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Jours tranquilles à Paris
7 septembre 2019

« Pour les modernes, il faut faire tomber le dogme de l’artiste occidental, blanc, masculin, dominant »

Par Michel Guerrin

Les débats au Conseil international des musées révèlent une fracture entre ceux qui restent tournés vers les collections, et ceux qui veulent mettre au centre le débat sociétal et social, raconte dans sa chronique Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde ».

Un musée, vous pensez savoir ce que c’est. Une institution qui conserve, expose, acquiert, étudie des œuvres et des objets divers pour le plaisir de l’œil et l’éducation de tous. C’est du reste la définition qui prévaut depuis une cinquantaine d’années, que les musées soient prestigieux ou non, européens ou asiatiques, dévolus à l’art, aux sciences, à l’histoire, etc. Eh bien, vous avez tout faux. Une nouvelle définition est débattue à Kyoto, au Japon, par des experts du monde entier. Elle sera soumise au vote le 7 septembre. Elle n’a plus rien à voir avec l’ancienne, au point de provoquer de sacrés remous.

L’affaire est sérieuse, car l’organisme qui préside aux débats n’a rien de fantaisiste. Il s’agit de l’ICOM (Conseil international des musées, en anglais), qui réunit pas moins de 45 000 professionnels issus de 20 000 musées dans 141 pays, et structurés en comités nationaux. Son pouvoir de décision est nul mais ses recommandations sont écoutées, elles donnent le « la » dans la vie des musées. Et disent l’état d’esprit dominant.

La nouvelle définition a été dévoilée par l’ICOM le 25 juillet. Les mots limpides de l’ancienne sont remplacés par un charabia vaporeux, évacuant au passage des mots familiers comme art, œuvre, institution, collection, éducation, conservation, recherche… Prenons la première phrase : « Les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs. » Puis : « Ils sont les dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société. » Leurs fonctions : « Ils sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour diverses communautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter, exposer, et améliorer les compréhensions du monde. » Leur objectif : « Contribuer à la dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire. »

Prisme communautaire et décolonialiste

Le nouveau texte est plus proche du manifeste emphatique et prophétique que d’une définition. Il est passionnant pour ce qu’il révèle : une bataille idéologique entre anciens et modernes. Les anciens, ce sont les musées dont l’action est tournée sur les collections. Les modernes veulent mettre au centre le public, le débat sociétal et social. Les mots « inclusif », « polyphonique » ou « participatif » signifient que les experts muséaux doivent partager le pouvoir avec le public, notamment les exclus et communautés minoritaires. Le musée traditionnel étant un lieu de domination à décoloniser, il faut faire tomber le dogme de l’artiste occidental, blanc, masculin, dominant, et rayer la primauté des arts sur les expressions vernaculaires.

Cette offensive ne vient pas de nulle part. Elle est dans l’air du temps. Elle est le prolongement de l’entrée en force, depuis des années, des cultural studies ou gender studies dans les universités américaines avant de gagner l’Europe : étudier les sciences humaines sous le prisme communautaire, des minorités et du décolonialisme. En conséquence le nouveau texte ne parle plus de collections mais de « collecte », ne parle plus d’œuvres ou de patrimoine mais de « spécimens » ou d’« artefacts », ne parle plus d’éducation (trop dirigiste et colonialiste) mais de l’« interprétation » des œuvres pour améliorer les « compréhensions du monde ».

Que la section ICOM des Etats-Unis soit en faveur du texte n’est pas une surprise tant le prisme communautaire et décolonialiste est central dans leurs musées. Ce n’est pas une surprise, non plus, que derrière le texte on trouve les pays d’Europe du Nord et notamment sa tête pensante, la Danoise Jette Sandahl, qui a créé le Musée de la femme du Danemark et le Musée des cultures du monde à Göteborg, en Suède. Cette dernière est très claire : en août, elle a dit que l’ancienne définition « ne parle pas le langage du XXIe siècle » et qu’elle doit être « historicisée, contextualisée, dénaturalisée et décolonialisée ».

Camp contre camp

Ces trublions sont si radicaux que la fronde enfle depuis la divulgation du nouveau texte. Elle est partie de France, rejointe depuis par vingt-sept pays. On y trouve la plupart des Etats d’Europe, dont la Russie, mais aussi le Canada, l’Argentine, l’Iran ou Israël. Depuis, c’est camp contre camp et les coups pleuvent. Les frondeurs jugent la définition trop politique, non opérationnelle, étroite, culpabilisante, clivante – si vous êtes contre, vous êtes réactionnaire et néocolonialiste. Même le Canada est contre, alors que ce pays, depuis des années, met en avant le rôle social des musées.

C’est le principal reproche. Pourquoi une telle définition restrictive alors que les musées sont si différents ? Pourquoi ne pas conserver l’ancienne définition et y ajouter des mots sur l’ouverture aux questions sociales et sociétales que personne ne conteste ? Au lieu de quoi, ce texte exclut les grands musées du monde, le Louvre en tête (des collections prestigieuses, un public de touristes), et n’explique pas comment imposer une musique « polyphonique » dans les milliers de petits musées de villes moyennes, dont la vie est déjà dure avec des collections pointues, des élus sur le dos, des moyens modestes et un public clairsemé.

Nous verrons comment se positionneront, le 7 septembre, les délégués d’Afrique, du monde arabo-musulman et d’Asie. Si le texte passe, il n’empêchera pas le Louvre de dormir. Mais le vote dira un rapport de forces mondial et annonce un futur tendu. L’ICOM peut exploser, tant les tensions sont vives. Elles surviennent alors que d’autres questions, cruciales, se posent aux musées : la surfréquentation de certains et le vide pour la majorité, leur financement toujours plus fragile, le modèle de l’entreprise qui gagne, les experts minorés au profit de communicants, etc. Merveilleuse ICOM, qui s’assoit sur la réalité et s’invente une discorde propre à se saborder.

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3 septembre 2019

Réflexion

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15 août 2019

Miss Tic

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11 août 2019

Gainsbourg - Réflexion

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11 juillet 2019

Alerte info - Vincent Lambert est mort

Jeudi 11 juillet 2019 - 10h21

Vincent Lambert, patient en état végétatif, est décédé ce jeudi au CHU de Reims, un peu plus d'une semaine après l'arrêt de ses traitements. Il avait 32 ans lors de son accident de voiture, le 29 septembre 2008. Il s'est éteint à l’âge de 42 ans. Un cas devenu le symbole du débat sur la fin de vie en France.

houel

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9 juillet 2019

« Nous ne pouvons que nous résigner » : les parents de Vincent Lambert ne déposeront plus de recours

vincent lambert

Par François Béguin

Le médecin de ce patient tétraplégique en état végétatif a engagé, le 2 juillet, un nouvel arrêt des traitements après une décision de la Cour de cassation.

Aucun recours ne viendra plus interrompre le processus de fin de vie de Vincent Lambert. Après six années de bataille judiciaire, Pierre et Viviane Lambert, ses parents, ont annoncé, lundi 8 juillet, dans une lettre ouverte, qu’ils ne tenteraient plus rien pour s’opposer à la décision d’arrêt des traitements de cet ancien infirmier âgé de 42 ans, en état végétatif irréversible depuis un accident de la circulation en 2008.

« La mort de Vincent est désormais inéluctable » et « si nous ne l’acceptons pas, nous ne pouvons que nous résigner dans la douleur, l’incompréhension, mais aussi dans l’espérance », écrivent-ils. « Cette fois c’est terminé (…) Il n’y a plus rien à faire sinon prier et accompagner notre cher Vincent, dans la dignité et le recueillement », font-ils valoir dans un texte aussi signé par Anne Lambert, la sœur de Vincent, et par David Philippon, son demi-frère.

Me Jérôme Triomphe et Me Jean Paillot, leurs avocats, ont de leur côté affirmé dans un communiqué que la mort de Vincent Lambert était désormais « médicalement irréversible ». La nutrition et l’hydratation artificielles qui maintiennent en vie ce patient ont de nouveau été interrompues, le 2 juillet, pour la troisième fois en six ans.

Avant de renoncer, lundi, les parents avaient de nouveau tout tenté pour enrayer le processus de fin de vie. Ils avaient saisi en urgence dès le 2 juillet le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; un recours qui avait été rejeté dès le lendemain, la décision d’arrêt des traitements ayant été validée par le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Plainte pour tentative d’homicide volontaire

Le 28 juin, la Cour de Cassation avait pour sa part estimé que le juge judiciaire n’était pas compétent et elle n’avait pas ordonné de renvoi devant une autre juridiction, confirmant que le recours engagé devant le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies n’était pas suspensif.

Pierre et Viviane Lambert avaient par ailleurs déposé une plainte pour tentative d’homicide volontaire, le 5 juillet contre le docteur Vincent Sanchez, chef du service de soins palliatifs et de l’unité de patients cérébrolésés du CHU de Reims (Marne), où est hospitalisé Vincent Lambert. Selon France Info, le praticien aurait été entendu par la police judiciaire au cours du week-end, dans le cadre d’une audition libre.

Se préparant à veiller son oncle une partie de la nuit, François Lambert, le neveu de Vincent Lambert, décrivait lundi soir au Monde un processus d’arrêt des traitements « extrêmement violent », avec « un corps qui lutte pour rester en vie, comme tous les corps le feraient ».

Après avoir annulé un rassemblement lundi après-midi place Saint-Pierre, à Paris, le comité de soutien des parents de Vincent Lambert a appelé à une « veillée » mercredi 10 juillet devant l’église Saint-Sulpice.

18 juin 2019

Réflexion

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11 juin 2019

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2 juin 2019

Asia Bibi - no comment !

29 avril 2019

Entretien - Jean-Marie Delarue : « Au nom de la sécurité, toutes nos libertés sont menacées »

Par Louise Couvelaire

Le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme estime, dans un entretien au « Monde », que les libertés fondamentales sont en « très mauvais état » en France.

Jean-Marie Delarue, 74 ans, nommé le 10 avril à la tête de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), a consacré sa vie à la défense des libertés fondamentales. Pour le conseiller d’Etat, ex-directeur des libertés publiques au ministère de l’intérieur (de 1997 à 2001) et ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté (de 2008 à 2014), elles sont aujourd’hui en danger. Nommé pour un mandat de trois ans, le haut fonctionnaire, un temps président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, entend faire entendre sa voix.

Dans quel état sont les libertés fondamentales en France ?

En très mauvais état. En apparence, nous sommes un Etat de droit, et l’on s’en flatte assez, nous avons un corpus juridique étoffé, des juges chargés de protéger nos libertés… En apparence, rien de tout ça n’est menacé.

Dans la réalité, c’est autre chose. Au nom de la sécurité, toutes nos libertés le sont. On n’arrête pas de nous dire que « la sécurité est la première de nos libertés », selon une formule désormais consacrée. C’est faux ! La sécurité est éventuellement l’une des conditions de notre liberté. Cet aphorisme est une dangereuse illusion qui pousse depuis plusieurs décennies les gouvernements à grignoter nos libertés toujours davantage.

Depuis quand ?

Le point de départ est la loi Peyrefitte de 1981, qui portait un nom prémonitoire, « Sécurité et liberté ». La démocratie était-elle alors désarmée face au terrorisme ? Au point qu’il soit nécessaire de légiférer ? Personne ne se pose la question, alors que la réponse me paraît claire : nous n’avions pas besoin de nouvelles lois pour mettre en prison des terroristes. Et ça n’est pas plus le cas aujourd’hui.

Quelles sont les conséquences ?

Par ces lois nouvelles, on installe une distinction entre le français ordinaire, qui a tous les droits, et le français suspect, qui a droit à des procédures particulières, à des juges particuliers… Cette dernière catégorie ne cesse de s’élargir. D’abord les musulmans avec l’Etat d’urgence permanent, puis les « gilets jaunes » avec la loi dite anti-casseurs. Désormais, il suffit de se trouver dans les environs d’une manifestation pour devenir un français suspect faisant l’objet de mesures extraordinaires, comme des fouilles.

Il est par ailleurs très inquiétant de voir des gouvernements donner toujours raison à leur police. Les policiers sont des gens très estimables, mais comme tout le monde, ils peuvent faire des erreurs et avoir tort. La façon dont a été traité le journaliste Gaspard Glanz est de la même façon totalement anormale. Quarante-huit heures de garde à vue, ça n’était évidemment pas nécessaire, vingt-quatre heures auraient suffi.

Il faut faire attention : c’est à l’aune dont on traite ces personnes que se juge une société. La majorité des Français croit que cela ne les concerne pas et qu’il existe un rideau étanche, or ce n’est jamais le cas. La frontière est toujours beaucoup plus fragile qu’on l’imagine. Ce n’est pas parce que l’on croit que cela ne regarde que les musulmans, les « gilets jaunes » ou la presse qu’il ne faut pas s’en émouvoir.

Vous estimez que les Français ne s’en émeuvent pas assez ?

Non. Et c’est aussi ce qui m’inquiète beaucoup. Il y a trente ans, lorsque l’on touchait à une liberté fondamentale, des pétitions circulaient, des intellectuels s’indignaient, des citoyens se mobilisaient… Aujourd’hui, à l’exception de la déchéance de nationalité annoncée en novembre 2015 par François Hollande et de la rétention de sûreté voulue par Nicolas Sarkozy en 2008, on entend peu de protestations.

En ce qui concerne les migrants, les ONG ont été les seules à « sauver l’honneur de l’Europe en Méditerranée », comme l’a déclaré au Monde mi-avril le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), Pascal Brice. C’est grave ! Comme si toutes ces lois successives avaient fini par tétaniser la protestation, comme si tout cela n’intéressait pas l’opinion.

Quel est le risque ?

Les droits de l’homme, ce n’est pas un machin qu’on met en avant de temps en temps comme une cerise sur le gâteau, ce n’est pas une décoration, ni un sapin de Noël qu’on installe une fois par an, c’est la base de tout. Il ne faut pas les poser comme des principes du passé, mais comme des principes d’avenir, comme le socle sur lequel construire de nouvelles libertés. Les droits de l’homme doivent s’appliquer à tous, en tout temps et en tout lieu. Or, on en est loin.

S’il n’y a pas de voix qui s’élèvent pour incarner ce que nous prétendons être, il n’y a aucune raison pour que la France résiste mieux que les autres pays à la tentation de renoncement à nos grandes libertés, à laquelle les gouvernements successifs ont déjà en partie cédé. Avec notre système de protection sociale, c’est pourtant ce qui nous différencie du reste du monde. Si nous abandonnons cela, nous nous renierons.

Quelle est votre feuille de route à la tête de la CNCDH ?

La CNCDH est une voix pour exprimer ces inquiétudes. C’est ce qui me motive. Sa voix ne porte pas assez, et c’est regrettable, c’est pourtant une voix indépendante, celle de la société civile. Les dangers les plus graves pour la dignité humaine se situent souvent dans les interstices que personne ne voie.

Notre rôle, à la CNCDH, est de voir où se cachent les indignités. On peut saisir les Nations unies, on peut témoigner devant le Conseil constitutionnel – ce que nous avons fait au sujet de la loi dite anti-casseurs. Par nos avis, nous essayons de faire réfléchir les pouvoirs publics. Il est d’ailleurs regrettable de voir que depuis quinze ans le gouvernement saisit rarement la CNCDH en amont lorsqu’il réfléchit à des projets de lois. Nous ne sommes pas des imprécateurs mais des lanceurs d’alerte.

Comment allez-vous travailler avec le Défenseur des droits, qui, lui, a une autorité constitutionnelle ?

Ce qui m’intéresse, c’est qu’on aille dans le même sens. Je vais rencontrer Jacques Toubon début mai. Chacun a son rôle. Le Défenseur des droits fait écho aux plaignants, la CNCDH à la société civile. Nous sommes complémentaires, pas concurrents.

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