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Jours tranquilles à Paris
12 janvier 2018

Snowden, Deltour, Manning… Que deviennent les lanceurs d’alerte ?

Par Quentin Vasseur - Le Monde

La condamnation d’Antoine Deltour, à l’origine des LuxLeaks, a été annulée jeudi, mais son ex-collègue Raphaël Halet a été débouté. L’occasion de rappeler à quoi se sont exposés les citoyens qui ont révélé des documents confidentiels.

Antoine Deltour, à l’origine du scandale LuxLeaks a vu sa condamnation annulée jeudi 11 janvier par la Cour de cassation du Luxembourg. Ancien auditeur au sein du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC), le Français avait été condamné en première instance et en appel par la justice du pays pour avoir partagé en 2011 avec un journaliste de l’émission « Cash Investigation » le contenu de centaines d’accords fiscaux secrets entre l’administration luxembourgeoise et PwC, pour le compte de grandes multinationales.

Le second mis en cause, Raphaël Halet, ancien responsable de l’équipe qui scannait les documents chez PwC Luxembourg, a en revanche été débouté. La Cour de cassation a refusé de lui accorder le statut de lanceur d’alerte.

Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ?

Le terme de « lanceur d’alerte » apparaît pour la première fois dans Les Sombres Précurseurs de Francis Chateauraynaud et Didier Torny. Dans cet ouvrage paru en 1999, les deux sociologues décrivent le lanceur d’alerte comme un citoyen agissant pour le bien commun. Dans un entretien au quotidien La Croix, les chercheurs expliquaient en 2012 que « le lanceur d’alerte remplit une fonction universelle qui consiste à éviter que le pire ne se produise ».

Dans Les Sombres Précurseurs, ils citent parmi les lanceurs d’alerte français la journaliste Anne-Marie Casteret, à l’origine du scandale du sang contaminé en 1991, ou bien Henri Pézerat, le chercheur qui a alerté sur la toxicité de l’amiante dans les années 1970.

En anglais, on préfère utiliser le terme whistleblower (littéralement « celui qui souffle dans un sifflet ») que l’Office québécois de la langue française traduit par « dénonciateur ».

La loi Sapin II de lutte contre la corruption a créé un statut de lanceur d’alerte, protégé par une agence de prévention et de détection de la corruption. Placée sous l’autorité conjointe des ministères de la justice et des finances, elle pourra recueillir leurs renseignements de façon anonyme et prendra en charge leur protection ainsi que d’éventuels frais de justice.

De WikiLeaks à LuxLeaks, que sont devenus aujourd’hui certains lanceurs d’alerte qui se sont mis à dos les administrations ou entreprises qu’ils dénonçaient ?

Qu’a-t-il révélé ?

En juin 1971, cet ancien fonctionnaire américain a fourni 7 000 pages de documents ultrasecrets au New York Times. Il avait tenté, plus tôt, d’alerter plusieurs sénateurs sur les documents en sa possession. En exposant la face noire de l’intervention américaine au Vietnam, les « Pentagon Papers » ont nourri le débat sur ce conflit et contribué au retrait des troupes, deux ans plus tard.

Et ensuite ?

Après la publication des « Pentagon Papers », l’Etat américain a poursuivi Daniel Ellsberg pour vol, divulgation de secret d’Etat, conspiration et espionnage. Mais on apprend, au cours du procès, que les dossiers médicaux d’Ellsberg, utilisés à charge contre lui, ont été volés dans le cabinet de son psychiatre par les mêmes « plombiers » qui ont installé des caméras au siège du Parti démocrate en 1972 et déclenché le scandale du Watergate. Lorsque l’origine des preuves devient connue, les charges sont abandonnées.

Daniel Ellsberg est aujourd’hui considéré comme le précurseur des lanceurs d’alerte et a reçu différents prix : le Gandhi Peace Award en 1978, le Ridenhour Courage Prize en 2004 et le Right Livelihood Award, un prix Nobel alternatif, en 2006. En 2012, il a créé la Freedom of Press Foundation. Steven Spielberg s’est inspiré de son histoire dans le film Pentagon Papers (The Post, en version originale) – sorti le 22 décembre 2017 aux Etats-Unis et prévu en salles le 24 janvier en France.

Chelsea Manning, les secrets de la guerre d’Afghanistan

Qu’a-t-elle révélé ?

Chelsea Manning, née Bradley Manning, était analyste militaire dans l’armée américaine. Elle est à l’origine en 2010 de la fuite de centaine de milliers de documents confidentiels auprès de WikiLeaks – câbles diplomatiques, câbles du département d’Etat, documents militaires, dossiers de détenus à Guantanamo… Elle a transmis, par exemple, la vidéo d’une bavure militaire en Irak, où l’on voit un hélicoptère de combat américain abattre des civils en juillet 2007.

Et ensuite ?

Le 21 août 2013, l’ancienne analyste a été condamnée à trente-cinq ans de prison sur 20 des 22 chefs d’accusation qui pesaient contre elle. Elle est incarcérée à la prison militaire de Fort Leavenworth, où ses conditions de détention en isolement sont décriées.

Le lendemain du verdict, elle demande publiquement à être appelée Chelsea Manning et entreprend de changer d’identité. En février 2015, l’armée américaine l’autorise à suivre un traitement hormonal.

En prison, elle tente de se suicider à deux reprises, et une enquête des Nations unies dénonce le « traitement cruel, inhumain et dégradant » qu’elle subit. Peu avant de quitter la Maison Blanche, le président Obama commue sa peine, et Chelsea Manning est libérée le 17 mai 2017.

Edward Snowden, la surveillance de masse

Qu’a-t-il révélé ?

Consultant à la NSA en tant qu’administrateur système, Edward Snowden a eu accès aux activités de l’agence de renseignement américaine et les a copiées sur une clé USB.

A partir de décembre 2012, il contacte le journaliste Glenn Greenwald et la documentariste Laura Poitras, membres fondateurs de la Freedom of Press Foundation. Tous les trois se rencontrent à Hongkong en mai 2013 et les premiers articles de Glenn Greenwald paraissent à partir du 5 juin.

Ses révélations ont déclenché une prise de conscience mondiale en dévoilant les techniques employées par la NSA pour espionner les appels téléphoniques ou pour intercepter la majorité des communications mondiale. Le programme Prism, par exemple, permet à la NSA d’accéder aux données collectées par Google, Apple, Facebook ou Microsoft sur des utilisateurs spécifiques. Selon le gouvernement américain, ce transfert de données est indirect et nécessite l’autorisation de la Foreign Intelligence Surveillance Court.

Et ensuite ?

Edward Snowden est aujourd’hui recherché par les Etats-Unis et risque trente ans de prison. La justice américaine l’a inculpé pour espionnage en se fondant sur l’Espionage Act of 1917, une loi fédérale votée lors de la première guerre mondiale. L’utilisation de ce texte à l’encontre des lanceurs d’alerte (Daniel Ellsberg a également été poursuivi à ce titre en 1971) est vivement contestée par une partie de la gauche américaine.

Un mois après avoir trouvé refuge à l’aéroport de Moscou, l’Américain s’est vu octroyer un droit d’asile d’un an. Ce droit a été renouvelé le 1er août 2014 pour trois ans, puis en janvier 2017 pour deux ans de plus. Edward Snowden n’a pas bénéficié de la même grâce présidentielle que Chelsea Manning. L’ancien consultant reste bloqué en Russie, où il poursuit sa recherche d’un asile.

Stéphanie Gibaud, le démarchage illégal d’UBS

Qu’a-t-elle révélé ?

Stéphanie Gibaud a été responsable du marketing dans la banque UBS France de 1999 à 2008. En juin 2008, alors que la filiale française de la banque suisse est mise en examen pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et démarchage illicite de clients français, le bureau du directeur général d’UBS est perquisitionné.

Stéphanie Gibaud reçoit alors de sa supérieure hiérarchique l’ordre d’effacer de son disque dur les fichiers contenant le nom des clients et des chargés d’affaire liés aux soirées qu’elle organise. Cette liste, qui prouvait que des chargés d’affaire suisses démarchaient illégalement des clients en France, a été utilisée dans le cadre de l’enquête judiciaire ouverte en mars 2011 contre UBS.

Et ensuite ?

A la suite de son refus de supprimer la liste, l’employée d’UBS affirme avoir subi un harcèlement constant de la part de ses employeurs. UBS tente de la licencier en 2009, sans succès, puis porte plainte pour diffamation mais perd le procès. Elle est finalement licenciée en 2012, mais réussit à obtenir une condamnation de la banque UBS pour harcèlement en 2015. La banque suisse lui verse 30 000 euros d’amende.

Le 5 avril 2016, dans l’émission Cash Investigation sur les « Panama Papers », le ministre des finances Michel Sapin remercie l’ancienne directrice marketing, qui « a bien permis au gouvernement de récupérer beaucoup d’argent ». Mais l’émission présente Stéphanie Gibaud comme une femme qui ne trouve plus d’emploi, vit des minima sociaux et risque à tout moment d’être expulsée de son logement. En octobre 2017, elle publie La Traque des lanceurs d’alerte (Max Milo), recueil de témoignages en France et à l’étranger.

Hervé Falciani, les données d’évadés de la HSBC

Qu’a-t-il révélé ?

De 2001 à 2008, Hervé Falciani a travaillé dans la filiale suisse de HSBC en tant qu’ingénieur. C’est en 2006, alors qu’il est chargé de réorganiser la base de données de la banque, qu’il découvre que le système informatique tel qu’il est conçu favorise l’évasion fiscale.

Après avoir alerté ses supérieurs et proposé un autre système, en vain, Hervé Falciani rassemble des données pendant deux ans. En 2008, il fournit à la police judiciaire française une liste de 9 000 résidents fiscaux français évadés en Suisse, déclenchant l’affaire SwissLeaks.

Et ensuite ?

Les motivations d’Hervé Falciani restent floues et le terme de lanceur d’alerte fait débat. Le 28 novembre 2015, il est condamné par contumace à cinq ans de prison par la justice suisse, pour espionnage économique, vol de données et violation du secret bancaire. Hervé Falciani étant un ressortissant français domicilié en France, il ne peut être extradé vers la Suisse.

Antoine Deltour, les accords fiscaux du Luxembourg

Qu’a-t-il révélé ?

En 2010, Antoine Deltour travaillait comme auditeur dans la filiale luxembourgeoise du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) lorsqu’il a découvert des documents liés aux tax rulings, des accords fiscaux passés entre le Grand-Duché et des multinationales pour leur permettre de réduire leurs impôts par le biais de filiales. Il quitte le cabinet en emportant des documents, qu’il confie au journaliste français Edouard Perrin pour la réalisation d’un reportage de l’émission Cash Investigation, diffusé en mai 2012. Les documents ont par la suite été transmis, par une source inconnue, à l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), sis à Washington.

Une quarantaine de journaux, dont Le Monde, ont travaillé sur ces documents, constituant au total 28 000 pages d’accords fiscaux. L’enquête, parue le 5 novembre 2014, a été baptisée LuxLeaks.

Et ensuite ?

Antoine Deltour a été placé en garde à vue et inculpé le 12 décembre 2014 par la justice luxembourgeoise pour vol et blanchiment d’argent. A l’issue de son procès, il a été condamné en juin 2016 à douze mois de prison et 1 500 euros d’amende. Raphaël Halet, ancien responsable de l’équipe qui scannait les documents chez PwC Luxembourg, a aussi été condamné. Leur peine a été légèrement allégée en appel en mars 2017, et la condamnation du consultant français a été cassée en janvier 2018. Il doit toutefois être jugé en appel pour s’être approprié les documents de formation interne de PwC. Le journaliste Edouard Perrin, également inculpé pour vol domestique et blanchiment, a été relaxé.

L’affaire LuxLeaks a fragilisé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, qui était premier ministre luxembourgeois à l’époque des faits. Elle a aussi permis d’adopter une directive européenne imposant aux pays européens de s’échanger ces accords secrets à l’automne 2015, et Antoine Deltour a obtenu le prix du citoyen européen en 2015, décerné par le Parlement européen.

Quant au lanceur d’alerte à l’origine de la fuite des Panama Papers, seul le quotidien allemand Suddeütsche Zeitung connaît son identité.

Quentin Vasseur

Julian Assange obtient la nationalité équatorienne, mais pas le statut de diplomate. Le cofondateur de WikiLeaks, réfugié depuis 2012 dans l’ambassade équatorienne de Londres, a obtenu sa citoyenneté le 12 décembre. Quelques jours après l’avoir naturalisé, Quito avait demandé aux autorités britanniques d’« accréditer M. Assange en tant qu’agent diplomatique » membre de la délégation équatorienne au Royaume-Uni. Ce qui aurait pu lui permettre de bénéficier de l’immunité diplomatique et de sortir de l’ambassade sans être arrêté. Cette demande a été rejetée le 21 décembre.

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12 janvier 2018

Oprah Winfrey, miroir du désarroi démocrate

L'engouement suscité par la star illustre le flottement d'un parti désarçonné par la présidence Trump

Un juge de San Francisco a bloqué, mardi 9 janvier, l'abrogation par le président Donald Trump d'un programme protégeant les jeunes entrés illégalement aux Etats-Unis alors qu'ils étaient mineurs. Le magistrat, William Alsup, a estimé que l'abrogation reposait sur " une base juridique défectueuse ". L'administration Obama avait sanctuarisé le droit pour ces 690 000 jeunes en situation illégale d'étudier et de travailler aux Etats-Unis. M. Trump a dirigé mardi une réunion avec des parlementaires sur le sujet. Il se montre ouvert à un compromis si les démocrates acceptent un renforcement de la sécurité aux frontières, y compris la construction controversée d'un mur à la frontière avec le Mexique.

Il a suffi de quelques mots prononcés à l'occasion de la cérémonie des Golden Globes, à Beverly Hills (Los Angeles), dimanche 7 janvier, pour qu'Oprah Winfrey devienne en quelques heures une candidate potentielle à l'élection présidentielle de 2020. La formule, " Une aube nouvelle se profile à l'horizon ", renvoyait au succès de la campagne en cours contre les violences faites aux femmes.

Mais la conviction, la volonté et la force dégagées par cette incarnation familière du rêve américain, distinguée ce soir-là par un prix récompensant sa carrière d'actrice, ont dessiné une ambition plus grande. Elle a été disséquée tout au long de la journée de lundi sur les sites d'information et les chaînes de télévision, pendant que la principale -intéressée restait silencieuse.

L'emballement s'est prolongé mardi 9  janvier avec un commentaire de Donald Trump en marge d'une réunion de membres du Congrès, à la Maison Blanche. " Je la connais très bien ", a assuré le président, reçu souvent par Oprah Winfrey lorsqu'elle était une animatrice vedette. " Je l'aime bien (…) Je ne pense pas qu'elle sera candidate ",a-t-il ajouté, convaincu par ailleurs de l'emporter si elle se mettait d'aventure sur les rangs. La femme d'affaires devenue milliardaire, considérée comme proche du Parti démocrate, a pourtant exclu, en octobre 2017, toute incursion dans le domaine de la politique.

L'engouement qui s'est brutalement cristallisé sur son nom tient d'abord à l'absence, pour l'instant, d'une figure pouvant incarner une alternative au président sortant lors de la prochaine présidentielle. Electrisé par la rhétorique et les choix politiques de Donald Trump, le camp démocrate a pourtant regagné en vigueur après une défaite inattendue et traumatisante en  2016. En témoigne sa bonne tenue lors des élections survenues en novembre et en décembre  2017, en Virginie et en Alabama. En septembre, plus d'un an avant les élections de mi-mandat, un nombre record de candidats démocrates était déjà enregistré pour les élections au Congrès auprès de la Commission électorale fédérale, selon les chiffres du Campaign Finance Institute : 455, contre seulement 111 républicains.

Pas de chef de file incontesté

Le Parti démocrate ne dispose -cependant pas de chef de file -incontesté. Au point que l'ancien vice-président Jœ Biden, qui aura 78 ans au lendemain de l'élection de 2020, continue d'entretenir l'hypothèse d'une candidature. Le sénateur du Vermont Bernie -Sanders, 76 ans, n'a pas formellement écarté la sienne. " Il y a effectivement un vide qui avait déjà été constaté par le passé, notamment en  1992 et dont avait émergé Bill Clinton ", estime le chroniqueur du Washington Post E. J. Dionne.

Le précédent historique qu'a constitué l'élection d'un magnat de l'immobilier dépourvu de la moindre expérience gouvernementale explique également cet emballement pour une figure aussi charismatique. " L'émergence et la victoire de Trump ont remis en cause ce qui était considéré jusqu'alors comme les règles de la politique ", juge de son côté William Galston, ancien de l'administration Clinton, aujourd'hui à la Brookings Institution.

" En  2016, Donald Trump avait un récit à vendre, alors qu'Hillary Clinton défendait un programme, on a vu le résultat. Et il faut se souvenir qu'Obama lui-même avait été élu en  2008 alors qu'il ne disposait pas d'une grande expérience politique. " Donald Trump ayant apporté la preuve de l'effet létal de la notoriété, " certains démocrates en viennent à penser qu'il faut lutter contre le feu par le feu ", contre la notoriété par la notoriété, ajoute-t-il.

Etat de confusion

Aux côtés de candidats potentiels traditionnels, comme le -sénateur Cory Booker (New -Jersey), la sénatrice Kamala Harris (Californie), le gouverneur de Virginie, Terry McAuliffe, ou celui de l'Etat de New York, Andrew Cuomo, des noms reviennent -régulièrement qui renvoient à ce que représente Oprah Winfrey : la richesse, la célébrité et un -parcours singulier. Il s'agit -notamment de Mark Cuban, le milliardaire propriétaire, notamment, de l'équipe de basket des Mavericks de Dallas, et de Mark Zuckerberg, le créateur de Facebook, en dépit de l'hyperpuissance qu'incarne ce réseau social.

" Rien n'est pire pour une formation que de perdre une élection pour laquelle elle est donnée gagnante. C'est ce qui est arrivé aux démocrates en  2016, et ces derniers sont au même point qu'après la défaite de Michael Dukakis, en  1988 ", assure William Galston, en référence au candidat démocrate dont la campagne avait patiné après qu'il s'était dit opposé à la peine de mort même si son épouse était assassinée. " Il va falloir du temps avant qu'émergent un nom et une ligne politique. Les élections de mi-mandat ne sont traditionnellement pas propices à cela, car elles produisent naturellement une grande fragmentation ", poursuit-il.

Face à cette période de confusion appelée à perdurer, l'expression d'une conviction forte comme celle portée par Oprah Winfrey, dimanche soir, est donc une garantie de succès immédiat, sinon durable. Surtout sur un thème populaire comme celui lancé aux Etats-Unis contre le harcèlement sexuel et qui est considéré par certains, au sein du Parti démocrate, comme la clé d'un -retour à la Maison Blanche.

Il est probable que d'autres noms suscitent un emballement similaire au cours des mois à -venir, peut-être même jusqu'à la veille de l'ouverture de la campagne. Après avoir entretenu l'idée d'une candidature, Donald Trump avait pu se permettre d'attendre les toutes dernières semaines avant de se lancer dans la course à l'investiture répu-blicaine, fort de l'avantage que lui conférait précisément sa -notoriété. Article de Gilles Paris - Le Monde

11 janvier 2018

Oprah Winfrey

discours

11 janvier 2018

Féminisme : la « tribune de Deneuve » fait réagir au-delà des frontières

Par Stéphanie Le Bars, Washington, correspondance

Le texte signé par 100 personnalités françaises dénonçant les excès du mouvement #MeToo contre les agressions sexuelles alimente le débat dans la presse étrangère.

Aussi universelle que le mouvement #MeToo qu’elle entend critiquer, la tribune de cent femmes françaises publiée dans Le Monde, le 10 janvier, passionne la presse internationale. Depuis sa parution, elle est abondamment traduite et commentée à travers le monde.

Ce texte, défendant la « liberté » des hommes « d’importuner » les femmes et dénonçant un « féminisme qui prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité », y est parfois résumé à la naissance d’un mouvement « contre le puritanisme » mené par l’actrice Catherine Deneuve, signataire la plus célèbre à l’étranger.

Comme les journaux britanniques, The Telegraph ou The Guardian, beaucoup de médias soulignent au passage qu’elle est « surtout connue pour avoir joué le rôle d’une prostituée dans le film de Buñuel, Belle de jour, en 1967 » ; ils évoquent aussi ses critiques lors du lancement du mot-clé #MeToo, en octobre, dans la foulée des révélations sur le producteur américain Harvey Weinstein.

De même, le journal brésilien Folha de Sao Paulo, à l’unisson d’autres médias à travers le monde, rappelle la polémique qu’avait suscitée Mme Deneuve en mars, lorsqu’elle avait pris la défense du cinéaste Roman Polanski, accusé de viol sur mineur aux Etats-Unis depuis les années 1970. Mais le quotidien italien La Repubblica livre la réaction de la victime présumée de M. Polanski. Samantha Geimer, qui a depuis pardonné à son agresseur, apporte son soutien à la tribune française : « Je suis totalement d’accord avec Catherine Deneuve. Les femmes ont besoin d’égalité, de respect et de liberté sexuelle. Ce que nous obtenons par nous-mêmes (…). Pas en demandant à d’autres de nous protéger », écrit-elle sur Twitter.

Concomitance avec les Golden Globes

L’intérêt pour ce texte s’explique aussi par la concomitance de sa publication avec le soutien au mouvement #MeToo affiché lors de la remise des Golden Globes, dimanche 7, à Los Angeles, ainsi que le soulignent El Pais en Espagne ou le New York Times aux Etats-Unis. Au cours de cette soirée hollywoodienne, inspirées par la campagne Time’s up, plusieurs centaines d’actrices vêtues de noir ont témoigné de leur solidarité avec les femmes victimes d’agressions sexuelles.

L’une des figures de ce mouvement, Asia Argento, s’est empressée d’attaquer les signataires françaises sur Twitter : « Catherine Deneuve et d’autres femmes françaises racontent au monde comment leur misogynie intériorisée les a lobotomisées au point de non-retour. »

La radio publique américaine NPR évoque elle « le débat qui fait rage en France » après la publication de la tribune, tandis que de nombreux journaux font aussi état de la réponse qu’ont apportée à ce texte les associations féministes françaises.

Quant à la BBC, elle explique que la polémique met aux prises deux générations de féministes : les plus âgées « qui voient dans #MeToo une menace pour la libération sexuelle obtenue dans les années 1960 » et les plus jeunes pour qui « la lutte contre le harcèlement sexuel constitue la dernière étape dans le combat des droits de femmes ».

Sous le titre #moiaussi, le magazine allemand Der Spiegel profite de ces passes d’armes pour revenir longuement sur le « débat sur le sexisme » suscité en France depuis plusieurs mois par l’affaire Weinstein.

En Allemagne toujours, la Süddeutsche Zeitung propose une lecture plus nuancée de la polémique suscitée par la tribune française et se félicite que des femmes défendent un tel point de vue : « La contribution venue de France est importante pour faire en sorte que #MeToo ne soit pas perçu comme un mouvement unilatéral des femmes contre les hommes. » En conclusion de l’article, le journal propose même un sondage express : les critiques françaises envers #MeToo sont-elles légitimes ?

10 janvier 2018

Caroline De Haas et des militantes féministes répondent à la tribune publiée dans "Le Monde"

TRIBUNE. "Les porcs et leurs allié.e.s ont raison de s’inquiéter" : Caroline De Haas et des militantes féministes répondent à la tribune publiée dans "Le Monde"

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Une trentaine de personnalités et membres d'associations réagissent, mercredi 10 janvier, sur franceinfo, aux arguments du texte de 100 femmes défendant la "liberté d'importuner" des hommes après les mouvements "#balancetonporc" et "#Metoo".

Un texte qui ne passe pas. Mardi 9 janvier, 100 femmes ont signé une tribune publiée dans Le Monde où elles prennent la défense de la "liberté d'importuner", après ce qu'elles qualifient de "campagne de délation" visant des hommes accusés de harcèlement sexuel dans la foulée de l'affaire Weinstein. Un texte écrit par plusieurs auteures reconnues, parmi lesquelles Catherine Millet et Catherine Robbe-Grillet, et signé par des personnalités comme l'actrice Catherine Deneuve et la journaliste Elisabeth Lévy, qui défend, entre autres, la "liberté d'importuner" des dragueurs face "aux délations et mises en accusation publiques d'individus (...) mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels".

Cette tribune a fait réagir la militante féministe Caroline De Haas qui en a écrit une à son tour, cosignée par une trentaine de militantes et militant féministes, pour dénoncer ce qu’elle considère comme un "#Metoo, c’était bien, mais…".

A chaque fois que les droits des femmes progressent, que les consciences s'éveillent, les résistances apparaissent. En général, elles prennent la forme d’un "c’est vrai, certes, mais…".  Ce 9 janvier, nous avons eu droit à un "#Metoo, c’était bien, mais…". Pas vraiment de nouveauté dans les arguments employés. On retrouve ces derniers dans le texte publié dans Le Monde comme au boulot autour de la machine à café ou dans les repas de famille. Cette tribune, c’est un peu le collègue gênant ou l’oncle fatigant qui ne comprend pas ce qui est en train de se passer.

"On risquerait d’aller trop loin." Dès que l’égalité avance, même d’un demi-millimètre, de bonnes âmes nous alertent immédiatement sur le fait qu’on risquerait de tomber dans l’excès. L’excès, nous sommes en plein dedans. C’est celui du monde dans lequel nous vivons. En France, chaque jour, des centaines de milliers de femmes sont victimes de harcèlement. Des dizaines de milliers d’agressions sexuelles. Et des centaines de viols. Chaque jour. La caricature, elle est là.

"On ne peut plus rien dire." Comme si le fait que notre société tolère – un peu – moins qu’avant les propos sexistes, comme les propos racistes ou homophobes, était un problème. "Mince, c’était franchement mieux quand on pouvait traiter les femmes de salopes tranquilles, hein ?" Non. C’était moins bien. Le langage a une influence sur les comportements humains : accepter des insultes envers les femmes, c’est de fait autoriser les violences. La maîtrise de notre langage est le signe que notre société progresse.

"C’est du puritanisme." Faire passer les féministes pour des coincées, voire des mal-baisées : l’originalité des signataires de la tribune est... déconcertante. Les violences pèsent sur les femmes. Toutes. Elles pèsent sur nos esprits, nos corps, nos plaisirs et nos sexualités. Comment imaginer un seul instant une société libérée, dans laquelle les femmes disposent librement et pleinement de leur corps et de leur sexualité lorsque plus d’une sur deux déclare avoir déjà subi des violences sexuelles ?

"On ne peut plus draguer." Les signataires de la tribune mélangent délibérément un rapport de séduction, basé sur le respect et le plaisir, avec une violence. Tout mélanger, c’est bien pratique. Cela permet de tout mettre dans le même sac. Au fond, si le harcèlement ou l’agression sont de "la drague lourde", c’est que ce n’est pas si grave. Les signataires se trompent. Ce n’est pas une différence de degré entre la drague et le harcèlement mais une différence de nature. Les violences ne sont pas de la "séduction augmentée". D’un côté, on considère l’autre comme son égal.e, en respectant ses désirs, quels qu’ils soient. De l’autre, comme un objet à disposition, sans faire aucun cas de ses propres désirs ou de son consentement.

"C’est de la responsabilité des femmes." Les signataires de la tribune parlent de l’éducation à donner aux petites filles pour qu’elles ne se laissent pas intimider. Les femmes sont donc désignées comme responsables de ne pas être agressées. Quand est-ce qu’on posera la question de la responsabilité des hommes de ne pas violer ou agresser ? Quid de l’éducation des garçons ?

Les femmes sont des êtres humains. Comme les autres. Nous avons droit au respect. Nous avons le droit fondamental de ne pas être insultées, sifflées, agressées, violées. Nous avons le droit fondamental de vivre nos vies en sécurité. En France, aux Etats-Unis, au Sénégal, en Thaïlande ou au Brésil : ce n’est aujourd’hui pas le cas. Nulle part.

Les signataires de la tribune du Monde sont pour la plupart des récidivistes en matière de défense de pédocriminels ou d’apologie du viol. Elles utilisent une nouvelle fois leur visibilité médiatique pour banaliser les violences sexuelles. Elles méprisent de fait les millions de femmes qui subissent ou ont subi ces violences.

Caroline De Haas à franceinfo

Beaucoup d’entre elles sont souvent promptes à dénoncer le sexisme quand il émane des hommes des quartiers populaires. Mais la main au cul, quand elle est exercée par des hommes de leur milieu, relève selon elles du "droit d’importuner". Cette drôle d’ambivalence permettra d’apprécier leur attachement au féminisme dont elles se réclament.

Avec ce texte, elles essayent de refermer la chape de plomb que nous avons commencé à soulever. Elles n’y arriveront pas. Nous sommes des victimes de violences. Nous n’avons pas honte. Nous sommes debout. Fortes. Enthousiastes. Déterminées. Nous allons en finir avec les violences sexistes et sexuelles.

Les porcs et leurs allié.e.s s’inquiètent ? C’est normal. Leur vieux monde est en train de disparaître. Très lentement – trop lentement – mais inexorablement. Quelques réminiscences poussiéreuses n’y changeront rien, même publiées dans Le Monde.

Ont signé cette tribune : Adama Bah, militante afroféministe et antiraciste, Marie-Noëlle Bas, présidente des Chiennes de garde, Lauren Bastide, journaliste, Fatima Benomar, co-porte-parole des Effronté.es, Anaïs Bourdet, fondatrice de Paye ta Shnek, militante féministe, Sophie Busson, militante féministe, Marie Cervetti, directrice du FIT et militante féministe, Pauline Chabbert, militante féministe, Madeline Da Silva, militante féministe, Caroline De Haas, militante féministe, Basma Fadhloun, militante féministe, Giulia Foïs, journaliste, Clara Gonzales, militante féministe, Leila H., de Check tes privilèges, Clémence Helfter, militante féministe et syndicale, Carole Henrion, militante féministe, Anne-Charlotte Jelty, militante féministe, Andréa Lecat, militante féministe, Claire Ludwig, chargée de communication et militante féministe, Maeril, illustratrice et militante féministe

Chloé Marty, assistante sociale et féministe, Angela Muller, militante féministe, Selma Muzet Herrström, militante féministe, Michel Paques, militant féministe, Ndella Paye, militante afroféministe et antiraciste, Chloé Ponce-Voiron, militante féministe, metteuse en scène, réalisatrice et et comédienne, Claire Poursin, coprésidente des Effronté.es, Sophie Rambert, militante féministe, Noémie Renard, animatrice du site Antisexisme.net et militante féministe, Rose de Saint-Jean, militante féministe, Laure Salmona, cofondatrice du collectif Féministes contre le cyberharcèlement et militante féministe, Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie et militante féministe, Nicole Stefan, militante féministe, Mélanie Suhas, militante féministe, Monique Taureau, militante féministe, Clémentine Vagne, militante féministe, l’association En Avant Toute(s), l’association Stop harcèlement de rue.

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10 janvier 2018

Béni, vidi, vici

Robe décolletée, paupières dorées et barbe teinte, le tout surmonté d'un voile ou d'une cornette, les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence battent le pavé depuis 1979 avec un objectif : faire tomber les tabous. Partout dans le monde, ces nonnes un peu particulières "font le trottoir" pour répandre leurs paillettes, leur autodérision et leur ouverture d'esprit afin de lutter contre le sida, mais aussi et surtout pour une sexualité joyeuse et une éducation sexuelle digne de ce nom.

“Sous la très haute et très sainte bénédiction de nos saints protecteurs ; Saint-Latex, Saint-Fermidon, Saint-Gel-Aqueux, Sainte-Digue-Dentaire, Sainte-Seringue-À-Usage-Unique, prenez du plaisir à aller vers nos ouailles des bars et des rues !” Sur le trottoir de la rue des Archives, dans le Xe arrondissement de Paris, six bénévoles se font bénir avant de partir en maraude. Ce 21 octobre, la mission revient à Sœur Maria-Cullas et Novice Zora-des-Pâquerettes, ainsi qu’à Sœur Turlutecia, qui envoie des poignées de paillettes et des larges sourires. Une particularité devenue un rituel. Un samedi sur deux, les membres de l’association Solidarité Sida sont en effet accompagnés par de drôles de nonnes : les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. Ces sœurs ont pour particularité de porter la cornette (pour les sœurs) ou le voile (pour les novices), mais accessoirisé(e) d’une tenue et d’un maquillage extraordinaires, chacune s’étant façonné un personnage selon sa personnalité –“On est comme les arcs-en-ciel, y en n’a pas deux pareil !” Le pantalon noir à pattes d’éléphant de Sœur Maria-Culass, un sexagénaire à la barbe teinte en orange et aux paupières dorées qui fait partie de l’Ordre depuis six ans, moule ses longues jambes fines. Novice Zora-des-Pâquerettes porte, elle, une minijupe bleue, assortie à sa barbe et ses yeux et, comme ses comparses, a passé environ deux heures à se maquiller. Une extravagance qui étonne, voire qui choque, au service de leurs objectifs : libérer la parole et défendre les droits LGBT. Sans aucun tabou

Voilà près de 40 ans que les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence battent le pavé pour aller à la rencontre des autres. Au départ, pourtant, l’idée ressemblait surtout à un coup de tête. Un dimanche de Pâques 1979 à San Francisco, des amis artistes décident de faire un happening pour dénoncer le machisme ambiant envers la communauté gay. L’un d’entre eux se rappelle avoir gardé dans une vieille malle des costumes de religieuse. Ils investissent alors les lieux gays emblématiques de la ville, vêtus de leurs habits de nonne. Leur première apparition est un succès. Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence sont nées. Et le couvent de San Francisco s’inscrit comme la première association à organiser une soirée au profit de la lutte contre le sida.

“Un ordre pauvre, agnostique et dérisoire de folles radicales”

Depuis, cette association militante LGBT s’est déployée dans le monde entier. Au Royaume-Uni, en Colombie, en Uruguay, au Canada, en Allemagne, mais aussi en France. Aujourd’hui, l’Hexagone compte une soixantaine de sœurs réparties dans neuf couvents non religieux à Lille, Marseille, Poitiers, Paris… Tous ont gardé l’esprit originel de San Francisco : l’écoute et l’accueil. “Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence sont un ordre pauvre, agnostique et dérisoire de folles radicales qui promulgue la joie multiverselle et expie la honte culpabilisatrice”, répètent-elles comme une chansonnette à qui veut l’entendre.

“Act Up est une très bonne école, mais depuis les années 2000, le travail de cette asso est devenu un travail de fond, de connaissance des dossiers, de lobbying, avec beaucoup de réunions pour discuter de la virgule”

SŒUR ROSE

On est en contact direct avec les gens. Ce n’est pas juste de la théorie”, explique Sœur Rose-de-la-Foi-de-ta-Mère, membre du couvent parisien depuis onze ans. Éclats de rire, phrases d’accroche, démarche assumée… Ces bonnes sœurs savent comment investir la rue et lui communiquer leur joie de vivre. Une qualité qui en fait d’ailleurs un mouvement militant LGBT singulier au regard des plus traditionnels, comme Act Up. Plusieurs sœurs sont d’ailleurs passées par l’association de lutte contre le sida. Mais toutes ont fini par opter pour un militantisme différent. “C’est une très bonne école, mais depuis les années 2000, le travail de cette asso est devenu un travail de fond, de connaissance des dossiers, de lobbying, avec beaucoup de réunions pour discuter de la virgule, se souvient Sœur Rose. Et puis, j’ai connu les sœurs, avec qui on fait passer des messages dans la rue en filant des capotes, des câlins ou juste une oreille attentive.” Sur le terrain, pas question de se presser. Quand les sœurs sortent, elles se préparent à de longues heures d’échange. Une discussion sur la contraception peut vite amener à des confessions intimes. Sœur Rose se souvient de la Marche des Fiertés à Montréal : “Une dame est venue me voir et m’a raconté toute sa vie de but en blanc, notamment qu’elle avait été violée plusieurs fois. J’étais abasourdie, je ne lui avais rien demandé.”

La proximité avec le public est essentielle. Les sœurs se méfient toujours des grandes campagnes, un peu éloignées des intéressées et “souvent contre-productives”. Sœur Rose a en tête cette fois où Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, a autorisé la prophylaxie pré-exposition, plus connue sous le nom de PrEP : “Elle l’a utilisée comme un étendard sur les plateaux télé. À l’époque, elle parlait de cette pilule comme ‘plus efficace que la capote’, se remémore t-elle. Sauf que cela a créé une fausse idée comme quoi la capote n’était plus utile, surtout chez les plus jeunes. La PrEP est un outil complémentaire à la capote qui protège du sida mais pas des autres IST et qui s’inscrit à l’intérieur d’un parcours de prévention !”

L’humour : leur plus grande arme

Avec l’expérience, leur façon d’informer a évolué. “On a un peu arrêté de se présenter comme une association de lutte contre le sida mais plutôt pour une sexualité joyeuse et de l’éducation sexuelle. Il y a quelques années, on s’est rendu compte que lorsqu’on arrivait quelque part avec les capotes, les gens avaient l’impression de tout savoir sur le sida. On ne pouvait plus entrer dans une vraie discussion”, se rappelle Sœur Rose. Désormais, ces nonnes ouvrent la discussion en “parlant de cul”. Rue des Archives, Novice Zora-des-Pâquerettes aborde un jeune homme à la barbe parfaitement taillée : “Tu veux des capotes ? Internes ou externes ?” Un côté brut de décoffrage et une autodérision à toute épreuve qui permettent de dédramatiser la situation, l’humour entrant dans leur démarche aussi via les éléments constitutifs du catholicisme, évidemment. Malgré leur critique des dogmes religieux, elles aiment se définir comme des “bonnes sœurs”. “On est les petites sœurs de ceux qui se reconnaissent dans nos valeurs. C’est notre dénominateur commun.”

Mais militer, c’est aussi savoir se confronter aux opinions des autres. “Vous êtes des femmes à barbe ?” s’interroge naïvement un senior. Rires. Mais si certaines interventions sont parfois maladroites, d’autres sont réellement mal intentionnées. Sœur Rose s’est déjà fait agresser lors d’une marche des Fiertés à Paris. Sœur Maria-Cullas devant un bar gay. Une autre encore dans la Cour carrée du Louvre. Elles ont désormais établi un principe indiscutable : aucune sœur ne part seule en maraude.

Une association sans subventions

L’association vivant sans subventions –“On peut se payer le luxe de cette indépendance”–, les sœurs récoltent des dons lors de différents événements. Solidays, Fête de l’Huma, mais aussi enterrements, mariages ou baptêmes. Des cérémonies pendant lesquelles elles peuvent “faire la kekette” pour récolter un peu de sous. “Tout l’argent que l’on ramasse part en séjour de ressourcement”. Ces temps de repos sont la spécialité des sœurs françaises. Depuis 1993, une à deux fois par an, les nonnes emmènent une quinzaine de personnes séropositives et leurs proches à la mer, à la campagne, à la montagne… L’idée ? Les sortir d’un quotidien rythmé par les rendez- vous hospitaliers. “Ce n’est pas du tout un séjour médical, on n’est pas des infirmières et encore moins des chamans !” précise Sœur Rose. Pendant quelques jours, ces bonnes fées proposent des activités à leur image : des ateliers d’écriture, du chant ou des balades. Elles sont même régulièrement formées aux massages par des kinésithérapeutes. Avec le temps, elles ont su se remettre en question et s’adapter aux évolutions de leurs combats. Avec comme rêve ultime de “ne plus avoir de raison d’être”.

TEXTE ET PHOTOS : CHLOÉ JOUDRIER

Cet article est le fruit d’un partenariat avec le CFPJ, dont douze étudiants ont traité spécialement pour Society des sujets sur les thèmes suivants : "Révolution" et "En Marge !".

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10 janvier 2018

Des femmes libèrent une autre parole

Un collectif de plus de 100 femmes affirme son rejet du " puritanisme " apparu avec l'affaire Weinstein et d'un certain féminisme qui exprime une " haine des hommes "

Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n'est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste.

A la suite de l'affaire Weinstein a eu lieu une légitime prise de conscience des violences sexuelles exercées sur les femmes, notamment dans le cadre professionnel où certains hommes abusent de leur pouvoir. Elle était nécessaire. Mais cette libération de la parole se retourne aujourd'hui en son contraire : on nous intime de parler comme il faut, de taire ce qui fâche, et celles qui refusent de se plier à de telles injonctions sont regardées comme des traîtresses, des complices ! Or c'est là le propre du puritanisme que d'emprunter, au nom d'un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d'éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l'emprise de phallocrates démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie.

Délations et mises en accusation

De fait, #metoo a entraîné dans la presse et sur les réseaux sociaux une campagne de délations et de mises en accusation publiques d'individus qui, sans qu'on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels. Cette justice expéditive a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l'exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu'ils n'ont eu pour seul tort que d'avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses " intimes " lors d'un dîner professionnel ou d'avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l'attirance n'était pas réciproque. Cette fièvre à envoyer les " porcs " à l'abattoir, loin d'aider les femmes à s'autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d'une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les femmes sont des êtres " à part ", des enfants à visage d'adulte, réclamant d'être protégées. En face, les hommes sont sommés de battre leur coulpe et de dénicher, au fin fond de leur conscience rétrospective, un " comportement déplacé " qu'ils auraient pu avoir voici dix, vingt ou trente ans, et dont ils devraient se repentir. La confession publique, l'incursion de procureurs autoproclamés dans la sphère privée, voilà qui installe comme un climat de société totalitaire.

La vague purificatoire ne semble connaître aucune limite. Là, on censure un nu d'Egon Schiele sur une affiche ; ici, on appelle au retrait d'un tableau de Balthus d'un musée au motif qu'il serait une apologie de la pédophilie ; dans la confusion de l'homme et de l'œuvre, on demande l'interdiction de la rétrospective Roman Polanski à la Cinémathèque et on obtient le report de celle consacrée à Jean-Claude Brisseau. Une universitaire juge le film Blow-Up, de Michelangelo Antonioni, " misogyne " et " inacceptable ". A la lumière de ce révisionnisme, John Ford (La Prisonnière du désert) et même Nicolas Poussin (L'Enlèvement des Sabines) n'en mènent pas large. Déjà, des éditeurs -demandent à certaines d'entre nous de rendre nos personnages masculins moins " sexistes ", de parler de sexualité et d'amour avec moins de démesure ou encore de faire en sorte que les " traumatismes subis par les personnages féminins " soient rendus plus évidents ! Au bord du ridicule, un projet de loi en Suède veut imposer un consentement explicitement notifié à tout candidat à un rapport sexuel ! Encore un effort et deux adultes qui auront envie de coucher ensemble devront au préalable cocher via une " appli " de leur téléphone un document dans lequel les pratiques qu'ils acceptent et celles qu'ils refusent seront dûment listées.

Le philosophe Ruwen Ogien défendait une liberté d'offenser indispensable à la création artistique. De même, nous défendons une liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle. Nous sommes aujourd'hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle. Surtout, nous sommes conscientes que la personne humaine n'est pas monolithe : une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d'être l'objet sexuel d'un homme, sans être une " salope " ni une vile complice du patriarcat. Elle peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d'un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l'envisager comme l'expression d'une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement.

En tant que femmes, nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d'une haine des hommes et de la sexualité. Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d'importuner. Et nous considérons qu'il faut savoir répondre à cette liberté d'importuner autrement qu'en s'enfermant dans le rôle de la proie. Pour celles d'entre nous qui ont choisi d'avoir des enfants, nous estimons qu'il est plus judicieux d'élever nos filles de sorte qu'elles soient suffisamment informées et conscientes pour pouvoir vivre pleinement leur vie sans se laisser intimider ni culpabiliser. Les accidents qui peuvent toucher le corps d'une femme n'atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d'elle une victime perpétuelle. Car nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre liberté intérieure est inviolable. Et cette liberté que nous chérissons ne va pas sans risques ni sans responsabilités.

Collectif

7 janvier 2018

Porter du noir aux Golden Globes : un geste contre les violences sexuelles qui fait débat à Hollywood

L’initiative est venue du collectif Time’s Up, formé récemment par plus de 300 femmes actrices et agents d’Hollywood, pour lutter contre les abus sexuels après l’affaire Weinstein.

Pour protester contre les violences sexuelles et manifester leur solidarité face aux victimes de prédateurs sexuels à Hollywood, des actrices comme Jessica Chastain, Emma Stone ou Meryl Streep envisagent de ne revêtir que du noir à la cérémonie des Golden Globes, qui se tient à Los Angeles dimanche 7 janvier.

L’initiative est venue du collectif Time’s Up, formé récemment par plus de 300 femmes actrices et agents d’Hollywood, pour lutter contre les violences sexuelles dans ce milieu.

Les Golden Globes 2018, où seront attribuées des récompenses aux films et séries de l’année 2017 dans une cérémonie qui réunira de nombreuses célébrités, doivent être « un moment de solidarité, pas un défilé de mode », estime dans le New York Times l’actrice Eva Longoria. « Depuis des années, les femmes promeuvent ces événements avec leur glamour, leurs visages et leurs couleurs. Cette fois-ci, l’industrie ne peut pas attendre ça de nous », selon elle.

« Célébrer notre pouvoir »

L’initiative ne fait pas l’unanimité. « Chères actrices, s’il vous plaît, revêtez des couleurs vives pour célébrer notre pouvoir, pas du noir pour faire le deuil des prédateurs. Ils ne le méritent pas », a répondu la productrice Elisabeth Sereda.

« Dans un moment où les femmes se saisissent de leur autorité et élèvent la voix, le but est d’être vues et entendues », estime dans le Washington Post la journaliste Robin Givhan.

Jenny Cooney, membre de l’Association de la presse étrangère d’Hollywood (HFPA), qui organise les Golden Globes, demande aussi : « Pourquoi les femmes ne se tiennent pas fières et en couleurs vives pour montrer que nous ne serons pas piétinées ? ».

Rose McGowan, qui accuse le producteur Harvey Weinstein de viol, est encore plus critique : « Des actrices comme Meryl Streep, qui étaient très contentes de travailler pour le monstre [Harvey Weinstein], vont porter du noir aux Golden Globes pour protester silencieusement. VOTRE SILENCE EST LE PROBLÈME. Vous accepterez un faux prix, le souffle court, et rien ne changera. »

Des hommes souhaitent participer

Des vedettes masculines ont promis de se joindre à l’initiative en signe de solidarité, à l’instar de Dwayne « The Rock » Johnson… s’attirant les moqueries de ceux qui observent que le smoking noir est déjà la tenue privilégiée aux cérémonies hollywoodiennes.

La styliste Ilaria Urbinati, qui choisit la garde-robe de « The Rock », celle de Armie Hammer ou Liev Schreiber, a écrit sur Instagram : « Parce que tout le monde me demande… Oui, les hommes seront solidaires des femmes sur le mouvement tous en noir pour protester contre les violences sexuelles aux Golden Globes. »

Certains commentateurs recommandaient une épingle ou un ruban. Le styliste new-yorkais Michael Fisher, qui veille sur les tenues de Hugh Jackman, a lui aussi fait savoir que ses clients seraient en costumes sombres « avec des pochettes noires ».

« Je suis si inspirée par les hommes en noir aux Golden Globes, un événement où ils portent d’ordinaire des smokings noirs », « c’est dans la tradition des hommes de faire le moins d’efforts possible mais d’attendre des remerciements quand même », raillait ainsi Erin Gloria Ryan dans The Daily Beast.

Pendant ce temps-là, les affaires continuent d’émerger. Vendredi 5 janvier, quatre femmes ont déposé plainte au civil contre le réalisateur canadien Paul Haggis, accusé d’agressions sexuelles et de viol.

black

7 janvier 2018

ça c'est bien vrai !

dimanche martin

2 janvier 2018

Sandra Muller : « La blague lourdingue, cet argument qui excuse tout ! »

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Par Sandra Muller, Journaliste, directrice de la publication "La Lettre de l'audiovisuel"

Dans une tribune au « Monde », la journaliste à l’origine du hashtag #balancetonporc rappelle qu’une simple grivoiserie peut engendrer des traumatismes graves.

Le hashtag #balancetonporc est né sur un coup de colère, un vendredi 13 octobre, sur fond d’affaire Weinstein, producteur américain accusé par une centaine de femmes de conduites sexuelles inappropriées. Il était temps de dénoncer l’ambiance malsaine du monde du cinéma, de la télévision et des médias. Au cours d’une conversation avec une amie journaliste qui me relatait son expérience, je lâchais sur Twitter : « #balancetonporc ! Toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends. »

« Balance ton porc. » Je trouvais cette expression vulgaire. Au départ, elle décrivait le producteur Harvey Weinstein, sous le coup d’accusations différentes, du comportement irrespectueux au viol. A Cannes, on l’appelait « le porc ». Puis je me suis souvenue de paroles dégradantes que moi-même j’avais entendues. Au cours d’un festival qui se déroulait justement à Cannes, un directeur de chaîne m’assénait : « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. » Cette phrase était choquante, pathétique et très présomptueuse. J’ai décidé de donner le nom de mon agresseur verbal sur mon réseau afin de montrer l’exemple. Il fallait d’urgence arrêter ce genre de comportement.

A ma grande surprise, mon témoignage, au départ réservé à mes contacts dans les médias, s’est propagé à la vitesse de l’éclair et a atteint toutes les strates de la population. Le dimanche soir, je recevais plus de 60 000 messages. En deux mois, sur le #balancetonporc, 715 000 messages ont été publiés, 5 823 articles de presse partagés, et #metoo, lancé deux jours plus tard, a récolté plus de 4,5 millions de messages publics, selon la plate-forme de veille Visibrain. 12 millions, selon Facebook qui intègre les messages privés.

Ne pas confondre dénonciation et délation

Ici, aux Etats-Unis, où je vis, nous faisons la différence entre les victimes et les assaillants. La typologie des agressions est sans cesse rappelée : misconduct, assault, harassement, rape. Comportement déplacé, agression, harcèlement, viol. Pourtant, quelles que soient la typologie et la gravité, les effets sont dommageables. Aux Etats-Unis, chaque jour, un animateur télé, un danseur, un homme politique disparaît de la scène à la suite d’accusations. Les sanctions tombent comme un couperet. Un voleur pris la main dans le sac est filmé, son visage circule en boucle sur les chaînes locales, il est arrêté. Fin de l’histoire.

Cette culture de l’affichage ne choque personne aux Etats-Unis. Il n’en est pas de même en France, où les gens confondent dénonciation et délation. Dans le premier cas, il s’agit d’informer. Dans le second, de salir. La nuance est simple. L’islamologue Tariq Ramadan, en proie à des accusations de viol, le journaliste de la chaîne du Sénat Frédéric Haziza, soupçonné de comportements sexuels inappropriés répétés, attendent leur procès et sont présumés innocents. L’humoriste Tex vient d’être écarté d’une chaîne de télévision pour une blague de mauvais goût. La sentence paraît sévère. Comment peut-on mettre sur le même plan un prédateur sexuel présumé et un amateur de jeux de mots douteux ? Y a-t-il un niveau de gravité à ne pas dépasser ?

Oui, il existe une typologie de gravité et on ne peut jamais aller à l’encontre de la victime. Non, une blague douteuse ne visant personne n’est pas à mettre sur le même plan qu’une agression verbale ciblée, qu’un acte inconvenant ou un viol. Et la justice est là pour le rappeler. En revanche, du côté des victimes, des points communs existent : mémoire traumatique, déni, honte. Une agression, qu’elle soit verbale ou physique, reste une agression, quel que soit son niveau.

Honte, déni, volonté d’oubli

Afin de minimiser l’acte, l’entourage de mon bourreau a riposté sur Twitter en parlant de « blague lourdingue ». Finalement, c’était moi et mon manque d’humour, le problème ! Une agression verbale est une agression psychologique, un manque de respect reste un manque de respect. Le « Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme, je vais te faire jouir toute la nuit » a provoqué chez moi honte, déni, volonté d’oubli, faille spatio-temporelle : j’ai mis du temps à reconstituer le lieu et l’année où ces propos ont été tenus. Selon Anne-Laure Buffet, spécialiste des violences psychologiques, « la sidération est à l’origine d’un état de stress intense qui peut durer plusieurs heures, et va se manifester par cet état de sidération anxieuse. La verbalisation est souvent difficile, voire impossible. Elle pointe la honte ressentie ».

Je l’ai donc expérimentée. Il m’a fallu des années pour verbaliser. Le jour où j’ai réussi, j’ai créé un tsunami. Personne ne peut juger de l’impact psychologique d’une agression. Je me suis sentie doublement rabaissée : d’abord au rang de femme-objet, ensuite dans mon intégrité professionnelle. Il ne faut pas sous-estimer le verbe : derrière une simple grivoiserie se cachent parfois des actes plus graves.

LES COMPORTEMENTS INAPPROPRIÉS CONCERNENT TOUT LE MONDE : HOMMES, FEMMES, GAYS, LESBIENNES, TRANSGENRES

Aux Etats-Unis et au Canada, les bourreaux les plus lucides présentent des excuses publiques : du producteur Gilbert Rozon, du festival Juste pour rire, qui choisit Facebook, au sénateur Al Franken. Ces excuses sont essentielles dans le processus de pardon pour les victimes et constituent la moitié du chemin parcouru vers la reconstruction.

Pourtant, il est impératif que les hommes ne soient pas à leur tour victime d’une guerre des sexes ou jetés en pâture à la vindicte populaire et lapidaire sans éléments probants. D’autant que les comportements inappropriés concernent tout le monde : hommes, femmes, gays, lesbiennes, transgenres. Nous devons grandir et nous élever les uns avec les autres. Pas nous diviser. Le magazine américain Time vient d’attribuer le titre de « Personne de l’année » aux « briseurs de silence », nous toutes et tous dans notre diversité, de toutes religions et couleurs, militante féministe comme Tarana Burke, femmes de ménage, actrices hollywoodiennes et même des hommes. Cette formidable reconnaissance marque le début d’une nouvelle ère : celle de la parole libérée et de l’écoute. Il s’agit d’en faire bon usage et de ne pas balancer pour balancer.

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