorsqu’il a rompu avec son prédécesseur François Hollande. Philippe était un bon et loyal Premier ministre qui est allé très loin – nous n’avons pas fini d’entendre parler de lui. […] Il était facile de faire sauter un fusible – mais pas de trouver le remplaçant parfait.”

4 juillet 2020

Avec Jean Castex comme premier ministre, Emmanuel Macron assume de vouloir gouverner seul

jean castex22

Par Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié

Le chef de l’Etat a choisi un haut fonctionnaire et élu local de 55 ans au profil de « collaborateur », censé lui faire moins d’ombre à Matignon.

Il entend être le seul patron. Après avoir dirigé le pays en binôme avec Edouard Philippe pendant trois ans, Emmanuel Macron a décidé, vendredi 3 juillet, de remplacer son premier ministre, si populaire dans l’opinion et qui n’hésitait plus à contester certains choix, par Jean Castex (photo ci-dessus) , un haut fonctionnaire et élu local de 55 ans, censé lui faire moins d’ombre. Un profil de « collaborateur », qui illustre la volonté du chef de l’Etat d’être à la manœuvre pour la dernière ligne droite de son quinquennat, avant de se lancer dans la campagne pour la présidentielle de 2022. « Macron a décidé de cumuler les deux postes. Il fera président et premier ministre en même temps ! », s’amuse un responsable de la majorité.

Inconnu de la plupart des Français, le nouvel occupant de Matignon n’a jamais eu d’expérience politique nationale. Ancien conseiller régional du Languedoc-Roussillon, actuel conseiller départemental des Pyrénées-Orientales et maire de Prades, une petite ville de 6 000 habitants située à l’ouest de Perpignan, Jean Castex était jusqu’ici – un peu – connu pour avoir élaboré le plan de déconfinement mis en œuvre par l’exécutif à partir du 11 mai. C’est lors de ces nombreux échanges au cours de cette période que le haut fonctionnaire aurait séduit le chef de l’Etat par son « esprit de dialogue et de responsabilité ». « Jean Castex, c’est l’homme du déconfinement réussi », se félicite-t-on à l’Elysée.

Un profil qui correspond en tout cas à l’envie de M. Macron de « diriger le pays à bride courte », sans partager le pouvoir avec une personnalité de premier plan. « Le président a la volonté, dans les deux prochaines années, de gouverner lui-même. Il veut être maître de son destin et de sa réélection », explique un proche.

A entendre les macronistes, leur champion, qu’ils présentent comme « intuitif » et « transformateur », ne voulait plus être « corseté » dans ses initiatives par le chef du gouvernement, comme cela a pu être le cas avec M. Philippe. « Il reste juste le temps nécessaire pour que les changements mis en œuvre produisent des résultats avant la fin du quinquennat », justifie l’entourage de M. Macron. « Le président voulait gouverner », concède celui de M. Philippe. Un rôle en second plan intégré par M. Castex lui-même : « Je ne suis pas là pour chercher la lumière. Je suis ici pour chercher des résultats », a-t-il affirmé sur TF1, vendredi soir.

Impression de mise sous tutelle

Une impression de mise sous tutelle renforcée par le choix de Nicolas Revel pour diriger le cabinet du premier ministre. L’actuel directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie, fils des journalistes Jean-François Revel et Claude Sarraute (ancienne collaboratrice du Monde), est un proche de M. Macron. Les deux hommes ont travaillé ensemble pour François Hollande, au secrétariat général de l’Elysée. M. Macron s’occupait alors des dossiers économiques, M. Revel, des questions sociales.

Lors de son élection en 2017, le nouveau chef de l’Etat avait déjà tenté d’imposer son ami à Matignon, mais M. Philippe s’y était opposé, craignant une trop grande dépendance. Il avait préféré confier le poste à l’un de ses proches, Benoît Ribadeau-Dumas.

« CASTEX, C’EST UNE INCARNATION DU “EN MÊME TEMPS”. C’EST PARIS ET PRADES, UN COUTEAU SUISSE QUI AIME L’ETAT MAIS AUSSI LES TERRITOIRES », ÉNUMÈRE-T-ON À L’ELYSÉE

Sans surprise, l’Elysée rejette l’accusation d’avoir choisi un simple « collaborateur » pour Matignon, qui ne serait là que pour obéir aux ordres du chef de l’Etat. « Jean Castex n’est pas un fantoche ou un factotum. Il a du caractère, ce n’est pas un chef de bureau, il l’a montré durant le déconfinement », assure un conseiller de M. Macron.

De fait, le délégué interministériel chargé du plan de déconfinement s’était opposé durement à certains poids lourds du gouvernement lors de la phase de préparation de la sortie de crise du Covid-19. Il avait notamment imposé au ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, une rentrée scolaire progressive et partielle, alors que ce dernier, réputé proche de M. Macron, militait pour un retour rapide de tous les enfants à l’école.

« Profil parfait pour la reconstruction »

Pour les macronistes, le choix de l’ex-conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Elysée est au contraire « très macronien ». « Castex, c’est une incarnation du “en même temps”. C’est Paris et Prades, c’est la Cour des comptes et le conseil départemental, un couteau suisse qui aime l’Etat mais aussi les territoires, c’est une rupture dans la continuité », énumère-t-on à l’Elysée. « Il connaît le terrain, la santé, les élus, le social, il a réussi le déconfinement… C’est le profil parfait pour la reconstruction maintes fois évoquée », abonde un visiteur du soir du chef de l’Etat.

Lors de son discours de passation des pouvoirs, vendredi en fin de journée, Jean Castex a d’ailleurs souligné en creux ses différences avec M. Philippe, expliquant qu’« une nouvelle étape du quinquennat s’ouvre » et que « les méthodes devront être adaptées ». « Il nous faudra plus que jamais réunir la nation », a-t-il ajouté, alors que son prédécesseur était souvent critiqué pour sa raideur.

SUR LE PLAN POLITIQUE, LE CHOIX DE JEAN CASTEX A AUSSI L’AVANTAGE DE NEUTRALISER XAVIER BERTRAND, QUI S’ANNONCE COMME UN RIVAL POUR 2022

En nommant une deuxième fois un maire Les Républicains (LR) à Matignon – Jean Castex a quitté LR il y a quelques jours, comme l’avait fait Edouard Philippe en 2017 à l’annonce de sa nomination –, M. Macron fait aussi le choix de poursuivre sa fracturation de la droite. Celle-ci avait été bien entamée par M. Philippe, qui avait emmené avec lui plusieurs de ses proches au gouvernement, comme Gérald Darmanin ou Sébastien Lecornu. La rumeur prête d’ailleurs au président l’intention de nommer d’autres figures de la droite dans son nouveau gouvernement, qui est attendu avant le prochain conseil des ministres, prévu le mercredi 8 juillet.

Jean Castex n’a pas indiqué s’il comptait adhérer à La République en marche (LRM), ce que s’était toujours refusé à faire son prédécesseur. Le choix de cet ex-collaborateur de M. Sarkozy et de Xavier Bertrand illustre surtout la volonté du chef de l’Etat de conserver son socle électoral, composé d’une partie de sympathisants LR. « C’est un choix rassurant pour les gens de droite », estime un pilier de la majorité, qui voit également dans la nomination de l’élu local le symbole de « la place importante » que M. Macron veut « accorder aux territoires ».

« Gaulliste social »

Sur le plan politique, le choix de Jean Castex a aussi l’avantage de neutraliser Xavier Bertrand, qui s’annonce comme un rival pour 2022. Le nouveau premier ministre est un proche du président des Hauts-de-France : il a été son directeur de cabinet de 2006 à 2008, au ministère de la santé puis du travail, et les deux hommes sont restés proches.

« Castex est un gaulliste social. Le nommer à Matignon est malin, Xavier Bertrand aura beaucoup de mal à critiquer la politique menée par son ancien bras droit », savoure un parlementaire de la majorité. « Je connais et j’apprécie les qualités de serviteur de l’Etat de Jean Castex (…). Puissent-elles corriger les mauvais choix du président de la République », a tweeté l’élu LR quelques heures après la nomination de son ancien conseiller.

Plusieurs élus de l’aile droite de la majorité se sont d’ailleurs réjouis de la promotion de M. Castex, vantant « un grand commis de l’Etat ». « C’est un homme d’honneur et un immense travailleur », juge ainsi la députée (LRM, Paris) Olivia Grégoire, qui décrit un « fin connaisseur des arcanes de l’Etat ». Il a surtout l’avantage de cocher de nombreuses cases, souligne sa collègue de l’Essonne, Marie Guévenoux. « C’est un élu local, connaissant parfaitement le fonctionnement de l’Etat et qui a supervisé le déconfinement… Son profil présente beaucoup d’atouts. » « Sa compétence et son expérience seront essentielles pour la reconstruction du pays après la crise », abonde le député (LRM, Français de l’étranger) Pieyre-Alexandre Anglade.

« L’adoubement de la droite au sommet de l’Etat »

L’aile gauche de la majorité, à l’inverse, raille le choix d’un « Philippe en moins bien ». « Macron a remplacé un premier ministre techno, de droite et populaire, par un premier ministre techno, de droite et inconnu », résume de manière cruelle un député macroniste issu du PS, déplorant « l’adoubement de la droite au sommet de l’Etat ».

« Jean Castex est a priori plus à droite et plus techno que son prédécesseur mais sans sa popularité. Quelle est la logique ? Sauf à ce qu’Emmanuel Macron veuille gouverner lui-même, mais alors demandons-nous s’il y a encore besoin d’un premier ministre », estime le député (ex-LRM, Val-d’Oise) Aurélien Taché. D’autres jugent, en outre, M. Castex peu compatible avec le tournant écologique et social promis par M. Macron. « Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne l’a pas souvent entendu parler d’écologie pour l’instant », remarque le député (ex-LRM, Maine-et-Loire) Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot.

Quant à Edouard Philippe, son entourage récuse l’idée que le choix de démissionner lui aurait été imposé. « Il y avait une logique à cette nomination, il fallait incarner le changement voulu par le président, il était normal de prendre quelqu’un d’autre pour faire autrement », explique un conseiller du désormais ex-premier ministre. Pas question de parler de rupture, donc. « Edouard Philippe sait ce qu’il doit au président. Etre premier ministre a été pour lui le plus grand des honneurs. Il n’a aucune amertume et beaucoup de reconnaissance », ajoute ce proche, qui décrit un homme « heureux et fier du travail accompli ».

Signe de cette bonne entente, l’Elysée a indiqué que M. Philippe allait s’occuper de la structuration de la majorité en vue des prochaines élections. « Le président lui a demandé de l’aider à construire un nouveau parti politique », assure un conseiller. Sorti exsangue des municipales, LRM cherche un second souffle et doit d’urgence être revitalisé sous peine de disparaître. Un moyen aussi pour l’Elysée de garder un œil sur un ex-premier ministre populaire et qui pourrait se présenter comme un recours si M. Macron était en difficulté à l’approche de 2022.

Mais cette mission ne devrait pas démarrer de suite. « Dès ce week-end, Edouard Philippe retourne au Havre », confie son entourage. Habitué à faire passer des messages par le biais de ses boutons de manchette, l’ex-premier ministre avait donné le ton vendredi : il arborait des tongs roses en bouton de manchettes à ses poignets.

4 juillet 2020

Portrait - Jean Castex, un inconnu à Matignon

castex01

Par Julie Carriat, Grégoire Biseau, Sarah Belouezzane

Chargé du déconfinement pendant la crise sanitaire, Jean Castex a été choisi par Emmanuel Macron pour remplacer Edouard Philippe. Haut fonctionnaire et élu local de droite, il a tenté vendredi d’installer sa différence, à l’heure où les oppositions voient en lui un simple collaborateur du chef de l’Etat.

Il y a à peine trois mois, des lustres en ces temps de crise sanitaire, Edouard Philippe présentait aux Français cet inconnu de 55 ans comme « un haut fonctionnaire qui connaît parfaitement le monde de la santé ».

Jean Castex, ex-pilote discret du déconfinement, a été propulsé, vendredi 3 juillet, à la tête du gouvernement. L’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée de Nicolas Sarkozy, maire de Prades (Pyrénées-Orientales), a rendu tout récemment sa carte au parti Les Républicains (LR). Par son parcours, l’énarque choisi par Emmanuel Macron pour son « nouveau chemin » porte tous les attributs d’une droite à l’ancienne, doublés toutefois d’un précieux alibi pour le chef de l’Etat : une expérience des mandats locaux et du dialogue social.

C’est cette veine que le nouveau premier ministre s’est employé à creuser, vendredi, lors de la passation des pouvoirs à Matignon, après avoir semblé crouler sous le poids des compliments adressés à Edouard Philippe, à moins que ce ne soit la longueur des applaudissements destinés à son prédécesseur.

« Les priorités devront évoluer »

« Un maire du Sud, du monde rural, vient donc remplacer un maire du nord de la Loire, d’une grande ville industrielle, maritime », a-t-il déclaré de son léger accent du Gers. C’était pour mieux souligner ensuite, l’air de rien, la nécessité d’une nouvelle gestion, plus ronde, moins « droit dans ses bottes » au vu de la gravité de la crise sociale à venir. « Les priorités devront donc évoluer, a-t-il lancé, les méthodes devront donc être adaptées et il nous faudra plus que jamais réunir la nation pour lutter contre cette crise qui s’installe. »

Quelques heures plus tard, sur le plateau de TF1, le nouveau premier ministre s’est décrit comme un « gaulliste social », avant d’égrener ses valeurs, « responsabilité », « laïcité », « autorité » et de reconnaître que « l’écologie n’est pas une option ».

Si Edouard Philippe s’autorisait volontiers à briller par ses talents oratoires, Jean Castex afficherait plutôt des dehors madrés. L’énarque a fait ses débuts dans une affectation modeste après la Cour des Comptes, la direction des affaires sanitaires et sociales du Var, au point que certains, à l’ENA, s’étonnaient du choix « bas de gamme » de leur brillant camarade. Entre autres coïncidences d’un parcours qui déroule tout l’annuaire de la haute administration, il a accueilli à cette époque comme stagiaire énarque Alexis Kohler, l’actuel secrétaire général de l’Elysée et bras droit incontournable d’Emmanuel Macron.

Proche de Xavier Bertrand et de Nicolas Sarkozy

Fin connaisseur du ministère de la santé, il fut d’abord directeur général de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, à partir de 2005, un mandat au cours duquel la gauche lui reproche notamment l’installation d’une logique de coût dans les hôpitaux.

Il rejoindra ensuite le cabinet de Xavier Bertrand, ministre de la santé puis du travail de Jacques Chirac. Sous Nicolas Sarkozy, il accède en 2011 à un poste clé, secrétaire général adjoint de l’Elysée. Ses successeurs sous François Hollande auront pour nom Emmanuel Macron et Nicolas Revel, un triangle de « technos » aujourd’hui réuni.

La vraie rencontre entre Emmanuel Macron et Jean Castex n’a toutefois lieu qu’en 2017, lors de sa nomination au poste de délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Pendant la crise sanitaire, appelé pour piloter le déconfinement, il aura tenu sa réputation de discrétion et de « redoutable efficacité » selon Edouard Philippe, en dosant impératifs de prudence et de relance. Son adresse lui valait, avant qu’il ne devienne premier ministre, des louanges de tout bord.

Tous voient désormais en lui l’incarnation d’un gouvernement entièrement à la main d’Emmanuel Macron. Au sein de son ancienne famille politique, on confirme la lettre, « très succincte » arrivée vendredi matin au 238 rue de Vaugirard annonçant sa démission de LR, mais on réfute qu’il fasse partie du premier cercle de Nicolas Sarkozy.

Jean Castex, qui disait au début des années 2000 « politiquement, je suis de droite et je l’assume parfaitement », n’a jamais été de cette garde rapprochée à la fidélité sans faille à Nicolas Sarkozy, assure-t-on. « Je ne l’ai jamais vu aux réunions du dimanche soir, ni aux réunions de crise », tente de se remémorer l’un de ses membres. « Castex a été un techno de la Sarkozie, pas vraiment un politique », explique un autre.

Pour autant, le nouveau premier ministre semble jouir de l’« affection », du « respect » et même de « l’amitié » de l’ancien chef de l’Etat. De là à y voir un éclaireur des sarkozystes dans ce nouveau gouvernement ? Certains mettent en garde contre une analyse jugée hâtive, mais qui pourrait être confirmée par d’autres entrées au gouvernement.

« Castex est un alliage entre la haute fonction publique et l’élu local, il a la capacité de répondre aux crises du moment : sanitaire, économique et bientôt sociale », salue Franck Louvrier, ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy et maire de La Baule-Escoublac (Loire-Atlantique).

Réélu maire de Prades à 76 %

Depuis quelques années, le haut fonctionnaire a pris du champ par rapport à LR. Sa dernière prise de position remonte à 2012 : dans la guerre entre Jean-François Copé et François Fillon pour le contrôle du parti, il avait soutenu le second, plus par opposition au premier que par réelle adhésion. Depuis, il se tenait à distance des écuries, se refusant, dans la primaire de 2016, à soutenir quiconque malgré les appels du pied des juppéistes.

Aussi, à LR, on affirme que son départ du parti n’est pas une grande perte et on souligne que Jean Castex et Christian Jacob, le patron de la formation de droite, ne se sont pas appelés et que d’ailleurs, ils ne se connaissent pas.

« Non seulement il est déjà un collaborateur de la Macronie, mais en plus il est difficile de considérer que ce monsieur ait un jour incarné une figure nationale de la droite. C’est un haut fonctionnaire, un collaborateur des pouvoirs. Ce n’est ni un défaut ni une qualité, c’est un profil qui n’a rien à voir avec les convictions politiques », avance Aurélien Pradié, député du Lot et numéro trois de LR.

Outre les réseaux politiques, l’expérience de M. Castex est à chercher dans son dialogue avec les corps intermédiaires. Recommandé à Nicolas Sarkozy par Raymond Soubie, qui fut conseiller social de l’ancien chef de l’Etat, l’homme entretient en effet avec les organisations syndicales d’excellentes relations de travail, et même des relations personnelles avec Jean-Claude Mailly, ex-secrétaire général de Force ouvrière, et des liens d’estime réciproque avec Bernard Thibault, de la CGT.

Cette affabilité, il la décline en outre chez lui à Prades. Maire depuis 2008, réélu à près 76 % à la mi-mars, il a cédé la place vendredi à son premier adjoint, mais assure, en douze ans, avoir rendu visite à presque tous les 6 000 habitants de la commune. Il aime à raconter que dès qu’un mécontent se fait jour, il fait en sorte d’aller sonner chez lui pour comprendre ce qui se passe. « C’est imparable », assure-t-il. Nul doute qu’il aura l’occasion d’éprouver la méthode à Matignon.

26 juin 2020

Après la parenthèse Ivry, le siège du PS de retour à Paris

Article de Sylvia Zappi

Adieu la banlieue, retour à Paris ! Le Parti socialiste (PS) pourrait repasser le périphérique d’ici à la fin de l’année 2020. Le premier secrétaire, Olivier Faure, a annoncé à son bureau national, mardi 23 juin, qu’il était en discussion avec la Fondation Jean Jaurès (FJJ) pour acquérir les locaux de son centre d’archives de la cité Malesherbes, dans le 9e arrondissement de la capitale. La décision n’est pas encore prise formellement mais l’hypothèse soulage déjà élus et salariés du PS alors que la FJJ est, elle, intéressée par les locaux actuels du parti à Ivry-sur-Seine. Cela fait pourtant à peine deux ans que le PS s’est installé dans une petite rue modeste de cette commune du Val-de-Marne, après avoir quitté la rue de Solférino.

Le symbole avait été affiché comme un rapprochement des socialistes avec leurs racines populaires : « Nous avons fait le choix de réintégrer un quartier qui est plus proche de ce que nous portons, et de ceux pour qui nous nous battons », assurait le premier secrétaire, lors de l’inauguration de l’ancienne manufacture flambant neuve, en janvier 2019. Mais le spleen a vite gagné les rangs de certains élus, déçus de voir leur parti relégué loin des lieux de décision parisiens.

Olivier Faure savait que la FJJ, créée par Pierre Mauroy, était désireuse de déménager ses archives et souhaitait pouvoir mieux accueillir les quelque 300 chercheurs qui les consultent annuellement. Son centre de la cité Malesherbes ne fait que 400 m2. Trop petit pour le parti. Mais le confinement a bouleversé les habitudes militantes. Avec des élus et permanents en télétravail forcé, les 1 000 m2 d’Ivry sont devenus trop spacieux pour le PS. D’autant que cet espace était peu investi. Olivier Faure avait bien du mal à convaincre ses camarades de s’y déplacer. Il y avait bien plus de présents lors des bureaux nationaux en visioconférence durant le confinement qu’en présentiel au siège avant.

C’est lors d’un déjeuner, début mars, que le dossier a été scellé avec Henri Nallet, président de la FJJ. Le conseil d’administration de la fondation a donné son feu vert, mercredi 24 juin. « Nous n’avons pour le moment affirmé qu’un principe d’intérêt réciproque. Mais c’est vrai que le siège d’Ivry correspond exactement à ce que nous cherchons », confirme Gilles Finchelstein, son directeur général. La transaction pourrait prendre la forme d’un échange ou d’une vente croisée et ne devrait intervenir que d’ici trois mois. Au lendemain d’élections municipales qui s’annoncent plutôt favorables pour la gauche, et le PS en particulier, le numéro un pourrait offrir à nouveau une vitrine parisienne à son parti.

25 juin 2020

Référendum ?

IMG_2326

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 > >>
Publicité