Les tuk tuks et les vélotaxis qui se multiplient sur les sites touristiques parisiens souffrent d’une mauvaise réputation. Nous sommes allés vérifier si elle est justifiée.
Grégory Plesse
Depuis quelques années, on voit de plus en plus de tuk tuks et de vélotaxis à Paris. Profitant d’un vide juridique, de nombreux conducteurs ne parlent pas vraiment français ou anglais et pratiquent parfois des tarifs prohibitifs.
Le bleu du ciel inonde la place de la Concorde ce samedi tandis qu’un flot ininterrompu de touristes entre et sort du jardin des Tuileries. C’est ici que se trouve le « QG » des tuk tuks, dont les autorités estiment désormais le nombre à environ 400 à Paris.
Nous présentant comme un couple de touristes étrangers, nous optons pour un petit modèle, pour trois personnes, afin de rejoindre la tour Eiffel, en passant par le Louvre. Le chauffeur nous propose un tour d’une demi-heure, facturé 50 €. C’est cher, mais il nous précise que nous passerons également devant cinq ou six autres monuments, dont le « musée de Napoléon » (les Invalides).
50 € le tour mais sans aucune information
Côté sécurité et administration, le véhicule semble en règle. En montant dans le tuk tuk, un scooter diesel, on découvre des sièges équipés de ceintures et sur le pare-brise, une vignette d’assurance et même un certificat Crit’Air.
Le tour, en revanche, n’est pas au niveau du prix payé. Première déception, au lieu de continuer sur le boulevard des Capucines, qui nous permettrait de voir la Madeleine de plus près, mais aussi l’opéra Garnier puis de faire le tour de la place Vendôme, le chauffeur préfère couper par la rue du Faubourg Saint-Honoré, qui a quand même beaucoup moins d’intérêt. Idem pour les informations données sur le chemin concernant les monuments… Elles sont quasi inexistantes.
Le chauffeur est malgré tout attentionné. Il s’arrête là où c’est permis lorsque nous lui demandons pour faire des photos et… Pensant avoir affaire à des touristes étrangers, nous assure qu’il est Français, malgré un accent de l’Est à couper au couteau. A l’arrivée, l’addition est à régler en espèces et « non, désolé », il n’a pas de facture à nous remettre.
Dans les deux cas, paiement en espèce et pas de facture
Deuxième essai, nous prenons un vélotaxi qui stationne sur le pont d’Iéna. Il nous présente une plaquette tarifaire bien plus raisonnable… Jusqu’à ce qu’on se rende compte que les prix indiqués ne sont pas par trajet mais par personne. Après quelques secondes de discussion, il accepte presque instantanément de nous faire moitié prix, 20 € au lieu de 40 € par personne.
Souriant, l’homme emprunte dès qu’il y en a des pistes cyclables, sur lesquelles il est autorisé à circuler. Mais son niveau d’anglais et de français est tellement rudimentaire qu’il rend toute conversation impossible. Par ailleurs, son compteur affiche une vitesse souvent supérieure à 30 km/h, ce qui laisse supposer, tout comme le paquet de fils accrochés avec du scotch au cadre du vélo, que son véhicule est équipé d’un moteur trop puissant pour qu’il reste considéré comme un simple vélo, et donc qu’il n’est pas en règle. Nous payons là aussi la course en liquide et notre chauffeur éclate de rire lorsqu’on lui demande un reçu…
« La plupart ne sont pas inscrits au registre du commerce »
Une expérience qui ne surprend pas Elery, chauffeur français de la compagnie Paris Tuk Tuk, entreprise aillant pignon sur rue, auquel nous nous adressons ensuite. « La plupart ne sont pas inscrits au registre du commerce, aucun papier ni assurance. En cas d’accident, ils s’enfuient en laissant leur vélotaxi au milieu de la rue, déplore le conducteur. Ces pratiques « font du tort à toute la profession. D’ailleurs, depuis quelque temps, on bosse moins », regrette le jeune homme, conducteur de tuk-tuks depuis trois ans.
« Des filières mafieuses très actives »
Si les tuk tuks pullulent à Paris, c’est parce qu’il n’existe quasiment aucun cadre juridique à cette activité. La seule règle qui s’applique est celle des 250 watts : si l’assistance électrique est d’une puissance égale ou supérieure, le tricycle doit normalement respecter les obligations qui s’imposent alors : immatriculation, permis de conduire, carte professionnelle, port du casque… Ce qui se fait rarement malgré des moteurs gonflés bien au-delà des 250 watts.
« Les filières mafieuses sont très actives dans ce domaine d’activité », rappelle la mairie de Paris, qui pointe « du démarchage souvent agressif et un manque de transparence sur les prix ». Mais la loi sur les Mobilités (LOM) devrait assainir le secteur, en soumettant les tuk tuks à « des règles identiques aux professionnels du transport public particulier de personnes », espère la préfecture.