Allocution de Jacques Chirac
Mes chers compatriotes de métropole,
d'outre-mer, de l'étranger,
Ce soir, c'est avec au cœur l'amour et la fierté
de la France que je me présente devant vous.
La France est une Nation ardente et
indépendante. La France, c'est une Nation engagée pour la justice et pour la
paix. C'est une voix qui s'élève au-dessus des intérêts particuliers.
La France, mes chers compatriotes, je l'aime
passionnément. J'ai mis tout mon cœur, toute mon énergie, toute ma force, à son
service, à votre service. Servir la France, servir la paix, c'est l'engagement
de toute ma vie.
J'aurais voulu, bien sûr, bousculer davantage
les conservatismes et les égoïsmes, pour répondre plus vite aux difficultés que
connaissent certains d'entre vous. Mais je suis fier du travail que nous avons
accompli ensemble. Fier d'avoir restauré avec vous des valeurs républicaines
essentielles, comme le principe de laïcité. Fier d'avoir conduit des réformes
importantes, pour garantir nos retraites ou mieux aider les personnes âgées
dépendantes et les personnes handicapées. Fier d'avoir combattu sans relâche
l'insécurité et fait reculer la délinquance. Fier de voir les Françaises et les
Français engagés sur les chemins de l'innovation et de l'avenir. Fier surtout
d'avoir montré que, contre le chômage, il n'y avait pas de fatalité. Même s'il
faut aller beaucoup plus loin, le chômage est au plus bas depuis un quart de
siècle. La France tient son rang. La France affirme sa place dans le
monde.
Tout cela, c'est grâce à vous, grâce à votre
talent, grâce à votre créativité. Grâce aussi, et je le mesure bien, aux efforts
considérables que vous avez consentis.
Mes chers compatriotes,
Au terme du mandat
que vous m'avez confié, le moment sera venu pour moi de vous servir autrement.
Je ne solliciterai pas vos suffrages pour un nouveau mandat. D'une manière
différente, mais avec un enthousiasme intact et la même passion d'agir pour
vous, je continuerai à mener les combats qui sont les nôtres, les combats de
toute ma vie, pour la justice, pour le progrès, pour la paix, pour la grandeur
de la France.
S'agissant des échéances électorales, j'aurai
l'occasion d'exprimer mes choix personnels. Mais ce soir, et au nom de la
confiance que vous m'avez témoignée, je voudrais vous adresser plusieurs
messages.
D'abord, ne composez jamais avec
l'extrémisme, le racisme, l'antisémitisme ou le rejet de l'autre. Dans notre
histoire, l'extrémisme a déjà failli nous conduire à l'abîme. C'est un poison.
Il divise. Il pervertit, il détruit. Tout dans l'âme de la France dit non à
l'extrémisme.
Le vrai combat de la France, le beau combat
de la France, c'est celui de l'unité, c'est celui de la cohésion. Oui, nos
valeurs ont un sens ! Oui, la France est riche de sa diversité ! Oui, l'honneur
de la politique, c'est d'agir d'abord pour l'égalité des chances ! C'est de
permettre à chacun, à chaque jeune, d'avoir sa chance. Ce combat, malgré tous
les obstacles, et même si je mesure le chemin qui reste à parcourir, il est
désormais bien engagé. Il doit nous unir dans la durée. C'est l'une des clés de
notre avenir.
Mon deuxième message, c'est que vous devez
toujours croire en vous et en la France. Nous avons tant d'atouts. Nous ne
devons pas craindre les évolutions du monde. Ce nouveau monde, il faut le
prendre à bras-le-corps. Il faut continuer à y imprimer notre marque. Et il faut
le faire sans jamais brader notre modèle français. Ce modèle, il nous ressemble.
Et surtout il est profondément adapté au monde d'aujourd'hui, si nous savons le
moderniser en permanence.
Nous devons poursuivre résolument dans la
voie de la réforme, en faisant toujours le choix du travail, de l'innovation et
de l'esprit d'entreprise.
Mon troisième message c'est l'Europe.
Lors du référendum, vous avez exprimé vos
doutes, vos inquiétudes, vos attentes. Il est vital de poursuivre la
construction européenne. Les nationalismes qui ont fait tant de mal à notre
continent peuvent renaître à tout moment. Et ce n'est pas seuls que nous ferons
face aux bouleversements économiques du monde. La France doit affirmer
l'exigence d'une Europe puissance. D'une Europe politique. D'une Europe qui
garantisse notre modèle social. C'est notre avenir qui est en jeu. Portons
toujours cet idéal et cette volonté.
Mon quatrième message, c'est que la France
n'est pas un pays comme les autres. Elle a des responsabilités particulières,
héritées de son histoire et des valeurs universelles qu'elle a contribué à
forger. Ainsi, face au risque d'un choc des civilisations, face à la montée des
extrémismes notamment religieux, la France doit défendre la tolérance, le
dialogue et le respect entre les hommes et entre les cultures. L'enjeu : c'est
la paix, c'est la sécurité du monde.
De même, il serait immoral et dangereux de
laisser, sous l'effet d'un libéralisme sans frein, se creuser le fossé entre une
partie du monde de plus en plus riche et des milliards d'hommes, de femmes et
d'enfants abandonnés à la misère et au désespoir. Le devoir de la France, c'est
de peser de tout son poids pour que l'économie mondiale intègre la nécessité du
développement pour tous.
Enfin, il y a la révolution écologique qui
s'engage. Si nous ne parvenons pas à concilier les besoins de croissance de
l'humanité et la souffrance d'une planète à bout de souffle, nous courons à la
catastrophe. C'est une révolution dans nos esprits tout autant qu'à l'échelle
mondiale qu'il faut mener. Pour concevoir un nouveau mode de relation avec la
nature et inventer une autre croissance. Avec sa recherche, avec ses
entreprises, avec son agriculture, avec l'avance qu'elle a prise dans le
nucléaire et les choix résolus qu'elle a faits dans les énergies renouvelables,
la France a tous les atouts pour relever ce défi majeur du XXIe siècle.
Mes chers compatriotes,
Vous l'imaginez,
c'est avec beaucoup d'émotion que je m'adresse à vous ce soir. Pas un instant,
vous n'avez cessé d'habiter mon cœur et mon esprit. Pas une minute, je n'ai
cessé d'agir pour servir cette France magnifique. Cette France que j'aime autant
que je vous aime. Cette France riche de sa jeunesse, forte de son histoire, de
sa diversité, assoiffée de justice et d'envie d'agir. Cette France qui,
croyez-moi, n'a pas fini d'étonner le monde.
Vive la République ! Vive la France
!
Capture d'écran