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Jours tranquilles à Paris
13 novembre 2019

Nadine Trintignant considère Roman Polanski comme « une victime »

polanski77

Alors que plusieurs avant-premières et invitations média ont été annulées à la suite de la polémique autour de Roman Polanski, la réalisatrice – dont la fille a pourtant été victime de féminicide – est venue sur BFMTV défendre le réalisateur.

Par L'Obs

C’est un soutien pour le moins étonnant, pour ne pas dire choquant. Nadine Trintignant, dont la fille a succombé aux coups de son conjoint Bertrand Cantat, est venue sur le plateau de BFMTV défendre le réalisateur Roman Polanski, alors que sort en pleine tourmente son film « J’accuse », ce mercredi 13 novembre.

Visé par une nouvelle accusation de viol par la photographe française Valentine Monnier, Roman Polanski a été contraint d’annuler sa tournée de promotion pour son nouveau film. Jean Dujardin et Emmanuelle Seigner ont annulé des interviews télévisées tandis que des émissions enregistrées avec Louis Garrell n’ont pas été diffusées ces derniers jours.

Quelques dizaines de féministes ont également bloqué mardi soir une avant-première dans un cinéma parisien en scandant « Polanski violeur, cinémas coupables » et en brandissant des pancartes sur lesquelles est écrit « Polanski persécute les femmes ».

Le réalisateur compte néanmoins quelques soutiens. Catherine Deneuve, qui avait tourné avec lui dans « Répulsion », n’a ainsi jamais cessé de le soutenir, comme elle l’a fait à nouveau avant la Mostra, où la sélection de « J’accuse » avait indigné les féministes. Le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, avait aussi estimé en 2017 que « c’est une affaire qu’il faut bien connaître pour pouvoir en parler ». « Ça fait quarante ans […] Le pardon est nécessaire dans la société », a encore observé récemment le réalisateur Costa-Gavras, président de la Cinémathèque française. Et cet été, le directeur de la Mostra, Alberto Barbera, a plaidé pour « faire une distinction très claire entre l’homme et l’artiste ».

nadine trintignant

« Ce ne serait pas Roman Polanski, on lui ficherait la paix »

Sur le plateau de BFMTV, Nadine Trintignant a également défendu Roman Polanski. « Je suis là pour défendre Roman Polanski. Je trouve très grave de l’embêter en ce moment » a-t-elle déclaré d’emblée, lorsqu’on lui a demandé une réaction. Elle ne plaide pas pour distinguer l’homme de l’artiste mais voit le réalisateur de « J’accuse » comme une victime :

« On est sans arrêt contre lui. Ce ne serait pas Roman Polanski, on lui ficherait la paix. […] En ce moment en Europe, il y a un antisémitisme sournois qui se réveille. Ce n’est pas le moment d’accabler Roman Polanski. » Elle porte même une accusation contre Valentine Monnier : « J’ai tendance à croire Roman Polanski plutôt qu’une femme qui a mis quarante-quatre ans avant de le dénoncer. […] On devrait lui ficher la paix depuis le temps. »

 

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6 novembre 2019

Reportage « De l’autre côté, j’ai vu une lumière blanche et des personnes décédées »

Par Pascale Santi, Liège, Belgique, envoyée spéciale, Pierre Lepidi, Liège, Belgique, envoyé spécial

De nombreuses personnes disent avoir vécu une « expérience de mort imminente » lors d’un coma, ou d’une situation de danger physique ou émotionnel intense. Des chercheurs ont rassemblé près de 1 700 témoignages concernant l’« EMI ».

Victime d’un grave accident de moto en 1993 en Belgique, Eric Schouffler a été transporté dans un service de soins intensifs où il est resté plusieurs mois plongé dans le coma.

« Un jour, j’ai vu, au-dessus de moi, une immense colonne dont les parois étaient faites de voiles blancs. Ils ondulaient légèrement sous l’effet d’une brise. Je me sentais magnifiquement bien, dans une atmosphère calme et sereine, raconte-t-il aujourd’hui. Progressivement, je suis entré à l’intérieur de cette colonne et j’ai aperçu des personnes que j’avais connues et qui étaient décédées. Certaines jouaient aux cartes comme lorsque j’étais enfant, d’autres ne me montraient que leur visage. J’ai continué à monter dans cette colonne très paisible. Puis, face à une lumière intense, le visage de ma belle-mère, l’une des personnes que j’estimais le plus de son vivant, m’est apparu. Elle m’a dit : “Retourne… Redescends… Ce n’est pas pour toi maintenant.” J’ai alors fait demi-tour et je suis revenu dans mon corps. »

N’était-ce pas simplement un rêve ? « Non, c’est impossible, répond cet ancien chauffeur routier. Un rêve finit par s’oublier totalement ou partiellement. Dans cette vision, tout était clair, parfaitement net. Cette scène est ancrée dans ma mémoire depuis vingt-six ans. »

« La vie après la vie »

En 1997, à Paris, Robert Seror a été hospitalisé dans une unité de soins intensifs à cause d’une dissection de carotide. « Je me suis retrouvé une nuit au-dessus de mon lit, dans un halo de lumière intense et avec une sensation très agréable, raconte-t-il. J’ai alors vu mes parents, décédés tous les deux. Ils étaient sur une plage que je connais bien en Algérie, où j’ai passé mon enfance. Ils étaient souriants, adossés à une barque. Ils étaient jeunes, à un âge où ils se sont peut-être fiancés ou mariés, mais comme je ne les ai jamais connus. Je n’ai pas souhaité les rejoindre et j’ai réintégré mon corps… Par la suite, j’ai fait d’autres comas et j’ai revu ce halo de lumière mais sans revoir mes parents. »

Ces expériences de mort imminente (EMI) – ou Near Death Experiences (NDE), en anglais – ont été révélées au grand public au milieu des années 1970, lors de la parution du best-seller La Vie après la vie (Robert Laffont 1977, rééd. J’ai lu) du médecin américain Raymond Moody.

A travers le monde, de nombreuses expériences semblables ont été décrites, souvent lors d’une situation de danger physique ou émotionnel particulièrement intense. Selon une étude néerlandaise publiée dans Lancet en décembre 2001, 18 % des personnes (sur un échantillon de 344 patients) déclarées en mort clinique à la suite d’un arrêt cardiaque puis réanimées ont vécu une EMI.

LES EMI SONT UNE RÉALITÉ PHYSIOLOGIQUE QUI N’EST PAS SUFFISAMMENT ÉTUDIÉE. LA COMPRÉHENSION DES NIVEAUX DE CONSCIENCE EST UN ÉNORME MYSTÈRE

A l’université de Liège (Belgique), une équipe du Coma Science Group mène des recherches sur les versants neuro-anatomiques et psychologiques des EMI. Elle a rassemblé près de 1 700 témoignages en six années, dont ceux de Robert Seror et Eric Schouffler.

« Nous cherchons en permanence d’autres récits, assure Steven Laureys, neurologue et directeur de l’équipe. Les EMI sont une réalité physiologique qui n’est pas suffisamment étudiée. La compréhension des niveaux de conscience est un énorme mystère, et les financements manquent pour analyser ces phénomènes. »

L’échelle de Greyson, du nom d’un psychiatre américain, est utilisée par les neuroscientifiques pour évaluer de façon objective la crédibilité d’une EMI. Sur les seize questions qui sont posées au sujet (Des scènes de votre passé vous sont-elles revenues ? Vous a t-il semblé entrer dans un autre monde ?…), il faut obtenir au moins sept points sur un barème de trente-deux pour que l’EMI soit validée.

« On ne trouve jamais deux récits semblables, explique Steven Laureys. Mais il existe une sorte de trame commune. » Les composantes de ces expériences sont au nombre de onze : vision d’une lumière blanche et forte, rencontre avec des défunts ou un être mystique, hyperlucidité, expériences de décorporation, impression d’être mort, souvenirs d’événements de vie passée ou de prémonitions, perception altérée du temps, etc. « Certains vivent des EMI après une séance de méditation, voire après un orgasme, assure Steven Laureys. Il faut être prudent dans l’interprétation, car notre cerveau nous joue des tours. »

Sensation de bien-être

Selon une étude réalisée en 2017 auprès de 154 sujets par Charlotte Martial (neurologue au Coma Science Group et postdoctorante) et publiée dans Memory, l’impression de décorporation est rapportée dans 53 % des cas et la sensation de bien-être, composante la plus fréquente, dans 80 % des cas.

Mais certaines EMI sont, à l’inverse, vécues de manière négative. « Des “expérienceurs” [terme utilisé dans le domaine des EMI] racontent qu’ils sont arrivés dans un monde horrible, effrayant, relate Charlotte Martial. Ils ont rencontré des monstres, entendu des hurlements… » D’autres évoquent un sentiment de vide infini, une solitude immense, l’impression d’être arrivé au milieu du néant. Ceux qui relatent ces expériences dites « hellish » (de hell, l’enfer en anglais) éprouvent souvent un stress post-traumatique important.

L’équipe du Coma Science Group parvient aujourd’hui à recréer des EMI en laboratoire en suivant trois axes de recherche : l’exploration des états de conscience modifiée par des médicaments comme la kétamine (drogue anesthésiante qui serait aussi utilisée par les combattants islamistes, notamment au Mali), l’exploration du processus de conscience modifiée lors des phénomènes de syncope ou au cours d’une séance d’hypnose.

« Sous hypnose, les patients relatent un vécu phénoménologique avec une intensité émotionnelle qui est bien plus forte qu’en conscience “normale”, avec parfois des larmes. Nous avons pu mettre en évidence une signature électroencéphalographique spécifique au rappel de l’EMI sous hypnose », explique Marie-Elisabeth Faymonville, du CHU de Liège, spécialiste de l’hypnose médicale, qui a fait « revivre » leur EMI à cinq patients afin de comprendre les états de conscience modifiée.

Un cas fait débat

Peut-on considérer l’EMI comme un premier pas vers un éventuel au-delà ? « La mort est par définition irréversible, répond Steven Laureys. Dire que les gens sont conscients quand ils sont morts sème la confusion. Il ne faut pas confondre la “mort clinique”, qui n’est pas la mort, et la “mort cérébrale”, qui l’est réellement. Jusqu’à présent, personne n’est revenu de la mort cérébrale. »

Un cas fait toutefois débat. En 1991, Pamela Reynolds, une chanteuse américaine, a prouvé par la précision de son récit avoir vécu une EMI (décorporation, tunnel, lumière vive…) durant une opération d’un anévrisme géant nécessitant l’arrêt de sa circulation cérébrale et donc un encéphalogramme plat. Son cas est régulièrement cité en exemple par ceux qui défendent la thèse selon laquelle la conscience survit au-delà de l’activité cérébrale.

« C’est vrai que Pamela Reynolds a été plongée dans un coma très profond, reconnaît Steven Laureys. Son cas est fascinant car il tend à montrer qu’il faut peut-être moins d’activité cérébrale que l’on pense pour vivre une EMI. Dans le cas de Pamela Reynolds, il faudrait plus de recherches et respecter une méthodologie scientifique. »

Plusieurs équipes tentent d’élucider le mécanisme physico-chimique à l’œuvre dans une EMI et, grâce à l’imagerie cérébrale, quelques zones – comme la région temporale droite pour la sensation de sortie du corps – ont déjà été identifiées comme étant la source de différentes étapes de ce processus fascinant.

2 novembre 2019

Amour

amour

31 octobre 2019

Mourad, entraîné à 12 ans par ses parents dans le « califat » de l’EI, oublié par la France dans une prison du Nord-Est syrien

Par Allan Kaval, Gouvernorat d'Hassaké, Syrie, envoyé spécial

Rencontré par « Le Monde » dans un camp tenu par les forces kurdes, le jeune homme a tout juste 18 ans. Il retrace son départ de France, la vie dans un pays en guerre et sa détention sans issue.

Mourad (le prénom a été changé) aura 18 ans le 31 octobre et il ne se souvient plus des titres des livres qu’il aimait emprunter à la bibliothèque de son école primaire. C’était à Roubaix (Nord). Là où il est aujourd’hui, mercredi 30 octobre, dans une prison du nord-est de la Syrie, il n’y a pas de livre. Pas d’image. Quand ses parents l’ont emmené de force sur les terres de l’organisation Etat islamique (EI), il avait 12 ans et si le « califat » n’est plus, il en est resté prisonnier : « J’oublie les choses… »

Mourad a passé les six années qui le séparent de l’enfance sous les bombes et maintenant, en prison. Son visage est secoué de tics. Souvent, d’une main, il se frotte les yeux, assis dans une salle nue de la prison pour djihadistes où on l’a emmené. Il dit que quand il était petit, il aimait la natation et les mathématiques. Mourad a le visage creusé, le corps maigre. Autour de la maison de ses grands-parents, il y avait un grand jardin. Il dit que c’est aujourd’hui la veille de son anniversaire.

Comme tous les autres détenus, il porte une combinaison orange et des sandales en plastique. Les mots se heurtent dans sa bouche. Ils s’étranglent à l’évocation d’un passé qui d’ici paraît impossible. Ils sortent d’un très profond silence. Eclats de la langue de l’enfance, qui peu à peu, en lui, s’efface, ils se brisent contre l’air de la prison. Puis son regard s’enfuit dans des enfers invisibles où les souvenirs des jours heureux peinent à percer.

« J’aimais… j’aimais… l’école. » Il faut remonter le temps. Il faut traverser quelque part, dans le fond de la mémoire cette frontière si lointaine de sa vie antérieure. « Je crois que mon père… Je crois qu’il nous a dit qu’on partait tous en vacances en Turquie. On y est allé et puis il y a eu une nuit… Le matin c’était différent. Les maisons… Il y avait des choses qui explosaient. On avait changé de pays. Mon père a dit qu’on allait s’habituer. »

Répondre à l’appel du nouveau « calife »

Mourad vient d’être sorti d’une cellule où les existences de 154 hommes et jeunes garçons se mêlent dans un magma de corps malades, de couvertures grises et de soupe aux lentilles. Comme tous les autres prisonniers de ce site pénitentiaire, ces hommes ont été capturés à Baghouz en mars. Comme lui, ils faisaient parti des deniers sujets du « califat », des derniers à avoir quitté ce réduit de boue, de métal et de chair humaine qui fut le tout dernier territoire tenu par les djihadistes.

Mourad se souvient que dans son enfance, son père travaillait dans une boulangerie dans une rue toute droite aux maisons de briques rouges dont il ne sait plus très bien épeler le nom. Et un jour, fin août 2014, il a décidé d’emmener les siens sur les terres chimériques du « califat ». L’EI régnait alors en maître entre le Tigre et l’Euphrate. Son chef, Abou Bakr Al-Baghdadi, venait d’exiger l’allégeance de tous les musulmans. Le groupe djihadiste organisait depuis les villes, les villages, les banlieues du monde entier la migration de milliers d’étrangers adhérant à son idéologie de mort.

« On est parti en voiture… Mon père, ma mère, mes frères et sœurs, mes grands-parents, mes tantes, mes oncles… » Entre Irak et Syrie, les hommes d’Al-Baghdadi viennent de rétablir l’esclavage. Ils organisent le partage de leur récent butin humain de captives yézidies raflées en Irak dans les environs du mont Sinjar. Et à Roubaix, ce sont vingt-trois Français, adultes et enfants, de la même famille, emmenée par des membres radicalisés, qui quittent en voiture les ruines du nord industriel pour répondre à l’appel de leur nouveau « calife ».

Et puis, deux mois plus tard, Mourad a eu 13 ans en Syrie : « On s’est installé quelque part vers Alep là-bas… Manbij… Tout le côté maternel de la famille était là, on était ensemble. » Petit à petit l’accent du Nord revient, scintille entre les silences. Manbij est proche de la frontière turque. C’est là que les attentats de novembre 2015 ont été organisés après avoir été conçus à Rakka, la capitale du « califat ». Mourad y apprend l’arabe et la lecture du Coran.

« Baghouz, un film d’horreur »

La guerre le rattrape en 2016 avec l’arrivée des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes. D’après son récit, la guerre ne cessera plus de talonner sa famille, dont le parcours à travers la Syrie en flamme épousera désormais les retraites successives du « califat ». « On est allé à Rakka… les bombes… ça a recommencé… mon frère avait 5 ans et demi… il a été blessé. »

Quand la chute de la capitale de l’EI devient inévitable, la famille est entraînée le long de l’Euphrate dans une fuite heurtée qui la fera échouer dans le réduit de Baghouz où les derniers djihadistes défendent quelques arpents de boues semées de tentes et de cadavres. Entre-temps, selon Mourad, une de ses petites sœurs doit être amputée de la jambe après avoir reçu un éclat de mortier.

Lui, il s’est réveillé dans un hôpital avec une jambe cassée, après un bombardement : « Depuis j’ai perdu la vue d’un œil… » Il frotte sa paupière. Au cours de la dernière année du « califat », les grands-parents de Mourad fuient vers les positions tenues par les Kurdes. Il dit qu’il n’a plus eu de nouvelles d’eux, avant d’apprendre la mort de sa grand-mère dans un camp du nord-est de la Syrie.

« Baghouz c’était la pire chose que j’ai vue dans ma vie… C’est un film d’horreur… Ils tirent sur le front. Ils tirent vers l’arrière. Tu vois quelqu’un qui est dans la rue… Il tombe. Il y a des balles, des bombes. Tout le temps tu sais pas, tu comprends rien à ce qui se passe… La nourriture… rien… Le pot de confiture coûte 25 dollars, les enfants, petits, mourraient de faim. Beaucoup », se souvient, un mot après l’autre, le jeune homme.

A 17 ans, sa troisième vie commence

Là-bas, partout, la mort rôde. Mourad raconte que son père partait et revenait au front. Un jour, il n’est plus revenu. « J’étais devenu le chef de famille. Alors il y a un pacte avec les Kurdes, pour sortir les femmes, les enfants. J’ai refusé que ma mère, mes frères, mes sœurs partent…, raconte Mourad. La nuit ils bombardaient tout le temps… Tu dois oublier la lumière… » Son œil valide se perd encore. « Tu oublies la lumière… » Sa famille finit par évacuer. Il se retrouve seul et se rend aux forces kurdes.

« Je me souviens… On était dans le désert. Des Américains ont installé des tables, des ordinateurs. Les étrangers, on passait un par un », raconte Mourad qui dit qu’on a mis ses objets de valeur, sa montre, dans un sachet à son nom. Il a 17 ans lorsque sa troisième vie commence. C’est le printemps, et il est prisonnier. Des trajets en camions. Des interrogatoires. Puis, en plein été, dans une chaleur impossible, on le jette avec des dizaines d’autres prisonniers dans une cellule et on les laisse cuire, lentement.

« Vous prenez vos vêtements, vous les essorez. Ça coule sur le sol, se rappelle-t-il en tordant entre ses mains serrées un linge invisible, il y avait une ouverture, un ventilateur qui tirait l’air et puis des hommes ont commencé à mourir. Ils étouffaient. Moi je suis pas mort… Certains devenaient fous. Ils commençaient à se frapper entre eux. » Une nuit, les autorités kurdes réagissent, des ambulances arrivent, on ouvre la porte aux survivants, on leur jette de l’eau froide : « L’oxygène rentre dans leurs corps, et ils tombent dans les pommes, les uns sur les autres. » Il tape sa paume droite sur le dos de sa main gauche.

« Parfois ils disent qu’on va être jugés. Par qui ? Je sais pas »

Comme les autres prisonniers capturés à Baghouz, Mourad est arrivé au début de l’été dans la prison des combinaisons orange. Il n’a pas vu le soleil depuis. « Tu oublies la lumière. » Il énumère longuement les plats qu’on sert aux prisonniers au long des semaines, dans le même ordre, toujours : « Il y a cinq repas différents, le riz, le blé concassé, les haricots, les lentilles, les pâtes… le matin, il y a du sirop de datte, de la confiture. » L’esprit de Mourad semble s’être habitué à collecter les rares indices qui lui prouvent qu’il vit un jour différent de la veille et que malgré tout, dans la prison, le temps suit son cours.

Mais vers quoi ? « Parfois ils disent qu’on va être jugés. Par qui ? Je sais pas… Ils savent pas… » Mourad dit n’avoir jamais vu de représentant du gouvernement français. Alors qu’il a été emmené en Syrie au sortir de l’enfance, Paris, qui dispose d’une présence dans le Nord-Est syrien, semble avoir choisi de le laisser disparaître dans l’oubli de sa geôle, comme d’autres mineurs dans les camps fermés, plutôt que de lui porter assistance. Quoi qu’il ait fait en approchant de l’âge d’homme, est-ce parce qu’il est mineur qu’il n’a pas été transféré vers l’Irak, comme onze autres français, condamnés depuis à la peine de mort ?

Mais dans cette prison infestée par la maladie, un sort plus enviable l’attend-il ? Il dit aussi que la nourriture est de plus en plus rare. Et alors sa parole butte. Il y a quelque chose qu’il n’arrive pas à dire : « La vie ici, la vie avant… c’est… c’est deux choses… ça se mélange pas… c’est impossible… je… » Un garde attend. Il faut partir. Mourad va retourner dans l’ombre. C’est son anniversaire demain : « Ma mère ne sait pas si je suis mort ou vivant… » La France non plus. La dernière fois qu’elle l’a vu, il avait 12 ans.

29 octobre 2019

Décryptages - Que peut-on dire du lien entre capacités cognitives et exposition aux écrans ?

Par Mathilde Damgé

L’intérêt suscité par le livre de Michel Desmurget, « La Fabrique du crétin digital », est l’occasion de faire le point sur un domaine où, s’il existe beaucoup d’études, la science a du mal à trancher.

« La multiplication des écrans engendre une décérébration à grande échelle. » C’est ce qu’affirme le chercheur en neurosciences Michel Desmurget dans un entretien au Monde, très lu et commenté sur notre site. A l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage La Fabrique du crétin digital. Les dangers des écrans pour nos enfants, ce chercheur a aussi alerté dans de nombreux autres médias sur les risques de l’exposition des enfants aux écrans.

Dans une interview au groupe L’Est républicain, très partagée depuis quelques semaines sur Facebook, il s’inquiétait ainsi pour « la première génération dont le QI sera inférieur à la précédente ». Sur RMC, il expliquait que « plus les enfants regardent d’écrans, plus le QI diminue ».

Ces formules-chocs résumées et alarmantes se propagent massivement auprès des parents, des enseignants et des générations exposées aux écrans, suscitant de nombreuses interrogations. Le point pour y voir plus clair dans un domaine où il existe beaucoup d’études mais où la science a bien du mal à trancher.

1. Les capacités cognitives sont-elles en baisse ?

C’est le point de départ de certaines recherches concernant nos changements environnementaux (éducation, nutrition, pollutions diffuses, écrans, etc.) : on constaterait une baisse des capacités cognitives des dernières générations, plus précisément depuis le milieu des années 1990. « Depuis 2000, c’est la première fois que le QI commence à descendre », affirme ainsi Michel Desmurget sur RMC. Mais ce point de départ est-il acquis ?

Pendant longtemps, dans les pays industrialisés, on a cru que le QI moyen ne ferait qu’augmenter, avec l’amélioration de la scolarisation, du niveau d’études, des conditions sanitaires… L’accroissement régulier du résultat moyen à des tests de QI avait même un nom : l’effet Flynn, en référence au chercheur néo-zélandais James Flynn à l’origine de ce calcul.

LA NORVÈGE ET LA FINLANDE SONT LES DEUX SEULS PAYS DISPOSANT DE DONNÉES SOLIDES SUR LES CAPACITÉS COGNITIVES

Cet effet se serait inversé dans les années 1990, selon plusieurs études faisant référence, menées en Finlande et en Norvège. En France, une étude montre une baisse de 3,8 points entre 1999 et 2009, mais elle est méthodologiquement peu robuste car basée sur un échantillon, trop restreint, de 79 personnes. A l’inverse, la Norvège et la Finlande sont les deux seuls pays disposant de données solides sur les capacités cognitives de leur population, grâce à des évaluations chez les jeunes appelés faisant leur service militaire.

En Norvège, le QI moyen des conscrits a ainsi augmenté régulièrement entre les années 1980 et 1990 (les tests sont menés par les cohortes nées entre 1962 et 1975), passant de 99,5 à 102,3 ; ensuite, le score a, au contraire, décru d’année en année pour arriver à 99,7 dans les années 2000 (cohorte née en 1991). En Finlande, même évolution, dévoilée par une autre méthode, le peruskoe (test de base), créé par l’armée, qui montre une hausse des résultats des jeunes soldats pendant dix ans, puis une baisse pendant les dix années suivantes (en 1988, le score moyen est de 22,27 points ; en 1997, il est de 23,92 ; en 2009, il descend à 22,52).

Ces résultats ne sont toutefois pas confirmés à l’échelle mondiale : il y a des signes de baisse de QI dans des pays occidentaux développés, mais on ne saurait généraliser à tous les pays ni exclure que ce soit un plateau qui a été atteint.

Autre difficulté : les données sur lesquelles on s’appuie portent sur les capacités cognitives des adultes d’aujourd’hui. Or, les inquiétudes se concentrent surtout sur les générations futures, générations pour lesquelles, par définition, nous ne connaissons pas encore les résultats. Impossible donc d’avoir une certitude absolue sur l’évolution des capacités cognitives. Mais il reste possible de s’interroger sur ce qui pourrait altérer le QI.

2. Quels facteurs explicatifs possibles ?

Parmi les chercheurs tentant d’expliquer une baisse de l’intelligence humaine, la controverse est vive et hautement sensible. Certains privilégient des explications biologiques : ils avancent l’existence d’un effet dit « dysgénique », qui voudrait que les familles les moins intelligentes procréent davantage et fassent baisser le niveau. Certains de ces chercheurs pointent les effets de l’immigration : selon un article faisant la synthèse de la littérature existante et un autre article analysant les données de treize pays, les ­migrants et leurs enfants, en moyenne moins éduqués, feraient diminuer la moyenne des performances. Mais cette piste est très polémique en raison de l’instrumentalisation qui peut être faite de tels résultats.

L’étude norvégienne qui compare notamment les performances ­au sein de fratries va à l’encontre de ces explications. « Cette fois, toute différence [d’une génération par rapport à une autre] ­traduit un effet strictement environnemental, puisque les parents sont identiques », explique James Flynn, le chercheur à l’origine du concept étudié dans ces travaux.

Pendant la phase croissante du QI moyen des Norvégiens testés, l’indice « intrafamilial » a augmenté de 0,18 point par an (pour une hausse de 0,20 pour l’ensemble). A l’inverse, à partir de la génération 1975, le retournement de l’effet Flynn dans l’ensemble de la cohorte (baisse de 0,33 point) s’illustrerait par une baisse de 0,34 point par an à ­l’intérieur des familles. Les résultats des fratries évoluent de façon cohérente avec ceux de l’ensemble de la cohorte. On peut donc évacuer l’hypothèse d’une évolution liée à la personne (génétique) ou à la famille (éducation) et penser que les causes de ces évolutions sont plutôt environnementales.

Ainsi, certains métaux lourds (plomb, mercure, etc.) ou perturbateurs endocriniens (pesticides, retardateurs de flamme, etc.) pourraient altérer la construction cérébrale, assurent certains chercheurs. Plusieurs cohortes mère-enfant ont, par exemple, été suivies ces dernières années et précisent que les enfants les plus exposés in utero à des pesticides organophosphorés, des retardateurs de flamme (comme des PBDE ou des PCB), présentent des QI plus faibles que les moins exposés, toutes choses égales par ailleurs.

MAIS PARMI CES FACTEURS « ENVIRONNEMENTAUX » FIGURENT AUSSI LES ÉVOLUTIONS DE MODE DE VIE

Mais parmi ces facteurs « environnementaux », au sens large, figurent aussi les évolutions de mode de vie, et en particulier l’exposition massive aux écrans – télévisions, ordinateurs, téléphones… Pour Michel Desmurget, c’est même la cause principale. Est-ce le temps passé devant les écrans qui diminue les capacités cognitives ? Est-ce que les enfants ayant des capacités cognitives plus limitées que les autres sont plus attirés par les écrans ? Existe-t-il d’autres facteurs non mesurés ?

Une étude récente a tenté de démêler corrélation et causalité grâce à un système d’analyse statistique incluant des effets aléatoires ; cinq chercheurs canadiens ont ainsi analysé des données provenant d’une cohorte de 2 441 enfants et montré un lien réel, mais ténu, entre exposition aux écrans et développement cognitif : ainsi, une heure de plus devant les écrans par jour en moyenne vers l’âge de 2 ans provoquerait une baisse de 0,08 point du test américain Developmental Screener à 3 ans ; une heure de plus par jour à 3 ans entraînerait une baisse de 0,06 point à 5 ans.

« Ce qui est sûr, c’est que les écrans sont un facteur de risque de sédentarité ; pour le reste, on ne sait pas trop… En épidémiologie, il faut beaucoup de temps et d’efforts pour prouver la réalité d’un facteur de risque d’effet potentiellement faible. Or, nous ne sommes pas dans une situation où nous pouvons conclure… d’autant que les tests, normés, n’évoluent pas alors que les cohortes, elles, évoluent », estime le professeur Bruno Falissard, directeur du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm.

3. Les écrans sont-ils en cause, ou leur usage actuel ?

Contacté par Les Décodeurs, Michel Desmurget tient à préciser que ce ne sont pas les écrans eux-mêmes qui sont en cause, mais leur usage : « Force est de constater que l’usage récréatif qui en est fait aujourd’hui par les jeunes est débilitant. La question n’est pas de les supprimer – professionnellement je les utilise moi-même largement – mais de limiter drastiquement ces consommations débilitantes », explique-t-il.

« L’ENNUI PEUT ÊTRE FÉCOND MAIS PAS LA SOUS-STIMULATION » – M. FALISSARD

Un point sur lequel il rejoint M. Falissard, qui craint que les écrans ne soient surtout un révélateur d’inégalités préexistantes entre les enfants de différents milieux socioculturels. « L’interaction est primordiale pour le développement de l’enfant, juge le pédopsychiatre et biostatisticien. La tablette ne doit pas être une solution pour que les parents puissent se détendre sans s’occuper de leur progéniture. L’ennui peut être fécond mais pas la sous-stimulation. »

« Les jeunes issus de milieux socio-économiques défavorisés bénéficient de moins de curiosité et de moins d’accompagnement de leurs parents, et leur utilisation des outils numériques s’en ressent », souligne aussi le rapport des trois Académies de médecine, des sciences et des technologies. D’où la nécessité, lorsqu’il s’agit d’édicter des recommandations par rapport à l’exposition aux écrans, de distinguer les activités (programmes conçus pour les enfants ou pas, éducatifs ou récréatifs, etc.), le temps passé et le contexte (enfants seuls ou accompagnés).

Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie cognitive et ergonomie à l’université Rennes-II, recommande aussi « de former les parents et les enseignants au numérique pour qu’ils soient vigilants sur les collectes de données, sur les mécanismes de captation de l’attention… L’idée est de transmettre une vraie culture du numérique aux enfants. » Une idée que soutient le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clemi), qui a édité un guide à cet effet : pas d’écrans avant 3 ans, limités et accompagnés à partir de cet âge. Une recommandation désormais inscrite sur le carnet de santé de l’enfant.

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17 octobre 2019

Réflexion

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17 octobre 2019

Chronique - « Pour l’image des Etats-Unis, il y aura un avant et un après octobre 2019 »

Par Sylvie Kauffmann, Editorialiste

En abandonnant les Kurdes en Syrie et en tentant de corrompre le président ukrainien, Donald Trump a mis fin à l’idéal américain de la guerre froide, celui du pays exemplaire, souligne Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

Ce fut l’un des grands moments de l’éloquence reaganienne. Le 11 janvier 1989, le président républicain s’adresse à ses concitoyens pour la dernière fois depuis la Maison Blanche, où il achève son second mandat.

Revenant sur huit ans passés à la tête des Etats-Unis, Ronald Reagan fait un poignant éloge de la liberté, rend un ultime hommage à la démocratie et termine par une référence qui lui est familière, celle de la « ville qui brille sur la colline ». Cette lumière, c’est celle qu’imaginait le pèlerin John Winthrop en 1630, dans sa quête de l’Amérique idéale, à bord de l’embarcation qui le dirigeait vers ses rivages.

« Dans mon esprit, dit Ronald Reagan, c’était une ville haute et fière, (…) grouillant de gens de toutes sortes qui vivaient en harmonie et en paix, une ville avec des ports libres bruissant de commerce et de créativité. Et si elle devait avoir des murs, ces murs avaient des portes, et les portes étaient ouvertes à tous ceux qui avaient la volonté et le cœur d’y venir. » Cette ville, conclut-il tandis que la caméra zoome sur son visage ému, elle est toujours là, brillant de tous ses feux. « Elle reste un phare, un aimant pour tous ceux qui cherchent la liberté, pour tous les pèlerins des endroits perdus qui cinglent dans les ténèbres, vers leur foyer. »

C’était il y a trente ans et l’Amérique faisait parfois sourire, dans cette apparente naïveté qui pouvait aussi dissimuler une certaine dose d’hypocrisie mais allez, c’était si joliment emballé ! Lorsque le communisme rendit l’âme, quelques mois plus tard, Ronald Reagan n’était plus aux commandes ; il voulut bien en prendre sa part cependant, tant il avait célébré les valeurs qui triomphaient de cette guerre froide.

L’abandon des Kurdes de Syrie

Trente ans plus tard, la ville sur la colline ne brille plus et le mot « valeurs » a disparu du vocabulaire de la Maison Blanche. Le président des Etats-Unis ne fait plus ni rêver ni même sourire, il tweete « Bullshit » en lettres capitales et claque les portes de la cité.

Ses opposants sont des « traîtres », les journalistes « corrompus » et « falsificateurs ». Depuis une semaine, il a accroché un autre exploit à son tableau : l’abandon des combattants kurdes dont il s’était servi en Syrie, les amenant à conclure avec l’agresseur un pacte aux conséquences dramatiques. Au passage, Donald Trump abandonne aussi ses alliés français et britanniques, avec lesquels il n’a pas coordonné le départ des troupes américaines. Il cède la place aux Russes, renforce Damas et redonne de l’air à l’organisation Etat islamique (EI).

En l’espace de quelques jours, le locataire de la Maison Blanche a réduit à zéro la valeur de la parole de Washington. Il a montré qu’un engagement dont dépend la vie de centaines de milliers de personnes peut être rayé d’un tweet. « Ils nous ont fait confiance et nous avons trahi cette confiance, a confié au New York Times un officier américain qui avait travaillé aux côtés des Kurdes dans le nord de la Syrie. C’est une tache sur la conscience américaine. »

LES ETATS-UNIS N’ONT PAS SEULEMENT TRAHI LES KURDES, ILS ABANDONNENT TOUTE PRÉTENTION À LA MORALE ET À L’EXEMPLARITÉ, QUI FUT LEUR MARQUE DE FABRIQUE

Quels que soient les efforts de rétropédalage ou les manœuvres de rattrapage d’autres structures du pouvoir américain, on aurait tort de sous-estimer l’impact de cette volte-face : pour l’image des Etats-Unis, il y aura un avant et un après octobre 2019.

Comme il y a eu, réalise-t-on aujourd’hui, un avant et un après août 2013, lorsque le président Barack Obama a renoncé à mettre à exécution sa menace de punir Bachar Al-Assad, dont le recours à l’arme chimique était avéré. C’était la première étape du renoncement américain – mais, au moins, celui-ci tentait-il de sauver les apparences, derrière un habillage de procédures démocratiques.

Donald Trump, lui, n’a que faire des apparences et des procédures démocratiques. Avec lui, les Etats-Unis n’ont pas seulement trahi les Kurdes, ils abandonnent toute prétention à la morale et à l’exemplarité, qui fut leur marque de fabrique pendant la guerre froide et l’après-guerre froide. Même lorsque Nixon et Kissinger fomentaient leurs basses œuvres contre Salvador Allende au Chili, ils le faisaient, officiellement, au nom de la défense du monde libre contre le communisme international. Donald Trump, lui, pratique le cynisme à l’état pur : America First. Seul compte pour lui son électorat.

Une politique reniée aussi en Ukraine

La Syrie n’est pas le seul écueil sur lequel s’abîme l’Amérique. En Ukraine, en essayant de corrompre Volodymyr Zelensky, un jeune président élu, précisément, pour vaincre le fléau de la corruption, Donald Trump a discrédité la démocratie américaine.

Pendant trente ans, les administrations américaines successives se sont vues comme le porte-drapeau, devant l’Union européenne, du soutien aux transitions démocratiques et à l’Etat de droit dans le monde post-communiste. Cette politique est aujourd’hui reniée. Que dire aujourd’hui aux militants démocrates ukrainiens qui s’engagent, parfois au péril de leur vie, pour bâtir un Etat de droit et éradiquer la corruption, lorsque le président des Etats-Unis se comporte avec leur propre président comme un vulgaire oligarque ?

Quel exemple offrent à la nouvelle génération de hauts fonctionnaires de ce jeune pays le sort de l’ambassadrice américaine Marie Yovanovitch, rappelée prématurément à Washington sous de fausses accusations, ou la démission de l’envoyé spécial pour l’Ukraine Kurt Volker qui, au lieu de favoriser les efforts de paix avec la Russie, servait d’entremetteur à Rudy Giuliani, avocat de Donald Trump, pour de sordides manœuvres de politique intérieure américaine ?

Lundi 14 octobre à Hongkong, des manifestants pro-démocratie se sont rassemblés pour demander l’aide des Etats-Unis, au bout de quatre mois de mobilisation sans faille. « Président Trump, aidez-nous à libérer Hongkong », implorait une banderole. Ce monde-là n’est plus, mais ils l’ignorent encore.

6 octobre 2019

Deborah de Robertis

mama

J'aime deborah.de.robertis ..beaucoup d'hommes m'ont dit cette phrase « Je te vois pas MERE », comme si j'étais AMPUTEE avant même d'avoir essayé...des femmes m'ont dit « mais pourquoi tu veux tellement avoir un enfant » ?...Comme si ce DESIR exprimé naturellement sans detour collait pas avec mon image de féministe « EXTREMISTE » ou de

« PUTAIN » qui écarte sa CHATTE dans les lieux publics. Pourtant OUVRIR MON SEXE me paraît aussi naturel que donner la VIE. Ce regard patriarcal présent et invisible nous EVENTRE depuis les premières «VENUS anatomiques »...Je vous invite à aller VOIR de plus près le travail de ma chère amie l'artiste et théologienne @laurettemassant qui porte un regard féminin et Girardien sur cette division

ORIGINELLE. Merci à @staceykassandra pour cette puissante image de femme XBRUTALXBEAUX et sans detour.

24 septembre 2019

"Le “temps de cerveau disponible” des responsables politiques est occupé non par le climat, mais par la peur de la récession"

Par Dipak Dasgupta, Economiste, Jean-Charles Hourcade, Economiste

Les économistes du climat Dipak Dasgupta et Jean-Charles Hourcade plaident, dans une tribune au « Monde », pour la création d’un fonds mondial de garantie publique des investissements dans les projets bas carbone, afin de débloquer l’épargne en faveur de la transition énergétique

Dans un contexte d’augmentation des investissements en énergies fossiles et de rejet de l’accord de Paris par les Etats-Unis, l’Australie et le Brésil, le sommet Action climat, qui se tient aux Nations unies (ONU) lundi 23 septembre, risque d’être décevant et de renforcer le camp des sceptiques.

Ce risque résulte du fait que le « temps de cerveau disponible » des responsables politiques est occupé non par le climat, mais par la peur de la récession. On ne peut le conjurer qu’en faisant des politiques climatiques une alternative crédible à la tentation de relancer les économies par une création monétaire généreuse, par des baisses d’impôt sur les profits des entreprises et par diverses formes de protectionnisme.

Succomber à cette tentation ne ferait que renforcer la combinaison délétère entre une épargne surabondante et un manque d’investissement productif. Elle est l’effet d’un impératif exportateur qui a fini par déprimer la demande finale par le biais de la pression sur les salaires, d’un sous-investissement en infrastructures, de la frilosité d’entreprises soumises à la « dictature » de la valeur de l’action, et d’un affaiblissement de la protection sociale qui pousse à épargner.

Réduire les risques

Injecter des liquidités et baisser la fiscalité sur les profits sans corriger ces trois paramètres revient à faciliter le repli des épargnants vers l’immobilier et les produits spéculatifs et à encourager les stratégies de rachat de leurs actions par les entreprises, surtout en cas de turbulences créées par des jeux de mesures et contre-mesures protectionnistes. Cela revient à attendre la prochaine explosion des bulles spéculatives, qui retombera en définitive sur les comptes publics.

Or, les politiques climatiques ont tous les atouts pour éviter cette impasse : elles indiquent aux acteurs financiers où investir ; elles réaniment les marchés intérieurs dans des secteurs (énergie, transports, habitat) à grand pouvoir d’entraînement ; elles réduisent les fractures sociales ; elles amorcent des stratégies de développement endogènes et évitent ainsi les dangers de surenchères protectionnistes.

La clé est de réduire le risque des investissements bas carbone à travers des garanties d’Etat qui ne retombent sur le contribuable qu’en cas d’échec des projets et aggravent bien moins les déficits publics qu’une subvention. Cette clé peut libérer l’épargne des pays riches à démographie déclinante, alors que deux tiers des investissements doivent se faire dans des pays où l’épargne est soit insuffisante, soit placée en partie dans les pays riches pour des raisons de sécurité.

Pour ce faire, un groupe de pays du Nord devrait s’engager sur des montants de garanties publiques d’investissements bas carbone dans des pays du Sud, au sein d’une coalition réunie autour de règles communes :

N’aider que des projets conformes aux contributions nationales que les pays bénéficiaires ont déclaré à la convention climat ;

Faire sélectionner les projets par des autorités indépendantes selon des principes d’évaluation transparents ;

Calculer le montant des garanties sur la base d’une même valeur de la tonne d’émission évitée, valeur déterminée par l’objectif 2 °C et les bénéfices tirés de la réduction des émissions sur le plan du développement économique.

Mieux utiliser « l’argent des riches »

Les discussions sur une telle architecture peuvent s’ouvrir sans retard. Tout se jouera sur sa crédibilité, indispensable pour mobiliser des capitaux privés, encourager les coopérations entre banques de développement, renforcer le Fonds vert pour le climat et faire émerger des actifs bas carbone suffisamment sûrs pour être inclus à terme comme des réserves dans le calcul des ratios prudentiels des institutions financières. Une telle architecture pourrait alors aussi intégrer les producteurs d’énergies fossiles, puisqu’ils pourraient renoncer aux gisements non exploités pour réinvestir leurs rentes dans les équipements bas carbone.

Avec un effet levier de fonds publics sur le volume de projets similaire à celui du plan Juncker, 4 à 16 milliards d’euros par an de provisions de garanties pendant une première période de cinq ans (26 à 60 milliards en moyenne sur vingt ans) permettraient de combler le déficit de financement de la transition bas carbone dans les pays en développement, par le biais de l’apport de capitaux privés et les baisses de taux d’intérêt. Quant aux pays garants, ils amélioreraient leurs comptes publics par les revenus fiscaux de nos exportations dès que celles-ci atteindraient plus de 4 % de la valeur des projets (« A Climate Finance Initiative », Dipak Dasgupta, Jean-Charles Hourcade, Seyni Nafo, rapport au ministre de l’écologie et de la transition solidaire, avril 2019).

L’Europe pourrait s’unir autour d’une telle perspective et l’utiliser en interne comme relance budgétaire pour concrétiser les promesses de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur la neutralité carbone, ou celle de la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, d’intégrer « le changement climatique au sein des objectifs de la BCE ». L’Allemagne pourra la partager parce qu’une garantie n’est un pas un prêt et n’engendre pas mécaniquement une dette : elle est un engagement sous condition, et la création de liquidité à laquelle elle conduit est assise sur la création d’une richesse tangible.

Asservir ce que Keynes appelait « les esprits animaux de la finance » à la bataille pour le climat, c’est mieux utiliser « l’argent des riches » tant que le monde n’a pas retrouvé les voies d’un modèle de croissance inclusif pour faire reculer la récession qui menace, enclencher une réforme systémique d’une mondialisation en crise et, enfin, faire la preuve, contre les sceptiques, des gains réciproques de la coopération.

Dipak Dasgupta est membre du panel du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ancien membre de la direction du comité d’investissement du Fonds vert, ancien conseiller principal climat au ministère indien des finances.

Jean-Charles Hourcade est directeur de recherche au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired), membre du panel du GIEC.

Les auteurs précisent que ces réflexions n’engagent pas le GIEC.

23 septembre 2019

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